• J'ai 8 ans et je m'appelle jean Rochefort

    "J'ai 8 ans et je m'appelle Jean Rochefort" de Adèle Fugère - Buchet-Chastel

     Présentation de l'éditeur :

    Le lendemain matin, je me suis levé. Je devais aller à l'école. Mais j'avais un truc qui me chatouillait au-dessus de la bouche. J'ai touché. Ca piquait un peu. Mais c'était doux aussi. Je suis allé dans la salle de bain. Je suis monté sur le rehausseur pour voir dans la glace. Et je me suis vu. Avec une moustache. J'ai souri. Je n'avais plus l'air de ce que j'étais. Je me suis dit : "Jean, ça te va bien."
    Rosalie Pierredoux, 8 ans, sent toute la tristesse du monde peser sur ses épaules. Un matin, sans prévenir, Jean Rochefort et sa moustache vont changer son regard.

    Première page :

    Je m'appelle Rosalie. Rosalie Pierredoux. J'ai 8 ans. J'habite Saint-Lunaire. C'est en Bretagne. J'habite Saint-Lunaire avec mes parents. Ils sont cool, mes parents. Ils ne me grondent pas trop. Je suis en CE2. Mon école c'est l'école Grenier-Hussenot. C'est à Saint-Lunaire. Aussi. Je suis dans la classe de Jean-Pierre. Jean-Pierre, c'est mon maître. Il est « sensass » 1 Vous ne savez pas ce que ça veut dire « sensass »?

    Ça veut dire vachement bien. Cool. Comme mes parents. C'est un vieux mot que m'a appris mon papy. Je l'aime bien. Ce mot. Et mon papy aussi.

     Ce que j'en pense :

    C’est un petit livre agréable à lire. C’est un peu court, dans tous les sens du terme. Le sujet est intéressant mais, à mon avis, un peu vite survolé et la fin est assez prévisible. C’est un livre qui se lit très vite mais qui pourrait également s’oublier rapidement. Dommage, il y a une nouvelle plume qui est intéressante.

    J'ai 8 ans et je m'appelle jean Rochefort

     

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  • La femme à l'oreille cassée

    "La femme à l'oreille cassée" de Delphine Breteshé - Lanskine

    Présentation de l'éditeur :

    Quand Delphine Bretesché apprend que son cancer est reparti, elle décide  d’écrire. Elle nous livre alors un texte à la fois drôle et déchirant dans lequel elle raconte  ce qu’elle vit mais revient aussi sur les grands moments de son enfance et de sa vie.
    Elle décède du cancer le 23 décembre 2021.

    Extrait :

    – Oui c’est le docteur S. dermatologue est-ce qu’il vous est possible de passer cet après-midi ?
    – Ah non je suis un peu loin je suis à Montélimar pour un festival
    – Bon bon alors hmm je suis désolé je n’ai que ce créneau mais lundi matin 6H30
    – Heu
    – Avec votre mari
    – ?
    – Non, pas par téléphone au revoir madame. »

    Je m’asseois sur le lit j’appelle mon mari on est courageux il m’embrasse on raccroche. À table je me force je me lance dans des discussions je fatigue vite. Le poète qui lit le soir avant moi dépasse son temps de vingt-cinq minutes je lâche prise. Je prépare mes feuilles sur le pupitre je remercie le public je me branche sur eux et je lis Premiers de cordée.

    Ce que j'en pense :

    Il y a beaucoup de colère dans ce livre qu’il faut accepter tel qu’il est, dans sa forme entre autre (et cela peut paraître parfois un peu difficile d'accès). Ce texte c’est une bataille, avec rage et aussi beaucoup d’humanisme et d’émotion.

    La femme à l'oreille cassée

     

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  • Il reste la poussière

    "Il reste la poussière" de Sandrine Collette - Le livre de poche

    Présentation de l'éditeur :

    Patagonie. Dans la steppe balayée par des vents glacés, Rafael est le dernier enfant d’une fratrie de quatre garçons. Depuis toujours, il est martyrisé par ses frères aînés. Leur père a disparu. Leur mère ne dit rien, perpétuellement murée dans un silence hostile. Elle mène ses fils et son élevage de bétail d'une main inflexible, écrasant ses rejetons de son indifférence. Alors, incroyablement seul, Rafael se réfugie auprès de son cheval et de son chien. Dans ce monde qui meurt, où les petites fermes sont remplacées par d'immenses domaines, l'espoir semble hors de portée. Et pourtant, un jour, quelque chose va changer. Rafael parviendra-t-il à desserrer l'étau de terreur et de violence qui l'enchaîne à cette famille ?

