• Une ville sur écoute

    "Une ville sur écoute" de Jon Ottar Olafsson - Presses de la Cité

    Présentation de l'éditeur :

    Décembre 2009. Peu avant Noël, le cadavre d'une femme est découvert à l'intérieur d'un cabanon de pêcheurs, dans un quartier résidentiel de Reykjavík. Si tout prête à croire à une overdose, l'inspecteur David Arnarson est catégorique : la thèse de l'ex-junkie qui aurait replongé ne tient pas la route. Grâce à la mise sur écoute des proches de la défunte, la police démasque bientôt l'existence d'un trafic de drogue qui semble s'étendre des bas-fonds de la capitale aux hautes sphères d'une Islande traumatisée par la plus grave crise économique de son histoire. Mais David est bien vite confronté aux rivalités qui l'opposent à certains de ses collègues et aux limites d'un système qui protège ses dirigeants. C'est en cavalier seul qu'il devra mener son enquête, quitte à faire tomber quelques têtes et à mettre la sienne en péril...

    Première page :

    "David Arnarson, inspecteur au département central, était assis dans la salle d'interrogatoire numéro 1 au commissariat de police rue Hverfisgata, observant le café qui frémissait dans la tasse. Chez lui, les poussées d'adrénaline se traduisaient toujours par des tremblements qu'il ne pouvait réfréner, il empoigna alors le récipient à deux mains pour avaler une gorgée, puis s'enfonça dans son siège. Le problème, c'était qu'il n'était pas certain de ce qu'il fallait dire ; il n'était d'ailleurs même pas sûr qu'on le croie s'il racontait précisément tout ce qui s'était passé depuis qu'on avait découvert le corps dans le cabanon. Il avait enquêté sur le meurtre- aussi activement que possible, sans avoir la moindre idée de la tournure que prendraient les événements.

    David, jeta un coup d'œil circulaire. Il avait interrogé des centaines de personnes dans cette pièce, mais n'avait jamais occupé la place destinée aux suspects et aux témoins. Ici, c'était comme si le temps s'était arrêté en 1973. Les nuances d'orange et de marron lui donnaient presque la nausée et le revêtement des chaises avait connu des jours meilleurs. Les murs étaient recouverts d'un panneau de bois qui tapait sur les nerfs de tous les flics depuis quarante ans."

    Ce que j'en pense :

    Cela fait longtemps que je n'avais pas ouvert un livre dont la lecture pouvait m'ennuyer à ce point. Intrigue poussive, personnages inexistants, écriture navrante… Je n'ai pu aller que jusqu'à la page 88 (en me forçant!). La couverture de ce livre avec, en gros caractères, un nom à consonance nordique, est un attrape nigaud (et je suis moi-même à demi nigaud d'avoir fait rentrer cet ouvrage dans le réseau des bibliothèques!)

    Une ville sur écoute

     

     

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Déplace le ciel

    "Déplace le ciel" de Leslie Kaplan - éditions P.O.L.

    Présentation de l'éditeur :

    Déplace le ciel est une pièce sur l’amour, la recherche de l’amour, le désir et la peur de l’amour, sur la solitude et sur le monde dans lequel nous vivons, et où nous sommes confrontés à une pensée faite de clichés, une pensée télé, c’est une pièce sur la difficulté de dire son expérience sans la rabattre sur des idées reçues et du savoir acquis, c’est une pièce sur le désir de découverte, de nouveau, de départ et de changement, c’est une pièce sur les rêves et le rêve.

    Première page :

    "F et E

    un bar, une télé

    F joue avec un ordinateur

    je ne sais pas quoi te dire

    je cherche Léonard, c’est tout

    je cherche Léonard

    et arrête avec cette machine

    pourquoi ? pourquoi arrêter ?

    Léonard, tu ne le trouveras pas

    je cherche Léonard

    je le trouverai

    arrête

    cette machine est insupportable

    mais non

    cette machine est une machine, c’est tout

    et Léonard, tu ne le trouveras pas

    tu ne le trouveras jamais

    pourquoi tu me dis ça

    arrête arrête arrête

    cette machine est stupide

    je te dis ça parce que je sais

    je sais que tu ne le trouveras pas

    et moi j’aime ma machine

    clic clac

    je sais tout"

    Ce que j'en pense :

    C'est un livre qui parle de tout, des vaches, de Shakespeare, de Léonard (à la façon de Godot), des hommes, du western…et de bien d'autres choses mais surtout du rêve, des rêves. C'est léger, drôle, plein de vie.

