• Le plus court chemin

    "Le plus court chemin" de Antoine Wauters - Verdier

    Présentation de l'éditeur :

    Que se passe-t-il lorsqu’un auteur, qui a beaucoup écrit sur l’enfance, remonte le fil d’argent de sa propre enfance ?

    Le Plus Court Chemin est un hommage aux proches et la tentative de revisiter avec les mots ce vaste monde d’avant les mots : les êtres, les lieux, les sentiments et les sensations propres à cette époque sur le point de disparaître, les années d’avant la cassure, d’avant l’accélération générale qui suivra la chute du mur de Berlin.

    Raconter l’existence dans les paysages infinis de la campagne wallonne, dire l’amour et le manque. Car écrire, c’est poursuivre un dialogue avec tout ce qui a cessé d’être visible. Par-delà la nostalgie.

    Première page :

    J’ai vécu jusqu’à mes dix-huit ans dans un petit village d’Ardenne où mon imagination se trouve encore. Que je le veuille ou non, tout ce que j’écris vient de là : des quelques mètres carrés du hangar à poules de Papou, de l’odeur des fraises qu’il cultivait derrière l’église, face aux collines de Hoyemont, au-dessus de l’Ourthe et de l’Amblève, des silos à foin de la ferme de Jacques Martin, des bêtes sachant d’instinct trouver le bonheur, des machines agricoles défoncées par l’usage, dans le purin.

    Ce que j'en pense :

    Ce livre est annoncé comme un roman mais c’est une suite de fragments où l’auteur parle de son enfance de façon très concrète, en nous faisant découvrir les personnages qui l’ont accompagnés pendant ces premières années. On lit ces pages comme des instantanés, des photos polaroïd. C’est bien sûr une autobiographie mais aussi une très belle réflexion sur l’acte d’écrire.

    Le plus court chemin

     

     

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  • Les survivants

    "Les survivants" de Jane Harper - Calmann Levy

    Présentation de l'éditeur :

    Kieran Elliott, trentenaire vivant à Sidney, retourne en basse saison dans sa ville natale d’Evelyn Bay, minuscule station balnéaire de Tasmanie. Ce court séjour familial fait aussitôt resurgir des souvenirs douloureux : douze ans plus tôt, à cause d’une aventure peu prudente en mer avec sa meilleure amie Olivia, deux hommes venant à leur secours ont disparu dans les flots. Depuis ce drame, de nombreux autochtones se méfient de Kieran.
    À peine est-il de retour que le cadavre d’une jeune femme est retrouvé sur la plage: la colocataire d’Olivia. Tous les regards se braquent sur Kieran. Est-il un bon père de famille qui a la malchance de subir les médisances d’une petite communauté recluse ? Ou est-il vraiment un sale type ? Bientôt, la vérité éclatera au grand jour…
    Dans un décor australien à couper le souffle, aussi idyllique que menaçant, Jane Harper prouve à nouveau son immense talent pour magnifiquement ficeler des intrigues et des noeuds familiaux, tout en faisant jouer à la nature sauvage un rôle primordial.

    Première page :

    Elle aurait – presque – pu faire partie des Survivants.

    Dressée là, sa silhouette se détachant dans la lumière pâle, dos tourné et l’eau salée lui léchant les pieds. Puis elle bougea. Rien qu’un infime basculement du poids, le va-et-vient d’un souffle, mais assez pour briser l’illusion avant qu’elle ne s’impose tout à fait.

    Elle regardait toujours au loin, fixant une chose que lui-même ne distinguait pas dans l’obscurité. Quelque part, une vague se brisa et la mer déferla, fraîche et même un peu froide contre les jambes de l’homme, son pétillement blanc encerclant ses mollets nus à elle. Il la vit baisser sa main libre pour ramener sa jupe au-dessus des genoux. L’air était voilé d’une fine brume et le tee-shirt de la femme collait à son dos et à sa taille.

