• La part des nuages

    "La part des nuages" de Thomas Vinau
    Alma éditeur

    Présentation de l'éditeur :

    Joseph, 37 ans, mène sa barque comme tout le monde. Atteindre le soir, le lendemain. La fin du mois. Les prochains congés. Finalement, rien n’a changé depuis l’enfance.  Mais il  n’est plus un enfant, il en a un, Noé, et  le bateau tangue. La mère de l’enfant s’en va puis l’enfant à son tour –le temps des vacances.

    Le baron perché se serait réfugié dans son arbre, Alexandre le Bienheureux dans son lit. Joseph, lui, commence par grimper dans le cerisier du jardin où il a construit sa cabane. Objectif : ranimer ses rêves. Puis il découvre un second refuge : les autres, leurs histoires, leur présence dehors dans la petite ville.

    Avec obstination, Joseph traverse la nuit, essuie l’orage, regarde les nuages. Décrotté, victorieux, prêt à tout.

    Première page :

    "Ce jour-là ne fut le jour de rien. Justement. Pourtant il n'était pas pire que les autres. Pas de changement notable. Pas d'événement. Aucune surprise naissante. Aucun début. Aucune fin. Aucun rebondissement. Rien de flagrant, si ce n'était sa concordance tiède avec hier et demain. Lui, ne s'est pas levé transformé en cafard. Personne ne venait de mourir. Il n'a pas décidé de changer quelque chose. Ni de faire comme avant. Ni de regarder autrement. Ni de regarder autre chose. Il s'est levé avec le jour. Il a suivi l'ascension graduée de la lumière. Il a couru derrière. Il a fait ce qu'il avait à faire. Conservé ce qui pouvait être conservé. Protégé les siens. Fait les courses. Ravalé ses insultes. Mis un pied devant l'autre. Il a été un homme. Un peu pénible. Un peu bon. Il ne fut ni honteux ni fier. Fatigué. Comme chaque soir. À l'abri comme chaque soir. Plutôt content i jite les choses se passent normalement."

    Ce que j'en pense :

    Une poésie du quotidien, du (presque) banal. C'est une histoire douce-amère, composée, comme ses précédents romans, de chapitres brefs, avec des phrases courtes, des énumérations… Et, pour nous, lecteurs, la vie est là à portée de  mots.

    La part des nuages

    La part des nuages

    La part des nuages

     

     

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  • Funérarium

    "Funérarium" de Brigitte Aubert
    Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Fils d'une " hôtesse " violée par des Marines en virée dans le port de Cannes, Léonard " Chib " Moreno exerce le métier de thanatopracteur. Heureusement pour sa santé mentale, son meilleur ami, Gregory, dit " le nanti ", l'emmène souvent en boîte pour le distraire. Tout se passe bien jusqu'au jour où une certaine Blanche Andrieu lui demande d'embaumer sa petite fille morte, Elilou, qu'elle a l'intention d'exposer dans sa chapelle privée. Très réticent, Léonard finit par accepter, mais s'aperçoit en faisant son travail que la petite a été sans doute victime de sévices. Intrigué, il commence à poser des questions et, séduit par cette femme assez déséquilibrée, entame une enquête où l'horreur et l'incompréhension d'un milieu auquel il est étranger sont constamment au rendez-vous.

    Première page :

    "Entièrement nu, bras et jambes écartés, le vieil homme était sanglé sur l'étal carrelé de blanc, souillé de sang et de matières. Ses rares cheveux gris avaient été soigneusement coiffés en arrière, dégageant son visage creusé aux traits anguleux. Sa bouche distendue révélait un bridge impeccable.

    Ses yeux reposaient à côté de lui dans un bol en inox, boules bleues et gluantes.

    Léonard « Chib » Moreno retira ses gants en plastique extra-fin tout tachés, les roula en boule et les jeta dans la poubelle d'où débordaient des tampons d'ouate imbibés de sanies. Il enfila une paire de gants neufs et tendit la main vers la collection d'instruments chirurgicaux étincelants accrochés au mur, à côté de la paillasse encombrée de fioles, de pots scellés à la cire, de seringues et de tubes. Il choisit un scalpel, le fit sauter dans sa main brune en chantonnant Hisjelly Roll is Nice and Hot.

    Puis, sans cesser de chantonner, il saisit le pénis flasque entre les jambes poilues et blanches du vieillard et le trancha net. Il déposa le morceau de chair sanguinolent dans la cuvette en émail prévue à cet effet.