    Déplace le ciel

    Déplace le cielDéplace le ciel

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Vieux Bob

    "Vieux Bob" de Pascal Garnier - éditions In8

    Présentation de l'éditeur :

    « C’est vrai, vieux Bob a pas pu s’empêcher. C’était si bon, le calme et puis la sciure sous son ventre, bref, il a pas pu se retenir. À coups de pompe dans le train il se traîne jusqu’à l’arbre, lève à peine la patte, fait trois gouttes qui se perdent dans ses poils. » Un vieux clébard incontinent, un simple d’esprit fasciné par les avions, deux étrangers dans le métro qui ne savent se dire leur attirance... Les personnages de ces neuf nouvelles sont attendrissants. S’ils sont pathétiques ? Oui. Et meurtriers, souvent. À l’image de John Fante, Pascal Garnier donne toujours l’impression de se balader avec un couteau en poche. Mais chez lui, l’effarement ne conduit pas à la rage : nous sommes ici du côté du cœur. L'auteur de Comment va la douleur ? Et de La Théorie du Panda est mort en 2010. Le recueil Vieux Bob s'inscrit pleinement dans l’œuvre de cet entomologiste sentimental

    Première page :

    "Elle s'est assise à côté de lui, sur le strapontin de droite, en sens inverse de la marche du métro. Il a jeté un vague coup d'œil par-dessus son épaule, ce parfum de petite fille l'a détourné un bref instant du paysage de suie entre les stations.

    Elle, c'est une petite secrétaire d'une vingtaine d'années, le genou cagneux, la veste mode aux épaules trop larges pour son ossature de moineau, la pupille expresse, la bouche prête à répondre : « Meeerde ! » si on la serre de trop près. En guise de sac à main elle porte une drôle de petite mallette mouchetée noir sur vert façon carton à dessin. Elle préférerait qu'on la prenne pour une artiste que pour une employée de bureau. Elle s'intéresse à tout, elle a lu Balzac, Zola, elle va voir toutes les grandes expos (la dernière c'était Manet ou Monet, elle confond toujours). Dans sa mallette elle a deux places pour samedi prochain, un concert de « Je-ne-sais-plus-qui » à la Maison de la Radio. Elle ira avec sa copine Martine qui a exactement les mêmes goûts qu'elle. Elle a faim, se demande ce que sa mère a préparé à dîner. Elle vit encore chez ses parents."

    Ce que j'en pense :

    Neuf nouvelles, neuf portraits touchants, réalistes… Pas  de détails inutiles, c'est court avec juste ce qu'il faut de noirceur quotidienne. Cela peut être parfois banalement drôle ou tristement amusant… la vie, décrite avec tendresse et lucidité, par un auteur qui est parti trop tôt vers le "grand loin".

    Vieux Bob

    Vieux BobVieux Bob

    Vieux Bob

     

     

    ___________


    votre commentaire
  • Le complexe d'Eden Bellwether

    "Le complexe d'Eden Bellwether" de Benjamin Wood -traduction Renaud Morin - Zulma

    Présentation de l'éditeur :

    Cambridge, de nos jours. Au détour d'une allée du campus, Oscar est attiré par la puissance de l'orgue et des chants provenant de la chapelle de King's College. Subjugué malgré lui, il ne peut maîtriser un sentiment d'extase. Premier rouage de l'engrenage. Dans l'assemblée, une jeune femme capte son attention. Iris n'est autre que la sœur de l'organiste virtuose, Eden Bellwether, dont la passion exclusive pour la musique baroque s'accompagne d'étranges conceptions sur son usage hypnotique...

    Première page :

    "Il y eut soudain le hurlement des sirènes, un nuage de poussière au bout de l’allée, et bientôt la pénombre du jardin fut inondée par la lumière bleue des gyrophares. C’est seulement au moment d’indiquer aux ambulanciers où se trouvaient les corps que tout leur parut réel. Il y en avait un dans la maison à l’étage, un autre dans l’ancienne chapelle, et aussi au fond du jardin. Celui-là respirait encore, mais faiblement. Il était sur la berge, dans un nid de joncs couchés, l’eau froide clapotant à ses pieds. Quand les ambulanciers demandèrent son nom, ils répondirent Eden. Eden Bellwether.