    La mer enfla de nouveau, et cette fois la force du contre-courant lui fit faire un pas vers elle. Elle ne le remarqua pas. Son visage était à présent incliné vers le bas, la chaîne en argent de son collier scintillant sur sa clavicule, tandis qu’elle se penchait pour examiner quelque chose dans l’eau. Elle relâcha l’ourlet de sa jupe au moment où une vague déferlait de nouveau, et leva la main pour repousser sa queue-de-cheval tombée sur une épaule. Ses cheveux, éclaboussés, étaient lourds. Une mèche s’était retrouvée piégée au coin de sa bouche et elle la libéra, ses doigts glissant le long des lèvres.

    Ce que j'en pense :

    Ce suspense psychologique est assez bien mené. L’autrice prend le temps de bien installer les personnages ainsi que leur environnement. On découvre petit à petit les rumeurs, les tensions, les sentiments de culpabilité qui parcourent cette communauté. Le passé et le présent se mêlent très souvent dans l’écriture, et c’est assez bien vu. Mais malheureusement ce livre nous parait un peu longuet à partir de la moitié.

    Les survivants

     

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  • Pleine et douce

    "Pleine et douce" de Camille Froidevaux-Metterie - Sabine Wespieser

    Présentation de l'éditeur :

    Une musique libre et joyeuse s’élève des pages de ce premier roman : celle d’un chœur de femmes saluant la venue au monde de la petite Ève, enfant née d’un désir d’amour inouï.

    Stéphanie est cheffe de cuisine, elle voulait être mère, mais pas d’une vie de couple. Elle est allée en Espagne bénéficier d’une procréation médicalement assistée, alors impossible en France. Greg, l’ami de toujours, a accepté de devenir le « père intime » d’Ève. Dans à peine deux semaines, aura lieu la fête en blanc organisée pour célébrer la naissance de leur famille atypique, au grand dam de la matriarche aigrie et vénéneuse qui trône au-dessus de ces femmes.

    À l’approche des réjouissances, chacune d’elles est conduite interroger son existence et la place que son corps y tient. Toutes, sœurs, nièces, amies de Stéphanie, témoignent de leur quotidien, à commencer par Ève elle-même, à qui l’autrice prête des pensées d’une facétieuse ironie face à l’attendrissement général dont elle est l’objet. Comme dans la vie, combats féministes, tourments intimes et préparatifs de la fête s’entremêlent.

    Première page :

    Il doit être tôt, « pourquoi si tôt ? », me demande-t-elle parfois de sa voix endormie. Alors j’attends un peu, je reste là, tranquille, à regarder la nuée d’oiseaux immobiles qui flottent au-dessus de moi. J’aime particulièrement le rouge. D’ordinaire, quand le groupe reprend son vol circulaire et que ce beau rouge passe à l’aplomb de mon visage, j’agite frénétiquement les bras pour essayer de l’attraper. J’adore son oeil noir et brillant, le renflement vermillon de son ventre et cet air un peu espiègle qu’il a en me regardant. C’est Greg qui m’a offert ce mobile, parce que se réveiller chaque jour en suivant les oiseaux des yeux, m’a-t-il promis, c’est l’assurance d’une vie légère et aventureuse. Grand-mère a fait la moue et l’a trouvé inadapté, s’inquiétant de ces plumes véritables que je pourrais suçoter, qui pourraient m’empoisonner. Maman a haussé les épaules.

    J’aime le bruit de la clé mécanique qu’elle remonte après m’avoir précautionneusement déposée dans mon lit.

    Ce que j'en pense :

    Roman choral autour de portraits de femmes de différents âges, qui se retrouvent toutes en lien avec la petite Ève. Le premier chapitre qui fait parler Ève m’a beaucoup plu. Mais le reste m’a paru inégal et parfois assez démonstratif, l’autrice voulant aborder le plus possible de sujets liés à la condition des femmes.

    Pleine et douce

     

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  • "Cent millions d'années et un jour" de Jean-Baptiste Andrea - folio

    Présentation de l'éditeur :

    "Cette fois, pas besoin de traduction pour comprendre la loi de la montagne. Les seuls monstres, là-haut, sont ceux que tu emmènes avec toi." Alpes, août 1954. Stan mène une carrière de paléontologue sans éclat. Il ne lui reste qu'une chance de connaître la gloire : découvrir un squelette de dinosaure qu'on dit préservé par la glace depuis des millénaires. Stan imagine alors une folle expédition et entraîne avec lui un vieux guide italien et les scientifiques Umberto et Peter. Mais l'ascension du glacier est périlleuse, surtout pour ces hommes inexpérimentés. Tandis que le froid, l'altitude, la solitude se referment sur eux, leurs fragilités affleurent, les vieilles blessures se rouvrent. L'amitié qui les lie leur permettra-t-elle de réaliser ce rêve d'enfant ?

