• "Le café sans nom" de Robert Seethaler - Sabine Wespieser

    Présentation de l'éditeur :

    En cette année 1966, Robert Simon décide de prendre un nouveau départ, la trentaine venue. Employé journalier au marché des Carmélites, dans un faubourg populaire de Vienne, il réalise son vieux rêve et redonne vie au café laissé à l'abandon devant lequel il passe chaque jour. C'est avec sa coutumière attention aux détails que le grand écrivain Autrichien évoque les destinées modestes de ceux qui deviendront les habitués du Café sans nom.
    Depuis Le Tabac Tresniek (2014), Seethaler n'avait plus mis en scène sa ville natale : ses descriptions de Vienne renaissant de ses cendres vingt ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale ont ici une tendresse et une saveur particulières.

    Première page :

    Robert Simon quitta l’appartement dans lequel il vivait avec la veuve de guerre Martha Pohl, à quatre heures et demie, un lundi matin. C’était la fin de l’été 1966, Simon avait trente et un an. Il avait petitdéjeuné seul – deux oeufs, du pain beurré, du café noir. La veuve dormait encore. Il l’avait entendue ronfloter dans la chambre. Il aimait bien ce bruit, ça l’émouvait curieusement, et il jetait quelquefois un oeil par la porte entrebâillée, dans l’obscurité où palpitaient les narines grandes ouvertes de la vieille femme.

    Dehors le vent lui fouetta le visage. Quand il venait du sud, il charriait la puanteur du marché, un relent d’ordures et de fruits pourris, mais ce jour-là le vent venait de l’ouest, l’air était pur et frais. Simon longea le grand bloc gris des retraités du tramway, la tôlerie Schneeweis & fils, et une rangée de petites boutiques qui, toutes, à cette heure, étaient encore fermées. Il gagna la Leopoldsgasse par la Malzgasse, et après avoir traversé la Schiffamtsgasse, atteignit la petite Haidgasse. Au coin de la ruelle, il s’arrêta pour jeter un coup d’oeil à la salle de l’ancien café du marché. Il colla son front à la vitre et scruta l’intérieur en plissant les yeux.

    Ce que j'en pense :

    L’auteur sait nous montrer des gens très ordinaires avec beaucoup d’empathie et de tendresse. C’est teinté d’une légère mélancolie car on sait que lors de la prochaine décennie tout va changer dans ce quartier encore très populaire. A la lecture de ce roman débordant d’humanité j’étais transporté dans ce secteur de Vienne au cours des années 60, en compagnie de ces personnages attachants. Un beau roman.

    Le café sans nom

     

     

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  • L'homme peuplé

    "L'homme peuplé" de Franck Bouysse - Albin Michel

    Présentation de l'éditeur :

    Harry, romancier à la recherche d’un nouveau souffle, achète sur un coup de tête une ferme à l’écart d’un village perdu. C’est l’hiver. La neige et le silence recouvrent tout. Les conditions semblent idéales pour se remettre au travail. Mais Harry se sent vite épié, en proie à un malaise grandissant devant les événements étranges qui se produisent.

    Serait-ce lié à son énigmatique voisin, Caleb, guérisseur et sourcier ? Quel secret cachent les habitants du village ? Quelle blessure porte la discrète Sofia qui tient l’épicerie ? Quel terrible poids fait peser la mère de Caleb sur son fils ? Entre sourcier et sorcier, il n’y a qu’une infime différence.

    Première page :

    Caleb

    Le gras du ciel libère d’épais flocons qui nappent peu à peu la nature endormie. Perchée sur le rebord de la fenêtre, une mésange bleue, que l’on dirait ornée d’un loup de carnaval, observe son reflet. À moins qu’elle ne regarde l’être aux plumes ternes de l’autre côté de la vitre, menant à sa bouche sans bec une étrange brindille au bout incandescent d’où sort une pâle fumée. Une paire de pattes le fait tenir debout, et une autre lui sert à saisir des choses que l’oiseau ne sait pas nommer ; et d’une de ces choses, la plus terrifiante de toutes, il a même vu jaillir un éclair dans un bruit de tonnerre et aussitôt dégringoler un pigeon du haut d’un chêne. En revanche, la mésange n’a jamais vu de telles pattes soulever l’homme de terre pour l’emmener ailleurs.