    L’ambulance avait mis longtemps à arriver. Ils s’étaient réunis sur la terrasse à l’arrière du presbytère pour réfléchir, avant de céder à la panique, sans pouvoir détacher le regard des vieux ormes et cerisiers qu’ils avaient contemplés des centaines de fois en écoutant le bruit du vent dans les branches. Ils se sentaient tous responsables de ce qui s’était passé. Chacun se le reprochait. Ils s’étaient même disputés pour savoir qui était le principal responsable, qui devait se sentir le plus coupable. Oscar fut le seul à ne rien dire. Adossé au mur, il fumait, tandis que les autres se chamaillaient. Lorsqu’il finit par prendre la parole, sa voix était si calme qu’elle les avait réduits au silence."

    Ce que j'en pense :

    C'est un thriller gothique bien maitrisé qui questionne l'infime frontière entre génie et folie. C'est aussi un roman sur la manipulation, sur le rapport entre classes sociales opposées. Il y a cependant quelques longueurs et la fin est un peu moins rythmée et assez attendue.

    Le complexe d'Eden Bellwether

    Le complexe d'Eden Bellwether

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

    "Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier" de Patrick Modiano - Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    " - Et l'enfant ? demanda Daragane. Vous avez eu des nouvelles de l'enfant ? - Aucune. Je me suis souvent demandé ce qu'il était devenu... Quel drôle de départ dans la vie... - Ils l'avaient certainement inscrit à une école... - Oui. A l'école de la Forêt, rue de Beuvron. Je me souviens avoir écrit un mot pour justifier son absence à cause d'une grippe. - Et à l'école de la Forêt, on pourrait peut-être trouver une trace de son passage... - Non, malheureusement. Ils ont détruit l'école de la Forêt il y a deux ans. C'était une toute petite école, vous savez..."

    Première page :

    "Presque rien. Comme une piqûre d’insecte qui vous semble d’abord très légère. Du moins c’est ce que vous vous dites à voix basse pour vous rassurer. Le téléphone avait sonné vers quatre heures de l’après-midi chez Jean Daragane, dans la chambre qu’il appelait le « bureau ». Il s’était assoupi sur le canapé du fond, à l’abri du soleil. Et ces sonneries qu’il n’avait plus l’habitude d’entendre depuis longtemps ne s’interrompaient pas. Pourquoi cette insistance ? À l’autre bout du fil, on avait peut-être oublié de raccrocher. Enfin, il se leva et se dirigea vers la partie de la pièce près des fenêtres, là où le soleil tapait trop fort.

    « J’aimerais parler à M. Jean Daragane. »

    Une voix molle et menaçante. Ce fut sa première impression.

    « Monsieur Daragane ? Vous m’entendez ? »

    Daragane voulut raccrocher. Mais à quoi bon ? Les sonneries reprendraient, sans jamais s’interrompre. Et, à moins de couper définitivement le fil du téléphone..."

    Ce que j'en pense :

    C'est un livre sur l'enfance, sur l'abandon, un livre de souvenirs que l'on avait essayé d'oublier, un livre d'amour pour une femme (une mère de substitution, une amante sans doute…), un livre où tout n'est pas dit mais esquissé, effleuré et qui déambule entre plusieurs époques et à travers une ville comme à travers les dédales de la mémoire.

    Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

    Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

    Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

    Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

     

    __________


    votre commentaire
  • Karoo

    "Karoo" de Steve Tesich - traduction Anne Wicke - Points

    Présentation de l'éditeur :

    Égoïste et cynique, Saul Karoo ment comme il respire et noie ses névroses familiales dans la vodka. Son métier, script doctor, consiste à dénaturer des chefs-d'œuvre pour les aligner sur les canons hollywoodiens. Quand sa carrière croise celle de Leila Millar, une jeune actrice médiocre, il décide contre toute attente de la prendre sous son aile. Car ils sont liés par un secret inavouable...

    Extrait :

    "Certaines familles ne cessent de grandir en richesse et en puissance, comme si chaque nouvelle génération était génétiquement programmée pour surpasser les précédentes. D'autres familles démarrent bien, acquièrent une bonne vitesse de croisière, semblent destinées à la grandeur, sauf que soudain, inexplicablement, elles perdent de leur vitalité et sombrent dans la médiocrité.