    Première page :

    Prologue

    Patagonie argentine. La steppe

    Parce qu’il était le plus jeune, ses frères avaient pris l’habitude de le poursuivre à cheval autour de la maison, quand la mère ne les voyait pas. Dès que les jumeaux avaient eu assez de force pour l’attraper par le col et le soulever au galop de leurs criollos, c’était devenu leur passe-temps favori. Ils comptaient les points, à celui qui le traînerait jusqu’au coin de la grange, qui dépasserait les vieux bâtiments en bois gris – puis l’arbre mort, puis le bosquet de genêts – avant de le lâcher dans la poussière.

    Chaque fois, le petit les voyait venir. Il entendait leurs exclamations, bien fort exprès pour l’affoler, le bruit des chevaux qui s’élancent ; les fers caillassant le sol et se rapprochant à lui faire trembler le ventre, comme si la terre trépidait sous ses pieds, et sûr cela les amusait, eux les frères perchés en haut de leurs selles, avec leurs rires aigus qui couvraient le fracas des sabots.

    Il se figeait, un bras en l’air, ce bras qui tenait le bâton avec lequel il jouait à faire des vagues dans l’abreuvoir, et tant pis si l’eau était sale. Il s’immobilisait comme le font les mulots dans la steppe, lorsque le bruissement d’ailes des busards au dessus d’eux les alerte trop tard…

    Ce que j'en pense :

    C’est bien loin d’être le meilleur livre de l’autrice (quoiqu’en dise François Busnel !). Tout me parait assez factice, construit pour faire du noir très noir mais pour moi ça ne fonctionne pas. J’ai eu du mal à vivre dans ces paysages et à suivre les personnage. Tout cela manque de profondeur et de sincérité.

    Il reste la poussière

     

     

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  • Suzanne Griotte et le parc aux limaces

    "Suzanne Griotte et le parc aux limaces" de Thibault Bérard - Gallimard jeunesse

    Présentation de l'éditeur :

    La vieille Suzanne Griotte déteste tout le monde, surtout les enfants. Aussi, quand le diable lui propose de gagner la confiance d'Adèle Nectar, la plus adorable gamine du quartier, afin de lui prendre son âme, Suzanne se frotte les mains. Pour accomplir sa terrible mission, la voilà redevenue une fillette! Et cette Adèle, qui a pour seules amies une poignée de limaces apprivoisées devrait être facile à berner, non?

    Première page :

    Une fois n’est pas coutume, le héros de ce roman pour enfants, ou plutôt l’héroïne, ne sera pas un enfant. Ce sera une vieille dame, et même une très vieille dame. Et même une très,très vieille dame. Une très vieille dame qui, en plus d’être vieille, sera également très méchante. Oh, oui, atrocement méchante ! Nous l’appellerons, si tu veux bien, Suzanne Griotte. Quoi ?Tu as peur de t’ennuyer ? Tu te dis sans doute que les vieux, ça n’a rien de rigolo. Peut-être que tes grands-parents à toi, par exemple, ne font que ronfler toute la journée devant la télévision, enfoncés dans leur canapé en lâchant des pets que tout le monde fait semblant de ne pas entendre ?

    Ce que j'en pense :

    L’auteur interpelle souvent le lecteur (et les parents qui lisent par-dessus l’épaule !) en faisant des apartés pleins d’humour assez caustique. Ce livre est plein de pudeur, de tendresse… avec un côté légèrement diabolique ! Cette histoire d’amitié et de tolérance est également très bien écrite.

