• Pas trop saignant

    "Pas trop saignant" de Guillaume Siaudeau - Alma

    Présentation de l'éditeur :

    Pour certains fuir se résume à entrer dans un beau rêve. Pour d’autres les choses ont besoin d’être plus concrètes. Joe, employé aux abattoirs, est de cette trempe. Il veut se sentir bien, vivant, ailleurs. Pour de vrai. Voilà pourquoi, émergeant d’un demi- sommeil existentiel, il passe à l’action. Il fauche une bétaillère (et six vaches) sur son lieu de travail, fait un détour pour embarquer son plus proche ami, Sam – un enfant placé –, et file au volant de l’engin sur les routes montueuses de la région. Évidemment, l’alerte est donnée. L’insurgé aura-t- il le temps de sauver le rêve de la réalité ?

    Première page :

    "Même si le café a l'air d'être un peu moins noir que d'habitude, c'est un jour comme tous les autres. Le rejeton d'une veille rassie et d'un lendemain boiteux. Le genre de jour qu'il faut escalader à la seule force des rêves, en fermant les paupières.

    Joe n'a pas prévu d'aller à l'abattoir aujourd'hui, c'est son jour de congé. Un ou deux cris de cochons, un ou deux beuglements de vaches et un ou deux bêlements de moutons se sont servis de la nuit comme d'un tremplin et se situent à présent au zénith de ses pensées, en orbite autour d'un petit mal de crâne naissant.

    Ses jours de congé, il les passe en général à essayer d'oublier. Tous ces cris d'animaux, tous ces yeux écarquillés, tous ces ordres donnés par la direction qui semble ne jamais avoir vu la moindre goutte de sang, bien trop occupée à surveiller et compter tous les chiffres du monde. Parce que les chiffres sont d'un naturel volage, et il suffit de tourner la tête un quart de seconde pour que certains se fassent la malle. C'est bien connu, les entreprises font faillite par défaut de surveillance. L'assoupissement d'un patron, et hop, voilà trois ou quatre chiffres partis gambader…"

    Ce que j'en pense :

    Roman décalé, poétique, faussement naïf, un peu comme son précédent roman "La dictature des ronces" mais un degré en dessous. Certaines choses sont un peu trop attendues. Les scènes avec les gendarmes sont le principal point faible de ce trop court roman.

    Pas trop saignant

    Pas trop saignant

     

     

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  • Manuel d'exil

    "Manuel d'exil Comment réussir son exil en trente-cinq leçons" de Velibor Colic - Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    «Fraîchement restauré, le foyer de demandeurs d’asile à Rennes me fait penser à mon lycée. Une grande porte vitrée, d’interminables couloirs, sauf qu’ici au lieu des salles de classe on a des chambres pour les réfugiés. Dans le hall central il y a une carte du monde avec les petits drapeaux du pays des résidents. La misère du monde s’est donné rendez-vous à Rennes en cette fin d’été 1992. 
    Je suis accueilli par une dame aux énormes lunettes. Elle parle doucement en me regardant droit dans les yeux. Je saisis que je vais avoir une chambre simple, pour célibataire, que la salle de bains et la cuisine sont communes et que j’ai droit à un cours de français pour adultes analphabètes trois jours par semaine. 
    Je suis un peu vexé : 
    – I have BAC plus five, I am a writer, novelist… 
    – Aucune importance mon petit, répond la dame. Ici tu commences une nouvelle vie…» 
    Après avoir déserté l’armée bosniaque, le narrateur se retrouve sans argent ni amis, ne parlant pas le français, dans un foyer pour réfugiés. Dans une langue poétique, pleine de fantaisie et d'humour, Velibor Čolić aborde un sujet d’une grande actualité et décrit sans apitoiement la condition des réfugiés, avec une ironie féroce et tendre.

    Première page :

    "J'ai vingt-huit ans et j'arrive à Rennes avec pour tout bagage trois mots de français - Jean, Paul et Sartre. J'ai aussi mon carnet de soldat, cinquante deutsche marks, un stylo à bille et un grand sac de sport vert olive élimé d'une marque yougoslave. Son contenu est maigre : un manuscrit, quelques chaussettes, un savon difforme (on dirait une grenouille morte), une photo d'Emily Dickinson, une chemise et demie (pour moi une chemise à manches courtes n'est qu'une demi-chemise), un rosaire, deux cartes postales de Zagreb (non utilisées) et une brosse à dents. C'est la fin de l'été 1992 mais je suis habillé comme pour une expédition polaire : deux vestes d'une autre époque, une longue écharpe, aux pieds j'ai mes bottes en daim, avachies, mordues mille fois par la pluie et le vent. Je suis un cavalier léger, un voyageur au visage scellé par un froid métaphysique, cet ultime degré de la solitude, de la fatigue et de la tristesse. Sans émotions, sans peur ni honte.