    Les individus sont soumis aux mêmes lois imprévisibles de l'ascension et du déclin.

    Au début, les histoires des individus sont presque toujours de nature épique, le tout commençant avec l'épisode théâtral de la naissance. Quoi de plus épique ?

    L'épopée du début de la vie part de là. Le sentiment de progrès et de défis victorieux est le pain quotidien du héros quand il est un tout jeune enfant. Le héros marche. Le héros parle. Les applaudissements et les encouragements dont l'inondent ses parents sont suffisants pour que même le plus modeste des jeunes enfants se croie promis à une glorieuse destinée. La tradition orale qui consiste à récapituler chaque exploit accompli par le jeune héros se perpétue. Chaque jour passé à dire quelques rares mots à peine cohérents et à faire une petite douzaine de pas chancelants prend la dimension d'un acte héroïque."

    Ce que j'en pense :

    Très bien écrit (et traduit). C'est un livre assez noir qui remue le lecteur car on est souvent proche de se reconnaître dans les interrogations, les doutes, les lâchetés, les mensonges de Karoo. Il y a parfois de l'humour assez acerbe mais la plupart du temps c'est plutôt sombre et même désespérant. Envie de parler de chef d'oeuvre pour ce roman qui peut enivrer, donner le vertige.

    Karoo

    Karoo

    KarooKaroo

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Samedi 14

    "Samedi 14" de Jean-Bernard Pouy - éditions la branche (pocket)

    Présentation de l'éditeur :

    Maxime s'était rangé des voitures et retiré à la campagne, pour cultiver son bout de jardin, et faire pousser quelques légumes et autres plantes moins légales mais tout aussi utiles. Bref, pour se la couler douce après une dure vie de labeur. Et voilà que, sous prétexte que les Kowa, ses gentils petits vieux de voisins, sont les parents du nouveau ministre de l'Intérieur, les CRS viennent lui chatouiller les orteils et piétiner son potager. Mais on ne réveille pas impunément un ancien terroriste à la retraite ! Surtout un vendredi 13

    Première page :

    "Ce putain de lumbago.
    Au réveil, faut déplier la carcasse avec précaution, en espérant que ça ne couine pas trop, en guettant les coups de poignard dans le bas du dos, et il faut mettre en pratique toute une stratégie ergonomique pour enfiler les chaussettes. Mais on tient le choc, car on pense au café brûlant qui va suivre, au long moment pendant lequel on va l'aspirer, les lèvres en cul de dinde, le regard perdu en direction de la petite fenêtre de bois bleu, vers les noisetiers immobiles, les bourdons bedonnants, coincés dans les fleurs de balsamine, et les roses trémières avec les merles qui cavalent dessous.
    Une journée se profile alors, une journée de plus. Hier, c'était soi-disant un jour béni. Mais rien n'est venu troubler ma verte retraite, en bien ou en mal, chance ou malchance, ça fait quatre ans maintenant que les jours ressemblent aux jours, que j'ai quitté la noirceur de ma vie d'avant. Je ne regrette rien car je l'ai bien mérité, ce repos de l'âme. C'est une décision intime. Un jour, le couvercle de la marmite a sauté. A peine cinquante balais, une petite bicoque prêtée par un pote définitivement parti pour les Iles se dorer la couenne et le RSA qui tombe aussi régulièrement que la pluie…"

    Ce que j'en pense :

    Du très bon Pouy ! Une belle intrigue (avec de belles références à Raymond Queneau), prenante; de l'humour, comme toujours chez Pouy. Pour moi Pouy est bien l'un des meilleurs auteurs français de roman noir.

    Samedi 14

    Samedi 14

    Samedi 14

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Compagnie K

    "Compagnie K" de William March
    traduction Stéphanie Levet - éditions Gallmeister

    Présentation de l'éditeur :

    William March (1893-1954) est né en Alabama. En 1917, il s'engage dans l'US Marine Corps et combat en France pendant la Première guerre mondiale d'où il reviendra décoré de la Croix de guerre, de la Navy Cross et de la Distinguished Service Cross. Hanté par ce conflit, il mettra dix ans à écrire Compagnie K, son premier roman publié en 1933.

