• Shit !

    "Shit !" de Jacky Schwartzmann - Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Quand Thibault débarque à Planoise, quartier sensible de Besançon, il est loin de se douter que la vie lui réserve un bon paquet de shit. Conseiller d’éducation au collège, il mène une existence tout ce qu’il y a de plus banale. Sauf qu’en face de chez lui se trouve un four, une zone de deal tenue par les frères Mehmeti, des trafiquants albanais qui ont la particularité d’avoir la baffe facile. Alors que ces derniers se font descendre lors d’un règlement de comptes, Thibault et sa voisine, la très pragmatique Mme Ramla, tombent sur la cache de drogue.

    Que faire de toute cette came ? Lorsque notre duo improvisé compare ses fiches de paie avec le prix de la barrette, il prend rapidement une décision. Un choix qui pourrait bien concerner tout Planoise.

    Première page :

    Enculés d’Albanais

    C’est pour ne jamais devenir comme Frédéric Blanchard que j’ai choisi de ne pas être enseignant. Nous avons pourtant de nombreux points communs. Nous sommes tous deux de gauche, lui France insoumise, moi modeste socialiste. Nous consacrons tous deux notre carrière, pour ainsi dire notre vie, à la jeunesse. Nous sommes tous deux de fervents républicains, amoureux de notre pays, la France. La différence ? Il pue de la gueule.

    Je le soupçonne de chiquer des chaussettes sales.

    Ses fringues aussi puent de la gueule. Pantalon en velours côtelé, chaussures Paraboot à rebord et coutures apparentes, chemise blanche, veste de marin informe. Frédéric porte un uniforme. Ensuite, c’est dans la tête : il est toujours fâché. Révolté. Ulcéré. Il fait tourner dans son cerveau surchauffé des gimmicks révolutionnaires, on dirait DJ Staline : le ministre de l’Éducation nationale est un nazi qui dispose d’une administration complice dont la principale obsession est d’augmenter les effectifs des classes ; tous les gouvernements, depuis 1983 et le tournant mitterrandien de la rigueur, sont vendus au grand capital ; les Arabes sont les nouveaux prolétaires ; les flics sont des chiens. Amen.

    Cela dit, seules deux choses priment réellement à ses yeux : le combat et lui-même. Frédéric aime combattre …

    Ce que j'en pense :

    Voilà un roman qui fait fi de la morale et qui pourrait même nous montrer comment se lancer dans le biseness de la vente de shit (c’est très pédagogique et très bien renseigné !). L’auteur connaît bien le quotidien de ces banlieues devenues des ghettos. Ce roman est très caustique, rempli d’humour et on est en empathie complète avec les personnages (en particulier Thibault). Même si le récit est souvent loufoque ce livre dresse un portrait très juste et plein de finesse de l’école et de la vie dans ces cités. Un vrai coup de coeur.

    Shit !

     

     

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  • Bretzel et beurre salé

    "Bretzel et beurre salé" de Margot et Jean Le Moal - Calmann Levy

    Présentation de l'éditeur :

    Mais qui est le nouveau propriétaire mystère de la plus belle maison de Locmaria, celle de la pointe de Kerbrat ?
    Tout ce paisible village du Finistère le guette depuis des semaines et voilà que débarque, en pleine tempête, Cathie Wald, une pimpante Strasbourgeoise. La cinquantaine, divorcée, caractère bien trempé, elle a décidé de prendre un nouveau départ en Bretagne, et d’ouvrir à Locmaria un restaurant de spécialités
    alsaciennes.
    La plupart des habitants l’accueillent à bras ouverts,ravis de ce petit vent de changement. Mais certains voient son installation d’un mauvais oeil. Et ne tardent
    pas à lancer les hostilités. Après une soirée choucroute, un notable du village s’effondre, et Cathie est accusée de l’avoir empoisonné.
    Une tentative de faire plier bagages à l’étrangère ?
    Quoi qu’il en soit, Cathie n’est pas du genre à se laisser intimider. Et rien ne l’arrêtera pour prouver l’innocence de sa choucroute traditionnelle, quitte à se lancer elle-même sur les traces du coupable !

