• Deux secondes d'air qui brule

    "Deux secondes d'air qui brule" de Diaty Diallo - Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Entre Paname et sa banlieue : un quartier, un parking, une friche, des toits, une dalle. Des coffres de voitures, chaises de camping, selles de motocross et rebords de fenêtres, pour se poser et observer le monde en train de se faire et de se défaire. Une pyramide, comme point de repère, au beau milieu de tout ça.

    Astor, Chérif, Issa, Demba, Nil et les autres se connaissent depuis toujours et partagent tout, petites aventures comme grands barbecues, en passant par le harcèlement policier qu’ils subissent quotidiennement.

    Un soir d’été, en marge d’une énième interpellation, l’un d’entre eux se fait abattre. Une goutte, un océan, de trop. Le soulèvement se prépare, méthodique, inattendu. Collectif.

    Première page :

    Le dessous

    16 juillet ; soir ; sous la place.

    Derrière un grillage sans fin s'étend un terrain vague, zone d'habitat en devenir peuplée de jeunes pousses, de buissons et d'arbustes à qui les jours sont comptés. Cette friche, le terrain des aventures de notre enfance. J’élargis à coups de pied une ouverture dans la clôture puis j'y faufile mon grand corps, adulte depuis quelques étés. Ã des mètres au-dessus du lieu de rendez-vous, le sol vibre déjà. Les branches et feuilles d’espèces indiscernables dans le noir de la nuit tremblent au rythme des pulsations souterraines. ]e décide de me diriger à 1'orei]le et me figure un passage au milieu des cailloux, canettes et dunes cabossées. J’aperçois le point d'accès.

    Un chambranle de béton encadre une porte de métal mangée par la rouille. Elle claque dans le vent léger. S'ouvre et se referme sur le début d'un trou. Je le scrute et l’écoute avant d'y sauter. ]'y connais un escalier.

    Ce que j'en pense :

    Dans ce roman il y a des pages très fortes qui nous plongent avec une grande intensité dans l’univers de ces jeunes de Seine Saint Denis contrôlés à tout va par des forces de police cherchant le conflit et la violence (étant persuadées de leur impunité). D’autres passages (trop nombreux à mon goût) excluent le lecteur qui ne possède pas assez bien le langage des banlieues. Au final cette lecture me laisse plutôt dubitatif.

    Deux secondes d'air qui brule

     

     

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  • L'heure des oiseaux

    "L'heure des oiseaux" de Maud Simonnot - les éditions de l'Observatoire

    Présentation de l'éditeur :

    Île de Jersey, 1959. Pour survivre à la cruauté et à la tristesse de l’orphelinat, Lily puise tout son courage dans le chant des oiseaux, l’étrange amitié partagée avec un ermite du fond des bois et l’amour inconditionnel qui la lie au Petit.

    Soixante ans plus tard, une jeune femme se rend à Jersey afin d’enquêter sur le passé de son père. Les îliens éludent les questions que pose cette étrangère sur la sordide affaire qui a secoué le paradis marin. Derrière ce décor de rêve pour surfeurs et botanistes se dévoilent enfin les drames tenus si longtemps secrets.

    Première page :

    La buanderie est une étuve décrépie, entourée de longs bancs et de hublots sales par lesquels même les jours radieux ne filtre qu’une grisaille diffuse, mais c’est la pièce préférée de Lily. Car ici on l’oublie parfois pendant des heures à la tâche, ici la fillette est enfin tranquille.

    Cachée derrière une pile de linge, elle aperçoit dans l’encadrement de la porte l’intendante et le surveillant en chef en train de s’embrasser. Si la jeune femme blonde a un visage disgracieux, le surveillant est bien plus repoussant avec ses manières grossières et l’éclair mauvais qui anime son regard. Lily, comme tous les enfants de l’orphelinat, le déteste et le craint.

    D’abord surprise par cette scène inattendue, la fillette sourit. Tant que ces deux-là s’occuperont de leurs affaires, ils ne seront pas derrière elle.

    Ce que j'en pense :

    Le sujet aurait pu être intéressant s’il avait été traité d’une façon plus originale et surtout plus profonde. L’alternance entre passé et présent n’apporte pas grand-chose au récit car l’enquête de la narratrice parait un peu « magique ». L’écriture voudrait être poétique mais parait souvent froide et remplie de clichés. Sans doute que l’autrice s’est bien documentée sur ce qui s’est passé dans cet orphelinat mais elle n’a pas réussi à me faire entrer dans son livre.