    Décembre 1917. Une compagnie de l'US Marines Corps débarque en France et est envoyée au front. Pour la première fois, les hommes de la Compagnie K découvrent la guerre : attaques de nuit, balles qui sifflent, obus qui explosent, ordres absurdes, grondement de l'artillerie, tentation de déserter. Les cent treize soldats qui composent cette compagnie prennent tour à tour la parole pour raconter leur guerre, toutes les guerres. L'un après l'autre, ils décrivent près d'un an de combats, puis le retour au pays pour ceux qui ont pu rentrer, traumatisés, blessés, marqués à jamais par ce qu'ils ont enduré.

    Inspiré par l'expérience de son auteur, Compagnie K est un livre inoubliable qui s'inscrit dans la droite ligne d'À l'ouest rien de nouveau d'Erich Maria Remarque. Salué comme un chef-d'œuvre lors de sa sortie, ce tableau saisissant de la Grande Guerre telle que l'ont vécue les soldats américains est traduit en français pour la première fois.

    Première page :

    "Nous avons dîné et nous nous sommes assis sous notre porche, ma femme et moi. Il ne fera pas nuit encore avant une heure et ma femme a sorti un peu de couture. C'est rose avec des dentelles partout, quelque chose qu'elle fait pour une de ses amies qui va bientôt se marier.
    Tout autour de nous, nos voisins arrosent leur pelouse ou sont assis sous leur porche, comme nous. De temps en temps, nous nous adressons à un ami qui passe, qui nous salue ou s'arrête pour bavarder un moment, mais la plupart du temps nous restons assis en silence...
    Je pense encore au livre que je viens d'achever. Je me dis : J'ai enfin fini mon livre, mais est-ce que j'ai bien accompli ce que j'avais prévu de faire ?
    Puis je pense : Au début, ce livre devait rapporter l'histoire de ma compagnie, mais ce n'est plus ce que je veux, maintenant. Je veux que ce soit une histoire de toutes les compagnies de toutes les armées. Si ses personnages et sa couleur sont américains, c'est uniquement parce que c'est le théâtre américain que je connais. Avec des noms différents et des décors différents, les hommes que j'ai évoqués pourraient tout aussi bien être français, allemands, anglais, ou russes d'ailleurs.
    Je pense : Je voudrais qu'il y ait un moyen de prendre ces récits et de les épingler sur une immense roue, à chaque récit sa punaise jusqu'à ce que le cercle soit bouclé. Et puis j'aimerais faire tourner la roue de plus en plus vite, jusqu'à ce que les choses que j'ai rapportées prennent vie et soient recréées, et qu'elles finissent par se fondre avec la roue, emportées les unes vers les autres et se chevauchant; chacune devenant floue en se mêlant aux autres pour former un tout composite, un cercle de douleur sans fin... "

    Ce que j'en pense :

    80 ans après sa publication aux États-Unis, ce livre, grâce aux éditions Gallmeister, est enfin traduit en France. C'est un livre éblouissant qui donne la parole à 113 membres de la compagnie K. Et quelle parole ! 113 chapitres courts, écrits à la première personne, qui montrent l'absurdité de la guerre. On est loin des commémorations plutôt complaisantes du centenaire de 1914.

    Compagnie K

    Compagnie KCompagnie KCompagnie K

     

     

    __________


    votre commentaire
  • La part des nuages

    "La part des nuages" de Thomas Vinau
    Alma éditeur

    Présentation de l'éditeur :

    Joseph, 37 ans, mène sa barque comme tout le monde. Atteindre le soir, le lendemain. La fin du mois. Les prochains congés. Finalement, rien n’a changé depuis l’enfance.  Mais il  n’est plus un enfant, il en a un, Noé, et  le bateau tangue. La mère de l’enfant s’en va puis l’enfant à son tour –le temps des vacances.

    Le baron perché se serait réfugié dans son arbre, Alexandre le Bienheureux dans son lit. Joseph, lui, commence par grimper dans le cerisier du jardin où il a construit sa cabane. Objectif : ranimer ses rêves. Puis il découvre un second refuge : les autres, leurs histoires, leur présence dehors dans la petite ville.

    Avec obstination, Joseph traverse la nuit, essuie l’orage, regarde les nuages. Décrotté, victorieux, prêt à tout.