    Caleb observe la mésange qu’ébouriffe la brise. Il envie l’oiseau, capable de demeurer un long moment immobile dans le froid, capable de le ramener à sa place en ce monde, quand lui vient le désir de s’en écarter…

    Ce que j'en pense :

    Jusque vers la moitié du livre on se dit que l’auteur nous entraine à nouveau dans son univers de paysans taiseux dans ses paysages de Corrèze et on a l’impression de retrouver les mêmes personnages que dans ses autres livres… Et puis petit à petit on se questionne et on peut aussi se sentir un peu perdu. La lecture parait plus difficile, déroutante, on ne sait plus où se situent le réel et l’imaginaire. Au final on se rend compte que c’est un très bon roman sur la création, l’imaginaire, sur l’écriture d’un roman.

    L'homme peuplé

     

     

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  • Toutes les vies d'Alice

    "Toutes les vies d'Alice" de Lucie Castel - Charleston

    Présentation de l'éditeur :

    « Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. » Telle est la devise de Sarah, qui s’est efforcée de construire sa vie en accord avec ce principe simple, à force de Post-it et de to-do lists. Mais dans ce mécanisme en apparence bien huilé se cache un grain de sable qui pourrait tout faire basculer…

    Le jour où elle apprend que sa soeur est hospitalisée dans un état catatonique, à peine quelques jours après lui avoir laissé un message énigmatique, Sarah se rend immédiatement à son chevet. En retrouvant Aigues-Mortes, la ville de leur enfance, qu’elle a fuie vingt ans auparavant, c’est comme si tout son passé refaisait surface. Les terreurs nocturnes qui l’assaillent et les ombres qui l’obsèdent sont plus présentes que jamais… mais c’est peut-être enfin l’occasion de les affronter pour trouver sa place à elle.

    Première page :

    Aigues-Mortes, 22 septembre 1987.

    Les cloches de l’église s’étaient tues. Aigues-Mortes ne portait jamais aussi bien son nom que les jours d’enterrement.

    Entre les remparts de la cité fortifiée, le malheur des uns frappait aussi les autres. Pendant un temps, tous les habitants portaient le deuil, tantôt avec sincérité tantôt avec hypocrisie, parfois un peu des deux.

    Catherine Louvier reposa sa nièce à terre. La petite n’avait que la peau sur les os, mais après l’avoir trimballée du cimetière jusqu’au magasin, le constat était clair : elle pesait une tonne.

    — Allez ma chérie, assieds-toi sur le banc, mémé Odette va ouvrir la porte.

    Catherine agita la main en direction de sa mère qui venait de les rejoindre. Odette eut l’air surprise.

    — C’est toi qui as les clés, précisa Catherine avec un léger agacement.

    — Pas du tout. Si je les avais prises, je m’en souviendrais.

    Ce que j'en pense :

    Le thème du livre tourne principalement autour des secrets de famille mais beaucoup d’autres sujets sont abordés et cela fait un peu beaucoup. J’ai été touché par le personnage des deux sœurs et par celui de l’adolescente mais j’ai trouvé l’histoire un peu « convenue » et le personnage de la mère à peine crédible.

    Toutes les vies d'Alice

     

     

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  • Tout ce qui manque

    "Tout ce qui manque" de Florent Oiseau - Allary éditions

    Présentation de l'éditeur :

    Roman de la rupture amoureuse, cahier du pays natal, Tout ce qui manque fait le point sur tout ce qui compte. À la manière d'un John Fante d'Intercités, Florent Oiseau ajoute à sa plume une pointe de mélancolie dont le sarcasme flegmatique émeut autant qu'il réjouit.