    Devant la gare de Rennes, je pose mon sac et j'observe longuement ma nouvelle terre.

    Je murmure une complainte, stupide et enfantine, tout en sachant que les mots ne peuvent rien effacer, que ma langue ne signifie plus rien, …"

    Ce que j'en pense :

    Ce livre est malheureusement toujours d'actualité. On y décrit avec beaucoup de justesse , d'ironie et d'auto dérision le quotidien de "l'exilé".  Tous les portraits de personnes, de villes … n'ont pas tous la même force. Mais il reste, après la lecture, cette envie folle, éprouvée par l'auteur, d'être sauvé par la littérature.

    Manuel d'exil

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  • Marcher droit, tourner en rond

    "Marcher droit, tourner en rond" de Emmanuel Venet - Verdier

    Présentation de l'éditeur :

    Atteint du syndrome d’Asperger, l’homme qui se livre ici aime la vérité, la transparence, le scrabble, la logique, les catastrophes aériennes et Sophie Sylvestre, une camarade de lycée jamais revue depuis trente ans. Farouche ennemi des compromis dont s’accommode la socialité ordinaire, il souffre, aux funérailles de sa grand-mère, d’entendre l’officiante exagérer les vertus de la défunte. Parallèlement, il rêve de vivre avec Sophie Sylvestre un amour sans nuages ni faux-semblants, et d’écrire un Traité de criminologie domestique.

    Par chance, il aime aussi la solitude.

    Première page :

    "Je ne comprendrai jamais pourquoi, lors des cérémonies de funérailles, on essaie de nous faire croire qu’il y a une vie après la mort et que le défunt n’avait, de son vivant, que des qualités. Si un dieu de miséricorde existait, on se demande bien au nom de quel caprice il nous ferait patienter plusieurs décennies dans cette vallée de larmes avant de nous octroyer la vie éternelle; et si les humains se conduisaient aussi vertueusement qu’on le dit après coup, l’humanité ne connaîtrait ni les guerres ni les injustices qui déchirent les âmes sensibles. On me rétorque souvent que je schématise les situations complexes à cause de mon syndrome d’Asperger, mais je me contente de raisonner logiquement, comme chacun devrait s’y astreindre. À quarante-cinq ans, depuis longtemps sorti de l’enfance et peu soucieux d’encore me bercer d’illusions, je prétends pouvoir me forger des opinions pertinentes sur ces questions. En l’occurrence, j’assiste pour la quatrième fois de ma vie à des funérailles et je suis une fois de plus révolté par les énormités que j’y entends. La première fois, en mille neuf cent quatre vingt-quinze, on enterrait le cousin Henri à Saint-Léger de-Vaux près de Givry. Le curé l’a présenté comme un malheureux qui avait beaucoup souffert durant toute sa vie terrestre…"

    Ce que j'en pense :

     C'est un long monologue porté par un "Candide", porteur d'un trouble autistique. C'est une excellente façon de montrer l'hypocrisie de beaucoup de rapports humains (en particulier dans la famille). Le style est précis mais la lecture n'est pas toujours "coulante". Les meilleurs passages sont ceux concernant son "amour éternel" pour sa camarade de lycée.

    Marcher droit, tourner en rond

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  • Chanson douce

    "Chanson douce" de Leïla Slimani - Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame. A travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c'est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l'amour et de l'éducation, des rapports de domination et d'argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant.

    Première page :

    "Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu'il n'avait pas souffert. On l'a couché dans une housse grise et on a fait glisser la fermeture éclair sur le corps désarticulé qui flottait au milieu des jouets. La petite, elle, était encore vivante quand les secours sont arrivés. Elle s'est battue comme un fauve. On a retrouvé des traces de lutte, des morceaux de peau sous ses ongles mous. Dans l'ambulance qui la transportait à l'hôpital, elle était agitée, secouée de convulsions. Les yeux exorbités, elle semblait chercher de l'air. Sa gorge s'était emplie de sang. Ses poumons étaient perforés et sa tète avait violemment heurté la commode bleue.