    Première page :

    J 'oublierai bien des choses, c'est inévitable, jusqu'à mon propre nom peut-être. Mais je n'oublierai pas mon premier fossile. C'était un trilobite, un petit arthropode marin qui n'avait rien demandé à personne quand mon existence percuta la sienne un jour de printemps. Une seconde plus tard, nous étions amis pour la vie.

    Ses compagnons et lui, il me le raconta quand je fias en âge de le comprendre, avaient survécu à plusieurs extinctions de masse. A la lave et à l'acide, au manque d'oxygène, au ciel qui penchait. Et puis un jour ils avaient dû baisser les armes, reconnaître qu'ils avaient fait leur temps et se rouler en boule, bien au chaud au fond d'un caillou. Il fallait accepter la défaite, laisser la place aux autres.

    Ce que j'en pense :

    Au départ c’est une aventure qui parait assez banale mais très vite on se rend compte que l’enfance de Stan est eu cœur du sujet. Ce récit est glaçant à divers points de vue : bien sûr avec l’aventure autour du glacier mais aussi avec les retours sur l’enfance et en particulier les relations avec sa mère. La magnifique écriture de l’auteur nous porte tout au long de ce récit assez grave et parfois troublant.

    Cent millions d'années et un jour

     

     

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  • L'Enragé

    "L'Enragé" de Sorj Chalandon - Grasset

    Présentation de l'éditeur :

    «  En 1977, alors que je travaillais àLibération, j’ai lu que le Centre d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé. Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Entre ses hauts murs, où avaient d’abord été détenus des Communards, ont été «  rééduqués  » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans.
      Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés.Tous  ? Non  : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel.
      Je me suis glissé dans sa peau et c’est son histoire que je raconte. Celle d’un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d’un fauve né sans amour, d’un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues.  » S.C.

    Première page :

    La Teigne

    11 octobre 1932

     

    Tous sont tête basse, le nez dans leur écuelle à chien. Ils bouffent, ils lapent, ils saucent leur pâtée sans un bruit. Interdit à table, le bruit. Le réfectoire doit être silencieux.

    — Silencieux, c’est compris ? a balancé Chautemps pour impressionner les nouveaux.

    Sauf à la récréation, la moindre parole est punie.

    Le surveillant-chef empêche même les regards.

    — Je lis dans vos yeux, bandits.

    Cet ancien sous-officier marche entre les tables, boudiné dans son uniforme bleu.

    — J’y vois les sales tours que vous préparez.

    Sa casquette de gardien au milieu de nos crânes rasés. Moysan, Trousselot, Carrier, L’Abeille, Petit Malo, même Soudars le caïd, tous ont la tête dans les épaules. Notre troupe de vauriens semble une armée vaincue.

    — Vous êtes des vicieux !

    Chautemps frappe une table avec sa coiffe à galons. Il s’est approché de moi.

    — La Teigne, baisse les yeux !

    Je soutiens son regard.

    Ce que j'en pense :

    «Enragé » comment ne pas l’être dans ces conditions abominables qu’on connues ces enfants à Belle Île (une île qui porte plutôt mal son nom dans cette histoire). L’écriture de Chalandon nous met au cœur de la rage éprouvée par Julien, on se dit que ce pourrait être aussi la rage de l’auteur ou la nôtre également devant ce monde actuel et ses injustices criantes (il suffit de regarder l’actualité). J’ai été emporté par ce roman, véritable coup au cœur.

    L'Enragé

     

     

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  • L'épaisseur d'un cheveu

    "L'épaisseur d'un cheveu" de Claire Berest - Albin Michel

    Présentation de l'éditeur :

    Etienne est correcteur dans l’édition. Avec sa femme Vive, délicieusement fantasque, ils forment depuis dix ans un couple solide et amoureux. Parisiens éclairés qui vont de vernissage en concert classique, ils sont l’un pour l’autre ce que chacun cherchait depuis longtemps.

