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"Cendrillon" de Joël Pommerat - Actes Sud Papiers
Présentation de l'éditeur :
Une toute jeune fille comprend difficilement les derniers mots de sa mère mourante, mais n'ose lui faire répéter. Pourtant voilà Cendrillon liée à cette phrase : "Tant que tu penseras à moi tout le temps, sans jamais m'oublier plus de cinq minutes, je ne mourrai pas tout à fait." Joël Pommerat part du deuil et de ce malentendu pour éclairer le conte d'une nouvelle lumière.
Extrait :
Dans une maison en verre.
LA VOIX DE LA NARRATRICE. Un peu plus tard, le père de la très jeune fille décida qu'il était temps de se remarier. Il avait rencontré une femme qui avait deux charmantes jeunes filles. Elles habitaient toutes les trois dans une maison très particulière. Cette maison était construite tout en verre. Oui en verre.
SŒUR LA GRANDE. Pourquoi i'z'arrivent pas?
LA BELLE-MÈRE. J'en sais rien !
SŒUR LA PETITE. Peut pas s'asseoir?
LA BELLE-MÈRE. Non ! Ça fait grandir !
SŒUR LA GRANDE. Elle te va bien cette robe !
LA BELLE-MÈRE. Merci.
SŒUR LA PETITE. T'as de la chance toi, tout te va !
LA BELLE-MÈRE. Oui, je sais ! Hier encore, on m'a dit la même chose dans un magasin ! "C'est fou, à vous tout vous va ! Et puis vous faites si jeune ! Vos filles, si on savait pas que c'était vos filles, on les prendrait pour vos sœurs !"
LES DEUX SŒURS. On sait, tu nous l'as dit déjà.
LA BELLE-MÈRE. On me le dit tous les jours! …
Ce que j'en pense :
Pommerat a l’habitude d’adapter des contes au théâtre. Il met Cendrillon (Sandra) au gout du jour sans en édulcorer la cruauté… au contraire ! Cela peut même paraître cruel. Heureusement il y a de l’humour et les mises en scène peuvent développer le côté caricatural et burlesque de certains personnages (en particulier la belle mère et les deux sœurs). J’ai déjà vu une mise en scène (très réjouissante) de cette pièce et je vais en voir une autre dans quelques semaines…
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"Station Eleven" de Emily St John Mandel - Rivages
Présentation de l'éditeur :
Une pandémie foudroyante a décimé la civilisation. Une troupe d’acteurs et de musiciens nomadise entre de petites communautés de survivants pour leur jouer du Shakespeare. Ce répertoire classique en est venu à représenter l’espoir et l’humanité au milieu des étendues dépeuplées de l’Amérique du Nord.
Centré sur la pandémie mais s’étendant sur plusieurs décennies avant et après, Station Eleven entrelace les destinées de plusieurs personnages dont les existences ont été liées à celle d’un acteur connu, décédé sur scène la veille du cataclysme en jouant Le Roi Lear. Un mystérieux illustré, Station Eleven, étrangement prémonitoire, apparaît comme un fil conducteur entre eux…Première page :
"Le roi se tenait, à la dérive, dans une flaque de lumière bleue. C'était l'acte IV du Roi Lear, un soir d'hiver à l'Elgin Théâtre de Toronto. En début de soirée, pendant que les spectateurs entraient dans la salle, trois fillettes - versions enfantines des filles de Lear -avaient joué à se taper dans les mains sur le plateau, et elles revenaient maintenant sous forme d'hallucinations dans la scène de la folie. Le roi titubant essayait de les attraper tandis qu'elles gambadaient çà et là dans les ombres. Il s'appelait Arthur Leander et avait cinquante et un ans. Des fleurs ornaient ses cheveux.
« Me reconnais-tu ? demanda le comédien qui interprétait Gloucester.
- Je me rappelle assez bien tes yeux », répondit Arthur, distrait par la version enfantine de Cordelia.
Ce fut à ce moment-là que la chose se produisit. Son visage se crispa, il trébucha et tendit le bras vers une colonne, mais, évaluant mal la distance, se cogna durement le tranchant de la main.