    " Le projet m'apparaissait évident, j'utiliserais le village pour tisser un décor, raconter une histoire en apparence inoffensive mais avec, cette fois, un but bien précis : dire entre les lignes tout ce que j'avais cru malin de taire. Ana, tu n'es pas juste une infirmière ; Ana, tu n'es pas une colocataire ; Ana, tu n'es pas une habitude, t'aimer est ma première certitude, l'avoir mal fait est la deuxième, vouloir écrire un livre pour inverser le cours de notre histoire est la dernière. "

    Première page :

    Dehors, chauffeurs de taxi et pigeons se partageaient le parvis, des cigarettes et des avis. Un brouillard âcre se pavanait partout. Dans le hall, un pianiste malhabile semblait découvrir son instrument, tandis qu'une file patiente dégoulinait devant l'enseigne Brioche dorée. Dans cette gare, il faisait toujours froid. J'ai pris un ersatz de café et un sandwich, Le Champêtre, cantal, jambon roquette, et toute la sécheresse de l'univers. Le café avait le goût des remords. Autour de moi, des créatures avec trop peu d'espace entre les yeux, calmes et frigorifiées, regardaient le tableau des départs en attendant de se voir indiquer leur quai. J'ai observé le panorama tout en avançant vers mon train. La fréquentation des gares, rendue obligatoire par mon travail, avait fait de moi une sorte d'anthropologue ferroviaire et mon constat était sans appel : les voyageurs les plus laids – au départ de Paris – transitent par Austerlitz.

    Ce que j'en pense :

     Incontestablement Florent Oiseau maitrise l'écriture. Ce livre est bourré de sensibilité mais aussi d'une certaine nonchalance. C'est parfois assez sarcastique et c'est peut-être ce qui pourrait rebuter certaines lectrices ou lecteurs. J'ai bien aimé les personnages de cette petite ville du Périgord, et le chien également.

    Tout ce qui manque

     

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  • Taormine

    "Taormine" de Yves Ravey - éditions de Minuit

    Présentation de l'éditeur :

    Un couple au bord de la séparation s’offre un séjour en Sicile pour se réconcilier.
    A quelques kilomètres de l’aéroport, sur un chemin de terre, leur voiture de location percute un objet non identifié. Le lendemain, ils décident de chercher un garage à Taormine pour réparer discrètement les dégâts.
    Une très mauvaise idée.

    Première page :

    Sorti de l’aéroport de Catane-Fontanarossa, j’ai engagé la voiture de louage dans le premier rond-point vers le nord, direction Taormine.

    L’idée que nous commencions nos vacances me réchauffait le cœur. De temps à autre, Luisa tournait les pages de son guide touristique de la Sicile. Ainsi j’oubliais nos derniers instants passés ensemble, proches de la séparation, car cela vaut la peine d’être retenu : après ces journées difficiles,nous avions besoin, l’un comme l’autre, de calme et de repos.

    Ce que j'en pense :

    A la façon minimaliste de Ravey, c’est l’histoire d’un homme très lâche qui pourrait être quelqu’un de très ordinaire. C’est noir, cynique et assez féroce. On n’a bien sûr, comme souvent chez l’auteur, presque aucune empathie pour les personnages. On pourrait considérer que ce texte est une fable sur notre égoïsme face aux migrants, mais ce n’est pas certain que chaque lecteur y trouve cette dimension. Ce n’est pas le meilleur livre de Yves Ravey.

    Taormine

     

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  • Toutes les femmes sauf une

    "Toutes les femmes sauf une" de Maria Pourchet - Pauvert

    Présentation de l'éditeur :

