• La servante du Seigneur

    "La servante du Seigneur" de Jean-Louis Fournier
    Stock

    Présentation de l'éditeur :

    Ma fille était belle, ma fille était intelligente, ma fille était drôle… 
    Mais elle a rencontré Monseigneur. Il a des bottines qui brillent et des oreilles pointues comme Belzébuth. Il lui a fait rencontrer Jésus. Depuis, ma fille n’est plus la même. 
    Elle veut être sainte. 
    Rose comme un bonbon, bleue comme le ciel.

    Première page :

    "J'ai égaré ma fille.
    Je suis retourné à l'endroit où je l'avais laissée, elle n'y était plus.
    J'ai cherché partout.
    J'ai fouillé les forêts, j'ai sondé les lacs, j'ai passé le sable au tamis, j'ai cardé les nuages, j'ai filtré la mer...
    Je l'ai retrouvée.
    Elle a bien changé.
    Je l'ai à peine reconnue.
    Elle est grave, elle est sérieuse, elle dit des mots qu'elle ne disait pas avant, elle parle comme un livre.
    Je me demande si c'est vraiment elle."

    Ce que j'en pense :

    On retrouve le style de Jean Louis Fournier, alerte, concis, piquant et souvent noir. Mais ce livre est parfois troublant, même dérangeant car chez l'auteur il n'y a pas que du désarroi, il y a aussi comme un règlement de compte. Disons que c'est un livre qui questionne sur les difficultés relationnelles entre un père et sa fille.

    La servante du Seigneur

     

     

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  • Demain j'arrête!

    "Demain j'arrête !" de Gilles Legardinier
    Pocket

    Présentation de l'éditeur :

    Comme tout le monde, Julie a fait beaucoup de trucs stupides. Elle pourrait raconter la fois où elle a enfilé un pull en dévalant des escaliers, celle où elle a tenté de réparer une prise électrique en tenant les fils entre ses dents, ou encore son obsession pour le nouveau voisin qu'elle n'a pourtant jamais vu, obsession qui lui a valu de se coincer la main dans sa boîte aux lettres en espionnant un mystérieux courrier... 

    Mais tout cela n'est rien, absolument rien, à côté des choses insensées qu'elle va tenter pour approcher cet homme dont elle veut désormais percer le secret. Poussée par une inventivité débridée, à la fois intriguée et attirée par cet inconnu à côté duquel elle vit mais dont elle ignore tout, Julie va prendre des risques toujours plus délirants, jusqu'à pouvoir enfin trouver la réponse à cette question qui révèle tellement : pour qui avons-nous fait le truc le plus idiot de notre vie ?

    Première page :

    "Vous avez déjà rencontré des gens qui font une fête pour leur divorce ? Moi, oui. D'habitude, ce sont plutôt les futurs mariés qui s'amusent. On les entend klaxonner le samedi quand ils roulent en cortège vers la mairie, on les croise la veille en bandes, dans les rues, habillés en clown ou quasi nus. À grand renfort de trompettes et de tambourins, ils exhibent aux badauds ternes leur joie d'enterrer leur vie de jeunes célibataires - parfois à plus de trente-cinq ans... Mais moins d'un an plus tard, quand les 19 % des statistiques se séparent, plus personne ne lance de confettis. Eh bien Jérôme, si.
    Je n'ai pas assisté à ses deux premiers mariages, mais j'étais présente au troisième. Trois mariages et trois divorces à trente-deux ans, ça interpelle. Le proverbe dit : «A ton deuxième naufrage, n'accuse pas la mer.» La sagesse populaire ne s'est pas aventurée jusqu'au troisième.
    De vous à moi, je trouve sa fête de divorce bien plus sympa que ses noces. Plus question de frime, plus de codes sociaux, adieu les passages obligés, envolée la robe dans laquelle on étouffe, rangés les escarpins hauts comme des falaises qui peuvent vous tuer si vous trébuchez, plus de quête pour la réfection de l'église, pas de menu avec des plats qui se la racontent dans des sauces indigérables, et plus aucune blague débile de son oncle Gérard - qui d'ailleurs n'est pas invité. "

    Ce que j'en pense :

    Beaucoup d'enthousiasme autour de ce livre mais c'est plutôt une déception. C'est facile à lire (même jusqu'au bout, à condition de zapper des longueurs !), c'est simple (on ne sort pas épuisé de ce roman), les personnages peuvent nous intéresser (un peu)… L'humour de ce livre me laisse de marbre (au mieux ! mais le plus souvent c'est indigeste). Je me suis souvent dit, au fil des pages, "demain j'arrête" !

