• Sacrifices

    "Sacrifices" de Pierre Lemaitre
    Le livre de poche

    Présentation de l'éditeur :

    « Un événement est considéré comme décisif lorsqu'il désaxe complètement votre vie. Par exemple, trois décharges de fusil à pompe sur la femme que vous aimez. » Anne Forestier, la nouvelle compagne du commandant Verhoeven, est l’unique témoin d’un braquage dans une bijouterie des Champs-Elysées. Elle a été violemment tabassée et laissée pour morte. Atmosphère glaçante, écriture sèche, mécanique implacable : Pierre Lemaitre a imposé son style et son talent dans l'univers du thriller. Après Alex, il achève ici une trilogie autour du commandant Verhoeven, initiée avec Travail soigné. Par l’auteur de Au revoir là-haut, prix Goncourt 2013.

    Première page :

    "Un événement est considéré comme décisif lorsqu'il désaxe totalement votre vie. C'est ce que Camille Verhoeven a lu, quelques mois plus tôt, dans un article sur «L'accélération de l'histoire». Cet événement décisif, saisissant, inattendu, capable d'électriser votre système nerveux, vous le distinguez immédiatement de tous les autres accidents de l'existence parce qu'il est porteur d'une énergie, d'une densité spécifiques : dès qu'il survient, vous savez que ses conséquences vont avoir pour vous des proportions gigantesques, que ce qui vous arrive là est irréversible.
    Par exemple, trois décharges de fusil à pompe sur la femme que vous aimez.
    C'est ce qui va arriver à Camille.
    Et peu importe que ce jour-là vous vous rendiez, comme lui, à l'enterrement de votre meilleur ami et que vous ayez le sentiment d'avoir déjà votre dose pour la journée. Le destin n'est pas du genre à se contenter d'une pareille banalité, il est parfaitement capable, malgré cela, de se manifester sous la forme d'un tueur équipé d'un Mossberg 500 calibre 12 à canon scié.
    Reste à savoir maintenant comment vous allez réagir. C'est tout le problème."

    Ce que j'en pense :

    Thriller noir, violent, sans fioriture. L'intrigue est bien menée mais certains personnages manquent d'épaisseur et de crédibilité.

    Sacrifices 

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  • L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA

    "L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA"
    de Romain Puértolas - Le Dilettante

    Présentation de l'éditeur :

    Un voyage low-cost... dans une armoire Ikea ! Une aventure humaine incroyable aux quatre coins de l'Europe et dans la Libye post-Kadhafiste. Une histoire d'amour plus pétillante que le Coca-Cola, un éclat de rire à chaque page mais aussi le reflet d'une terrible réalité, le combat que mènent chaque jour les clandestins, ultimes aventuriers de notre siècle, sur le chemin des pays libres.

    Première page :

    "Le premier mot que prononça l'Indien Ajatashatru Lavash Patel en arrivant en France fut un mot suédois. Un comble !
    Ikea.
    Voilà ce qu'il prononça à mi-voix.
    Cela dit, il referma la porte de la vieille Mercedes rouge et patienta, les mains posées comme un enfant sage sur ses genoux soyeux.
    Le conducteur de taxi, qui n'était pas sûr d'avoir bien entendu, se retourna vers son client, ce qui eut pour effet de faire craquer les petites billes en bois de son couvre-siège.
    Il vit sur la banquette arrière de son véhicule un homme d'âge moyen, grand, sec et noueux comme un arbre, le visage mat et barré d'une gigantesque moustache. De petits trous, séquelles d'une acné virulente, parsemaient ses joues creuses. Il avait plusieurs anneaux dans les oreilles et sur les lèvres, comme s'il avait voulu refermer tout cela après usage à la manière d'une fermeture Éclair. Oh, le joli système ! pensa Gustave Palourde, qui vit là un fantastique remède contre les papotages incessants de sa femme."

    Ce que j'en pense :

    C'est dans la série des livres "amusants" (où presque tout est dans le titre!) qui se vendent bien actuellement, mais de là à qualifier ce livre de "hilarant" il y a un grand pas que je ne franchirai pas!

    L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire IKEA

    L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé...

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  • La mer

    "La mer" de Yôko Ogawa
    traduction Rose-Marie Makino - Babel

    Présentation de l'éditeur :

    Un enfant révèle l'existence d'un instrument de musique unique au monde.