    Dans une maternité, une femme épuisée, sous perfusion. Elle vient d’accoucher d’une fille, Adèle, et contemple le berceau, entre amour, colère et désespoir. Quelque chose la terrifie au point de la tenir éveillée, de s’interdire tout repos : la loi de la reproduction. De génération en génération, les femmes de sa lignée transportent la blessure de leur condition dans une chaîne désolidarisée, sans merci, où chacune paye l’ardoise de la précédente. Elle le sait, elle en résulte, faite de l’histoire et de la douleur de ses aînées. Elle voudrait que ça s’arrête. Qu’Adèle soit neuve, libre.
    Alors comme on vide les armoires, comme on nettoie, elle raconte. Adressant à Adèle le récit de son enfance, elle explore la fabrique silencieuse de la haine de soi qui s’hérite aussi bien que les meubles et la vaisselle. Défiance du corps, diabolisation de la séduction, ravages discrets de la jalousie mère-fille… Elle offre à Adèle un portrait tourmenté de la condition féminine, où le tort fait aux femmes par les femmes apparaît dans sa violence ordinaire.
    Et c’est véritablement un cadeau. Car en mettant à nu, rouage après rouage, la mécanique de la transmission, elle pourrait parvenir à la détruire.

    Première page :

    Du plomb dans la tête

    Deux murs violets, disons mauves, deux murs gris, le reste en blanc. Un trépied à perfusion dit encore potence, les règles d'or de l'allaitement (quatre) et, sans aucun rapport, une affiche CGT « personnel de santé, défendez vos droits », le 1er mai. C'est passé. On m'étale sur un genre de toile cirée, entre deux éventrées de la veille. Les chambres particulières tu peux toujours demander mais c'est fonction des places, y'a pas de j'ai payé qui tienne. Ce n'est pas une toile cirée mais un drap, l'odeur c'est normal. À mes pieds, le berceau qu'il ne faut pas renverser, toi dedans, une étiquette dessus : Adèle. Je suis collante, évidée, plus près du fond que jamais. Je connais quelque chose comme la terreur d'un naufragé, et sa fatigue. Je cherche un truc, n'importe quoi, qui ressemblerait à qui je fus, la veille encore. Je n'aperçois ni mon visage, ni mon sac. Désormais la fin du monde commence à midi.

    Ce que j'en pense :

    Un livre sur la transmission, entre femmes, entre mères. Un livre où se déverse un trop plein de colère très liée à l’enfance de l’autrice. Cela pourrait donner un livre puissant mais ce n’est pas le cas. Il y a trop de haine, de méchanceté, de mépris pour sa mère mais aussi pour le personnel de la maternité. Cela devient lourd et très gênant.

    Toutes les femmes sauf une

     

     

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  • Pauvre folle

    "Pauvre folle" de Chloé Delaume - Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Dans toutes les histoires d’amour se rejouent les blessures de l’enfance : on guérit ou on creuse ses plaies.

    Pour comprendre la nature de sa relation avec Guillaume, Clotilde Mélisse observe les souvenirs qu’elle sort de sa tête, le temps d’un voyage en train direction Heidelberg. Tandis que par la fenêtre défilent des paysages de fin du monde, Clotilde revient sur les événements saillants de son existence. La découverte de la poésie dans la bibliothèque maternelle, le féminicide parental, l’adolescence et ses pulsions suicidaires, le diagnostic posé sur sa bipolarité. Sa rencontre, dix ans plus tôt, avec Guillaume, leur lien épistolaire qui tenait de l’addiction, l’implosion de leur idylle au contact du réel.

    Car Guillaume est revenu, et depuis dix-sept mois Clotilde perd la raison. Elle qui s’épanouissait au creux de son célibat voit son cœur et son âme ravagés par la résurgence de cet amour impossible. La décennie passée ne change en rien la donne : Guillaume est toujours gay, et qui plus est en couple. Aussi Clotilde espère, au gré des arrêts de gare, trouver une solution d’ici le terminus.

    Première page :

    Une femme dans un train

    La fin du monde n’a pas du tout la forme prévue. Derrière la vitre embuée, Clotilde observe la neige couvrir avril ; le train qui l’emporte traverse autant de forêts mortes que de prés empoissés par des ruisseaux boueux. Elle regarde le décor se déliter lentement, l’époque s’appelle Trop tard, chacun est au courant, alors elle se demande comment font toutes ces bouches pour prononcer encore sérieusement le mot Avenir. Le vent se cogne au carreau en charriant de l’eau sale ; les flocons sont grisâtres comme les cendres estivales qui saupoudrent les piscines pendant que les gens y nagent, entourés d’incendies. Ainsi, comme tous, Clotilde traverse l’épreuve : c’est dur d’admettre qu’elle vit et ne vivra plus qu’à l’aune du seuil franchi, au creux de la déchirure, que sa seconde partie de vie habite la fin du monde.

