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"L'Enragé" de Sorj Chalandon - Grasset
Présentation de l'éditeur :
« En 1977, alors que je travaillais àLibération, j’ai lu que le Centre d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé. Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Entre ses hauts murs, où avaient d’abord été détenus des Communards, ont été « rééduqués » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans.
Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés.Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel.
Je me suis glissé dans sa peau et c’est son histoire que je raconte. Celle d’un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d’un fauve né sans amour, d’un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues. » S.C.Première page :
La Teigne
11 octobre 1932
Tous sont tête basse, le nez dans leur écuelle à chien. Ils bouffent, ils lapent, ils saucent leur pâtée sans un bruit. Interdit à table, le bruit. Le réfectoire doit être silencieux.
— Silencieux, c’est compris ? a balancé Chautemps pour impressionner les nouveaux.
Sauf à la récréation, la moindre parole est punie.
Le surveillant-chef empêche même les regards.
— Je lis dans vos yeux, bandits.
Cet ancien sous-officier marche entre les tables, boudiné dans son uniforme bleu.
— J’y vois les sales tours que vous préparez.
Sa casquette de gardien au milieu de nos crânes rasés. Moysan, Trousselot, Carrier, L’Abeille, Petit Malo, même Soudars le caïd, tous ont la tête dans les épaules. Notre troupe de vauriens semble une armée vaincue.
— Vous êtes des vicieux !
Chautemps frappe une table avec sa coiffe à galons. Il s’est approché de moi.
— La Teigne, baisse les yeux !
Je soutiens son regard.
Ce que j'en pense :
«Enragé » comment ne pas l’être dans ces conditions abominables qu’on connues ces enfants à Belle Île (une île qui porte plutôt mal son nom dans cette histoire). L’écriture de Chalandon nous met au cœur de la rage éprouvée par Julien, on se dit que ce pourrait être aussi la rage de l’auteur ou la nôtre également devant ce monde actuel et ses injustices criantes (il suffit de regarder l’actualité). J’ai été emporté par ce roman, véritable coup au cœur.
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"Je ne suis pas malheureux" de Franz Bartelt - Le Dilettante
Présentation de l'éditeur :
Plume ubiquitaire et malin génie littéraire opérant, du polar à la féérie grinçante, dans tous les genre connus et inconnus, Franz Bartelt, dans la foulée du Léon Bloy de l’Exégèse des lieux communs, a inventé un genre : le fait divers ontologique, l’écrasé de chien métaphysique. Bref, la tranche de vie essentielle, en dix nouvelles qui, dans un style gouailleur et acéré, marquées d’un humour outre-noir, sondent les mystères du couple, les affres de l’amour et titillent en souriant la zone anxiogène : l’éros malade de l’homme contemporain.
Extrait :
Le mot que je cherchais
« Non, pas toi, Kenny, pas toi, dit-elle en déposant le sac de commissions sur le coin de la table au bout de laquelle Kenny hochait la tête.
– Eh si, Mégane ! Bien sûr que si ! Je ne sais pas s’il fallait que ça arrive, mais c’est arrivé.
– Tu es vraiment sûr ? insista-t-elle, consternée, tout en continuant à trier les commissions.
– On ne peut pas être plus sûr que je ne le suis. Si je te dis que je somatise, c’est que je somatise. Il m’a fallu du temps pour m’en rendre compte. Au début, je ne voulais pas l’admettre. Et puis, tu vois, je me suis fait une raison.
– Tu somatises, Kenny, jamais je n’aurais cru ça de toi ! »
Il la contemplait d’un air ennuyé. Elle confectionnait des tas : un tas pour ce qui devait être rangé au frigo, un tas pour ce qui allait dans le placard, un tas pour les fruits qu’elle empilerait dans la corbeille de faïence, au centre de la table.