    Première page :

    Les nuages noirs sillonnaient le ciel, charriant des bourrasques de pluie qui giflaient le paysage martyrisé. Le vent, dont la force avait défié les prévisions des météorologistes les plus pessimistes, transformait la mer en marmite infernale. Des creux de plus de huit mètres, des vagues dont le sommet éclatait en embruns. À quelques miles du littoral, un navire hauturier se frayait un chemin dans la tempête, submergé par l’océan affamé en quête de victimes expiatoires. La mer, frappée par une de ses crises régulières, attaquait furieusement les côtes de granit aux formes déchiquetées et les plages de sable blanc. Elle savait qu’elle n’en viendrait pas à bout aujourd’hui, et qu’elle pouvait seulement les recouvrir d’algues arrachées par la violence de ses flots. Mais, dans quelques siècles ou millénaires, elle aurait grignoté ces rochers qui lui tenaient tête depuis si longtemps.

    Sur terre, la situation était tout aussi chaotique, les vagues en moins, ce qui n’était quand même pas négligeable. Le vent prenait d’assaut le rivage et les landes dans des hurlements stridents. Il enveloppait les forêts centenaires, modulant ses cris en hululements lugubres quand il jouait avec les branches dénudées des hêtres et des chênes impavides.

    Ce que j'en pense :

    C’est rempli de clichés, sur la Bretagne, sur les femmes, les relations amoureuses…On devine assez rapidement qui peut être le coupable. Les personnages sont très mal dégrossis et ne suscitent aucune empathie. Il fallait que je lise ce livre qui fait partie d’une première sélection pour un prix « polar sans violence» ! C’est du genre « cosy mystery » mais pour le cosy c’est plutôt « cucul » et pour le mystery c’est du mystère cousu de gros fil blanc. Et dire qu’il y a plusieurs tomes de prévus !

    Bretzel et beurre salé

     

     

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  • Petiote

    "Petiote" de Benoit Philippon - Les Arênes

    Présentation de l'éditeur :

    L’histoire d’un loser qui n’a plus rien à perdre. Pour récupérer la garde de sa fille, Gus, un père au bout du rouleau, se lance dans une prise d’otages dans l’hôtel de naufragés où il vit. Sa revendication ? Un Boeing pour fuir au Venezuela avec Émilie, sa petiote.

    Pour ce plan foireux, Gus s’allie à Cerise, une prostituée à perruque mauve. À eux deux, ils séquestrent les habitants déglingués et folkloriques de cet hôtel miteux : George, le tenancier, Boudu, un SDF sauvé des eaux, Fatou, une migrante enceinte, Gwen et Dany, un couple illégitime enregistré incognito, Hubert, un livreur Uber jamaïcain, mais aussi Sergueï, un marchand d’armes serbe en charge d’un transit de drogue mafieux. Et bien sûr, Émilie, son ado rebelle de quatorze ans.

    La capitaine de police Mia Balcerzak est la négociatrice de cette cellule de crise. Crise familiale, crise de la quarantaine, crise sociale, crises de nerfs… quoi qu’il arrive, crise explosive !

    Première page :

    « Il faut que je me jette »

    Gus se tient sur le rebord du toit Il observe le monde qui s'agite sous ses pieds. Les lumières rouges et or rebondissent contre les tôles des voitures, sur le bitume mouillé, le long des vitrines illuminées, bien que les boutiques soient fermées et que les lanceurs d'alerte serinent le peuple avec la nécessité vitale des économies d'énergie. Et ce SUV rutilant garé sur la place handicapés... Gus, cette hypocrisie le révolte. Une moue de lassitude se dessine sur son visage. Il en a mare. De cette société, de ses paradoxes, de son illusion de morale. Les parapluies qui se croisent sur le trottoir esquissent une danse tout en rondeur Sous ses imitations Stan Smith, achetées sur un marché pour quinze euros dans le but, pathétique, il en convient, de se la jouer branché auprès de sa fille qui l'a catalogué indétrônable ringard, Gus trouve la vue à l'image de sa vie : d'un vide vertigineux-

    Les épaules voûtées d'avoir porté une charge émotionnelle trop lourde, il redresse le dos. Il hésite. Balance son poids d'un côté, puis de l'autre. Bras ballants dans son imperméable informe et ringard. Comme lui. Elle a raison, sa fille.