    L'heure des oiseaux

     

     

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  • Sa préférée

    "Sa préférée" de Sarah Jollien-Fardel - Sabine-Wespieser

    Présentation de l'éditeur :

    Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, y grandit en apprenant à éviter les accès de violence de son père, à les anticiper. Si sa mère et sa soeur se résignent à la déferlante des mots orduriers, aux coups, aux retours avinés, préludes à de nouvelles scènes, Jeanne, malgré la peur permanente, lui tient tête. Jusqu'au jour où, pour une réponse péremptoire prononcée avec toute l'assurance de ses huit ans, il la roue de coups. Quand arrive le médecin du village, appelé à son chevet, elle est convaincue que cet homme éduqué et bienveillant va mettre fin au cauchemar : mais, à l'instar des proches et des voisins rustauds, il fait comme si de rien n'était, comme si elle avait été victime d'une simple chute.
    Dès lors, son dégoût face à tant de lâcheté, et aussi son désir d'échapper à la terreur quotidienne vont servir de viatique à Jeanne. Grâce à la complicité d'une professeure, elle parviendra à s'inscrire à l'École normale d'instituteurs sans l'autorisation de son père. Cinq années de répit, dans la ville de Sion, loin du foyer familial. Mais le suicide de sa soeur agit comme une énième réplique de la violence fondatrice.
    Réfugiée à Lausanne, inadaptée sociale, la jeune femme, que le moindre bruit fait encore sursauter, trouve une forme d'apaisement dans ce nouvel exil volontaire, et dans de longues séances de natation dans le lac Léman. Le plaisir de nager, découvert loin de son père, est le seul qu'elle parvienne à s'accorder. Habitée par sa rage d'oublier et de vivre, elle se construit une existence, s'ouvre aux autres, et s'autorise peu à peu une vie amoureuse.

    Première page :

    Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d’avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre. Presque en silence. Ma soeur jacassait. Comme souvent. Mon père disait « Elle peut pas la boucler, cette gamine ». Mais elle continuait ses babillages. Elle était naïve, joyeuse, un peu sotte, drôle et gentille. Elle apprenait tout avec lenteur à l’école. Elle ne sentait pas lorsque le souffle de mon père changeait, quand son regard annonçait qu’on allait prendre une bonne volée. Elle parlait sans fin. Moi, je vivais sur mes gardes, je n’étais jamais tranquille, j’avais la trouille collée au corps en permanence. Je voyais la faiblesse de ma mère, la stupidité et la cruauté de mon père. Je voyais l’innocence de ma soeur aînée. Je voyais tout. Et je savais que je n’étais pas de la même trempe qu’eux. Ma faiblesse à moi, c’était l’orgueil. Un orgueil qui m’a tenue vaillante et debout. Il m’a perdue aussi. J’étais une enfant. Je comprenais sans savoir.

    Ce que j'en pense :

    Une écriture percutante, un livre qui aborde la violence des pères d’une façon parfois assez terrifiante. C’est un roman bouleversant qui ne peut laisser personne sur la touche. Pour moi c’est un immense coup de cœur qui mériterait amplement d’avoir un prix prestigieux.

    Sa préférée

     

     

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  • Jusqu'à la fin des jours

    "Jusqu'à la fin des jours" de Tom Lavallée - Librinova

    Présentation de l'éditeur :

    Toussaint est un enfant ordinaire. À première vue, du moins. Coincé entre une mère violente et un père léthargique, voilà qu'il se persuade un jour qu'il est mort. Alors, il essaie de comprendre, lutte pour se défaire de cet inextricable tourment existentiel, mais rien n'y fait. Toussaint voit les jours défiler avec cette impression diffuse d'existence intermédiaire : vivant parmi les morts ? Ou bien mort parmi les vivants ? Et quelle différence ?
    Louison, quant à elle, voit un beau matin sa vie pulvérisée en haute définition. N'en subsistent qu'une carcasse fumante et un cercueil vide. Livrée à elle-même, Louison va devoir apprendre à maîtriser d'étranges pulsions qui l'assaillent, froides et électriques. Seul refuge pour elle, la tombe de sa mère.
    Et soudain survient ce jour inouï, celui du compte à rebours des jours de Toussaint, et commencent alors les pérégrinations macabres et loufoques de ces deux êtres poussés dans la marge du monde, unis par leurs différences autant que par les circonstances.
    Une grille de fer grince, puis sous leurs pas le gravier crisse : les voilà maîtres désormais de cet endroit où se cristallisent les craintes, les angoisses. Ce lieu du repos éternel, cerné de hautes murailles de pierres et de tabous. Et de cette enclave où joies et effervescences n'ont d'ordinaire pas droit de cité, Louison et Toussaint feront l'écrin de leurs extravagances.