Ce que j'en pense :
Bartelt fait partie de ces écrivains qui passent rarement dans les médias, et pourtant ! Il est reconnaissable dans la plupart de ses écrits avec son humour plutôt noir mais également farceur et narquois. Il a un don pour faire ressortir nos petites pensées quotidiennes et nos travers ordinaires. Tout cela dans un style à la fois simple et florissant. De nombreux passages sont à faire partager en lecture à voix haute (par exemple le début de "Après l'amour")
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"Solak" de Caroline Hinault - Le livre de poche
Présentation de l'éditeur :
Sur la presqu'île de Solak, au nord du cercle polaire, trois hommes cohabitent tant bien que mal : Grizzly, scientifique idéaliste qui effectue des observations climatologiques, Roq et Piotr, deux militaires au passé trouble, chargés de la surveillance du territoire et de son drapeau. Une tension s'installe lorsque arrive la recrue, un jeune soldat énigmatique aux allures de gamin, hélitreuillé juste avant l'hiver arctique et sa grande nuit. Sa présence muette, menaçante, exacerbe la violence latente qui existait au sein du trio. Peu à peu, il devient évident qu'un drame va se produire. Qui est véritablement le nouveau venu ? De quel côté frappera la tragédie ?...
Première page :
La lame s'enfonce dans la chair de l'abdomen comme un sexe d'homme dans un sexe de femme, c'est doux, ça glisse beurré dans les plis de l'autre, une caresse lente qui perce l'envers jusqu'à l'abîme offert où la colère tombe et implose.
La lame creuse en vrille lisse. Sa mèche fore un trou rouge d'où la révolte de tout temps, du premier jour, celle jamais éteinte avec son noyau noir qui lui roulait au ventre depuis l'obscurité originelle, qui souffletait dans tout son corps,fulminait et tapait de son pied de taureau aux narines dilatées ; la révolte qui gangrenait tout, empêchait tout, ne pouvait se dire, exulter, jouir pour mourir ; la révolte qui l'inondait quotidiennement d'une sève opaque et gluante et sur laquelle un couvercle de plomb appuyait comme sur un œuf de vautour qu'on empêcherait d'éclore ; la révolte qui grondait depuis des zones lointaines, profondes et incarnées ; la révolte au reflet d'œil sombre, qui était sienne et pas seulement, qui avait tout infecté, corrompu et dont la seule issue était la mort imminente ou le crime,…
Ce que j'en pense :
C’est un huis clos très intense, troublant et même assez pesant. On imagine bien les personnages dans cette immensité froide et blanche et on sait qu’ils ont tous des secrets, des fractures profondes. L’écriture de l’autrice nous restitue bien cette ambiance tendue, lourde et puissante sur la banquise immaculée ( ?).
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"L'épaisseur d'un cheveu" de Claire Berest - Albin Michel
Présentation de l'éditeur :
Etienne est correcteur dans l’édition. Avec sa femme Vive, délicieusement fantasque, ils forment depuis dix ans un couple solide et amoureux. Parisiens éclairés qui vont de vernissage en concert classique, ils sont l’un pour l’autre ce que chacun cherchait depuis longtemps.
Mais quelque chose va faire dérailler cette parfaite partition.
Ce sera aussi infime que l’épaisseur d’un cheveu, aussi violent qu’un cyclone qui ravage tout sur son passage.
Implacable trajectoire tragique, L’Épaisseur d’un cheveu ausculte notre part d’ombre. Claire Berest met en place un compte-à-rebours avec l’extrême précision qu’on lui connaît pour se livrer à la fascinante autopsie d’un homme en route vers la folie.
Première page :
Deux tables
Quand Étienne Lechevallier s'indigna à part lui que le serveur du Petit Brazil le reluquât encore une fois d'un drôle d'air, nous étions lundi dernier aux alentours de dix-sept heures trente ; Étienne avait comblé sa matinée de corrections sur le manuscrit d'un auteur dont il poussait au paroxysme la joie mauvaise de détester le travail, il avait avalé vers treize heures une omelette, debout dans sa cuisine, accompagnée d'un morceau de roquefort, et à l'heure du café il était parti pédalant en direction du Petit Brazil l'humeur joviale, car une seconde journée débutait pour lui, dévolue à son projet personnel qu'il jouissait encore de tenir en toute clandestinité, habillant l'escapade d'un charme secret ;
il était alors impossible d'imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Étienne tuerait sa femme.