« Au-dessous de la taille ce sont des Centaures », dit-il. Non seulement ce n'était pas la bonne réplique, mais il la prononça d'une voix sifflante, à peine audible. Il nicha sa main contre sa poitrine, à la manière d'un oiseau blessé. L'acteur qui incarnait Edgar l'observait attentivement. On pouvait encore croire en cet instant qu'Arthur était emporté par son rôle…"
Ce que j'en pense :
C’est un roman post-apocalyptique qui peut paraître assez classique au début mais il est bien conduit avec des retours en arrière et des personnages qui se croisent, s’éloignent et se retrouvent (au moins pour quelques uns). L’idée sous jacente est intéressante : c’est par l’art (la musique, le théâtre, le musée…) qu’un nouveau monde peut renaitre. J’ai bien aimé également le regard critique porté sur notre société qui est esclave de l’électricité, des moyens de transport et de communication. C’est donc un très bon roman mais il lui manque ce petit quelque chose de puissant et profond qui en ferait un chef d’œuvre, comme « La route » de McCarthy. De l’auteure j’ai préféré « Dernière nuit à Montréal ».
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"Et tu te soumettras à la loi de ton père" par Marie-Sabine Roger - Babel
Présentation de l'éditeur :
Une fillette d’une dizaine d’années témoigne du quotidien de sa famille, tyrannisée par un père intégriste, qui soumet les siens à sa vision altérée de la religion catholique. Chez elle, on ne doit pas poser de questions, pas demander d’explications. Seule compte la parole du Seigneur, faite de mots compliqués, alambiqués, inintelligibles, débitée par cet homme au cœur sec. Les aînés partis, la mère consacre toute son attention à Fabien, le petit dernier, qui ne grandit pas, ne sait pas tenir sa tête, ne vivra sans doute pas bien longtemps.
Pour tenter de rendre plus supportable cette atmosphère pesante, celle à qui l’on vole son enfance s’obstine, invente ses propres réponses, se fraie un chemin à travers les mots et découvre le goût de l’insoumission.
Dans ce court récit écrit sous la forme d’un monologue de plus en plus glaçant, Marie-Sabine Roger livre entre les lignes un vibrant plaidoyer pour la vie.Première page :
"Je te crains.
C'est une angoisse si présente qu'elle fait partie de moi, quotidienne à tel point que je ne la vois plus. Le côté pile de l'enfance.
Et les lèvres qui tremblent, le cœur fou qui voudrait s'échapper de sa frêle prison de côtes resserrées en cerceau sur ma respiration, tout cela fait partie de ma vie, quand tu es là.
Il suffit que tu apparaisses pour que je sois tétanisée. Je suppose que c'est ainsi qu'il faut aimer un père : avec la peur au ventre et la gorge nouée. Je n'ai reçu aucun exemple du contraire. Je ne vais pas chez d'autres gens, je ne suis jamais invitée.
Pourtant tu ne dis rien, ou presque. Et lorsque tu t'adresses à nous, rarement, tu ne le fais que par sentences et maximes, phrases empruntées à d'autres et que je t'attribue. Tu es le chef, le patriarche, et tu règnes en tyran sur toute ta tribu. Il faut courber le front, ne pas faite de bruit, ne pas hausser le ton lorsqu'on s'adresse à toi."
Ce que j'en pense :
Ce livre se lit très vite, tellement on est happés par cette histoire. C’est un long monologue d’une fille de 10 ans, mais on voit bien que ce n’est pas un discours enfantin, on reconnaît la « patte » de MS Roger derrière les mots de la fillette. L’auteure nous montre comment l’intégrisme en religion conduit à la soumission, à la terreur, à la négation de la vraie vie. C’est dur, glaçant avec toutefois un petit espoir vers la fin.
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"Zaï, Zaï, Zaï, Zaï" de Fabcaro - 6 pieds sous terrre
Présentation de l'éditeur :
Voici le nouveau récit choral de l’imparable Fabcaro, entre road movie et fait divers, l’auteur fait surgir autour de son personnage en fuite, toutes les figures marquantes - et concernées - de la société (famille, médias, police, voisinage...) et l’on reste sans voix face à ce déferlement de réactions improbables ou, au contraire, bien trop prévisibles.
Extrait :
Ce que j'en pense :
C'est déjanté, drôle, souvent hilarant... mais c'est aussi très profond. L'auteur nous montre avec beaucoup d'humour l'absurdité de ce monde. Les médias, les politiques, les policiers, les bobos... et même les auteurs de BD ont leur coup de griffe (salutaire!). Ce livre devrait être remboursé par la sécurité sociale !