    Le bourdonnement du climatiseur évoquait un essaim de mouches. Il devait faire beau dehors. Beau et chaud. Brise légère dans les palmiers. Mer piquetée de blanc. Matelas pneumatiques. Martinis on thé rocks. Corps vautrés dans le sable. Mais ici il faisait froid, un froid à l'odeur de formol et de sang. Il fit glisser le curseur du climatiseur vers la position « max. » avant d'enfiler son gilet en Gore-tex sans manches."

    Ce que j'en pense :

    Un sujet intéressant, une intrigue qui tient en haleine, même si cela parait parfois un peu "club des 5". C'est plutôt bien écrit (malgré cette vilaine manie de citer des marques à chaque instant), avec de l'humour mais le final est assez décevant.

    Funérarium

     

     

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  • L'enfant aux cailloux

    "L'enfant aux cailloux" de Sophie Loubière
    Pocket

    Présentation de l'éditeur :

    Elsa Préau est une retraitée bien ordinaire. De ces vieilles dames trop seules et qui s'ennuient tellement - surtout le dimanche - qu'elles finissent par observer ce qui se passe chez leurs voisins. Elsa, justement, connaît tout des habitudes de la famille qui vient de s'installer à côté de chez elle. Et très vite, elle est persuadée que quelque chose ne va pas. Les deux enfants ont beau être en parfaite santé, un autre petit garçon apparaît de temps en temps - triste, maigre, visiblement maltraité. Un enfant qui semble l'appeler à l'aide. Un enfant qui lui en rappelle un autre... Armée de son courage et de ses certitudes, Elsa n'a plus qu'une obsession : aider ce petit garçon qui n'apparaît ni dans le registre de l'école, ni dans le livret de famille des voisins. Mais que peut-elle contre les services sociaux et la police qui lui affirment que cet enfant n'existe pas ?

    Première page :

    "Le jeu du vent et du soleil amusait les rideaux. Depuis sa chaise, le petit garçon eut un sourire. Il lui semblait qu'un être invisible, sensible aux caresses de ce dimanche d'été, jouait à cache-cache derrière le tissu en jacquard. Les yeux clos, l'enfant aurait juré entendre des gloussements de plaisir sous le motif de médaillon.

    — Gérard !

    Dos droit, les paumes de chaque côté de l'assiette, le garçonnet détourna le regard de la fenêtre donnant sur le jardin. Des bouquets de glaïeuls, de lis et de dahlias distillaient un parfum exaltant. Leurs couleurs éblouissantes formaient des taches de lumière dans la pénombre de la pièce. Les petits pois roulaient dans la sauce du poulet, balayés par les lames des couteaux, indifférents à la conversation de ce déjeuner.

    Gérard reprit sa mastication, nez en l'air, martelant les pieds de sa chaise à coups de talon. Il ne s'intéressait guère aux sujets abordés par son oncle, ses parents et grands-parents : il était question de revendications salariales…"

    Ce que j'en pense :

    Le personnage principal de la grand-mère est superbement décrit : parfois agaçante, souvent désarmante, toujours à la fois étrange, naïve et attachante… C'est bien elle qui "conduit" ce roman, très bien écrit, avec une intrigue originale.

    L'enfant aux cailloux

    L'enfant aux cailloux

    L'enfant aux cailloux

     

     

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  • L'étoile du diable

    "L'étoile du diable" de Jo Nesbo
    traduction Alex Fouillet - foliio policier

    Présentation de l'éditeur :

    " L'index gauche de Camilla Loen avait été sectionné. Et sous une paupière, on avait trouvé un diamant rouge en forme d'étoile à cinq branches. " Ce crime n'est que le premier d'une étrange série débutée lors d'un été caniculaire sur Oslo. La presse à sensation peut annoncer en une et sans mentir que " Le voisin a goûté le sang " de la morte. Intuitif, acharné, rongé par le désespoir et confronté à des éléments corrompus de ses propres services, Harry Hole s'empare de l'enquête. Le modus operandi est toujours le même : l'ablation de l'un des doigts des victimes et la présence à proximité des corps mutilés d'un diamant en forme de pentagramme, symbole occulte plus connu sous le nom d'" étoile du diable ". La police doit se rendre à l'évidence : un serial killer opère dans les rues de la capitale norvégienne et, si le signe est celui du démon, le diable est rarement celui auquel on pense...