    Première page :

    Ce fut par noyade qu’il mourut la première fois.

    Accident éminemment stupide à l’origine duquel ne fut pas étranger l’incontournable con d’Étienne, et qui vaudrait à Toussaint Desormeaux administration d’une volée par sa crevure de mère. Laquelle, en la matière, n’en était pas à ses premiers faits d’armes.

    C’était la fin d’un été que peu regretteraient. Un été comme vache qui pisse, tant et si bien que les anciens en étaient à se lever la nuit pour vider les pluviomètres. Les plans d’eau du bocage vendéen en avaient ras la gueule, et les habitants, la casquette. Tout comme les rivières, les humeurs saturaient ; et les genoux grinçaient et les dents aussi. Au village, les discussions atmosphériques confinaient au paroxysme, cette inhabituelle mouillure estivale ayant pour paradoxal effet d’échauffer les esprits.

    Alors, mourir en ces temps maussades, après tout. L’élève Desormeaux s’éviterait ainsi le supplice d’une nouvelle rentrée scolaire. Et pourtant, quelques jours plus tard, celui-ci cheminerait vers l’école, farci d’un doute existentiel à côté duquel son cartable de cahiers bombé ne pesait pas bien lourd.

    Mais, la première fois ? Du moins celle que Toussaint perçut comme telle, n’ayant pas souvenir d’en avoir vécu d’autres auparavant – c’est-à-dire, d’autres morts. Car il y songea, bien sûr. Ne le ferions-nous pas ? Damnation et vacuité de l’existence humaine, largement employée à nous imaginer après coup ce qui a bien pu se passer avant : nous vivons à rebrousse-poil, aspirés par l’irrémédiable fuite en avant du temps, mais le regard invariablement tourné vers l’arrière, dans un futile et permanent fantasme de réhabilitation.

    Ce que j'en pense :

    Un roman burlesque plein d’humour (noir), souvent macabre, parfois tendre mais toujours captivant. Les deux jeunes personnages, très « décalés » dans leur milieu, sont décrits avec beaucoup de justesse. L’écriture est parfaite, très efficace et les apartés réguliers de l’auteur sont savoureux. Voilà un roman auto édité qui vaut largement bien d’autres productions sorties de maisons renommées. Une belle plume dont on attend le prochain titre.

    Jusqu'à la fin des jours

     

     

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  • Héritage et milieu

    "Héritage et milieu" de Vigdis Hjorth - Actes Sud

    Présentation de l'éditeur :

    Quatre frère et sœurs. Deux chalets. Un secret épou­vantable. Lorsque la dispute autour d’un partage d’héritage s’envenime, Bergljot est rattrapée par le maelström familial qu’elle avait fui vingt ans plus tôt. Ses parents ont décidé de laisser les chalets à ses sœurs cadettes, la privant ainsi que son frère de la partie la plus significative de l’héritage. Vu de l’extérieur, c’est une simple histoire d’argent, une question de favori­tisme et de jalousie. Mais Bergljot, qui porte un terri­ble secret depuis son enfance, interprète ce geste d’une tout autre manière : pour elle, c’est une ultime tenta­tive d’occulter la vérité et une insulte suprême aux victimes déjà profondément meurtries.
    D’une sincérité impitoyable, Héritage et milieu est une méditation déchirante sur le traumatisme et la mémoire. C’est aussi le récit furieux du combat d’une femme pour survivre et être entendue. Un tour de force littéraire qui a marqué les esprits et divisé une famille, mais aussi tout un pays.