    Dans un bureau de dactylographie, une employée s'attache à la portée symbolique des caractères de plomb de sa machine.
    Avec discrétion, un jeune garçon se mêle au groupe qui ce jour-là visite sa région. Dans l'autocar, un vieux monsieur très élégant s'intéresse à l'enfant. Cet homme est un ancien poète...
    Une petite fille devenue muette retrouve sa voix devant la féerie d'une envolée de poussins multicolores...
    Un recueil de nouvelles poétiques et tendres dans lequel le lecteur retrouve l'univers rêveur de Yoko Ogawa, cette proximité entre les différentes générations ; ces héritages spirituels soudainement transmis à un inconnu et ces êtres délicats qui libèrent les souvenirs effacés en offrant un coquillage, une aile de libellule, une mue de papillon...

    Première page :

    "La maison familiale d'Izumi était bien plus éloignée de l'aéroport que je ne le pensais. Après avoir été ballottés pendant plus d'une heure dans un autocar limousine, nous avons dû changer pour un autobus local, elle se trouvait un peu plus loin après que le bus eut longé, à la lenteur d'un escargot, une digue, des rizières puis une garnison des forces d'autodéfense:

    C'était notre première excursion à deux avec l'intention de passer une nuit à l'extérieur, mais malheureusement, on ne peut pas dire que ce fut un voyage romantique. En cours de route, elle a été victime du mal des transports et je n'ai pas cessé de lui frotter le dos, à tel point que ma main droite en était tout engourdie. A la fin, n'en pouvant plus, nous sommes descendus trois arrêts avant celui qui était prévu, et nous avons marché tous les deux sur la départementale en nous reposant de temps en temps."

    Ce que j'en pense :

    Une écriture simple, limpide; de belles histoires de rencontres avec leur poésie et leur mystère; une lecture qui apaise et repose.

    La mer La mer La merLa mer

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  • La grande vie

    "La grande vie" de Christian Bobin
    Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    "Les palais de la grande vie se dressent près de nous. Ils sont habités par des rois, là par des mendiants. Thérèse de Lisieux et Marilyn Monroe. Marceline Desbordes-Valmore et Kierkegaard. Un merle, un geai et quelques accidents lumineux. La grande vie prend soin de nous quand nous ne savons plus rien. Elle nous écrit des lettres"

    Première page :

    "Chère Marceline Desbordes-Valmore, vous m'avez pris le cœur à la gare du Nord.

    Il faisait froid. Il y avait tellement de monde, et en vérité personne. J'ai cherché un abri, un lieu humain. Je l'ai trouvé : le dos appuyé contre un pilier j'ai ouvert votre livre et j'ai lu votre poème Rêve intermittent d'une nuit triste. Je l'ai lu quatre fois de suite. Il n'y avait plus de foule, plus de froid. Il n'y avait plus que la lumière rosé de votre chant - ce rosé que Rimbaud vous a volé, entrant dans votre écriture comme un pilleur de tombe égyptienne. Qu'importé : vous revoilà. Intacte et régnante par votre cœur en torche.

    La vie avec vous a été d'une brutalité insensée. Plus ses coups étaient violents, plus votre chant s'allégeait."

    Ce que j'en pense :

    C'est un hommage à la vie, aux artistes, aux écrivains, à ceux que l'on a aimés… C'est dans le style habituel de Bobin : les anges, les oiseaux, les fleurs…sont toujours bien présents (Dieu l'est un peu moins !). On y retrouve des passages assez énigmatiques et même incompréhensibles mais il y a régulièrement de très belles fulgurances.

    La grande vie La grande vie

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  • À ce stade de  la nuit

    "à ce stade de la nuit" de Maylis de Kerangal
    éditions Guérin

    Présentation de l'éditeur :

    "La nuit s'est creusée comme une vasque et l'espace de la cuisine se met à respirer derrière un voile fibreux. J'ai pensé à la matière silencieuse qui s'échappe des noms, à ce qu'ils écrivent à l'encre invisible. À voix haute, le dos bien droit, redressée sur ma chaise et les mains bien à plat sur la table – et sûrement ridicule en cet instant pour qui m'aurait surprise, solennelle, empruntée – je prononce doucement : Lampedusa."

    Première page :

    "Une cuisine, la nuit. L'unique lampe allumée crée au-dessus de la nappe un cône de lumière dorée que matérialisent les particules en suspension - une fois l'ampoule éteinte, je doute toujours de leur existence. Je suis rentrée tard et je traîne, assise de travers sur la chaise de paille, le journal étalé bien à plat sur la table et lentement feuilleté, le café du matin versé dans un mug, réchauffé aux micro-ondes et lentement bu. Tout le monde dort. Je fumerais bien une cigarette. La radio diffuse à faible volume un filet sonore qui murmure dans l'espace, circule et tournoie comme le ruban de la gymnaste. Je ne réagis pas aussitôt à la voix correctement timbrée…"

    Ce que j'en pense :

    C'est un livre fait de digressions qui reviennent toujours au même point : la honte et la révolte après le drame de Lampedusa. Pas de grandiloquence ni de pathos, mais une écriture précise, directe, qui nous touche profondément.