    Suzanne Griotte et le parc aux limaces

     

     

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  • Les abeilles grises

    "Les abeilles grises" de Andreï Kourkov - Liana Levi

    Présentation de l'éditeur :

    Dans un petit village abandonné de la «zone grise», coincé entre armée ukrainienne et séparatistes prorusses, vivent deux laissés-pour-compte: Sergueïtch et Pachka. Désormais seuls habitants de ce no man’s land, ces ennemis d’enfance sont obligés de coopérer pour ne pas sombrer, et cela malgré des points de vue divergents vis-à-vis du conflit. Aux conditions de vie rudimentaires s’ajoute la monotonie des journées d’hiver, animées, pour Sergueïtch, de rêves visionnaires et de souvenirs. Apiculteur dévoué, il croit au pouvoir bénéfique de ses abeilles qui autrefois attirait des clients venus de loin pour dormir sur ses ruches lors de séances d’«apithérapie». Le printemps venu, Sergueïtch décide de leur chercher un endroit plus calme. Ayant chargé ses six ruches sur la remorque de sa vieille Tchetviorka, le voilà qui part à l’aventure. Mais même au milieu des douces prairies fleuries de l’Ukraine de l’ouest et du silence des montagnes de Crimée, l’œil de Moscou reste grand ouvert...

    Première page :

    Le froid força Sergueï Sergueïtch à se lever vers trois heures du matin. Le poêle-cheminée bricolé de ses mains d'après un croquis relevé dans la revue Datcha bien-aimée, avec porte vitrée et deux plaques de cuisson circulaires, ne dispensait plus aucune chaleur. Les seaux de fer-blanc, posés à côté, étaient vides. L'obscurité régnant, il avait plongé la main dans le plus proche, et ses doigts n'avaient rencontré que des miettes de charbon.

    « D'accord ! » grogna-t-il d'une voix ensommeillée. Il enfila un pantalon, glissa ses pieds nus dans des pantoufles — de grosses bottes de feutre amputées de leur tige —, jeta une pelisse sur son dos et, empoignant les deux seaux, sortit de la maison.

    Il s'arrêta derrière la grange, devant le tas de charbon. D'un coup d'œil, il repéra la pelle — il faisait bien plus clair dehors que dedans. Les morceaux de houille tombèrent en pluie, heurtant le fond des seaux dans un grand fracas. Mais quand une première couche fut formée, le tintamarre s'éteignit, et leur chute devint presque silencieuse.

    Un coup de canon retentit quelque part au loin. Puis un autre une trentaine de secondes plus tard, mais comme provenant d'un autre côté.

    « Quoi, ils dorment pas, ces abrutis ? Ou c'est-il qu'ils ont décidé de se réchauffer ? » bougonna Sergueïtch, mécontent.

    Ce que j'en pense :

    On s’attache énormément à ce personnage original d’apiculteur. On est avec lui dans cette zone grise, parmi ses abeilles grises. On l’accompagne dans ses pérégrinations en Ukraine, en Crimée, alors qu’il est confronté à la bêtise des contrôles russes en particulier. On apprécie cet homme qui vit avec la nature d’une façon simple et qui fait confiance aux personnes rencontrées en tentant de faire face à l’absurdité de la guerre.

    Les abeilles grises

     

     

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  • Connemara

    "Connemara" de Nicolas Mathieu - Actes Sud

    Présentation de l'éditeur :

    Hélène a bientôt quarante ans. Elle est née dans une petite ville de l’Est de la France. Elle a fait de belles études, une carrière, deux filles et vit dans une maison d’architecte sur les hauteurs de Nancy. Elle a réalisé le programme des magazines et le rêve de son adolescence : se tirer, changer de milieu, réussir.
    Et pourtant le sentiment de gâchis est là, les années ont passé, tout a déçu.
    Christophe, lui, vient de dépasser la quarantaine. Il n’a jamais quitté ce bled où ils ont grandi avec Hélène. Il n’est plus si beau. Il a fait sa vie à petits pas, privilégiant les copains, la teuf, remettant au lendemain les grands efforts, les grandes décisions, l’âge des choix. Aujourd’hui, il vend de la bouffe pour chien, rêve de rejouer au hockey comme à seize ans, vit avec son père et son fils, une petite vie peinarde et indécise. On pourrait croire qu’il a tout raté.
    Et pourtant il croit dur comme fer que tout est encore possible.
    Connemara c’est cette histoire des comptes qu’on règle avec le passé et du travail aujourd’hui, entre PowerPoint et open space. C’est surtout le récit de ce tremblement au mitan de la vie, quand le décor est bien planté et que l’envie de tout refaire gronde en nous. Le récit d’un amour qui se cherche par-delà les distances dans un pays qui chante Sardou et va voter contre soi.