    Mais quelque chose va faire dérailler cette parfaite partition.

    Ce sera aussi infime que l’épaisseur d’un cheveu, aussi violent qu’un cyclone qui ravage tout sur son passage.

    Implacable trajectoire tragique, L’Épaisseur d’un cheveu ausculte notre part d’ombre. Claire Berest met en place un compte-à-rebours avec l’extrême précision qu’on lui connaît pour se livrer à la fascinante autopsie d’un homme en route vers la folie.

    Première page :

    Deux tables

    Quand Étienne Lechevallier s'indigna à part lui que le serveur du Petit Brazil le reluquât encore une fois d'un drôle d'air, nous étions lundi dernier aux alentours de dix-sept heures trente ; Étienne avait comblé sa matinée de corrections sur le manuscrit d'un auteur dont il poussait au paroxysme la joie mauvaise de détester le travail, il avait avalé vers treize heures une omelette, debout dans sa cuisine, accompagnée d'un morceau de roquefort, et à l'heure du café il était parti pédalant en direction du Petit Brazil l'humeur joviale, car une seconde journée débutait pour lui, dévolue à son projet personnel qu'il jouissait encore de tenir en toute clandestinité, habillant l'escapade d'un charme secret ;

     il était alors impossible d'imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Étienne tuerait sa femme.

    Est-il désappointé, ce serveur, que je n'aie bu qu'un café en trois heures ? se demanda Étienne. …

    Ce que j'en pense :

    C’est un livre écrit par une femme et ayant le féminicide comme sujet, c’est donc délicat d’avoir une critique un peu négative de ce roman. 0n ne ressent bien sûr aucune sympathie pour le personnage principal. On voit bien que c’est un malade qui bascule dans une folie destructrice. On sent bien également les interrogations et les peurs de son épouse… mais j’avoue que je me suis un peu ennuyé à la lecture de ce roman (qui est pourtant assez court) et que je n’ai pas été touché par l’histoire.

    L'épaisseur d'un cheveu

     

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  • Des diables et des saints

    "Des diables et des saints" de Jean-Baptiste Andrea - L'iconoclaste collection Proche

    Présentation de l'éditeur :

    Qui prête attention à Joe ? Ses doigts agiles courent sur le clavier des pianos publics dans les gares. Il joue divinement Beethoven. Les voyageurs passent. Lui reste. Il attend quelqu'un, qui descendra d'un train, un jour peut-être. C'est une longue histoire. Elle a commencé il y a cinquante ans dans un orphelinat lugubre. On y croise des diables et des saints. Et une rose.

    Première page :

    Vous me connaissez. Un petit effort, souvenez-vous. Le vieux qui joue sur ces pianos publics, dans tous les lieux de passage. Le jeudi je fais Orly, le vendredi, Roissy. Le reste de la semaine, les gares, d'autres aéroports, n'importe où, tant qu'il y a des pianos. On me trouve souvent gare de Lyon, j'habite tout près. Vous m'avez entendu plus d'une fois.

    Un jour, enfin. vous m'approchez. Si vous êtes un homme, vous ne dites rien. Vous faites semblant de nouer votre lacet, pour m'écouter un peu sans en avoir l'air. Si vous êtes une femme, je sursaute. C'est que j'en attends une, justement. Ce n'est pas vous, ne vous vexez pas. Je l'attends depuis cinquante ans.

    Vous avez mille visages. Je me souviens de chacun, je n'oublie rien. Vous êtes cette fille aux matins blêmes rebondissant entre la ville et la banlieue. Vous êtes ce type en costume sombre dont je me rappelle avoir pensé : « Il doit faire l'amour avec un zèle de fonctionnaire »…

    Ce que j'en pense :

    C’est un bon roman, sur un sujet qui aurait pu être traité avec beaucoup de pathos, ce qui n’est pas le  cas. Les personnages sont dans l’ensemble assez touchants mais certains paraissent un peu caricaturaux. La musique (de Beethoven en particulier) est bien présente dans le récit et apporte de belles respirations et aussi beaucoup d’humanité (avec le vieux professeur de piano).