    À ce stade de  la nuit À ce stade de  la nuit À ce stade de  la nuit

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  • Le voyeur du Yorkshire

    "Le voyeur du Yorkshire" de Peter Robinson
    traduction Jean Esch -Le livre de poche

    Présentation de l'éditeur :

    Eastvale, paisible petite ville du Yorkshire, au cadre idyllique. C'est là que vient d'être muté l'inspecteur Banks, qui a quitté sans regret Londres et son cortège de violences. Mais, sous ce décor de carte postale, se cache une réalité beaucoup plus sombre, beaucoup plus dangereuse, incarnée par un voyeur qui espionne les femmes la nuit dans leur chambre... Le pervers ne choisit pas ses victimes au hasard : celles-ci semblent toutes avoir un point commun. La tension monte d'un cran dans la cité lorsqu'une vieille dame est retrouvée sauvagement assassinée. Les deux affaires sont-elles liées ? Et que penser de ces deux adolescents, petits délinquants passés du vol aux agressions ? Banks va devoir faire preuve de perspicacité pour débusquer la vérité, au-delà des apparences.

    Première page :

    "La femme pénétra dans le cercle de lumière et commença à se déshabiller. Elle portait un chemisier argenté fermé par des dizaines de minuscules boutons nacrés. Elle le sortit de sa jupe noire mi-longue et commença à le déboutonner, par le bas, très lentement, en regardant dans le vide comme si elle se remémorait un souvenir lointain. D'un haussement d'épaules, elle se débarrassa du chemisier, en tirant sur la manche gauche restée collée à son poignet sous l'effet de l'électricité statique. Elle baissa ensuite la tête et tendit les bras dans le dos, comme deux ailes, pour détacher son soutien-gorge, en levant une épaule puis l'autre pour faire glisser les fines bretelles. Elle avait des seins épais et lourds aux pointes brunes dressées.

    Elle abaissa la fermeture Éclair de sa jupe sur le côté gauche et la Laissa glisser jusqu'au sol. Elle l'enjamba et, pliée en deux, elle la ramassa pour la déposer soigneusement sur le dossier d'une chaise."

    Ce que j'en pense :

    Première enquête de Banks mais c'est le dernier traduit en français ! C'est bien dommage, surtout si on a lu d'autres enquêtes de ce commissaire. Ce n'est évidemment  pas le meilleur des livres de Peter Robinson, l'intrigue ne nous tient pas en haleine, mais cela se lit agréablement.

    Le voyeur du Yorkshire

     

     

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  • Que moi

    "Que moi" de Rémi Checchetto
    éditions Espaces 34

    Présentation de l'éditeur :

    Que moi est un portrait du « moi » (rien d’autobiographique), seulement une tentative de dire le « je » qui parle et de ne dire que cela, c’est-à-dire ce qui le différencie, le singularise.

    C’est un portrait en lutte contre plus fort que soi. 

    Portrait dans la modestie, l’immodestie de l’effort, du balbutiement. Pas dans la prétention du discours.

    Se dessine alors l’immensité de ce qui l’entoure – de ce qui entoure tout être au monde.

    Dans la lignée des textes précédents, Que moi est une forme d’aboutissement de ce questionnement sur l’identité qu’explore Rémi Checchetto par une forme proche du monologue dans laquelle la parole est donnée à de multiples voix.

    Première page :

    "Parfois, de loin en loin ou parfois souvent, un homme s’avance vers moi, il sort d’entre deux noirs cyprès, d’entre deux mondes de marbre, et avance tout droit, fatigué mais déterminé, voûté mais brave, vient à moi, cherche le sens du vent afin que sa voix porte et m’annonce que non, il n’est pas tout à fait mort, que peu s’en faut mais il vit encore, qu’il lui faudrait un signe, un souffle de moi, une fleur pourquoi pas, un quignon de jour, mon visage dans son trou inquiet, m’annonce cela et me dit aussi qu’il est assis et attend sur le bord du temps qui ravine fort les bords, qui bientôt s’effondreront, bientôt l’engloutiront, me dit cela et ajoute que si je n’y prends pas garde bientôt même l’écho de sa voix s’effondrera, et que cela se fera en toute inquiétude

    que moi ? 