    Gus est con et désespéré, enfin. con, c'est ce que sa femme pense de lui, désespéré, ça il en est sûr.

    Ce que j'en pense :

    Ce livre est bien dans la lignée de « Cabossé » :  du noir bien sûr mais avec de la tendresse, de l’humour et de l’amour. Évidemment le récit est proche de la farce et il ne faut pas trop chercher de réalisme (quoi que !). On y trouve des personnages bien cabossés par la vie mais très attendrissants . C’est un livre « gentiment » amoral et je conviens qu’il faille se laisser aller dans cette lecture pour l’apprécier.

    Petiote

     

     

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  • Quartier rouge

    "Quartier rouge" de Simone Buchholz - Piranha

    Présentation de l'éditeur :

    C’est le début du printemps à Hambourg et tout pourrait être parfait dans le meilleur des mondes si un tueur ne laissait dans son sillage des cadavres mutilés de strip-teaseuses exposés en une mise en scène macabre au bord de l’Elbe. Pour mettre fin à l’hécatombe, le procureur Chastity Riley préfère mener l’enquête directement au cœur du quartier rouge plutôt que depuis son bureau à la décoration catastrophique.

    Charitables et grandes gueules : ainsi sont les habitants de Sankt Pauli. Tout comme Chastity, à la fois romantique et impitoyable quand il s’agit de son quartier.

    Première page :

    Mardi: Avis de tempête

    Le ciel est si bas qu'il semble prêt à se poser sur les eaux sombres du fleuve. Un voile de brouillard s'élève de l'Elbe, épais et mauvais comme un corbeau. Je relève le col de mon manteau, mais ça ne change rien : l'humidité me transperce jusqu'aux os. J'ai mal à la tête, je n'ai pas assez dormi. Il est à peine sept heures et demie du matin, en ce début du mois de mars, et une jeune fille morte est étendue à mes pieds. Ce sont deux marins philippins descendus à terre qui l'ont découverte. Les pauvres. La vue d'un cadavre a dû leur flanquer une belle frousse. La victime est allongée sur les marches d'un escalier qui mène au fleuve. Elle est nue, des marques de strangulation sont visibles sur son cou. Ses seins, visiblement refaits, n'ont pas un galbe parfait, mais ils ont de quoi impressionner. Je me demande la raison pour laquelle on l'a déposée ici. Pourquoi ne flotte-t-elle pas dans l'Elbe avec le visage sous l'eau comme tous les autres noyés qu'on retrouve d'ordinaire dans le fleuve ? Elle porte une perruque bon marché de couleur bleu clair.

    Une tasse de café me ferait le plus grand bien.

    La police scientifique est en plein travail. Je trouve ces gars en combinaison blanche un peu bizarres. À n'importe quelle heure du jour et de la nuit, ils analysent le mal sous toutes ses coutures avec la plus grande concentration. Leurs gestes sont précis, calibrés, mécaniques. Je me demande comment, devant une femme morte, on peut s'intéresser à des banalités comme des cheveux, des fibres de laine ou des mégots sans devenir fou. Ils ressemblent à des laboratoires vivants, avec une éprouvette à la place du cœur. C'est jour de fête pour eux. Arrivés en groupe, ils jouent les importants ; ils ont bouclé tout le périmètre, et naturellement personne n'a le droit d'entrer. Je me suis pris un savon parce que je piétine leurs plates-bandes, mais je m'en fous, il faut que je voie le corps si je dois m'occuper de l'affaire.