    Première page :

    La colère venait dès le réveil. Il lui suffisait pour se mettre en rogne de penser à ce qui l’attendait, toutes ces tâches à accomplir, tout ce temps qui lui ferait défaut.

    Hélène était pourtant une femme organisée. Elle dressait des listes, programmait ses semaines, portait dans sa tête, et dans son corps même, la durée d’une lessive, du bain de la petite, le temps qu’il fallait pour cuire des nouilles ou préparer la table du petit-déjeuner, amener les filles à l’école ou se laver les cheveux. Ses cheveux justement, qu’elle avait failli couper vingt fois pour gagner les deux heures de soins hebdomadaires qu’ils lui coûtaient, qu’elle avait sauvés pourtant, à vingt reprises, fallait-il qu’on lui prenne si loin, même ça, ses longs cheveux, un trésor depuis l’enfance ?

    Hélène en était pleine de ce temps compté, de ces bouts de quotidien qui composaient le casse-tête de sa vie. Par moments, elle repensait à son adolescence, les flemmes autorisées d’à quinze ans, les indolences du dimanche, et plus tard les lendemains de cuite à glander. Cette période engloutie qui avait tellement duré et semblait rétrospectivement si brève. Sa mère l’enguirlandait alors parce qu’elle passait des heures à s’étirer dans son lit au lieu de profiter du soleil dehors. À présent, le réveil sonnait à six heures tous les jours de la semaine et le week-end, tel un automate, elle se réveillait à six heures quand même.

    Elle avait parfois le sentiment que quelque chose lui avait été volé, qu’elle ne s’appartenait plus tout à fait.

    Ce que j'en pense :

    Complètement en accord avec les positions de Nicolas Mathieu sur l’évolution de nos sociétés, sur les cabinets de conseil, sur la France des délaissés… mais malheureusement cela manque d’énergie, de colère et parait plaqué artificiellement sur le récit. Je n’ai pas non plus réussi à avoir de l’empathie pour les personnages. Oui, il y a du sexe mais pas d’amour ni de tendresse. L’emploi de tous ces termes de « franglais » m’a agacé.  L’auteur sait écrire, c’est indéniable mais ça ne suffit pas pour faire un bon livre.

    Connemara

     

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  • Tout entière / Et le ciel est par terre

    "Tout entière Et le ciel est par terre" de Guillaume Poix - Éditions théâtrales

    Présentation de l'éditeur :

    On la croit Tout entière exposée dans ses autoportraits. Elle est en fait insaisissable, changeante, tour à tour monstre et merveille. L’auteur fait de Vivian Dorothy Maier une figure mythologique, hydre des temps modernes, dont certaines facettes nous sont encore très mystérieuses. Il tente d’apprivoiser  par la fiction cette photographe et nounou discrète, qui a du mal à se laisser tirer le portrait et pourrait bien retourner le viseur contre celle qui tente de l’enfermer dans une petite boîte noire… Dans ce face-à-soi, le monologue se dédouble et laisse entendre la voix de l’artiste dont les rafales de mots sont autant de clichés dangereux à développer.

    Avec Et le ciel est par terre, on est pris de vertige devant l’immensité du vide qui se creuse peu à peu entre les quatre membres d’une même famille — la mère, son fils et ses deux filles. Tandis que devant eux les tours de la cité sont détruites et tombent une à une, les secrets restent bien gardés, emmurés comme ceux qui les portent. Dans ce huis-clos où l’amour ne se vit plus qu’en luttant, on s’échappe par le déni, le silence — ou l’humour.