    Demain j'arrête!

     

     

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  • La cuve du diable

    "La cuve du diable" de Alexandra Schwartzbrod
    Stock

    Présentation de l'éditeur :

    Qui a voulu tuer Lino Wang, le tycoon de Hong-Kong devenu en très peu de temps le plus gros vendeur de textile de Naples ? Quelle alliance la Camorra, qui contrôle depuis toujours la ville, a-t-elle bien pu conclure avec les triades chinoises ? Venu enquêter sur cette guerre des mafias, un journaliste français découvre l'envers de Naples, cité oubliée de l'Europe où règne le culte de la misère et du bon Dieu. Quels secrets dissimulent les femmes fatales qui croisent sa route ? A s'approcher trop près, ne risque-t-on pas d'être englouti dans les tréfonds d'une ville peut-être maudite ? Une plongée sensuelle et violente au cœur de la cuve du diable.

    Première page :

    "Il avait encore dans les narines les odeurs de chou et de ciboule qui lui parvenaient par bouffées dans la cour de son palais pékinois. C'était quand ? La veille ? Le mois précédent ? Naples s'était refermée sur lui telle une plante Carnivore, éliminant l'impatience, la hargne, et il se laissait dévorer avec une lascivité qu'il ne s'était jamais connue, lui qui, d'ordinaire, aimait à planter ses crocs le premier.

    Il avait quitté la Chine plutôt serein, sûr de boucler son enquête en quelques jours et de revenir vite. Mais le temps avait filé sans qu'il en remplisse compulsivement les cases. Un moment déjà qu'il traînait dans les ruelles obscures ; humant l'air de vieille Europe qui se dégageait du moindre basso ; brûlant les pavés de la piazza Garibaldi où s'entremêlaient dans un même trafic Ukrainiens avinés, Blacks en faux Armani et petits lieutenants de la pègre locale ; dévisageant les filles qui mâchouillaient clopes et chewing-gums dans leurs bouches grandes ouvertes ; dévorant Ortese et Malaparte au soleil, dans les fauteuils en rotin du café littéraire de la piazza Bellini."

    Ce que j'en pense :

    Portrait bien documenté et sans concession de la ville de Naples. L'auteure sait nous tenir en haleine par petits chapitres et paragraphes qui s'interrompent "au bon moment" (à la manière d'auteurs scandinaves à succès) mais, en procédant ainsi, les personnages manquent un peu d'épaisseur.

    La cuve du diable

     

     

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  • Le jour où mon père s'est tu

    "Le jour où mon père s'est tu" de Virginie Linhart
    Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    « – Tu sais Papa, moi, quand tu t’es arrêté de parler, j’avais 15 ans. A 15 ans, on a beaucoup de
    souvenirs. Je me souviens de tout Papa.
    – C’est notre secret ma petite fille…
    – C’est quoi notre secret ?
    – Que tu saches tout ça, et que moi je ne parle plus.
    ... Cette fois, je suis décidée. Je parlerai du silence de mon père. Je suis prête, j’en jubile presque.
    J’ai même trouvé le titre : Le jour où mon père s’est tu ».

    Virginie Linhart est la fille de Robert Linhart, fondateur du mouvement maoiste en France. Brillant
    normalien, orateur virtuose, il sombre, en mai 68, dans une première crise de folie. Plus tard,
    poursuivant sa démarche de mao et le mouvement qu'il a initié, il s'embauche en usine et écrit un
    livre qui fera date : L'établi. Après une rechute, en mai 1981 (!) il tombe dans un silence définitif.
    Ce livre est d'abord une quête du père et, à travers elle, une autre quête, celle d'une génération.
    Virginie Linhart part sur les traces des enfants des soixante-huitards et tente de comprendre avec
    eux ce qu'ils sont vécu, ce qui reste de l'expérience des parents.