    Des diables et des saints

     

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  • Tenir sa langue

    "Tenir sa langue" de Polina Panassenko - L'Olivier

    Présentation de l'éditeur :

    « Ce que je veux moi, c'est porter le prénom que j'ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur. »

    Elle est née Polina, en France elle devient Pauline. Quelques lettres et tout change.

    À son arrivée, enfant, à Saint-Étienne, au lendemain de la chute de l'URSS, elle se dédouble : Polina à la maison, Pauline à l'école. Vingt ans plus tard, elle vit à Montreuil. Elle a rendez-vous au tribunal de Bobigny pour tenter de récupérer son prénom.

    Ce premier roman est construit autour d'une vie entre deux langues et deux pays. D'un côté, la Russie de l'enfance, celle de la datcha, de l'appartement communautaire où les générations se mélangent, celle des grands-parents inoubliables et de Tiotia Nina. De l'autre, la France, celle de la materneltchik, des mots qu'il faut conquérir et des Minikeums.

    Drôle, tendre, frondeur, Tenir sa langue révèle une voix hors du commun.

    Première page :

    Mon audience a lieu au tribunal de Bobigny. Convocation à 9 heures. Je n'y suis jamais allée, je pars en avance. En descendant dans le métro, je tape Comment par- Ier à un juge ? dans la barre de recherche de mon téléphone. Après trois stations, je me demande s'il va vraiment falloir commencer chaque phrase par votre honneur, monsieur le président ou madame la juge. Je me demande si au tribunal ils font comme certains parents. Si on leur répond juste oui, ils disent oui qui ? Tant que tu n'as pas dit oui madame la juge, ils t'ignorent.

    Arrivée au tribunal, j'attends mon avocate devant la salle d'audience. Des petits groupes anxieux s'agglutinent de part et d'autre de la porte. Une femme se de- mande à voix haute pourquoi certains avocats ont de la fourrure au bout de la cravate et d'autres non.

    Ce que j'en pense :

    Conformément au titre du livre l’autrice tient merveilleusement sa langue. C’est toujours très juste et rempli d’humour plutôt piquant. Elle met le doigt là où ça fait mal : que signifie « être intégré.e » dans une France qui a encore peur de ce qui est multiculturel. On a envie de lire à voix haute de nombreux passages pour vraiment les savourer

    Tenir sa langue

     

     

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  • William

    "William" de Stéphanie Hochet - Rivages

    Présentation de l'éditeur :

    Que s’est-il passé dans la vie de William Shakespeare entre 1585 et 1592, de ses vingt et un à vingt-huit ans ? Personne ne le sait. Ce sont ces « années perdues » que Stéphanie Hochet se plaît ici à imaginer.
    William, marié prématurément et père de trois enfants, étouffe dans le carcan familial. Il ne rêve que d’une chose : devenir acteur. Il se joint alors aux Comédiens de la Reine qui cherchent un remplaçant. Dans une Angleterre où sévit la peste, son sort bascule et sa vocation de dramaturge s’affirme. Ses rencontres avec le ténébreux Richard Burbage, qui lui inspirera le personnage de Richard III, et le fascinant Marlowe seront décisives. Elles dicteront son destin.
    Avec un art subtil du portrait, l’autrice évoque aussi en écho les thématiques et les passages de sa propre vie qui justifient son attachement à la figure de Shakespeare : l’androgynie, l’emprise des aînés, le désir de fuite, l’idée du suicide… À travers cette forme inédite et moderne du roman d’apprentissage, Stéphanie Hochet confirme tout son talent de conteuse.

    Première page :

    Personne chez les Shakespeare ne s'attendait à ce que l'aîné de la fratrie se marie à un âge aussi tendre que celui de dix-huit ans. Ce long garçon maigre de William qui ne semblait pas vouloir reprendre le commerce de gants de son père avait un air, une gaucherie d'écolier grandi trop vite. Le père et la mère du garçon avaient ouvert de grands yeux quand il avait annoncé son mariage avec une Anne Hathaway de vingt-six ans. Même si les Shakespeare appréciaient le père de la future épouse, cette nouvelle sonna comme un cataclysme. William agissait à l'inverse des mœurs de Stratford. Que comptait-il faire maintenant ? Travailler d'arrache-pied pour faire vivre cette femme et la petite âme qui attendait de naître dans les entrailles de sa promise ? Mais là résidait le problème : William ne savait ni ne voulait travailler.