    Ce que j'en pense :

    L’autrice possède un vrai talent pour nous faire pénétrer au cœur de la ville de Hambourg et pour rendre vivants les personnages. L’intrigue peut paraître anecdotique mais elle nous emmène assez bien au fil des pages. L’écriture, sans chichi et teinté d’humour rend ce roman très agréable. On a envie de connaître d’autres enquêtes menées par cette procureure.

    Quartier rouge

     

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  • Angle mort

    "Angle mort" de Paula Hawkins - Sonatines

    Présentation de l'éditeur :

    Après une nouvelle dispute avec Jake, son mari, Edie quitte le domicile conjugal pour aller s'installer chez le meilleur ami du couple, Ryan. Quelques jours plus tard, l'impensable se produit, Jake est assassiné, Ryan est suspecté du meurtre. Contrainte de revenir habiter seule dans la maison du crime, une demeure perdue en haut des falaises, Edie, isolée de tous, est partagée entre le chagrin et la terreur. Bientôt, elle doit répondre aux questions de Neeta, la policière chargée de l'enquête. Ensemble, les deux femmes vont tenter d'expliquer l'inexplicable. Si tout accuse Ryan, Edie refuse d'y croire. Mais alors que s'est-il passé ce jour-là ? Qui a pu vouloir se débarrasser de Jake, et surtout pourquoi ?

    Première page :

    Jake Pritchard était mort. Il gisait au sol, à l'endroit où la cuisine américaine rejoignait le salon, une auréole de sang ceignant son crâne enfoncé. Le corps était encore tiède et pourtant, le doute n'était pas permis : il avait rendu son dernier soupir.

    Ryan Pearce s'agenouilla dans le liquide poisseux qui s'échappait des affreuses blessures de la victime. Dans la main droite, il serrait son téléphone et, dans la gauche, un lourd objet en verre barbouillé de rouge.

    Il était toujours dans cette position, tremblant et blafard, quand les secours franchirent précipitamment la porte d'entrée. Les urgentistes constatèrent aussitôt qu'il n'y avait plus rien à faire pour l'homme étendu par terre, l'homme aux yeux vitreux et à la tête fracassée. Ils se tournèrent vers Ryan.

    Était-il blessé ? s'enquirent-ils. Que s'était-il passé ? Quand était-il arrivé sur les lieux ? Avait-il vu ou entendu quoi que ce soit ? Y avait-il quelqu'un d'autre dans la maison ?

    Ce que j'en pense :

    Je n’avais rien d’autre à lire alors je suis allé jusqu’à la dernière page. Le récit est assez prévisible et très court (tellement court que l’éditeur a ajouté une nouvelle de 6 pages qui n’a aucun rapport avec le ;livre). Les personnages n’ont aucune profondeur. Le style (et/ou la traduction) est plutôt laborieux. A éviter.

    Angle mort

     

     

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  • Solak

    "Solak" de Caroline Hinault - Le livre de poche

    Présentation de l'éditeur :

    Sur la presqu'île de Solak, au nord du cercle polaire, trois hommes cohabitent tant bien que mal : Grizzly, scientifique idéaliste qui effectue des observations climatologiques, Roq et Piotr, deux militaires au passé trouble, chargés de la surveillance du territoire et de son drapeau. Une tension s'installe lorsque arrive la recrue, un jeune soldat énigmatique aux allures de gamin, hélitreuillé juste avant l'hiver arctique et sa grande nuit. Sa présence muette, menaçante, exacerbe la violence latente qui existait au sein du trio. Peu à peu, il devient évident qu'un drame va se produire. Qui est véritablement le nouveau venu ? De quel côté frappera la tragédie ?...

    Première page :

    La lame s'enfonce dans la chair de l'abdomen comme un sexe d'homme dans un sexe de femme, c'est doux, ça glisse beurré dans les plis de l'autre, une caresse lente qui perce l'envers jusqu'à l'abîme offert où la colère tombe et implose.