    Extrait :

    ça doit se passer comme ça

    vous avez arpenté la ville

    à l’affût

    vous étiez dans la rue toute la journée

    dans la rue comme les autres

    au milieu des gratte-ciel

    perchée sur les trottoirs

    passante anonyme

    et puis vous avez vu quelque chose

    vous avez repéré

    un truc

    alors soudain

    vous vous approchez

    du truc

    discrète parmi tous les autres qui continuent leur marche

    entrent dans une parfumerie traînent un chien jettent un mégot dans le

    caniveau regardent un jean en vitrine hèlent un taxi

    et au milieu des gens qui passent à toute allure

    vous vous figez

    vous vous placez

    vous êtes en poste maintenant

    et vous regardez

    il y a sûrement du vent

    dans les rues des grandes villes américaines je suis certaine qu’il y a du

    vent

    vos yeux doivent recevoir quelques mèches de vos cheveux

    ça ne vous trouble pas vous les remettez

    Ce que j'en pense :

    Ces deux pièces réunies dans le livre ont des univers très différents. La première, à partir de l’œuvre de Vivian Maier est une recherche de ce qu’est l’autre. En cherchant à connaître l’autre on est renvoyé à la quête de notre propre identité. La deuxième est assez dramatique puisqu’elle traite de disparitions, et parmi celles-ci il y a l’amour qui lui aussi s’est évanoui.

    L’écriture de Guillaume Poix est poétique mais aussi très directe et puissante. Deux belles pièces à lire et à voir.

    Tout entière / Et le ciel est par terre

     

     

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  • De Pitchik à Pitchouk

    "De Pitchik à Pitchouk" de Jean-Claude Grumberg - Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Vous est-il déjà arrivé un soir de réveillon de croiser le père Noël égaré dans votre propre cheminée ? Ou vous êtes-vous déjà endormi dans votre petit lit douillet et réveillé quelque part entre Pitchik et Pitchouk étoilé et numéroté ? Non ? Alors réjouissez-vous car ce conte est pour vous.
    Une très vieille personne – de mon âge, c’est tout dire – me confia sous le sceau du secret la recette de ce conte de Noël à déguster chaud ou froid, à Pâques ou à Roch Hachana, avec un thé citron ou un verre de vodka, seul ou avec la terre entière, à l’hosto ou chez soi près de sa cheminée Napoléon III : cueillir quelques brins de passé, de présent, de mémoire et d’oubli. Ajouter des rires d’enfants, plein la casserole, et des larmes à gogo, un père Noël standard avec sa mère Noël. Saupoudrer le tout d’un nuage de fleur d’oubli. Couvrez et laissez mijoter à feu doux. Pourquoi l’oubli ? Pour obliger la mémoire infidèle à se souvenir de ce qui fut et qui n’est plus, de ceux qui furent et disparurent.

    Première page :

    À Noël dernier, mes enfants, ils sont presque tous déjà grands-parents, sont passés me faire coucou avant de rejoindre leurs propres enfants qui donnaient une fête je ne sais plus où. Moi, je n'ai pas eu le cœur de me joindre à eux. Ils ne me l'ont du reste pas proposé. Je me suis donc retrouvée seule chez moi. Ne sachant pas quoi faire, j'ai décidé de regarder la télé, mais je n'y ai rien trouvé d'intéressant, pardon, rien qui m'intéresse. Depuis quelque temps je ne trouve rien d'intéressant, ni à la télé, ni ailleurs d'ailleurs. Bon, c'est comme ça, dit-on, quand on vieillit trop.

    Je me suis donc mise au lit, mais là je n'ai pas trouvé le sommeil. Où s'était- il donc caché ?

    Ce que j'en pense :

    C’est un joli conte (moins puissant que "La plus précieuse des marchandises") qui commence de façon assez loufoque mais qui se révèle souvent malicieux et intelligent. C’est à la fois tendre et triste. Même si cela peut paraître un peu décousu, tout s’imbrique admirablement jusqu’à la fin qui finira bien par arriver ! L’auteur ne croit plus au père Noël mais croit encore en l’amour.

    De Pitchik à Pitchouk

     

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  • Atmore Alabama

    "Atmore Alabama" de Alexandre Civico - Actes Sud actes noirs

    Présentation de l'éditeur :

    Lorsqu’il atterrit en Floride, il sait exactement où sa voiture de location doit le mener : Atmore, bourgade paumée au fin fond de l’Alabama. Il s’installe chez l’habitant, instaure un semblant de routine et rencontre une jeune Mexicaine désespérée. Un lien naît entre lui, l’étranger que l’on devine ravagé par la douleur, et cette fille à la dérive, noyée dans la drogue. Que vient chercher ce Français au royaume des rednecks, de l’ennui et des armes à feu ? Rien ne paraît l’intéresser sinon la prison, à l’écart de la ville, autour de laquelle il ne peut s’empêcher d’aller rôder…
    Ce roman de la chute, noir, dense, invoque dans un même surgissement le décor d’une Amérique qui s’est perdue et le saccage intérieur d’un homme qui ne sait plus comment vivre.