Est-il désappointé, ce serveur, que je n'aie bu qu'un café en trois heures ? se demanda Étienne. …
Ce que j'en pense :
C’est un livre écrit par une femme et ayant le féminicide comme sujet, c’est donc délicat d’avoir une critique un peu négative de ce roman. 0n ne ressent bien sûr aucune sympathie pour le personnage principal. On voit bien que c’est un malade qui bascule dans une folie destructrice. On sent bien également les interrogations et les peurs de son épouse… mais j’avoue que je me suis un peu ennuyé à la lecture de ce roman (qui est pourtant assez court) et que je n’ai pas été touché par l’histoire.
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"Des diables et des saints" de Jean-Baptiste Andrea - L'iconoclaste collection Proche
Présentation de l'éditeur :
Qui prête attention à Joe ? Ses doigts agiles courent sur le clavier des pianos publics dans les gares. Il joue divinement Beethoven. Les voyageurs passent. Lui reste. Il attend quelqu'un, qui descendra d'un train, un jour peut-être. C'est une longue histoire. Elle a commencé il y a cinquante ans dans un orphelinat lugubre. On y croise des diables et des saints. Et une rose.
Première page :
Vous me connaissez. Un petit effort, souvenez-vous. Le vieux qui joue sur ces pianos publics, dans tous les lieux de passage. Le jeudi je fais Orly, le vendredi, Roissy. Le reste de la semaine, les gares, d'autres aéroports, n'importe où, tant qu'il y a des pianos. On me trouve souvent gare de Lyon, j'habite tout près. Vous m'avez entendu plus d'une fois.
Un jour, enfin. vous m'approchez. Si vous êtes un homme, vous ne dites rien. Vous faites semblant de nouer votre lacet, pour m'écouter un peu sans en avoir l'air. Si vous êtes une femme, je sursaute. C'est que j'en attends une, justement. Ce n'est pas vous, ne vous vexez pas. Je l'attends depuis cinquante ans.
Vous avez mille visages. Je me souviens de chacun, je n'oublie rien. Vous êtes cette fille aux matins blêmes rebondissant entre la ville et la banlieue. Vous êtes ce type en costume sombre dont je me rappelle avoir pensé : « Il doit faire l'amour avec un zèle de fonctionnaire »…
Ce que j'en pense :
C’est un bon roman, sur un sujet qui aurait pu être traité avec beaucoup de pathos, ce qui n’est pas le cas. Les personnages sont dans l’ensemble assez touchants mais certains paraissent un peu caricaturaux. La musique (de Beethoven en particulier) est bien présente dans le récit et apporte de belles respirations et aussi beaucoup d’humanité (avec le vieux professeur de piano).
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"Tenir sa langue" de Polina Panassenko - L'Olivier
Présentation de l'éditeur :
« Ce que je veux moi, c'est porter le prénom que j'ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur. »
Elle est née Polina, en France elle devient Pauline. Quelques lettres et tout change.
À son arrivée, enfant, à Saint-Étienne, au lendemain de la chute de l'URSS, elle se dédouble : Polina à la maison, Pauline à l'école. Vingt ans plus tard, elle vit à Montreuil. Elle a rendez-vous au tribunal de Bobigny pour tenter de récupérer son prénom.
Ce premier roman est construit autour d'une vie entre deux langues et deux pays. D'un côté, la Russie de l'enfance, celle de la datcha, de l'appartement communautaire où les générations se mélangent, celle des grands-parents inoubliables et de Tiotia Nina. De l'autre, la France, celle de la materneltchik, des mots qu'il faut conquérir et des Minikeums.
Drôle, tendre, frondeur, Tenir sa langue révèle une voix hors du commun.
Première page :
Mon audience a lieu au tribunal de Bobigny. Convocation à 9 heures. Je n'y suis jamais allée, je pars en avance. En descendant dans le métro, je tape Comment par- Ier à un juge ? dans la barre de recherche de mon téléphone. Après trois stations, je me demande s'il va vraiment falloir commencer chaque phrase par votre honneur, monsieur le président ou madame la juge. Je me demande si au tribunal ils font comme certains parents. Si on leur répond juste oui, ils disent oui qui ? Tant que tu n'as pas dit oui madame la juge, ils t'ignorent.