    Première page :

    "L'immeuble avait été construit en 1898 sur un terrain argileux qui s'était insensiblement affaissé vers l'ouest, de sorte que l'eau passa le seuil du côté où la porte était gondée, plus à l'ouest. Elle coula sur le sol de la chambre à coucher en tirant un trait mouillé sur le parquet de chêne, toujours vers l'ouest. Le flux s'arrêta un instant dans un renfoncement du parquet avant que davantage d'eau n'arrive de derrière, avant de filer comme un rat inquiet jusqu'au mur. L'eau s'étala alors dans les deux sens, cherchant et reniflant presque sous la plinthe jusqu'à trouver un interstice entre le bout des lattes et le mur. Dans cet interstice se trouvait une pièce de cinq couronnes frappée du profil de saint Olaf et marquée de l'année 1987, un an avant que la pièce ne tombe de la poche du menuisier. Mais c'était alors une période de vaches grasses, il y avait beaucoup d'appartements sous les toits à remettre rapidement en état, et le menuisier ne s'était pas donné la peine d'essayer de la retrouver.

    L'eau ne mit pas longtemps à trouver un chemin à travers le sol sous le parquet."

    Ce que j'en pense :

    Très bonne intrigue, personnages complexes, bien décrits, du suspense… une belle écriture. Encore un bon polar de Jo Nesbo.

    L'étoile du diable

    L'étoile du diable

     

     

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  • Moi, Anthony, ouvrier d'aujourd'hui

    "Moi, Anthony, ouvrier d'aujourd'hui"
    Raconter la vie - Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Anthony a 27 ans et habite la banlieue lyonnaise. Il raconte dans ce livre le choc qu’a été pour lui la découverte du monde du travail après avoir décroché du lycée à 16 ans. Son itinéraire est révélateur de l’actuel mouvement de reprolétarisation qui touche de nombreux jeunes qui lui ressemblent. Anthony est emblématique de ces ouvriers d’aujourd’hui dont la vie professionnelle est marquée par le triple sceau de l’incertitude, de la précarité des statuts et de l’absence de recours à l’action collective. À travers lui, c’est donc une nouvelle classe ouvrière, travaillant ici dans le monde des entrepôts et de la logistique, que l’on découvre. L’histoire d’Anthony n’est pas uniquement celle d’illusions perdues. Bien que résolument pudique sur sa vie personnelle, elle révèle aussi une personne déterminée et mûrie par ses expériences, un jeune qui, à sa manière, refuse de plier.

    Première page :

    "Je m’appelle Anthony. J’ai 27 ans. J’ai quitté l’école en 2nde, en 2003. Il paraît que je suis dans les 10% de jeunes qui ont tout lâché. Évidemment, je regrette maintenant, car je le paie cher. Mais quand je regarde en arrière, je vois mal comment les choses auraient pu se passer autrement. Au collège, dès la 4e, on nous mettait la pression pour qu’on dise ce qu’on voulait faire. Il fallait qu’on soit orienté, c’était obligatoire. Moi, je n’avais aucune idée. La seule chose qui était claire, c’est que j’avais la tête à autre chose, que j’en avais marre de l’école. Ça a commencé très tôt. Je ne supportais pas la façon de faire des profs, ce qu’il fallait apprendre, toutes les obligations. J’étouffais, ça me rendait agressif. J’étais en pleine crise d’ado. Ça a même été franchement violent pour moi. J’étais vraiment mal et je commençais à déraper.

    Mais soyons clairs, je n’étais pas comme les gars des cités, avec toutes les galères qu’il peut y avoir là-bas. Je n’étais pas un «kassos». Mes parents avaient de bons emplois, ma mère était comptable, mon père éducateur spécialisé. Ils avaient fait des études. Et je n’avais pas trop de problèmes avec eux.

    Moi, c’est vraiment l’école qui m’a cassé. J’ai été viré du collège et je suis même passé un an par le privé, où ça a été pire encore. Ils se sont acharnés sur moi, ils voulaient me «faire rentrer dans le rang» comme ils disaient."

    Ce que j'en pense :

    Un livre à lire par tous ceux qui pensent que les jeunes ne veulent pas travailler et que les chômeurs sont des fainéants !

    Il y a de l'amertume, de la colère (et il y a de quoi!) mais aussi une envie d'être respecté, d'être traité comme un être humain.