    Première page :

    Williams Station Day 7h45

    Le premier train du jour surgit du brouillard. Deux gros yeux jaunes, en colère, jaillissent soudain, éclairant le museau renfrogné de la locomotive qui tire derrière elle des dizaines de wagons et de containers. Wllliams Station Day, dernier samedi d'octobre. L'odeur de carton-pâte des petits matins froids. Une brume épaisse couvre la matinée comme un châle. A l'approche de la gare, le train pousse un mugissement de taureau à l'agonie. La foule assemblée là pour le voir passer lance un grand cri de joie, applaudit, se regarde applaudir, les gens se prennent à témoin, oui, le Williams Station Day a bien officiellement commencé. Je regarde Eve, ses yeux aux teintes orangées brillent d'un éclat enfantin. Certains wagons sont bariolés aux couleurs de l'événement, d'autres aux couleurs de la sainte Amérique. La ville d'Atmore fête sa fondation, cent ans plus tôt, autour de la voie ferrée, seule et unique raison de son existence. On célèbre aujourd'hui l'établissement d'une vague gare devenue une vague ville. Le serpent monstrueux traverse, raide, Atmore pendant un bon quart d'heure, un kilomètre au moins de wagons et de containers avance à une allure modérée, bruyamment, devant une population qui revient tous les ans se célébrer elle-même. L'air est encore frais.

    Ce que j'en pense :

    C’est une histoire pleine de tristesse et de désespoir et le style de l’auteur rend bien ce ressenti. C’est bien écrit (peut-être un peu trop bien !) la forme est intéressante mais on n’a pas beaucoup d’empathie pour les personnages. Ce livre est quand même assez original dans son genre.

    Atmore Alabama

     

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  • Six fourmis blanches

    "Six fourmis blanches" de Sandrine Collette - Le livre de poche

    Présentation de l'éditeur :

    Dans ces montagnes du nord de l’Albanie, le mal rôde toujours. Dressé sur un sommet aride et glacé, Matthias s’apprête pour la cérémonie du sacrifice. Très loin au-dessous de lui, le village entier retient son souffle. À des kilomètres de là, Lou et ses compagnons partent pour trois jours de trekking intense. Mais, égarés dans une effroyable tempête, terrifiés par la mort de l’un d’entre eux, ils vont devoir lutter pour survivre.

    Première page :

    Mathias

    Le mal suinte de ce pays comme l’eau des murs de nos maisons tout le long de l’hiver. Enraciné en nous, telle une sangsue fossilisée sur une pierre. C’est ce que disait mon grand- père, et avant lui son père, et le père de son père : depuis toujours ces montagnes sont maudites. Qui se souvient que quelque chose de beau y ait été conçu, s’y soit développé ? Que de contreparties à notre présence ici, que de compromis pour nous donner, parfois, le sentiment de bien vivre. Les vieux répètent à l’envi que les mauvais esprits ont choisi cet endroit pour venir mourir ; qu’ils y agonisent des années durant, crachant des imprécations sur nos roches et nos forêts malingres. Nous sommes de trop dans ces vallées ; nous en payons le prix fort. Nous aurions dû abandonner ces terres où nous n’avons jamais été les bienvenus. Si seulement nous étions raisonnables. Mais nous sommes faits de la même caillasse, refusant de céder une once de terrain, acharnés à faire pousser les tubercules qui nous permettent de tenir amaigris jusqu’au printemps suivant. Heureux d’un rien, aussi.

    — Nous observons stupéfaits les gens des villes étrangères investir notre région pendant les vacances.

    Ce que j'en pense :

    Le récit est très bien conduit même si on devine que ces deux histoires de Mathias et de Lou vont se croiser. L’autrice sait nous entraîner au cœur de catastrophes naturelles et elle nous tient en haleine de bout en bout. J’ai eu beaucoup d’empathie pour les trois personnages principaux qui sont parfaitement décrits. Le style est agréable et efficace. C’est un bon livre de Sandrine Collette mais tout à fait aussi fort que « On était des loups »

    Six fourmis blanches

     

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