Arrivée au tribunal, j'attends mon avocate devant la salle d'audience. Des petits groupes anxieux s'agglutinent de part et d'autre de la porte. Une femme se de- mande à voix haute pourquoi certains avocats ont de la fourrure au bout de la cravate et d'autres non.
Ce que j'en pense :
Conformément au titre du livre l’autrice tient merveilleusement sa langue. C’est toujours très juste et rempli d’humour plutôt piquant. Elle met le doigt là où ça fait mal : que signifie « être intégré.e » dans une France qui a encore peur de ce qui est multiculturel. On a envie de lire à voix haute de nombreux passages pour vraiment les savourer
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"William" de Stéphanie Hochet - Rivages
Présentation de l'éditeur :
Que s’est-il passé dans la vie de William Shakespeare entre 1585 et 1592, de ses vingt et un à vingt-huit ans ? Personne ne le sait. Ce sont ces « années perdues » que Stéphanie Hochet se plaît ici à imaginer.
William, marié prématurément et père de trois enfants, étouffe dans le carcan familial. Il ne rêve que d’une chose : devenir acteur. Il se joint alors aux Comédiens de la Reine qui cherchent un remplaçant. Dans une Angleterre où sévit la peste, son sort bascule et sa vocation de dramaturge s’affirme. Ses rencontres avec le ténébreux Richard Burbage, qui lui inspirera le personnage de Richard III, et le fascinant Marlowe seront décisives. Elles dicteront son destin.
Avec un art subtil du portrait, l’autrice évoque aussi en écho les thématiques et les passages de sa propre vie qui justifient son attachement à la figure de Shakespeare : l’androgynie, l’emprise des aînés, le désir de fuite, l’idée du suicide… À travers cette forme inédite et moderne du roman d’apprentissage, Stéphanie Hochet confirme tout son talent de conteuse.Première page :
Personne chez les Shakespeare ne s'attendait à ce que l'aîné de la fratrie se marie à un âge aussi tendre que celui de dix-huit ans. Ce long garçon maigre de William qui ne semblait pas vouloir reprendre le commerce de gants de son père avait un air, une gaucherie d'écolier grandi trop vite. Le père et la mère du garçon avaient ouvert de grands yeux quand il avait annoncé son mariage avec une Anne Hathaway de vingt-six ans. Même si les Shakespeare appréciaient le père de la future épouse, cette nouvelle sonna comme un cataclysme. William agissait à l'inverse des mœurs de Stratford. Que comptait-il faire maintenant ? Travailler d'arrache-pied pour faire vivre cette femme et la petite âme qui attendait de naître dans les entrailles de sa promise ? Mais là résidait le problème : William ne savait ni ne voulait travailler.
Pour le jeune homme, le mariage était une source de joie et d'angoisse mêlées. Vivre avec celle qu'il aimait le remplissait d'allégresse, cependant il ne pouvait s'empêcher de penser au même moment que sa vie serait scellée avec cette union et que les fantasmes qui jusque-là l'avaient nourri d'un espoir fou en l'avenir seraient enterrés à l'image de ses sœurs nées avant lui qui reposaient sous terre, dans le silence de ses parents.
Ce que j'en pense :
C’est une biographie (partielle) imaginée par l’autrice. C’est sans doute une bonne idée d'essayer de "remplir" ces années oubliées dans la vie de Shakespeare. L’écriture de Stéphanie Hochet n’est pas désagréable et elle est très bien documentée sur cette fin du 16ème siècle en Angleterre. Les parallèles entre la vie de Shakespeare et l’enfance de l’autrice pourraient aussi être intéressants… mais, pour moi, il manque quelque chose dans ce livre car j’en suis resté un peu à la surface.
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"Qu'est-ce qu'un homme sans moustache ?" de Ante Tomic - Noir sur Blanc
Présentation de l'éditeur :
"Un homme sans moustache est un homme sans âme" , écrivait Confucius.