    moi, dans le groupe du nous, dans la soupe, le tas, le mou du nous, suis là, inclus, y suis 
    qui moi ? 
    quoi moi ? 
    où ? 
    où qui quoi moi que moi ? 
    moi tout encombré et bifurqué, tant tiré à hue et poussé à dia, tant renversé et démantibulé, tout rempli garni farci formules faits et gestes et mots prémâchés jusqu’au sommet du crâne, bouts des doigts, portions de voix 
    où suis-je moi ? 
    qui suis-je moi ? "

    Ce que j'en pense :

    Se séparer du nous, ne plus être avec mais être uniquement soi, que soi… C'est un texte à lire à voix haute en cherchant sa propre voie (voix), à tâtons, en s'arrêtant, en reprenant.. en explorant quelque chose qui nous ressemble profondément.

    Que moi

    Que moi

    Que moi

    Que moi

     

     

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  • Elle qui ne sait pas dire je

    "Elle qui ne sait pas dire je" de Pierre Pelot
    éditions Héloïse d'Ormesson

    Présentation de l'éditeur :

    Un mort qui a emporté son secret dans la tombe, un mari à la recherche d’un remède miraculeux pour son épouse, un garçon bourru en quête d’un trésor caché, et elle, elle qui ne sait pas dire je, sauvage et rêveuse, inéluctablement liée à tous ces destins par un don mystérieux… Un roman dense, tellurique, avec des accents de Faulkner dans la polyphonie et la restitution des patois, ou bien de Sand pour ces paysages d’une France rurale, ancestrale, où rôde une magie qui flirte avec la folie. Les personnages mâchonnent sans fin leur « rengaine », tandis que le lecteur est pris dans le tourbillon qui avance en cercles concentriques, dans une incantation hypnotique.

    Première page :

    "Il donnait quelques coups de lame courbe dans le taillis, puis se servait de l'outil pour ratisser et tirer dans le fossé, à ses pieds, branches et fougères coupées ; après quoi il soupirait brièvement, toujours pareil, et s'arrêtait, se redressait lentement, essoufflé comme s'il venait de fournir un effort surhumain. Alors, il posait la main gauche sur sa hanche, pouce au-dessus de la ceinture de cuir noir, sa main droite fermée sur le manche lisse du croissant débroussailleur, il appuyait maintenant sur l'outil cette énorme fatigue qui paraissait l'habiter et restait ainsi un moment à se demander s'il allait être capable ou non de poursuivre son travail. C'était sa manière. Trois ou quatre coups de lame pour sabrer, le mouvement transformé en ample ratissage, puis la pause, un regard bref au fil de la lame pour vérifier si un caillou sournois n'y avait pas d'aventure planté une dent.
    C'était un homme d'une soixantaine d'années, environ. Pas très grand, sec comme un coup de trique, dont les vêtements - pantalon large de coutil rapiécé, chemise flottante aux manches retroussées sur les avant-bras - donnaient l'impression de n'être remplis que d'os en vrac et de muscles noueux. Le visage taillé dans une écosse d'arbre, sous le lichen gris et dur d'une barbe de plusieurs jours, ne reflétait d'autre expression que cette apparente interrogation molle sur le bien-fondé de la poursuite de l'effort."

    Ce que j'en pense :

    Un style foisonnant, lyrique, riche en adjectifs, en participes présents (trop ?). C'est un livre de la terre, d'un pays (que Pelot connaît parfaitement), avec "des gens de rien". C'est proche du fantastique, c'est assez envoûtant mais parfois assez difficile à suivre.

    Elle qui ne sait pas dire jeElle qui ne sait pas dire je

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  •  Incident à Twenty-Mile

    "Incident à Twenty-Mile" de Trevanian
    traduction Jacques Mailhos - Gallmeister

    Présentation de l'éditeur :

    En 1898, au cœur des montagnes du Wyoming, la petite bourgade de Twenty-Mile n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle vient à s'animer lorsque débarque un jeune étranger désireux de plaire à tout le monde, avec pour seul bagage un vieux fusil et un lourd secret. Au même moment, un dangereux détenu s'échappe de la prison territoriale de Laramie en compagnie de deux tueurs dégénérés. Il commence à tracer un sillon de violence à travers l'État avant de décider de s'emparer de la petite ville pour y attendre le prochain convoi venu de la mine d'argent. L'isolement de Twenty-Mile, encore renforcé par une terrible tempête, va coûter cher à ses habitants.