    La lame creuse en vrille lisse. Sa mèche fore un trou rouge d'où la révolte de tout temps, du premier jour, celle jamais éteinte avec son noyau noir qui lui roulait au ventre depuis l'obscurité originelle, qui souffletait dans tout son corps,fulminait et tapait de son pied de taureau aux narines dilatées ; la révolte qui gangrenait tout, empêchait tout, ne pouvait se dire, exulter, jouir pour mourir ; la révolte qui l'inondait quotidiennement d'une sève opaque et gluante et sur laquelle un couvercle de plomb appuyait comme sur un œuf de vautour qu'on empêcherait d'éclore ; la révolte qui grondait depuis des zones lointaines, profondes et incarnées ; la révolte au reflet d'œil sombre, qui était sienne et pas seulement, qui avait tout infecté, corrompu et dont la seule issue était la mort imminente ou le crime,…

    Ce que j'en pense :

    C’est un huis clos très intense, troublant et même assez pesant. On imagine bien les personnages dans cette immensité froide et blanche et on sait qu’ils ont tous des secrets, des fractures profondes. L’écriture de l’autrice nous restitue bien cette ambiance tendue, lourde et puissante sur la banquise immaculée ( ?).

    Solak

     

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  • Brouillards

    "Brouillards" de Victor Guilbert - Hugo thriller

    Présentation de l'éditeur :

    Marcel Marchand, excentrique espion des services secrets français, est assassiné par des agents de la CIA dans l’immense réserve d’accessoires d’un célèbre théâtre de New York : le Edmond Theater. Avant de mourir, il a eu le temps de dissimuler, dans le fatras de décors et accessoires de scène, un mystérieux objet que la CIA comme la DGSE veulent récupérer.
    Suspectant que l’identité de nombre de leurs agents est tombée entre les mains des renseignements américains à cause de cet espion décédé soupçonné de trahison, les services secrets français veulent envoyer un inconnu hors du circuit pour récupérer l’objet caché. Or, Marchand a eu le temps de griffonner un nom avant de pousser son dernier soupir : « Boloren ». Comme le nom de cet ancien flic, Hugo Boloren, qui s’ennuie dans sa formation de zythologue (« c’est comme œnologue mais pour la bière ») dans un petit village de montagne.
    Le colonel Grosset, haut gradé de la DGSE et cousin de l’ancien commissaire d’Hugo Boloren, va donc le convaincre de partir à New York, de s’infiltrer dans le Edmond Theater, d’identifier et de récupérer l’objet caché. Et même si le colonel Grosset lui rappelle que sa mission se limite à retrouver l’objet caché et le rapporter en France, la petite bille qu’Hugo a dans la tête lui souffle de regarder plus loin. Alors qu’au milieu de ces brouillards, la tragédie rôde, prête à frapper Hugo Boloren de plein fouet.

    Première page :

    Parce que courir avec une seule chaussure, ce n’était pas seulement un handicap de confort. Il y avait aussi que ses chaussettes, Marcel Marchand les faisait tricoter sur mesure par un petit tailleur de Chinatown, un type extra, comme aurait dit sa grand-mère qu’il avait tant aimée, un type qui savait tricoter des socquettes impeccables sans ces bourrelets de tissu qui venaient gâcher l’avant des chaussettes, ces coutures excroissantes qu’on tentait de déplacer, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas, pour se libérer les orteils d’une friction peu commode.

    Les chaussettes ajustées par un couturier, c’était d’ailleurs l’unique luxe que Marcel Marchand s’accordait car le seul qui importait à ses yeux. Alors courir la chaussure gauche en moins sur les trottoirs new-yorkais et sacrifier par là même le fin tissage artisanal, c’était hors de question.

    Marcel Marchand soupira. Dans ce petit café de la 20e Rue, rare recoin tranquille de l’inarrêtable Manhattan où il avait ses habitudes matinales, à savoir un macchiato au lait d’avoine et un cookie avec du gros sel sur le dessus, il aimait retirer le pied gauche de sa chaussure quelconque pour faire prendre l’air à sa chaussette élégante dans l’espoir inavoué qu’un regard s’égarerait sur cette coquetterie et la trouverait tout à fait remarquable.