    On a photographié la scène de crime. La police a relevé des empreintes et mesuré la superficie de la salle de bains et de la chambre d'enfants. Au sol, le tapis de princesse était imbibé de sang. La table à langer était à moitié renversée. Les jouets ont été emportés dans des sacs transparents et mis sous scellés. Même la commode bleue servira au procès.

    La mère était en état de choc. C'est ce qu'ont dit les pompiers, ce qu'ont répété les policiers, ce qu'ont écrit les journalistes."

    Ce que j'en pense :

    C'est un livre assez dérangeant. L'intrigue est habilement menée. L'auteure y a mis beaucoup de distance et de froideur, peut être au détriment d'une certaine crédibilité de la personnalité de la nounou.

    Chanson douce

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  • Bon rétablissement

    "Bon rétablissement" de Marie-Sabine Roger - Babel

    Présentation de l'éditeur :

    « Veuf, sans enfants ni chien », Jean-Pierre est un vieil ours bourru et solitaire, à la retraite depuis sept ans. Suite à un accident bien étrange, le voilà immobilisé pendant des semaines à l'hôpital. Il ne pouvait pas imaginer pire. Et pourtant, depuis son lit, il va faire des rencontres inattendues qui bousculeront son égoïsme…

    Avec sa verve habituelle et son humanisme, Marie-Sabine Roger nous offre une nouvelle fois une galerie de portraits hauts en couleur. C'est un tableau doux-amer qu'elle peint de l'hôpital, avec l'humour et le sens de la formule qui la caractérisent, et qui ont fait le succès de ses deux précédents romans, La tête en friche et Vivement l'avenir.

    Première page :

    "Sans me vanter, vers les six ou sept ans, j'avais déjà tâté pas mal de choses, pour ce qui est des délits interdits par la loi. Vol à l'arraché, viol, extorsion de fonds...
    Question viol, j'avais roulé une pelle à Marie-José Blanc. Elle serrait les dents, je n'étais pas allé loin. C'est l'intention qui compte.
    Le vol à l'arraché, c'était le samedi après le match de rugby : je taxais le goûter des plus petits que moi. Je les baffais, peinard, au chaud dans les vestiaires. J'en épargnais un, quelquefois. J'ai un côté Robin des Bois.
    Pour l'extorsion, demandez à mon frère. Il me citait toujours comme exemple pourri à ses gamins, quand ils étaient petits, Devenez pas comme votre oncle, ou vous aurez affaire à moi. Pour ma défense, je dirais que s'il n'avait rien eu à se reprocher, il n'aurait pas raqué toute sa tirelire. Pour faire chanter les gens, il faut une partition.

    On m'appelait «la Terreur». Je trouvais ça génial. 
    Je me sentais promis à un grand avenir."

    Ce que j'en pense :

    Les personnages de Marie Sabine Roger sont toujours aussi attachants. Elle sait parfaitement faire ressortir ce qui se cache sous les carapaces façonnées par les aléas de la vie. Et tout cela avec beaucoup d'humour et de tendresse. Un plaisir de lecture… (comme pour "La tête en friche", il vaut mieux éviter la version cinéma!)

    Bon rétablissement

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  • T.S.

    "TS" de Fabrice Vigne - L'Ampoule

    Présentation de l'éditeur :

    "Les mots ont des rapports invisibles entre eux parce que tous les mots qui existent, finalement, ne sont jamais construis qu'avec les mêmes vingt-six lettres."
    Pour dissiper les brumes de son enfermement existentiel, le jeune héros de TS mobilise la petite réserve de lumière contenue dans les mots de son vieux dictionnaire.

    Première page :

    "Plutôt que de parler, moi je veux bien écrire. Mais je préviens tout de suite que je ne sais pas si j’y arriverai, je ne sais pas si j’aurai le droit d’écrire les mots qu’il faut, les mots justes. Monsieur Bernardini me dit que je dois arrêter de me demander si j’ai le droit de ceci ou le droit de cela, il dit que pour parler, pour écrire, pour dire la vérité, on a bien tous les droits qu’on veut. Je ne sais pas encore si je dois le croire sur ce point précis. Monsieur Bernardini me dit que ce serait bien si j’écrivais l’histoire, que ça « m’aiderait ».
    Là, je ne sais pas quoi penser. Ça m’aiderait à quoi ? Raconter l’histoire, ça ne peut pas m’aider à autre chose qu’à faire en sorte que l’histoire soit racontée.