    Première page :

    "J'avais quinze ans lorsque c'est arrivé. J'étais une adolescente qui s'essayait à la rébellion. Je ne travaillais pas au lycée, je faisais tout le temps la gueule, j'étais amoureuse de garçons qui ne me regardaient pas. Et puis, soudain, mon père a disparu de ma vie. C'était au printemps 1981, le printemps de mes quinze ans, de ses trente-six ans - nous sommes tous deux nés au mois d'avril -, à une poignée de jours de l'élection de François Mitterrand. La gauche enfin au pouvoir, après une si longue attente, ça allait être gai vraiment ; mais non, ça ne l'a pas été, du tout.

    Un des dimanches de ce printemps-là, nous sommes tous au restaurant. C'est une tradition dans ma famille paternelle. Il y a mon grand-père, ma grand-mère, ma tante, mon frère Pierre, ma petite sœur Clara et sa mère Ana Maria, notre belle-mère. Une personne manque : mon père. C'est un repas un peu bizarre, l'atmosphère est lourde. Au milieu du déjeuner, mon grand-père se lève brusquement, va aux toilettes. Il n'en ressort pas : infarctus. Panique, cris, porte enfoncée, pleurs, police secours, hôpital. C'est la fin des déjeuners dominicaux pour un long moment. Mon grand-père s'en tire et part en maison de repos. Mon père est toujours absent. "

    Ce que j'en pense :

    Ce livre est plusieurs choses à la fois : une étude sociologique (mais limitée) et une démarche analytique (également limitée!). On ne sait pas finalement ce que l'auteur recherchait en écrivant ce livre. On trouve quelques passages intéressants mais l'ensemble n'a pas trop d'intérêt. L'étude se cantonne au milieu de la haute bourgeoisie post soixante-huitarde, ce qui était très loin d'être le cas des militants issus de 68. Il vaut mieux relire l'œuvre de Robert Linhart !

    Le jour où mon père s'est tu

     

     

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  • Les fuyants

    "Les fuyants" de Arnaud Dudek
    Alma éditions

    Présentation de l'éditeur :

    Dans la famille Hintel quatre hommes décident d’en découdre avec la filiation. Mais l’herbe est-elle vraiment plus verte ailleurs ? Une tragi-comédie tendre et rosse, désopilante à souhait, construite comme un Rubik’s cube. 

    Jacob, David, Simon et Joseph Hintel n’ont pas vraiment l’esprit de famille chevillé au corps. Les uns après les autres, ils s’évaporent. Adieu famille, moquette et vieillesse : la vie, même ordinaire, est ailleurs. Courage, partons. Les trois premiers fuyants connaîtront des fortunes diverses : Jacob pose ses valises au pays de l’ennui (sidéral), David choisit les contrées éternelles (il avale un insecticide), Simon part en quête de sagesse à marche forcée (en devenant oncle actif à défaut d’être mari ad hoc). Seul le petit dernier, Joseph, hacker farouchement marxiste et amoureux transi, brise la ligne de fuite et les habitudes de la tribu.

    Première page :

    "Mon père, David Hintel, s'est tué le mardi quatre septembre deux mille un. A l'heure du thé, il a avalé une bouteille d'insecticide. Le drame s'est produit au sous-sol d'une boutique encombrée de câbles réseau, de disques durs et de cartes mères, une pièce sans fenêtres aux murs peints en jaune.

    Grâce aux facturettes retrouvées dans ses poches, on sait que l'insecticide avait été acheté deux semaines plus tôt dans un supermarché du jardinage qu'il n'avait guère l'habitude de fréquenter (pas vraiment la main verte, mon père, capable de faire crever un cactus). Le même jour, il s'est rendu dans un magasin de jouets. Boîte de Playmobil, duo Prince et Princesse. A la caisse, on lui a sûrement demandé s'il désirait un emballage cadeau. Puis une stagiaire prénommée Sabrina ou Jennifer a emballé l'achat dans du papier de couleur…"

    Ce que j'en pense :

    Ce sont de petites tranches de vie sur le thème de la fuite de la lâcheté (des hommes) décrites avec beaucoup d'ironie. L'écriture est percutante, incisive. Ce roman est très court mais on a besoin de revenir en arrière pour ne pas se perdre dans les personnages et savoir qui parle et de qui il parle.