L'arrière-pays dalmate, son maquis, sa pierraille et son village, Smiljevo, avec ses deux mille habitants, son auberge, son église, son école primaire, son bureau de poste et ses deux épiceries. On y trouve une veuve joyeuse, un prêtre timide, alcoolique repenti, un épicier amateur de feuilletons mexicains, un général de l'armée croate, un émigré ayant fait fortune en Allemagne, un ivrogne, un poète haïku incompris, un ministre de la Défense et bien d'autres personnages hauts en couleur.
Tout au long de ce roman d'amour hilarant, on découvre une population archaïque, obtuse, amoureuse d'agneaux à la broche, mais excessivement touchante dans son humanité.
Ce premier roman d'Ante Tomic, douce satire de l'Église, de l'État et du machisme, aura lancé la carrière de l'auteur de Miracle à la Combe aux Aspics.Première page :
Chapitre 1
Dans lequel nous faisons la connaissance de cette charmante bourgade où les plus chan- ceux se grattent l'oreille avec une clé de Mercedes, et ceux qui le sont moins avec la tête rouge d'une allumette.
Que Smiljevo est charmant au mois de mai, lorsque l'ombre noueuse sous le clair de lune, comme un monstre biscornu devant la fenêtre, se transforme peu à peu en amandier à la première lueur du jour pointant derrière les collines bleutées ! Ou à midi, quand les cloches sonnent si fort qu'on a l'impression que le ciel du bon Dieu est fait de tôle, et que les paysans qui travaillent la terre se nourrissent d'œufs durs, d'oignons frais et de fromage, de lard et de saucisson étalés sur des linges de cuisine avec des fraises pour motifs. Peut-être est-il plus beau encore au crépuscule, lorsque les nuages empourprés s'épanchent sous l'effet d'un vent venu d'on ne sait où. Ou la nuit, quand le silence n'est troublé que par les grillons, les chiens et les ivrognes qui chantent, rient ou se disputent avec leurs femmes qui les ont quittés depuis belle lurette, se débattant pendant des heures dans le fossé où ils sont tombés ivres morts, pour finir par s'endormir puis se réveiller à huit heures, voire plus tard, couverts de rosée et de fourmis.
Le village est grand, deux mille âmes environ, et il ne désemplit pas. Du moins pas sensiblement. On y trouve une église et une école primaire….
Ce que j'en pense :
On retrouve bien sûr l’humour déjanté et la critique acerbe de certaines parties de la société croate. Mais ce premier roman parait moins abouti que le second « Miracle à la combe aux aspics ». Le récit va dans tous les sens et perd beaucoup d’intérêt. Au fil des pages, on finit par se lasser. Quand un premier livre est publié après le succès d'eun deuxième livre ce n'est pas souvent bon signe !
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"Brouillards" de Victor Guilbert - Hugo thriller
Présentation de l'éditeur :
Marcel Marchand, excentrique espion des services secrets français, est assassiné par des agents de la CIA dans l’immense réserve d’accessoires d’un célèbre théâtre de New York : le Edmond Theater. Avant de mourir, il a eu le temps de dissimuler, dans le fatras de décors et accessoires de scène, un mystérieux objet que la CIA comme la DGSE veulent récupérer.
Suspectant que l’identité de nombre de leurs agents est tombée entre les mains des renseignements américains à cause de cet espion décédé soupçonné de trahison, les services secrets français veulent envoyer un inconnu hors du circuit pour récupérer l’objet caché. Or, Marchand a eu le temps de griffonner un nom avant de pousser son dernier soupir : « Boloren ». Comme le nom de cet ancien flic, Hugo Boloren, qui s’ennuie dans sa formation de zythologue (« c’est comme œnologue mais pour la bière ») dans un petit village de montagne.