    Première page :

    Cela fait cinq mois que mon père est mort, a un moment opportun ou inopportun, tout dépend des yeux qui voient. Pour ma part, je ne crois pas qu’il aurait eu quelque chose contre le fait de disparaître de manière aussi soudaine a cet instant précisément, j’en étais même venue a penser, en apprenant la nouvelle et avant d’avoir les détails, qu’il avait du provoquer lui-même sa chute. Cela ressemblait trop a ce qu’on lit dans des romans pour que cela fut accidentel.

    Avant le décès, mes frère et soeurs avaient eu une violente discussion a propos d’une avance sur l’héritage, il s’agissait de la répartition des chalets de la famille sur l’archipel de Hvaler. Et deux jours seulement avant que notre père ne chute, j’avais pris le parti de mon frère aîné, contre mes deux sœurs cadettes.

    Ce que j'en pense :

    C'est un récit glacial d'un évènement traumatisant de l'enfance qui continue de détruire très longtemps après. L'autrice, avec de nombreuses répétitions, des retours en arrière fréquents, des hésitations et balancements entre haine et amour, montre bien dans quel état une victime d'inceste peut se trouver. C'est bien sûr d'une grande force mais le côté répétitif, à la longue, peut lasser.

    Héritage et milieu

     

     

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  • Zizi cabane

    "Zizi cabane" de Bérengère Cournut - Le tripode

    Présentation de l'éditeur :

    Odile a disparu, laissant derrière elle son mari Ferment et leurs trois enfants. Privés de la présence maternelle, Béguin, Chiffon et la jeune Zizi Cabane doivent trouver un nouvel équilibre. Mais rien ne se passe comme prévu dans la maison. Une source apparaît dans le sous-sol, et veut absolument rejoindre le ruisseau du jardin. Un drôle de vent rôde. Et tandis que tante Jeanne essaie de ramener un peu de raison là dedans, Marcel Tremble, faux grand-père surgi de nulle part, accompagne avec tendresse la folie de ces êtres abandonnés. Que vont devenir les chagrins ? Sur quelles pentes vont-ils désormais rouler ?

    Première page :

    Je me souviens de tout.

    Je me souviens des plus infimes détails de la maison, depuis les irrégularités de la dalle au sous-sol jusqu'aux noeuds dans les poutres.

    Je me souviens des joints du carrelage dans la cuisine, de la couche de graviers dans le cellier, des lucarnes en verre épais qui morcelaient le paysage dans le mur aveugle, à l'arrière.

    Je me souviens aussi du vieux papier peint dans la niche à bois de la cheminée, du bruit de la chaudière qui se mettait en marche et des pans de liège qui se décollaient du mur de la salle de bains.

    Je me souviens encore des portes vitrées de part et d'autre du couloir qui séparait la cuisine et la salle à manger, du verre coloré et plein de bulles qui déformait le visage hilare de mes frères.

    Je me souviens de l'escalier qui menait aux combles, au casse-tête de nos trois chambres sous la charpente et d'une chute bénigne de ma mère.

    L'escalier des combles formait alors un trou béant au milieu de l'espace qui n'était pas encore celui de nos chambres, mais l'endroit où mon père travaillait, travaillait, travaillait à se demander comment faire trois pièces sous une charpente…

    Ce que j'en pense :

    C’est tendre, poétique, émouvant, enchanteur avec un petit rien de mélancolie. « Zizi cabane » est un roman très étonnant qui nous met en présence de l’absence. Une façon  d’aborder le deuil avec fantaisie mais aussi avec beaucoup de justesse et de force. Le style est magnifique, rempli de trouvailles et de surprises. L’autrice a écrit un roman complètement différent de son précédent (De pierre et d’os)… mais est-ce si sûr ?

    Zizi cabane

     

     

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  • Lulu

    "Lulu" de Léna Paul-le-Garrec - Buchet Chastel

    Présentation de l'éditeur :

    Enfant singulier et solitaire, élevé par une mère maladroite, étouffante, malmené par ses camarades de classe, Lulu trouve refuge sur le littoral. Tour à tour naturaliste, collectionneur, chercheur de bouteilles, ramasseur de déchets, il fera l'expérience de la nature jusqu'à faire corps avec elle.

    Conte initiatique et poétique, Lulu, premier roman de Léna Paul-Le Garrec, interroge notre rapport à la liberté et à la nature.

    Première page :

    Sur les rives de la lointaine Atlantique, quelque part très à l’ouest, flottent à l’entrée de mon cabinet de curiosités trois verbes en lettres capitales : croire, creuser, rêver.