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"Toute une vie et un soir" de Anne Griffin - Delcourt
Présentation de l'éditeur :
Dans une bourgade du comté de Meath, Maurice Hannigan, un vieux fermier, s’installe au bar du Rainsford House Hotel. Il est seul, comme toujours – sauf que, ce soir, rien n’est pareil : Maurice, à sa manière, est enfin prêt à raconter son histoire. Il est là pour se souvenir – de tout ce qu’il a été́ et de tout ce qu’il ne sera plus. Au cours de la soirée, il va porter cinq toasts aux cinq personnes qui ont le plus compté pour lui. Il lève son verre à son grand frère Tony, à l’innocente Noreen, sa belle-sœur un peu timbrée, à la petite Molly, son premier enfant trop tôt disparu, au talent de son fils journaliste qui mène sa vie aux États-Unis, et enfin à la modestie de Sadie, sa femme tant aimée, partie deux ans plus tôt. Au fil de ces hommages, c’est toute une vie qui se révèle dans sa vérité franche et poignante… Un roman plein de pudeur et de grâce qui contient toute l’âme de l’Irlande.
Première page :
"18 h 25 Samedi 7 juin 2014 Bar du Rainsford IIousc Motel Rainsford, comte de Mcath, Irlande
C'est moi ou leurs tabourets sont plus bas ? Peut-être que je me ratatine. À 84 ans, ce sont des choses qui arrivent. Ça et les poils dans les oreilles.
Ouelle heure il est aux Étals-Unis, fiston ? 1 heure, 2 heures de l'après-midi ? Tu dois être collé à cet ordinateur dans ton bureau climatisé, en train de taper sur ton clavier*. Ou bien chez, toi, sur la galerie, dans le fauteuil relax dont l'accoudoir est cassé, à lire l'article que tu viens d'écrire dans ce journal pour lequel tu travailles... C'est quoi, déjà, son nom ? Bon sang, impossible de le retrouver. Je t'imagine, le Iront plissé, essayant de te concentrer pendant qu'Adam et Caitriona font les fous pour* que tu les remarques.
lei, c'est calme plat. Pas un pékin en vue. Il n'y a que moi, qui marmonne dans ma barbe et qui tambourine sur* le bar*, pressé de boire ma première gorgée. Si je réussis à me la faire servir*... Est-ce que je t'ai raconté, Kevin, que mon père tambourinait comme un as ? Sur la table, mon épaule, n'importe quelle surface où il pouvait poser l'index, pour enfoncer* ses arguments et obtenir l'attention qu'il méritait…."
Ce que j'en pense :
Voilà un excellent roman, à la fois drôle, tendre et tragique. L’auteure nous fait rentrer dans l’univers de ce vieux monsieur de 84 ans de façon magnifique. Elle sait nous transmettre beaucoup d’émotions avec pudeur et sans pathos, en nous faisant partager les toutes petites choses du quotidien avec des bonheurs tout simples. On est tellement bien dans ce livre, avec ce vieux monsieur qu’on n’a pas envie de le quitter !
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"Comme la chienne" de Louise Chennevière -P.O.L.
Présentation de l'éditeur :
"Tu te tais. Depuis trop longtemps tu te tais. Dans la cohue des villes, dans le bruissement des siècles, dans ta petite chambre, tu te tiens en silence. Alors que tu voudrais simplement : avoir le courage de dire les choses, telles".
Première page :
"Je ne peux parler en mon nom, car de nom je n’en ai pas. Dire je serait déjà mentir, car ce je, noir sur blanc, sur cette page, dans le livre, n’est pas mon lieu. Longtemps pourtant tu t’es tenue dans le mensonge, et dans le langage, avant de comprendre que ces mots n’étaient pas les tiens. Qu’ils ne permettaient pas de te dire telle que tu es. Longtemps tu as dit je, comme si c’était seulement possible, te tenir seule, en toi. Le miroir s’est brisé et tu as volé en éclats. Tout était trop propre, trop simple, facile. C’est dégueulasse. Recoller les morceaux tu voudrais. Comme des fragments de toi.
Mais toi qui es-tu ? Et as-tu le droit de parler, toi, en ton nom ? Et avec quels mots, et comment dire la dépossession ? Et la honte, et les caillots de sang dans la culotte, et le sang qui ne vient plus ? Et ce trou d’ombre ? Et la douleur du corps qui fait défaut, qui se terre, dans les recoins, les cavités, les cloaques …"
Ce que j'en pense :
Ce livre est un cri qui nous emporte, nous questionne, nous trouble, nous glace parfois… L’auteure nous « balance » des portraits de femmes en révolte, en souffrance…. on y aborde le viol, l’inceste, l’anorexie, les troubles psychiatriques….Il n’y a pas d’intrigue, ce sont des voix de femmes, qui s’entremêlent. L’écriture est dure, violente et nous emporte par son souffle. Malheureusement, et c’est le seul bémol que j’émettrai sur ce livre, toutes les pages ne sont pas à la hauteur.