Le colonel Grosset, haut gradé de la DGSE et cousin de l’ancien commissaire d’Hugo Boloren, va donc le convaincre de partir à New York, de s’infiltrer dans le Edmond Theater, d’identifier et de récupérer l’objet caché. Et même si le colonel Grosset lui rappelle que sa mission se limite à retrouver l’objet caché et le rapporter en France, la petite bille qu’Hugo a dans la tête lui souffle de regarder plus loin. Alors qu’au milieu de ces brouillards, la tragédie rôde, prête à frapper Hugo Boloren de plein fouet.Première page :
Parce que courir avec une seule chaussure, ce n’était pas seulement un handicap de confort. Il y avait aussi que ses chaussettes, Marcel Marchand les faisait tricoter sur mesure par un petit tailleur de Chinatown, un type extra, comme aurait dit sa grand-mère qu’il avait tant aimée, un type qui savait tricoter des socquettes impeccables sans ces bourrelets de tissu qui venaient gâcher l’avant des chaussettes, ces coutures excroissantes qu’on tentait de déplacer, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas, pour se libérer les orteils d’une friction peu commode.
Les chaussettes ajustées par un couturier, c’était d’ailleurs l’unique luxe que Marcel Marchand s’accordait car le seul qui importait à ses yeux. Alors courir la chaussure gauche en moins sur les trottoirs new-yorkais et sacrifier par là même le fin tissage artisanal, c’était hors de question.
Marcel Marchand soupira. Dans ce petit café de la 20e Rue, rare recoin tranquille de l’inarrêtable Manhattan où il avait ses habitudes matinales, à savoir un macchiato au lait d’avoine et un cookie avec du gros sel sur le dessus, il aimait retirer le pied gauche de sa chaussure quelconque pour faire prendre l’air à sa chaussette élégante dans l’espoir inavoué qu’un regard s’égarerait sur cette coquetterie et la trouverait tout à fait remarquable.
Ce que j'en pense :
Polar intéressant surtout pour l’atmosphère des lieux où cela se déroule, pour les personnages originaux et assez excentriques et aussi pour l’humour de l’auteur. L’intrigue, par contre, n’est pas d’un grand intérêt et le final me parait d’un autre temps, vous savez, ce genre de livres où l’on rassemble tout le monde dans un même lieu pour enfin découvrir le coupable après beaucoup d’explications plus ou moins alambiquées.
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"Les terres animales" de Laurent Petitmangin - la manufacture de livre
Présentation de l'éditeur :
Il y avait là de petites villes avec leurs églises, quelques commerces, des champs, et au loin, la centrale. C’était un coin paisible entouré de montagnes et de forêts. Jusqu’à l’accident. Il a fallu évacuer, condamner la zone, fuir les radiations. Certains ont choisi de rester malgré tout. Trop de souvenirs les attachaient à ces lieux, ils n’auraient pas vraiment trouvé leur place ailleurs. Marc, Alessandro, Lorna, Sarah et Fred sont de ceux-là. Leur amitié leur permet de tenir bon, de se faire les témoins inutiles de ce désert humain à l’herbe grasse et à la terre empoisonnée. Rien ne devait les faire fléchir, les séparer. Il suffit pourtant d’une étincelle pour que renaisse la soif d’un avenir différent : un enfant bientôt sera parmi eux.
Première page :
Il faudrait dire le silence. Longtemps. Le silence qui éprend la crénelure des arbres. La fine dentelle de ceux-ci, bien détachée du ciel lavé, qui n’attend que le printemps pour s’enrichir et foisonner. Dans trois semaines, ces arbres seront magnifiques, débourrés d’un vert déjà strident ou encore tendre. Partout le renouveau. Partout un motif d’espoir. Pas ici.
Je marche, et je continue de me demander si je fais bien de poser mes pieds là, à cet endroit. Je cherche des traces de pas sur lesquels poser les miens, comme si c’était seulement miné. Comme si ça servait à quelque chose. Les pas d’avant n’ont pas tué la radioactivité, l’ont peut-être dispersée tout au plus, ça ne sert donc à rien…
Ce que j'en pense :
C’est une narration qui alterne le point de vue de Fred et celui de Sarah. Ils ont chacun leur langage. Il m’a fallu quelques pages pour que je m’habitue à celui de Fred. L’auteur sait nous faire pénétrer dans ce monde (presque) post-apocalyptique avec les 5 personnages principaux. C’est le deuxième livre à paraître en août (avec « Le jardin des oubliés ») qui me fait penser au « Mur invisible ». C’est aussi un roman qui nous questionne sur l’humanité actuelle et à venir.
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