    Sentir la terre s’ouvrir, les semelles engluées dans le séisme final, Clotilde a toujours su que ça lui arriverait. Sûrement parce qu’elle est une sorcière, ou qu’elle est si autocentrée…

    Ce que j'en pense :

    C’est un roman qui parait très autobiographique. Je suis très partagé après avoir fermé le livre (car je suis allé au bout !). Il y a de magnifiques paragraphes avec des trouvailles en terme d’écriture et aussi beaucoup d’humour. Et puis d’autres paragraphes sont particulièrement pénibles et agaçants et on n’a absolument aucune empathie pour le personnage de Clotilde.

    Pauvre folle 

    Pauvre folle

     

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  • Le grand secours

    "Le grand secours" de Thomas B. Reverdy

    Présentation de l'éditeur :

    Il est 7 h 30, sur le pont de Bondy, au-dessus du canal. C’est un de ces lundis de janvier où l’on s’attend à ce qu’il neige, même si ce n’est plus arrivé depuis très longtemps. Sous l’autoroute A3 qui enjambe le paysage, un carrefour monstrueux, tentaculaire, sera bientôt le théâtre d’une altercation dont les conséquences vont enfler comme un orage, jusqu’à devenir une émeute capable de tout renverser. Nous la voyons grossir depuis le lycée voisin où nous suivons, au fil des cours et des récréations, la vie et le destin de Mo et de Sara, de leurs amis, mais aussi de Candice, la prof de théâtre, de ses collègues et de Paul, l’écrivain qu’elle a fait venir pour un atelier d’écriture.

    Tout au long de cette journée fatidique, chacun d’entre eux devra réinventer le sens de sa liberté, dans un ultime sursaut de vie.

    Première page :

    07:30

    Pont de Bondy

    Le canal à cette heure reflète les nuages de l’aube et file comme un trait d’argent, gris et sans éclat, sous le pont de Bondy et la rampe de l’autoroute A3 qui l’enjambe en s’envolant vers Roissy. Un peu plus loin s’alignent, le long de la nationale, les entrepôts et les magasins de marques qu’on reconnaît à leurs couleurs,jaune et rouge, rouge et blanc, jaune et bleu, et, sur l’autre rive, les usines de la cimenterie aux allures de carrière.

    C’est un de ces lundis de janvier où l’on s’attend à ce qu’il neige, même si ce n’est plus arrivé depuis des années.

    Accoudé à la balustrade du pont, Mo contemple en contrebas les rangées de tubes d’acier de diamètres variés du Comptoir général des fontes de Bobigny qui jouxte, en bordure du canal, le campement des Roms entouré de palissades, un bidonville de caravanes et de carcasses de voitures défoncées, de tuyaux de poêle bricolés en zinc, de tables en bobines de câbles, de toits de tôle et de cloisons de palettes, un village aux ruelles minuscules…

    Ce que j'en pense :

    C’est un excellent roman qui se déroule sur une seule journée et qui porte un regard documentaire sur un quartier et surtout sur le fonctionnement ordinaire d’un lycée. On pourrait presque lui reprocher ce côté un peu trop documentaire, mais son analyse est si juste et si minutieuse que ce reproche  est vite balayé. C’est aussi une belle ode à la littérature et aux ateliers d’écriture de poésie. Cette journée qui aurait pu basculer dans un vrai cauchemar laisse entrevoir quelque espoir. Et si "le grand secours" était la poésie ?

    Le grand secours

     

     

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  • La vie heureuse

    "La vie heureuse" de David Foenkinos - Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    "Jamais aucune époque n'a autant été marquée par le désir de changer de vie. Nous voulons tous, à un moment de notre existence, être un autre."