    Les fuyants

     

     

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  • "Train perdu, wagon mort" de Jean Bernard Pouy
    Points

    Présentation de l'éditeur :

    Au cœur de la nuit, un wagon se détache d'un train-couchettes et s'arrête soudain. D'abord persuadés qu'il s'agit d'une panne, les occupants découvrent qu'ils sont perdus au milieu de nulle part. Abandonnés, oubliés par les secours, certains partent en éclaireurs et disparaissent. Leurs cadavres sont retrouvés, dans une ville déserte et en ruine. La terreur s'empare alors des survivants...

    Première page :

    "Un dernier sursaut de tôle et le train s'arrête.

    La sensation d'être dans une gare. Une addition d'éléments : des sons résonnant sous une hypothétique marquise, des raclements lointains de pas, des portières qui claquent doucement. En pleine nuit, les bruits disparaissent vite, comme avalés par la soudaine torpeur du monde. Un haut-parleur, loin, au bout d'un quai. Paroles déformées, rendues floues par l'obscurité. Une gare.

    Je m'étire, me retourne difficilement sur la couchette du bas, ramasse la couverture tombée à terre. Je bois un peu d'eau. Ça y est, je ne dors plus.

    Lentement, avec précaution, je soulève à peine le rideau sur le glauque du décor : un quai désert éclairé au sodium. Un peu de lueur orange entre dans le compartiment.

    Au-dessus de moi, ça bouge, l'homme de la couchette du haut allume sa veilleuse pour regarder l'heure. Comme moi, il doit calculer, selon les horaires approximatifs, dans quelle gare nous sommes arrivés. Solmert, sans doute. Tant mieux. Après, il y a les deux cents kilomètres de ligne droite dans la plaine du Malbürg. Finis les cahots, vivement le long glissement de presque deux heures, à petite vitesse, …"

    Ce que j'en pense :

    Histoire agréable comme d'habitude chez Pouy, à la fois noire, tendre et fantastique. On est vraiment rendus dans cette plaine immense en compagnie de ces gens bloqués dans le wagon. Un bémol quand même : le final en forme de pirouette un peu facile.

     

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  • Le temps, le temps

    "Le temps, le temps" de Martin Suter, traduction Olivier Mannoni
    Christian Bourgois éditeur

    Présentation de l'éditeur :

    Peter Taler peine à continuer à vivre : depuis que son épouse Laura a été tuée au bas de leur immeuble, le chagrin et le désir de vengeance l'assaillent. Il est toutefois décidé à mener sa propre enquête. Les indices sont faibles. Seule demeure une infime impression du jour tragique : quelque chose, dans son panorama quotidien, n'est plus pareil...
    Son voisin Knupp ne cesse de l'observer par la fenêtre et semble s'adonner à de mystérieuses activités. Les deux hommes font peu à peu connaissance, jusqu'au jour où Knupp parvient à enrôler Taler dans son projet fou : celui de mettre le temps en échec et, avec lui, la disparition de sa femme.
    Au sommet de son art, Martin Suter échafaude un roman presque hitchcockien qui mêle intrigue policière et éléments fantastiques, humour et mélancolie. Dans cet univers où il suffît de revenir au décor antérieur pour abolir les effets du temps, où toute réalité devient trompe-l'oeil, le lecteur est tenu en haleine jusqu'au retournement final insoupçonné.

    Première page :

    "Quelque chose n'était pas pareil, mais il ne savait pas quoi.
    Debout à la fenêtre, Peter Taler tenait sa bouteille de bière à deux doigts, par le goulot, afin que sa main n'en réchauffe pas le contenu. Comme s'il avait jamais laissé à la bière qu'il prenait à son retour du travail le temps de tiédir.
    Une Nissan grise vint se garer sur l'une des quatre places de parking aménagées devant l'immeuble. Entre la Citroën de Taler et la Lancia des nouveaux locataires, dont il ne connaissait pas encore le nom. Keller descendit, ôta sa veste du siège arrière, la passa, attrapa sa sacoche, verrouilla la voiture avec la télécommande de sa clef de contact et marcha vers la boîte aux lettres. Il souleva le volet, s'assura que son épouse avait déjà relevé le courrier, et se dirigea vers la porte de l'immeuble.
    Taler but une gorgée. De toutes les boissons qu'il connaissait, la bière frappée était sa préférée. La sensation qu'elle procurait à la bouche, la manière dont elle descendait dans la gorge, les précautions avec lesquelles elle déployait son effet - tout cela était admirable et rien ne le valait. "

    Ce que j'en pense :

    J'attendais beaucoup de ce roman (le premier de Martin Suter que je lis) ; les premières pages sont pleines de promesses et puis, très vite, cela devient légèrement fastidieux. Les techniques de reconstitution du quartier il y a 20 ans prennent beaucoup de temps ! Au final c'est une (petite) déception. 

