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L'Enragé
"L'Enragé" de Sorj Chalandon - Grasset
Présentation de l'éditeur :
« En 1977, alors que je travaillais àLibération, j’ai lu que le Centre d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé. Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Entre ses hauts murs, où avaient d’abord été détenus des Communards, ont été « rééduqués » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans.
Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés.Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel.
Je me suis glissé dans sa peau et c’est son histoire que je raconte. Celle d’un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d’un fauve né sans amour, d’un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues. » S.C.Première page :
La Teigne
11 octobre 1932
Tous sont tête basse, le nez dans leur écuelle à chien. Ils bouffent, ils lapent, ils saucent leur pâtée sans un bruit. Interdit à table, le bruit. Le réfectoire doit être silencieux.
— Silencieux, c’est compris ? a balancé Chautemps pour impressionner les nouveaux.
Sauf à la récréation, la moindre parole est punie.
Le surveillant-chef empêche même les regards.
— Je lis dans vos yeux, bandits.
Cet ancien sous-officier marche entre les tables, boudiné dans son uniforme bleu.
— J’y vois les sales tours que vous préparez.
Sa casquette de gardien au milieu de nos crânes rasés. Moysan, Trousselot, Carrier, L’Abeille, Petit Malo, même Soudars le caïd, tous ont la tête dans les épaules. Notre troupe de vauriens semble une armée vaincue.
— Vous êtes des vicieux !
Chautemps frappe une table avec sa coiffe à galons. Il s’est approché de moi.
— La Teigne, baisse les yeux !
Je soutiens son regard.
Ce que j'en pense :
«Enragé » comment ne pas l’être dans ces conditions abominables qu’on connues ces enfants à Belle Île (une île qui porte plutôt mal son nom dans cette histoire). L’écriture de Chalandon nous met au cœur de la rage éprouvée par Julien, on se dit que ce pourrait être aussi la rage de l’auteur ou la nôtre également devant ce monde actuel et ses injustices criantes (il suffit de regarder l’actualité). J’ai été emporté par ce roman, véritable coup au cœur.
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