    Moi, Anthony, ouvrier d'aujourd'hui

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    Moi, Anthony, ouvrier d'aujourd'hui

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  • La terre ronde

    "La terre ronde" de François de Cornière
    Atelier du Gué

    Présentation de l'éditeur :

    La Terre ronde aurait pu être, seulement, l’histoire d’une vieille maison, à moitié écroulée, quelque part en Ardèche... Mais il y a ceux qui, l’été, pendant les vacances, reviennent dans la maison. Dès lors, La Terre ronde devient le récit de plusieurs vies, et surtout, celui d’un attachement, d’un acharnement, d’une fidélité. « Tout a poussé. Il faudra couper. Défricher. S’écorcher. Tout reprendre. Poursuivre un bout d’histoire qui s’accroche au rocher, au versant. »

    Première pages :

    "On ne peut pas dire où et quand, exactement. Mais c'est bien avant d'arriver dans le dernier virage. Il y a eu la fatigue, la longue route, les derniers kilomètres, et le jour s'est levé : on a roulé toute la nuit.

    Alors on change de temps. L'épicerie du village viendra tout juste d'ouvrir. On fera quelques courses, l'indispensable. On prendra un cageot. Sur la place, entre les platanes, on regardera le ciel, les martinets, très haut. On repartira.

    La route continue. De plus en plus étroite maintenant. Il n'y a qu'à la suivre. Monter. Tourner. Beaucoup tourner. Les mains sur le volant la connaissent par cœur. Avec des images, et des noms sur les pancartes des bas-côtés : les UBACS, les adrets. Comme dans un livre."

    Ce que j'en pense :

    L'auteur a l'art de mettre en mots des choses simples du quotidien, des instants fragiles, des silences, des respirations, de petits faits d'hiver et c'est un vrai bonheur de lecture. Comme dirait Thomas Vinau, on a vraiment l'impression que ce livre a été écrit pour nous.

    La terre ronde

    La terre ronde

    La terre ronde

    La terre ronde

     

     

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  • La scierie

    "La scierie"  anonyme, préface de Pierre Gripari
    éditions Héros-Limite

    Présentation de l'éditeur :

    Le lendemain matin, je me lève à cinq heures trente, je pars à six heures quinze vers Huisseau. On est en septembre, le jour se lève à peine. Je vois des quantités de lapins dans le parc de Chambord. J'arrive à la scierie en avance. Tout est sombre sous le hangar. J'ai dans mes sacoches ma gamelle qui contient mon repas de midi. Le chauffeur bourre la chaudière et fait monter la pression. Je m'approche du four et je me chauffe. Il est sept heures moins dix. Tout le monde arrive tout à coup et se rassemble autour du four. Garnier arrive bouffi, il n'a pas fini de s'habiller, il sort du lit, il ne mange pas le matin. Après de brèves politesses, à sept heures moins cinq, il gueule : Allez, graissez !

    Première page :

    "J'écris parce que je crois que j'ai quelque chose à dire. C'est la vie que j'ai menée entre dix-huit et vingt ans, entre mon échec au bac et mon départ au régiment.

    Je regrette de ne pas avoir pris de notes au cours de cette période, mais en guise de consolation, je peux me dire que c'était impossible. Manque de temps et surtout la fatigue.

    Après avoir travaillé tout un été à la préparation de la session d'octobre tout en tenant la place de chasseur à l'Hôtel de France de Blois, je viens de me faire étendre. Ça ne m'étonne pas. La réussite ne me paraissait pas possible. J'ai fait ce que j'ai pu. Qui connaît la fatigue et la tension de la journée habituelle, ajoutés à l'effort nocturne qui brûle les yeux, me comprendra.

    Je n'ai pas de métier. Je n'ai de goût que pour la Marine. J'essaye de m'engager, mais mon frère, qui est mon tuteur, me refuse son consentement. L'hypothèse d'un emploi de bureau me dégoûte, j'en ai marre de cette plume qui m'a trahi, j'en ai marre de rester assis toute la journée sous les ordres de cornichons blafards. Je sais que je suis fort. Je vais essayer de travailler avec ma force, mais que faire? Dans le pays que j'habite sur les bords de la Loire, aucun débouché à n'importe quel échelon, sinon la culture. Les paysans me font chier avec leurs plaintes et leurs gros sous qu'ils cachent comme des salauds."

    Ce que j'en pense :

    C'est plutôt un témoignage qu'un roman. C'est à la fois un hommage au travail, aux travailleurs et une critique assez féroce de certaines pratiques de ces mêmes travailleurs. C'est un texte cru, sans fioritures, qui ne laisse aucun repos (comme le travail à la scierie). Un grand texte.