    Ce que j'en pense :

    Polar intéressant surtout pour l’atmosphère des lieux où cela se déroule, pour les personnages originaux et assez excentriques et aussi pour l’humour de l’auteur. L’intrigue, par contre, n’est pas d’un grand intérêt et le final me parait d’un autre temps, vous savez, ce genre de livres où l’on rassemble tout le monde dans un même lieu pour enfin découvrir le coupable après beaucoup d’explications plus ou moins alambiquées.

    Brouillards

     

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  • "Le jour des cendres" de Jean-Christophe Grangé - Le Livre de Poche

    Présentation de l'éditeur :

    Pierre Niémans et son adjointe Ivana Bogdanovitch, de l’office central des crimes de sang, sont envoyés en Alsace pour une nouvelle enquête. Un homicide a eu lieu au sein d’une communauté religieuse qui vit, sur le modèle des anabaptistes, de ses exploitations agricoles, et notamment de son prestigieux vignoble.
    Dans un monde de pure innocence, quel peut être le mobile d’un tueur ? Dans une communauté sans péché, comment le sang peut-il couler ? À moins qu’à l’inverse… Le coupable soit le seul innocent de la communauté.

    Première page :

    Elle connaissait les règles élémentaires.

    Toujours porter le costume traditionnel et la coiffe de prière. Ne jamais toucher de matériaux synthétiques. Renoncer au téléphone portable, aux ordinateurs et même à tout instrument électrique. Ne porter ni montre ni bijoux. Ne jamais consommer un aliment qui ne soit directement issu du Domaine. Ne jamais couper l'ombre d'un autre avec son corps...

    En tant que saisonnière, elle n'était pas obligée de suivre ces principes. Elle devait seulement arborer la tenue imposée durant la journée de vendanges. À dix-huit heures, on les ramenait, elle et les autres, dans un campement à l'extrémité nord du Domaine où ils pouvaient réintégrer la vie normale, celle que les Émissaires qualifiaient de « mondaine ». Plus tard, des 4x4 sombres aux vitres fumées leur apportaient eau et nourriture, comme à des lépreux.

    — Ivana, tu viens ou quoi ?

    Elle suivit Marcel dans le fourgon. Sept heures trente du matin, départ des troupes. Il faisait froid, il faisait nuit, et les VTT (véhicules de trans- port de troupes) qu'utilisaient les Émissaires étaient lugubres — des camions-bennes qui donnaient à chaque départ des airs de déportation.

    Ce que j'en pense :

    C’est un bon polar agréable à lire, bien écrit, avec des personnages intéressants. L’intrigue est bien menée dans un cadre très original. C’est peut-être l’environnement de la secte anabaptiste qui m’a le plus interrogé car cela manquait parfois de vraisemblance.

    Le jour des cendres

     

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  • Ces orages là

    "Ces orages-là" de Sandrine Collette - Le livre de poche

     Présentation de l'éditeur :

    C'est une maison petite et laide. Pourtant en y entrant, Clémence n'a vu que le jardin, sa profusion minuscule, un mouchoir de poche grand comme le monde. Au fond, un bassin de pierre, dans lequel nagent quatre poissons rouges et demi.
    Quatre et demi, parce que le cinquième est à moitié mangé. Boursouflé, abîmé, meurtri : mais guéri. Clémence l'a regardé un long moment.
    C'est un jardin où même mutilé, on peut vivre.
    Clémence s'y est installée. Elle a tout abandonné derrière elle en espérant ne pas laisser de traces. Elle voudrait dresser un mur invisible entre elle et celui qu'elle a quitté, celui auquel elle échappe. Mais il est là tout le temps. Thomas. Et ses orages. Clémence n'est pas partie, elle s'est enfuie.

    Première page :

    Il fait nuit.

    Nuit des campagnes : noire, épaisse, où la lune sans cesse masquée par les nuages peine à éclaircir les reliefs de la terre — tout en ombres et en lumière.