    Pour le jeune homme, le mariage était une source de joie et d'angoisse mêlées. Vivre avec celle qu'il aimait le remplissait d'allégresse, cependant il ne pouvait s'empêcher de penser au même moment que sa vie serait scellée avec cette union et que les fantasmes qui jusque-là l'avaient nourri d'un espoir fou en l'avenir seraient enterrés à l'image de ses sœurs nées avant lui qui reposaient sous terre, dans le silence de ses parents.

    Ce que j'en pense :

    C’est une biographie (partielle) imaginée par l’autrice. C’est sans doute une bonne idée d'essayer de "remplir" ces années oubliées dans la vie de Shakespeare. L’écriture de Stéphanie Hochet n’est pas désagréable et elle est très bien documentée sur cette fin du 16ème siècle en Angleterre. Les parallèles entre la vie de Shakespeare et l’enfance de l’autrice pourraient aussi être intéressants… mais, pour moi, il manque quelque chose dans ce livre car j’en suis resté un peu à la surface.

    William

     

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  • Un homme sans moustache

    "Qu'est-ce qu'un homme sans moustache ?" de Ante Tomic - Noir sur Blanc

    Présentation de l'éditeur :

    "Un homme sans moustache est un homme sans âme" , écrivait Confucius.
    L'arrière-pays dalmate, son maquis, sa pierraille et son village, Smiljevo, avec ses deux mille habitants, son auberge, son église, son école primaire, son bureau de poste et ses deux épiceries. On y trouve une veuve joyeuse, un prêtre timide, alcoolique repenti, un épicier amateur de feuilletons mexicains, un général de l'armée croate, un émigré ayant fait fortune en Allemagne, un ivrogne, un poète haïku incompris, un ministre de la Défense et bien d'autres personnages hauts en couleur.
    Tout au long de ce roman d'amour hilarant, on découvre une population archaïque, obtuse, amoureuse d'agneaux à la broche, mais excessivement touchante dans son humanité.
    Ce premier roman d'Ante Tomic, douce satire de l'Église, de l'État et du machisme, aura lancé la carrière de l'auteur de Miracle à la Combe aux Aspics.

    Première page :

    Chapitre 1

    Dans lequel nous faisons la connaissance de cette charmante bourgade où les plus chan- ceux se grattent l'oreille avec une clé de Mercedes, et ceux qui le sont moins avec la tête rouge d'une allumette.

    Que Smiljevo est charmant au mois de mai, lorsque l'ombre noueuse sous le clair de lune, comme un monstre biscornu devant la fenêtre, se transforme peu à peu en amandier à la première lueur du jour pointant derrière les collines bleutées ! Ou à midi, quand les cloches sonnent si fort qu'on a l'impression que le ciel du bon Dieu est fait de tôle, et que les paysans qui travaillent la terre se nourrissent d'œufs durs, d'oignons frais et de fromage, de lard et de saucisson étalés sur des linges de cuisine avec des fraises pour motifs. Peut-être est-il plus beau encore au crépuscule, lorsque les nuages empourprés s'épanchent sous l'effet d'un vent venu d'on ne sait où. Ou la nuit, quand le silence n'est troublé que par les grillons, les chiens et les ivrognes qui chantent, rient ou se disputent avec leurs femmes qui les ont quittés depuis belle lurette, se débattant pendant des heures dans le fossé où ils sont tombés ivres morts, pour finir par s'endormir puis se réveiller à huit heures, voire plus tard, couverts de rosée et de fourmis.

    Le village est grand, deux mille âmes environ, et il ne désemplit pas. Du moins pas sensiblement. On y trouve une église et une école primaire….

    Ce que j'en pense :

    On retrouve bien sûr l’humour déjanté et la critique acerbe de certaines parties de la société croate. Mais ce premier roman parait moins abouti que le second « Miracle à la combe aux aspics ». Le récit va dans tous les sens et perd beaucoup d’intérêt. Au fil des pages, on finit par se lasser. Quand un premier livre est publié après le succès d'eun deuxième livre ce n'est pas souvent bon signe !

    Qu'est-ce qu'un homme sans moustache ?

     

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