    Première page :

    1

    Éric Kherson appréhendait toujours de prendre l'avion. Il dormait en général assez mal la veille du voyage, se laissant dériver vers les pires scénarios possibles, imaginant tout ce qu'il laisserait derrière lui après sa mort violente dans un crash. Mais le désir d'ailleurs demeurait plus fort que la peur, dans ce combat incessant entre nos pulsions et nos frayeurs.

    2

    En tant que nouvelle directrice de cabinet du secrétaire d'État au Commerce extérieur, Amélie Mortiers était chargée de composer une équipe. Dès sa prise de fonctions, en mai 2017, elle avait pensé à Éric pour l'accompagner dans cette aventure. Ce choix plutôt insolite avait surpris son entourage. Elle aurait pu se laisser suggérer des profils aguerris par des chasseurs de têtes, mais non, elle avait préféré solliciter un camarade de lycée.

    Ce que j'en pense :

    Bien sûr l’auteur sait écrire et conduire un récit de façon à ce que les lectrices et lecteurs achètent le livre et le lisent en principe jusqu’à la fin ! Je suis donc allé jusqu’à la dernière page mais sans ressentir grand-chose ni pour l’histoire ni pour les personnages.

    La vie heureuse

     

     

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  • Du même bois

    "Du même bois" de Marion Fayolle - Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    « Les enfants, les bébés, ils les appellent les “petitous”. Et c’est vrai qu’ils sont des petits touts. Qu’ils sont un peu de leur mère, un peu de leur père, un peu des grands-parents, un peu de ceux qui sont morts, il y a si longtemps. Tout ce qu’ils leur ont transmis, caché, inventé. Tout.

    C’est pas toujours facile d’être un petit tout, d’avoir en soi autant d’histoires, autant de gens, de réussir à les faire taire pour inventer encore une petite chose à soi. »

    Dans une ferme, l’histoire se reproduit de génération en génération : on s’occupe des bêtes, on vit avec, celles qui sont dans l’étable et celles qui ruminent dans les têtes. Peintes sur le vif, à petites touches, les vies se dupliquent en dégradé face aux bêtes qui ont tout un paysage à pâturer.

    Marion Fayolle crée un monde saisissant dont la poésie brutale révèle ce qui s’imprime par les failles, par les blessures familiales, comme dans les creux des gravures en taille-douce.

    Première page :

    La ferme

    La bâtisse est tout en longueur, une habitation d’un côté, une de l’autre, et au milieu une étable. Le côté gauche pour les jeunes, ceux qui reprennent la ferme,le droit pour les vieux. On travaille, on s’épuise, et un jour, on glisse vers l’autre bout. C’est plus pratique, il y a une chambre au rez-de-chaussée, les escaliers sont moins raides, les pièces semblent disposées pour vieillir. Et puis, quand l’un meurt, le mari souvent, les enfants sont à l’autre bout, ça rassure, ça évite la solitude, ils regardent en passant s’il y a de la lumière, si les volets sont ouverts, si le linge est étendu, ils s’arrêtent en coup de vent pour mettre des bas à varices, recompter les cachets pour la tension et s’agacer un peu des oreilles qui ne les entendent plus. Et un jour, ils remarquent que c’est devenu dur de se lever la nuit pour les vêlages, que le corps fait mal. Ils le savent, bientôt, ça sera à leur tour d’aménager dans l’aile droite, d’occuper les pièces de la fin de vie. Mais tant qu’il reste la mémé, ça les rassure…

    Ce que j'en pense :

    J’aime beaucoup les BD de Marion Fayolle et leur univers très original à la fois  doux et rugueux mais toujours étonnant. Ce roman, très court, est pour moi un très beau coup de cœur qui montre l'originalité de l'autrice. Elle sait décrire le quotidien de cette ferme avec poésie mais sans cacher la rudesse de la vie paysanne. L’autrice nous fait découvrir ces personnages et leurs fantômes avec beaucoup d’émotion mais aussi avec une certaine distance. Ce livre déborde d’amour avec sobriété et pudeur.

    Du même bois

     

     

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