    Une nuit comme il les aime.

    C'est pour cela qu'il l'a choisie.

    Elle, elle court dans les bois. Elle voit mal. Elle devine, plutôt — pourtant elle le connaît, cet endroit. Plusieurs fois, des branches ont giflé son visage et elle a failli tomber en trébuchant sur des racines.

    Elle court, elle est à moitié nue.

    Moitié ?

    Il ne lui reste qu'une culotte en soie — et sa montre.

    C'est l'été. Il fait chaud.

    C'est la peur — son sang est comme glacé à l'intérieur. Et pourtant, elle est en nage. La sueur lui glisse sur le front, perle à ses cils, qu'elle essuie d'un revers de main pour essayer de se repérer au milieu de la forêt.

    Elle voudrait crier.

    Mais ça ne sert à rien, alors elle se tait. Il n'y a personne autour, à des kilomètres. Pas de hasard.

    Ce que j'en pense :

    C’est une plongée dans l’univers d’une femme victime d’un pervers narcissique. C’est terriblement juste et fort aussi bien dans la conduite du récit que dans l’écriture. L’autrice sait nous faire ressentir cette noirceur qui enveloppe Clémence. C’est efficace et assez vertigineux. J’ai cependant un petit bémol en ce qui concerne la fin.

    Ces orages là

     

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  • Atmore Alabama

    "Atmore Alabama" de Alexandre Civico - Actes Sud actes noirs

    Présentation de l'éditeur :

    Lorsqu’il atterrit en Floride, il sait exactement où sa voiture de location doit le mener : Atmore, bourgade paumée au fin fond de l’Alabama. Il s’installe chez l’habitant, instaure un semblant de routine et rencontre une jeune Mexicaine désespérée. Un lien naît entre lui, l’étranger que l’on devine ravagé par la douleur, et cette fille à la dérive, noyée dans la drogue. Que vient chercher ce Français au royaume des rednecks, de l’ennui et des armes à feu ? Rien ne paraît l’intéresser sinon la prison, à l’écart de la ville, autour de laquelle il ne peut s’empêcher d’aller rôder…
    Ce roman de la chute, noir, dense, invoque dans un même surgissement le décor d’une Amérique qui s’est perdue et le saccage intérieur d’un homme qui ne sait plus comment vivre.

    Première page :

    Williams Station Day 7h45

    Le premier train du jour surgit du brouillard. Deux gros yeux jaunes, en colère, jaillissent soudain, éclairant le museau renfrogné de la locomotive qui tire derrière elle des dizaines de wagons et de containers. Wllliams Station Day, dernier samedi d'octobre. L'odeur de carton-pâte des petits matins froids. Une brume épaisse couvre la matinée comme un châle. A l'approche de la gare, le train pousse un mugissement de taureau à l'agonie. La foule assemblée là pour le voir passer lance un grand cri de joie, applaudit, se regarde applaudir, les gens se prennent à témoin, oui, le Williams Station Day a bien officiellement commencé. Je regarde Eve, ses yeux aux teintes orangées brillent d'un éclat enfantin. Certains wagons sont bariolés aux couleurs de l'événement, d'autres aux couleurs de la sainte Amérique. La ville d'Atmore fête sa fondation, cent ans plus tôt, autour de la voie ferrée, seule et unique raison de son existence. On célèbre aujourd'hui l'établissement d'une vague gare devenue une vague ville. Le serpent monstrueux traverse, raide, Atmore pendant un bon quart d'heure, un kilomètre au moins de wagons et de containers avance à une allure modérée, bruyamment, devant une population qui revient tous les ans se célébrer elle-même. L'air est encore frais.

    Ce que j'en pense :

    C’est une histoire pleine de tristesse et de désespoir et le style de l’auteur rend bien ce ressenti. C’est bien écrit (peut-être un peu trop bien !) la forme est intéressante mais on n’a pas beaucoup d’empathie pour les personnages. Ce livre est quand même assez original dans son genre.

    Atmore Alabama

     

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