    Il se raconte que, un jour de folie moderne,

    la sérendipité s’est invitée dans mes expériences interdites, menées la nuit en laboratoire, sur la pérennité et l’équilibre biologique de la chaîne alimentaire dans la biocénose des écosystèmes marins (oui, ça impressionne toujours un peu au début, mais n’ayez pas peur). Cette découverte serait fortuite, ce qui ne manque pas d’irriter la communauté des chercheurs aguerris.

    Une espèce animale inédite révolutionne actuellement le monde scientifique. Glorifié par les uns, étrillé par les autres, je me joue de cette rumeur. Les médias s’amusent de mes histoires fantasques et sans cesse réinventées, je suis l’érudit déjanté à la blouse jamais blanche,…

    Ce que j'en pense :

    Très beau premier roman. L’autrice nous raconte l’histoire d’un garçon pas comme tout le monde et de sa relation avec les autres enfants, avec sa mère et surtout de sa passion pour l’océan qui va lui permettre de transformer sa différence en créativité. C’est superbement écrit mais sans esbroufe. C’est un livre plein d’espoir malgré la réalité souvent difficile, un livre comme un cadeau, une bouteille à la mer.

    Lulu

     

     

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  • Palimpseste

    "Palimpseste" de Alexis Ragougneau - Viviane Hamy

    Présentation de l'éditeur :

    Troll pour Spartacus Analytics, société au service du parti populiste Vox populi, Simon Kaas est un jeune homme en colère. Pur produit d'une génération biberonnée au virtuel, Simon a grandi avec la doctrine du national-consumérisme et la réécriture du roman national, instruments d'un pouvoir qui ne saurait souffrir la moindre critique. C'est au nom de ces valeurs nationales fantasmées que Simon assiste à la mise au ban d'historiens, comme son père, et à l'ascension fulgurante de sa mère, célèbre actrice d'une série policière ultra-violente.
    A défaut de remonter le temps, Simon va dérouler le fil intime de sa mémoire et tenter de comprendre comment tout a basculé. 

    Première page :

    J'écris à l'encre rouge avec le stylo noir du père. J'écris sur ses propres écrits. Je les recouvre de mes mots à moi. Ou plutôt, j'écris entre les lignes, entre ses lignes à lui. Je dois écrire petit pour que mes mots à moi tiennent entre ses mots à lui. Entre chaque ligne du livre de mon père il y a deux millimètres et demi. Je le sais, je viens de mesurer. Mon père n'est pas du genre à trop céder la place. Alors je fais avec ce qu'il reste de blancheur et d'espace entre les haies de caractères noirs. Il y a un verbe pour ça, je viens de vérifier dans le dictionnaire : INTERLIGNER (verbe trans.) : Action d'écrire entre les lignes. Au moins la question du papier semble réglée pour un temps : le livre de mon père compte 320 pages. Pas si facile de mettre la main sur du vrai papier blanc, du papier pour écrire, je veux dire. Bien sûr, il reste le carton recyclé, les paquets de céréales, les emballages des yaourts ou des plats cuisinés. Seulement c'est toujours plein de logos, de photos, de promos... Où voulez-vous trouver la place pour y écrire vos propres mots...

    Ce que j'en pense :

    Ce roman se passe dans un futur très inquiétant et assez proche mais possède beaucoup d'aspects actuels.  C’est le quatrième livre que je lis de cet auteur qui a le don de changer complètement de sujet et de forme à chaque fois. La forme que prend cet ouvrage pourra sans doute perturber dans les premières pages mais on s’y habitue très vite. Pour moi c’est un roman éminemment politique dans le sens où il nous questionne sur l’évolution de notre société, sur les manipulations qui nous conduisent à un fascisme de moins en moins rampant et aussi sur la nécessité de résister en utilisant, en particulier, l’écrit. Un coup de cœur.

    Palimpseste 

     

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  • Le sortilège de Stellata

    "Le sortilège de Stelatta" de Daniela Raimondi - Pocket

    Présentation de l'éditeur :

    Comment supporter le poids du destin familial sans renoncer à ses rêves ?