    La scierie

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  • Mort sur la route

    "Mort sur la route" par David Le Breton
    éditions Métailié

    Présentation de l'éditeur :

    Il est difficile de se construire à seize ans, on en meurt parfois. Laure et Olivier sont partis sur la route, en stop, pour échapper à la violence de leur vie familiale, ils ont fui l'enfer. Max les a suivis mais lui, ses parents l'aiment, ce sont juste des parents ordinaires, une vie ordinaire. Jetés dans un monde ennemi, ils connaissent la misère des squats, la saleté, la promiscuité, et parfois ils rencontrent l'horreur, l'indicible.
    Ana, elle, a fui la misère des Balkans. Thomas est un peu cassé par ses missions sur les théâtres de guerre, le hasard va le projeter violemment dans cet univers adolescent où la douleur permet de fuir la souffrance. Il découvre que des jeunes disparaissent, que des prédateurs sont à l'affût, et mène en solitaire une enquête dangereuse, dans cette ville de Strasbourg si belle et si cruelle.
    David Le Breton écrit ici un roman noir passionnant et très documenté sur la douleur de grandir dans un monde hostile. 

    Première page :

    "Ils marchaient le long de la nationale, frigorifiés, se retournant et levant parfois le pouce quand une voiture s'approchait. Manifestement, personne ne souhaitait s'embarrasser de trois jeunes avec leurs sacs à dos. Ils cheminaient depuis des heures. Ils étaient partis en fin d'après-midi de Saint-Chély après avoir tenté de prendre le train, mais le chef de gare avait menacé d'appeler la police. Il les savait sans billets et tenait les squatters en horreur.
    Ils allaient non loin de là, à une trentaine de kilomètres, à Marvejols. On était en février, il faisait froid mais quand ils s'étaient mis en marche le soleil de la fin de l'après midi rendait la température encore supportable. Peu à peu avec la tombée du soir le froid ne cessa d'augmenter. Ils étaient trop loin de la ville pour revenir, trop loin aussi de leur but. Pris au piège, ils continuèrent à avancer. Ensuite la neige fit son apparition. De petits flocons tout d'abord, et puis la tempête rendit leur progression difficile. Le vent cinglait leurs visages. La neige les transforma peu à peu en choses informes sur le bord de la nationale.
    Max, dix-sept ans, était sur les routes depuis quelques heures seulement. Son père, médecin, n'était jamais là. Sa mère enseignait la physique dans une université à une centaine de kilomètres de leur maison. Pour ses parents il était une sorte de Martien. Ils lui donnaient le vivre et le couvert, l'associaient aux fêtes de famille les rares fois où il y en avait. Le reste du temps il disposait de la clé de la maison et du frigidaire pour se débrouiller. Il ne manquait de rien, comme lui avait dit une fois sa mère qui lui trouvait l'air un peu triste et le rabrouait à ce propos.
    - On t'a toujours tout donné."

    Ce que j'en pense :

    Le sujet est intéressant. C'est assez bien construit. L'auteur (universitaire et scientifique reconnu) semble bien connaître l'univers des squats. Mais cela ne suffit pas pour faire un bon polar. Le lecteur ne "rentre" pas vraiment dans cette histoire.

    Mort sur la route

     

     

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  • Guide de survie en milieu hostile

    "Guide de survie en milieu hostile" de Shane Kuhn
    traductionKarine Lalechère - éditions Sonatine

    Présentation de l'éditeur :

    Le stagiaire se caractérise par son insignifiance. On lui demande d’être corvéable à merci, mais pour le reste personne ne lui prête attention. Passant facilement inaperçu, le stagiaire est ainsi un parfait assassin en puissance. C’est la raison pour laquelle, depuis une dizaine d’années, John Iago enchaîne les stages en entreprise afin d’éliminer les cibles qu’on lui assigne : quelle meilleure couverture, en effet, pour un tueur à gage ? Ainsi vient-il tout juste de rejoindre l’un des plus grands cabinets d’avocats new-yorkais avec pour mission d’assassiner un des associés.
    À ses heures perdues, John a décidé d’écrire un Guide de survie à l'intention des jeunes stagiaires, illustré d’exemples tirés de sa propre expérience. Ce qui lui permet de donner quelques précieux conseils aux nouvelles recrues de Human Resources, Inc, la mystérieuse organisation qui l’emploie, spécialisée dans l’entraînement et le placement des « stagiaires ». 
    Le problème, c’est que John n’est plus au top de sa forme. À chacun des trente-quatre meurtres qu’il a commis, quelque chose est mort en lui. Et, alors que l’heure de se retirer du jeu a sonné, la mission qu’on lui a confiée va s’avérer la plus dangereuse et la plus inattendue de toutes.