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"Maison des rumeurs" de Colm Toibin - Robert Laffont
Présentation de l'éditeur :
Après le sacrifice de sa fille, une mère fomente la mise à mort de l'assassin. Enragée, elle crie sa joie de venger son enfant. Puis son fils est enlevé et passe des années en exil où, dans un douloureux monologue intérieur, il revit le meurtre de sa soeur. Au foyer, il ne reste qu'une fille, obsédée jusqu'à la folie par la place démesurée qu'occupent les disparus dans le coeur de leur mère.
Clytemnestre, Oreste, Électre. Ils mêlent leurs voix en un choeur tragique pour raconter ce drame : l'assassinat d'Iphigénie par son père en échange d'une victoire à la guerre.
Dans des paysages sauvages qui rappellent les contrées isolées d'Irlande, Colm Tóibín donne aux héros et aux héroïnes du mythe grec une humanité bouleversante, inattendue, qui nous hante longtemps.Première page :
"L'odeur de la mort m'est devenue familière. L'odeur écœurante, douceâtre, qui entrait par bouffées dans les pièces de ce palais, au gré du vent. Il m'est facile maintenant d'être sereine. Je passe la matinée à observer le ciel et la lumière changeante. Le chant des oiseaux monte peu à peu tandis que le monde s'emplit de ses propres plaisirs, puis, quand le jour décroît, le bruit décroît lui aussi et s'évanouit. J'observe les ombres qui s'étirent. J'ai oublié tant de choses, cependant l'odeur de la mort s'attarde. Elle m'est peut-être entrée dans le corps, accueillie là comme une vieille amie venue en visite. L'odeur de la mort, de la peur, de la panique. Elle est présente de la même manière que l'air; elle revient comme revient la lumière du matin. Elle est ma compagne de chaque instant; elle a mis de la vie dans mes yeux, mon regard longtemps voilé par l'attente, qui n'est plus voilé à présent mais vif au contraire, plein d'éclat.
J'ai donné l'ordre que les corps soient laissés dehors sous le soleil pendant un jour ou deux jusqu'à ce que la puanteur devienne envahissante. J'aimais bien les mouches, leurs petits corps perplexes, courageux, bourdonnant après le festin, troublés par la faim qui les tenaillait encore…"
Ce que j'en pense :
Roman assez surprenant dans les premières pages avec ces personnages d’un mythe grec. On se demande vraiment ce que cela va donner….Et puis on se laisse embarquer dans ces histoires de sacrifices, de guerres atroces, de meurtres, de pouvoirs et de révoltes, d’amitié, d’amour, de désir et de vengeance… de la vraie tragédie classique. Le talent de l’auteur permet de rendre ces personnages mythiques beaucoup plus proches de nous. A découvrir.
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"J'ai d'abord tué le chien" de Philippe Laidebeur - Denoël
Présentation de l'éditeur :
Il est SDF, clodo, sans abri. Un échec sentimental, un désastre professionnel, et le voilà dans la rue. Il y vit depuis dix ans. Et touchera bientôt le fond de sa descente aux enfers. Vagabond solitaire, il gère son quotidien en évitant les pièges que lui tend la jungle urbaine. C'est tout du moins ce qu'il croit. Une nuit, pour une banale histoire de planches volées, il égorge un vigile et son chien. Il le fait machinalement, sans la moindre émotion. Ce sera le premier meurtre d'une longue série. Tuer pour ne pas être tué, sa vie est aussi primitive que cela. Un jour, il élimine un homme qui lui ressemble de façon étonnante et, tout naturellement, il prend sa place. Il usurpe l'identité d'un étrange et riche inconnu. Porte de sortie inattendue ? Chance ultime ou erreur fatale ? Peut-on entrer dans la peau d'un autre sans prendre le risque de voir un passé sulfureux rattraper un présent chaotique ? Sans payer le prix du sang ? ...
Première page :
"Je viens de tuer un homme. C’est une chose que je n’avais encore jamais faite. J’ai tué le chien, aussi. J’ai d’abord tué le chien. Un berger allemand de plus de cent livres, une bête énorme, dangereuse. Elle s’est jetée sur moi, gueule ouverte, crocs menaçants, mauvaise. J’avais mon rasoir à la main : un vieux coupe-chou de barbier que je maintiens toujours en état, par prudence. Un coup sec, précis : je n’ai même pas entendu le monstre gueuler. Il s’est affalé à mes pieds. Un flot de sang poisseux a giclé de sa gorge. Puis de grosses bulles rouges se sont formées au bord de sa blessure, au rythme de sa respiration finissante. Sa gueule produisait un drôle de sifflement. Ses yeux jaunes me fixaient avec une angoisse sauvage. Les bulles sont vite devenues plus petites. Le souffle plus court. Puis tout a été fini. Au total, cela n’a pas duré plus de trois secondes. Le type a marqué un temps d’hésitation. Son chien, je ne sais pas s’il l’aimait, mais c’était sans doute son arme favorite. Il a baissé les yeux sur moi, plus haineux que désemparé…."