    Le temps, le temps

     

     

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  • Le fémur de Rimbaud

    "Le fémur de Rimbaud" de Franz Bartelt
    Gallimard

    Présentation del'éditeur :

    Majésu Monroe est brocanteur. Il propose à sa clientèle des objets ayant appartenu à des célébrités : un portrait du Christ à la mine de plomb dessiné par un officier romain, une chaussette – trouée – de Rimbaud, et mille autres raretés qui sentent à la fois l’escroquerie et la poésie. Très sûr de sa haute valeur, Majésu rencontre un jour Noème, fille d’un couple richissime, bien décidée à faire payer à ses parents les crimes de la bourgeoisie (Noème est devenue communiste, et sa mère a bien souffert de voir Staline la supplanter dans le cœur de sa fille). L’amour naît instantanément, basé sur une même haine des riches, un même penchant pour l’alcool et une même absence de scrupules : le mariage est inévitable. Mais, à la mort accidentelle des parents de Noème, les projets du couple tournent court : un énorme héritage est en jeu, et soudain le principe de la communauté des biens paraît moins attrayant. Pire qu’une guerre civile, la guerre conjugale commence. 
    On retrouve ici l’imagination retorse de Franz Bartelt, sa verve anarchisante et son style impeccable, pour la plus grande hilarité du lecteur.

    Première page :

    "Autant jouer cartes sur table : je ne suis pas n'importe qui. Je ne l'ai jamais été. Solitaire, mais sociable. Taciturne, mais beau parleur. Intelligent, mais sans prétention. Plutôt beau garçon, n'ayons pas peur de la vérité, mais dénué de la vanité des bellâtres.

    Si j'avais voulu, j'aurais pu devenir ingénieur. J'avais la tête aux calculs. Ou acteur de superproductions. J'avais le physique. Et mon patronyme m'y prédisposait. On verra cela plus loin. Pour l'instant, essayons de construire le discours. Ne nous laissons pas détourner par la digression. Allons.

    Doté d'une voix grave et juste, qui enchantait ceux qui entendaient mes exercices d'improvisation vocale, j'ai pendant un moment incliné pour une carrière dans la chanson de variété. D'ailleurs, j'ai commencé comme vendeur de disques, il y a longtemps. C'était un signe, pour ne pas dire un symptôme.

    À vrai dire, j'étais doué en tout. C'était même trop. On me donnait une boulette d'argile, je la transformais en bille ou en tête de pape, au choix, selon ce qu'on me demandait. Le résultat était toujours ressemblant : formidable!"

    Ce que j'en pense :

    Bartelt fait comme d'habitude dans la démesure, l'excès, l'humour, avec une pincée de subversif. C'est plutôt bien réussi et on prend du plaisir à lire cette vraie fiction.

    Le fémur de Rimbaud Le fémur de Rimbaud Le fémur de Rimbaud

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  • Trop près du bord

    "Trop près du bord" de Pascal Garnier
    Points (Zulma)

    Présentation de l'éditeur :

    Eliette est veuve et s'ennuie dans sa maison ardéchoise. Ses enfants sont grands, et elle n'a pour amis que ses voisins, un couple de braves gens. Et puis surgit Etienne, un petit truand frais sorti de prison. Une voiture en panne, un ou deux mensonges improvisés, la fille d'Etienne entre en scène et plus rien ne tourne vraiment rond. C’est avec un malin plaisir que Pascal Garnier dépeint ces vies qui dérapent, et réveille la folie là où elle sommeille.