    Première page :

    "Ce jour-là ne fut le jour de rien. Justement. Pourtant il n'était pas pire que les autres. Pas de changement notable. Pas d'événement. Aucune surprise naissante. Aucun début. Aucune fin. Aucun rebondissement. Rien de flagrant, si ce n'était sa concordance tiède avec hier et demain. Lui, ne s'est pas levé transformé en cafard. Personne ne venait de mourir. Il n'a pas décidé de changer quelque chose. Ni de faire comme avant. Ni de regarder autrement. Ni de regarder autre chose. Il s'est levé avec le jour. Il a suivi l'ascension graduée de la lumière. Il a couru derrière. Il a fait ce qu'il avait à faire. Conservé ce qui pouvait être conservé. Protégé les siens. Fait les courses. Ravalé ses insultes. Mis un pied devant l'autre. Il a été un homme. Un peu pénible. Un peu bon. Il ne fut ni honteux ni fier. Fatigué. Comme chaque soir. À l'abri comme chaque soir. Plutôt content i jite les choses se passent normalement."

    Ce que j'en pense :

    Une poésie du quotidien, du (presque) banal. C'est une histoire douce-amère, composée, comme ses précédents romans, de chapitres brefs, avec des phrases courtes, des énumérations… Et, pour nous, lecteurs, la vie est là à portée de  mots.

    La part des nuages

    La part des nuages

    La part des nuages

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Funérarium

    "Funérarium" de Brigitte Aubert
    Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Fils d'une " hôtesse " violée par des Marines en virée dans le port de Cannes, Léonard " Chib " Moreno exerce le métier de thanatopracteur. Heureusement pour sa santé mentale, son meilleur ami, Gregory, dit " le nanti ", l'emmène souvent en boîte pour le distraire. Tout se passe bien jusqu'au jour où une certaine Blanche Andrieu lui demande d'embaumer sa petite fille morte, Elilou, qu'elle a l'intention d'exposer dans sa chapelle privée. Très réticent, Léonard finit par accepter, mais s'aperçoit en faisant son travail que la petite a été sans doute victime de sévices. Intrigué, il commence à poser des questions et, séduit par cette femme assez déséquilibrée, entame une enquête où l'horreur et l'incompréhension d'un milieu auquel il est étranger sont constamment au rendez-vous.

    Première page :

    "Entièrement nu, bras et jambes écartés, le vieil homme était sanglé sur l'étal carrelé de blanc, souillé de sang et de matières. Ses rares cheveux gris avaient été soigneusement coiffés en arrière, dégageant son visage creusé aux traits anguleux. Sa bouche distendue révélait un bridge impeccable.

    Ses yeux reposaient à côté de lui dans un bol en inox, boules bleues et gluantes.

    Léonard « Chib » Moreno retira ses gants en plastique extra-fin tout tachés, les roula en boule et les jeta dans la poubelle d'où débordaient des tampons d'ouate imbibés de sanies. Il enfila une paire de gants neufs et tendit la main vers la collection d'instruments chirurgicaux étincelants accrochés au mur, à côté de la paillasse encombrée de fioles, de pots scellés à la cire, de seringues et de tubes. Il choisit un scalpel, le fit sauter dans sa main brune en chantonnant Hisjelly Roll is Nice and Hot.

    Puis, sans cesser de chantonner, il saisit le pénis flasque entre les jambes poilues et blanches du vieillard et le trancha net. Il déposa le morceau de chair sanguinolent dans la cuvette en émail prévue à cet effet.

    Le bourdonnement du climatiseur évoquait un essaim de mouches. Il devait faire beau dehors. Beau et chaud. Brise légère dans les palmiers. Mer piquetée de blanc. Matelas pneumatiques. Martinis on thé rocks. Corps vautrés dans le sable. Mais ici il faisait froid, un froid à l'odeur de formol et de sang. Il fit glisser le curseur du climatiseur vers la position « max. » avant d'enfiler son gilet en Gore-tex sans manches."

    Ce que j'en pense :

    Un sujet intéressant, une intrigue qui tient en haleine, même si cela parait parfois un peu "club des 5". C'est plutôt bien écrit (malgré cette vilaine manie de citer des marques à chaque instant), avec de l'humour mais le final est assez décevant.

    Funérarium

     

     

    __________


    votre commentaire