    Entre American Psycho et Un employé modèleGuide de survie en milieu hostile nous fait pénétrer dans l’esprit d’un tueur particulièrement attachant qui, à son grand désespoir, devient de plus en plus humain à mesure que ses chances de survie diminuent. À la fois drôle, cruel et grinçant, ce premier roman impose d’emblée Shane Kuhn comme l’un des auteurs de thriller les plus inventifs de la scène littéraire.

    Extrait :

    "Si tu lis ces mots, c’est que tu es un nouvel employé de RH Inc. Félicitations. Et condoléances. Le moins que l’on puisse dire est que tu te lances dans une carrière que tu ne pourras jamais qualifier d’ennuyeuse. Tu visiteras des lieux intéressants. Tu rencontreras des personnages hors du commun et stimulants, venant de tous les horizons. Et tu les assassineras. Tu gagneras beaucoup d’argent, mais cela ne signifiera plus rien pour toi une fois ta première mission accomplie. Tuer, c’est facile au cinéma. Dans la vraie vie, c’est la profession la plus pénible, la plus stressante et la plus solitaire qui soit. Désormais, chaque fois que tu entendras quelqu’un se plaindre de son travail, il te faudra faire un effort surhumain pour ne pas lui rire au nez. Tout le monde n’est pas taillé pour ce job. Toi et tes condisciples ne tarderez pas à l’apprendre à vos dépens, car vous serez presque tous morts avant la fin du mois. Et il ne s’agit que de la phase de formation.

    Tu hésites ? C’est une réaction naturelle. S’il y a une chose qui doit faire hésiter, c’est bien l’idée de tuer pour gagner sa vie. Et au cas où tu te demanderais si parfois tu seras écœuré et découragé, si tu auras constamment la peur au ventre et si tu songeras même à mettre fin à tes jours, je n’ai qu’une réponse à te donner : oui. Tous tes pires cauchemars vont se réaliser, et à un point que tu n’imagines même pas. Soit tu surmonteras l’épreuve, soit tu finiras par te faire sauter le caisson. D’une manière ou d’une autre, après, tu seras tranquille."

    Ce que j'en pense :

    C'est excessif, drôle, grinçant, parfois assez subversif ; il y a des cadavres, du sang, du suspens, des rebondissements ; il y a beaucoup de références cinématographique … Polar très original, belle découverte des éditions Sonatine.

    Guide de survie en milieu hostile

    Guide de survie en milieu hostile

    Guide de survie en milieu hostile

     

     

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  • Ruptures

    "Ruptures" de Rémi De Vos
    Actes-Sud-Papiers

    Présentation de l'éditeur :

    Une femme quitte son mari après lui avoir préparé un excellent dîner, un homme avoue à sa femme qu'il a une aventure avec un pompier et un couple songe à se quitter après avoir envisagé de se débarrasser de leur enfant. Mais, dans ces trois ruptures, qui va finalement réussir à quitter l'autre ?

    Extrait :

    "L'HOMME. Il est pompier

    LA FEMME. Pompier?

    L'HOMME. Oui

    LA FEMME. Où ça pompier ?

    L'HOMME. À la mairie de Paris

    Elle le regarde.

    LA FEMME. Pompier?

    L'HOMME. Oui

    Un temps.

    LA FEMME. Pompier professionnel ?

    L'HOMME. Ce n'est pas important ça

    LA FEMME. C'est sa seule activité? Pompier?

    L'HOMME. Oui

    LA FEMME. Il n'est pas pompier bénévole avec un métier à côté ?

    L'HOMME. Non seulement pompier

    Un temps.

    LA FEMME. Il est pompier quoi

    L'HOMME. Pompier c'est tout

    Un temps.

    LA FEMME. OK

    L'HOMME. Voilà

    LA FEMME. Oui

    L'HOMME. C'est comme ça

    LA FEMME. Bien sûr

    L'HOMME. Pompier

    Elle le regarde.

    LA FEMME. Mais pompier"

    Ce que j'en pense :

    Trois histoires à la fois drôle et tragique (la troisième est même assez cruelle). Les dialogues, très alertes, révèlent l'incompréhension entre l'homme et la femme. C'est un concerto pour couples en crise. Un vrai plaisir de lecture.

    Ruptures

    Ruptures

    Ruptures

    Ruptures

     

     

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