    Première page :

    "En tombant dans la casserole pleine d'eau, la pomme de terre pelée émit un plouf sonore dont les ondes se répercutèrent comme une balle de tennis entre les quatre murs de la cuisine. L'épluche-légumes en suspens, Éliette s'immobilisa avec, au plus profond de son être, l'intime conviction de vivre un instant de bonheur parfait.

    Son cœur, qui depuis un an flottait et ballottait au gré de sanglots plus ou moins bien contenus, venait de se stabiliser, pareil à la bulle verte d'un niveau de charpentier. Il n'y avait pas de raison particulière à cela ou bien il y en avait mille, parce qu'il était onze heures du matin, parce qu'on était en mai, que la pluie battait les vitres, que France Musique diffusait de la musique baroque, qu'elle était en train de préparer sa première jardinière de légumes de l'année (petits pois frais, cœur de laitue, carottes, pommes de terre, navets et oignons nouveaux, plus lardons !), que la biographie de Colette dégottée la veille à la bibliothèque de Meysse était ouverte à la page 48 sur la table du salon, qu'elle n'attendait personne et que personne ne l'attendait.

    Tout cela, et une infinité de petits riens, faisait que, pour la première fois depuis le décès de Charles, elle ne se sentait plus seule dans la maison mais une et indivisible."

    Ce que j'en pense :

    C'est un roman à l'intrigue bien maitrisée, où la voiturette de l'héroïne occupe une place prépondérante. L'écriture est peut être un peu différente des autres livres de Garnier, moins percutante, un peu plus "convenue" et les personnages sont sans doute moins "vraisemblables".

    Trop près du bord

    Trop près du bord

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  • Le songe d'Ariel

    "Le songe d'Ariel" de Alexandra Schwartzbrod
    Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    Dans le désert, un ranch hors norme se dresse sur le sable. Des hommes armés veillent sur un mort vivant. Un homme qui incarnait autrefois la force armée et la puissance. L’ex-Premier ministre d’Israël, Ariel Meron. Il n’est plus qu’un corps sans chair. Son visage émacié disparaît sous la barbe et les cheveux longs. Les côtes saillent sous sa peau nue, blanche et fine telle une feuille de papyrus. Les médecins assurent que son cerveau est mort. Pourtant, un matin, il se réveille. Arrache ses perfusions. Se lève. Ariel serait-il le Messie ? Il en est convaincu. Il a été renvoyé du néant pour ramener la paix. La nouvelle se répand dans tout le pays. Et le miracle a lieu : sépharades, ashkénazes, Russes, Arabes, Ethiopiens, religieux, laïcs, pacifistes ou va-t-en-guerre, les Israéliens célèbrent tous le réveil du grand homme. Cette liesse sera de courte durée… Cette fable tout à la fois grave et légère, qui met en scène la diversité de la société israélienne, s’inspire librement du destin d’Ariel Sharon, plongé dans le coma depuis 2006.

    Première page :

    "Des chiens hurlent dans le lointain, il émerge du néant. « Mamalè1, Shiptz a encore croisé un fennec ! Il va revenir en sang ! » Silence. Sa mère sait pourtant qu'il tient à son chien plus qu'à quiconque, bien plus qu'à Léa et David qui aiment à partager son casse-croûte à l'ombre de la charrette les jours de labour. Il tente de se soulever, mais son corps ne répond pas. Une pierre, il n'est rien qu'une pierre dans le désert de Samarie.

    Samarie? C'est où déjà? Il essaye de se concentrer, impossible de fixer ses pensées, elles filent sans même laisser un flash de lumière dans leur sillage.

    Tout est noir.

    Respirer. Le seul moyen de ne pas céder à la panique, lui apprenait-on à l'armée.

    L'armée ? Il a donc fait l'armée ? Inspirer par le nez. Souffler par la bouche. Une fois, deux fois, trois fois. La cage thora-cique qui gonfle, le ventre qui se relâche. Il se sent mieux. L'armée a du bon.

    Comment s'appelait sa mère ? Pourquoi se souvient-il d'abord du nom de son chien ?"

    Ce que j'en pense :

    C'est un livre qui nous donne une bonne idée de la complexité d'Israël et nous laisse entrevoir dans quelle impasse se trouve la situation politique de la région. Il y a un regard très caustique sur ce pays, de l'humour également et une petite dose d'espoir.

    Le songe d'Ariel

    Le songe d'Ariel

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