Ce que j'en pense :
Cela pourrait être un bon roman, original, grinçant, glaçant, souvent inquiétant et amoral, où l’on ne sait plus où se situe le réel, le fantasme et la folie. On sent bien que l’auteur voulait nous entraîner dans tout cela mais il n’y parvient pas vraiment. Bien sûr on continue à lire jusqu’au bout avec un certain intérêt mais en se disant qu’on est passé à côté de quelque chose.
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"Partiellement nuageux" de Antoine Choplin - La fosse aux ours
Présentation de l'éditeur :
Ernesto est astronome dans le modeste observatoire de Quidico, au Chili, en plein territoire mapuche. Il vit seul avec son chat, Le Crabe, et Walter, un vieux télescope peu performant. Lors d'un séjour à Santiago, il rencontre Ema à l'occasion d'une visite au musée de la Mémoire. Très vite, les fantômes de la dictature resurgissent. Ernesto et Ema devront surmonter ce passé douloureux.
Première page :
"Depuis le milieu de la matinée, je marchais en boucle autour du Palais de la Moneda. Je faisais rien d'autre que ça, répéter le même tour, avec application.
J'avançais au plus près des murs, d'un pas tranquille et bien régulier. Le long du parcours, je pouvais sentir sur mon flanc gauche la chaleur renvoyée par la pierre. Parfois même, je laissais traîner la main et je jouais à la toucher avec le gras des doigts. A chaque passage, je ralentissais devant la grande porte vernissée …"
Ce que j'en pense :
C’est sans doute le meilleur livre d’Antoine Choplin. Il sait nous mettre au cœur de l’émotion de ses deux personnages avec simplicité et beaucoup de pudeur. C’est un livre qui enveloppe le lecteur d’une grande douceur et d’une immense tendresse sans occulter ce qu’il peut y avoir de douloureux dans le passé d’Ernesto et d’Ema. Pour moi c’est un coup de cœur, dans le vrai sens du terme.
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"Évangile pour un gueux" de Alexis Ragougneau - points
Présentation de l'éditeur :
Entrailles de Paris, camps de fortune, bouches de métro fumantes. L'hiver est mortel pour les miséreux. À la veille de Noël, dix clochards se barricadent dans Notre-Dame. Mouss, leader proclamé par la presse " messie des gueux ", revendique leur droit au logement et déchaîne les médias. Des mois plus tard, le corps de Mouss est repêché dans la Seine, pieds et mains percés. Une blessure sur le flanc. Qui a été son Judas ?
Nouvelle plongée dans les bas-fonds de Paris pour le père Kern et la juge Claire Kauffmann.Première page :
"Le corps reposait sur le dos. La lumière blanche filtrant à travers les vitres ravivait les marbrures qui coloraient la peau, comme peintes sur un parchemin flétri par l'eau, le temps et la mort. Un drap avait été jeté sur le sexe - pudeur inhabituelle pour le lieu - et dissimulait également le haut des cuisses. La tête, inclinée sur la gauche, était calée sur un billot que recouvrait une chevelure brune collée par l'humidité, la saleté et le sang. Dans cette posture artificielle, le menton s'écrasait sur la pomme d'Adam et formait là un renflement, petit goitre qui conférait au visage un air poupon et attirait immanquablement le regard compte tenu de l'effarante maigreur du cadavre. Une barbe adolescente, bien qu'assez longue, encadrait des traits prématurément abîmés qui évoquaient un masque antique saisi entre clownerie et tragédie. Les mains et les pieds excitaient l'intérêt et, pour tout dire, une curiosité malsaine, si bien que le regard, une fois le survol du corps effectué, se fixait sur ces extrémités percées de part en part et ne les quittait plus, aimanté par les quatre trous noirs.
Un métro aérien traversa la Seine, puis amorça son virage au-dessus de la voie Mazas dans un crissement de freins. Le docteur Saint-Omer fit son entrée dans la salle au lino d'un orange délavé, suivi d'un photographe de l'identité judiciaire et du garçon morguiste."
Ce que j'en pense :
Le sujet est original. Ce n’est pas fréquent en littérature de pénétrer ainsi le monde de la nuit, des sans abris, des clochards. La plupart des personnages sont très attachants, même si certains font un peu trop « clichés ». Un livre intéressant mais il manque quelque chose pour que ça devienne un bon polar.
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