    " Tout a commencé avec la Tsigane... " Un jour de l'an 1800, Giacomo Casadio croise les yeux noirs de la belle Viollca. Elle a lu le malheur dans ses mains, et l'amour dans ses bras... De leur union naîtra une lignée de descendants dont les rêves, trop souvent, mèneront à la tragédie.
    Au village de Stellata, sur les bords du Pô, les générations se succèdent, endurant suicides, folies, passions effrénées, coups d'éclat et coups du sort... Deux siècles d'Histoire italienne passent, au cours desquels les Casadio, emportés par le fleuve du destin, jamais n'échappent au sortilège de leurs ancêtres...

    Première page :

    « Tout a commencé avec la Tsigane.»

    C'est ce que me répétait souvent ma grand-mère, dans son tablier blanc, les manches retroussées jusqu'aux coudes, en préparant la pasta. Elle laissait tomber les oeufs dans un volcan de farine et commençait à me raconter l'histoire de notre ancêtre tsigane. Un mouvement léger du poignet, crac, un oeuf ; un autre mouvement, crac, un autre.

    Elle travaillait la pâte et elle parlait, elle pleurait, elle riait. Elle était persuadée que c'était à cause du mariage d'un de nos ancêtres avec cette Tsigane, deux siècles plus tôt, que la moitié de la famille avait la peau claire et les yeux bleus, quand l'autre naissait avec des cheveux noir corbeau et des yeux de jais.

    Ce n'étaient pas seulement des divagations de vieille dame. L'arrivée des Tsiganes dans le petit village de Stellata, le berceau de ma famille, est attestée par un très vieux document conservé aux archives historiques de la bibliothèque communale Ariostea, à Ferrare.

    Ce que j'en pense :

     Très belle fresque familiale (avec sans doute un peu d'autobiographie). Tous les personnages sont attachants et possèdent de magnifiques personnalités. L'écriture de l'autrice est totalement à la hauteur. On sent beaucoup de douceur et d'humour tendre dans ces histoires qui nous font découvrir la "grande" histoire de cette région italienne.

    Le sortilège de Stellata

     

     

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  • Quelque chose à te dire

    "Quelque chose à te dire" de Carole Fives - Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    Elsa Feuillet, jeune écrivaine, admire l’œuvre de la grande Béatrice Blandy, disparue prématurément. Cette femme dont elle a lu tous les livres incarnait la réussite, le prestige et l’aisance sociale qui lui font défaut. Lorsque Elsa rencontre le veuf de Béatrice Blandy, une idylle se noue. Fascinée, elle va peu à peu se glisser dans la vie de sa romancière fétiche, et explorer son somptueux appartement parisien — à commencer par le bureau, qui lui est interdit…
    Jeu de miroirs ou jeu de dupes ? Carole Fives signe avec Quelque chose à te dire un thriller troublant.

    Première page :

    Elsa Feuillet admirait Béatrice Blandy. C’était une écrivaine dont elle pouvait relire les romans chaque année, sans jamais se lasser. Plus que l’histoire, car il n’y avait pas vraiment d’histoire dans ses livres, ce qu’elle aimait, c’était l’écriture, incisive, le regard qu’elle posait sur le monde. Elsa Feuillet se retrouvait dans chacune de ses pages, dans chacun de ses personnages. Elle était cette femme qui prend un inconnu en stop la nuit, cette autre qui prépare un dîner pour un amant qui n’arrive jamais ou cette autre encore (était-ce la même ou était-elle à chaque fois différente ?) qui se balade dans le métro avec du sang sur les mains. Lire Béatrice Blandy donnait à Elsa Feuillet l’impression de mieux se comprendre elle-même, c’était une petite voix qui l’entraînait et lui disait, « regarde les choses sous cet angle et vois comme la vie est différente ainsi, plus intense, plus vraie… ».
    Elsa Feuillet n’avait jamais cherché à rencontrer Béatrice Blandy. La lecture de ses ouvrages lui suffisait.

    Ce que j'en pense :

     C'est une déception par rapport aux autres livres que j'ai déjà lus de cette autrice. L'éditeur annonce "un thriller troublant" mais on est loin du compte. C'est vrai que le sujet tourne autour de ce qu'est la création littéraire et des influences que l'on peut avoir. J'avoue m'être parfois ennuyé au fil de la lecture. Je ne suis pas vraiment rentré dans cette histoire qui ne m'a pas paru très originale.

    Quelque chose à te dire

     

     

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