    Avec Incident à Twenty-Mile, resté inédit en français, Trevanian propose une nouvelle lecture du western qui dynamite les conventions du genre. L'auteur de Shibumiet de La Sanction nous offre une oeuvre tout à la fois brillante et nostalgique.

    Première page :

    "Bien que cela fît maintenant huit ans que le Wyoming était devenu un État, les plus anciens des gardiens l'appelaient encore prison territoriale. Le gardien seconde classe John Tillman (surnommé "CB" par ses collègues qui raillaient ainsi la douceur de "Cul de Bébé" de ses joues) n'était titulaire que depuis un mois lorsqu'on lui confia la garde des "grains de lune" au deuxième étage de l'aile de haute sécurité. Il ignorait pourquoi on appelait "grains de lune" les fous criminels ; il n'avait jamais posé la question, de peur qu'il s'agisse encore d'une de ces blagues avec lesquelles les anciens gardiens tourmentaient et humiliaient les petits nouveaux.
    Tillman commença sa première ronde des cellules spéciales, s'arrêtant à chaque porte pour ouvrir le guichet et jeter un oeil au détenu. Le premier grain de lune était assis au bord de sa paillasse et se balançait d'avant en arrière en fredonnant. Le sourire d'absolu contentement qu'arborait sa face terne ne trahissait rien du devoir impérieux que pouvait ressentir cet homme de jeter de l'acide au visage des enfants. "Si moi je le fais pas..., avait-il expliqué au juge, qui le fera ?"
    Dans la cellule d'à côté, "le Politicien" était entièrement absorbé par un débat houleux entre lui et le vide.
    Le troisième grain de lune se recroquevilla dans un coin lorsqu'il entendit le guichet s'ouvrir. Il resta là comme ça, prostré, cachant son visage dans ses mains, à bredouiller : "S'il vous plaît, ne me faites pas de mal ! Je l'ai pas fait exprès ! Dieu m'est témoin que je l'ai pas fait exprès !" "Le Revenant", comme les gardiens l'appelaient, avait peur de tout. Lors des rondes de curage matinal, il fallait qu'un gardien entre chercher son seau à merde parce qu'il avait trop peur de l'apporter lui-même jusqu'à la porte, comme le faisaient les autres détenus."

    Ce que j'en pense :

    C'est parfaitement construit, avec tous les archétypes d'un bon western : le jeune homme courageux, la jeune fille belle et pure, le prédicateur, les putes du saloon, le méchant cynique et impitoyable…Ce livre, qui critique une Amérique fondée sur l'exclusion et le racisme, reste très original et passionnant de bout en bout.

    Incident à Twenty-Mile Incident à Twenty-MileIncident à Twenty-Mile

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  • La couronne verte

     "La couronne verte" de Laura Kasischke
    traduction Céline Leroy - Livre de poche (Christian Bourgois)

    Présentation de l'éditeur :

    Véritable rituel, les vacances de printemps aux États-Unis marquent le passage à l’âge adulte pour les élèves de terminale, qui partent une semaine entre eux dans un cadre exotique. Face à l’insistance de leur amie Terri, Anne et Michelle renoncent à une croisière dans les Caraïbes et optent pour les plages mexicaines. En dépit des mises en garde maternelles, Anne et Michelle acceptent d’aller visiter les ruines de Chichén Itzá en compagnie d’un inconnu… pour leur plus grand malheur. Un roman aussi troublant que profond.

    Première page :

    "Michelle 

    Il n'a rien d'humain. C'est un dieu. Il prend la jeune fille par les épaules. Ses plumes bruissent autour d'elle, mais il a une peau de serpent. Froide, coupante, irisée. Il lève le poignard. Elle n'a pas peur. Elle ne ferme pas les yeux. Après le premier coup porté, elle n'éprouve plus rien. Ni frayeur. Ni tristesse. Après le second, il plonge une main dans sa poitrine d'où il retire un oiseau au plumage bleu-vert le plus éclatant qu'elle ait jamais vu, l'oisillon vient de naître, mais il a toujours existé. Le dieu le laisse prendre son envol. Elle le regarde s'élancer dans l'azur, écoute son chant merveilleux. Il perd quelques plumes vertes qui retombent à ses pieds."

    Ce que j'en pense :

    On sait dès le début que quelque chose d'atroce va arriver mais on est quand même bien pris par le récit. L'alternance des chapitres écrits à la première et à la troisième personne est une bonne idée. Mais le livre (pour ados?) manque de relief. La fin est décevante. Ce roman est très loin d'avoir la force d'autres livres du même auteur (comme "Esprit d'hiver")

    La couronne verte 

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