    En plus, je me méfie parce qu’il me dit ça avec le même sourire qu’il a toujours, la bouche très large et presque ouverte comme s’il était la seconde avant de me dire quelque chose de gentil, sauf qu’il n’ajoute rien, il reste rigoureusement immobile, il me regarde, ses yeux fixes dans les miens, la tête très très légèrement penchée, il sourit et c’est tout. "

    Ce que j'en pense :

    Voilà un livre que l'on ne peut pas lire rapidement, car il faut prendre le temps de "rentrer" dans la peau de l'adolescent (mal dans sa peau) et de découvrir comment les mots du dictionnaire peuvent libérer une parole. C'est un livre assez poignant par moments, avec un personnage principal très attachant.

    T.S.

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  • Carnets de déroute

    "Carnets de déroute" de Michel Monnereau - La table ronde

    Présentation de l'éditeur :

    A tourner dans mon deux-pièces comme un chômeur en cage, je me suis rencontré trois fois dans le miroir ovale qui me vient de maman, puis l'ai retourné contre le mur. Entre les injonctions des Assedic, l'ennui qui croît, les amours qui s'absentent, les petits boulots qui se raréfient, un homme, la cinquantaine, ancien soixante-huitard, entame la rédaction de son journal intime. Sans emploi depuis plusieurs mois, il y dit le temps qui passe, le regard des autres, l'esseulement, l'errance. Avec un humour grinçant et dans une langue acérée, voici le roman d'une dérive et la chronique d'une génération, celle des baby-boomers, comblée puis laminée.

    Première page :

    "26 mars

    Je suis un type bien. J'ai juste tué maman.

    27 mars

    Un type un peu trop seul, peut-être. Comme vous en croisez dans les megapoles fin de millénaire et sur lesquels vous vous retournez d'instinct, la pointe de la peur entre les épaules. La haine me tient debout, c'est ce que vous perce­vez en me croisant. Je suis le voisin que vous n'aimeriez pas avoir.

    29 mars

    Je ne voudrais pas être à ma place.

    30 mars

    Sept mois déjà que j'ai jeté mon semainier dans la pou­belle de mon bureau climatisé, supprimé tous mes mails, détruit mes dossiers personnels, éteint mon Mac et que je suis parti sans saluer mes collègues. Sept mois - autant dire une petite éternité"

    Ce que j'en pense :

    Une chronique assez juste mais plutôt désabusée (voire désespérée) sur le quotidien d'un chômeur. C'est écrit avec beaucoup de finesse mais ça ne manque pas de piquant et parfois de méchanceté.

    Carnets de déroute

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  • De nos frères blessés

    "De nos frères blessés" de Joseph Andras - Actes Sud

    Présentation de l'éditeur :

    Alger, 1956. Jeune ouvrier communiste anticolonialiste rallié au FLN, Fernand Iveton a déposé dans son usine une bombe qui n'a jamais explosée. Pour cet acte symbolique sans victime, il est exécuté le 11 février 1957, et restera dans l'Histoire comme le seul Européen guillotiné de la guerre d'Algérie. Ce roman brûlant d'admiration, tendu par la nécessité de la justice et cinglant comme une sentence, lui rend hommage.

    Première page :

    "Pas cette pluie franche et fière, non. Une pluie chiche. Mesquine. Jouant petit. Fernand attend à deux ou trois mètres de la route en dur, à l’abri sous un cèdre. Ils avaient dit treize heures trente. Plus que quatre minutes. Treize heures trente, c’est bien ça. Insupportable, cette pluie sournoise, pas même le courage des cordes, les vraies de vraies, juste assez pour mouiller la nuque du bout des doigts, goutte avare, et s’en tirer ainsi. Trois minutes. Fernand ne quitte plus sa montre des yeux. Une voiture passe. Est-ce elle? Le véhicule ne s’arrête pas. Quatre minutes de retard. Rien de grave, espérons. Une seconde voiture, au loin. Une Panhard bleue. Immatriculée à Oran. Elle se range sur le bas-côté – la calandre toute déglinguée, celle d’un vieux modèle. Jacqueline est venue seule; elle regarde autour d’elle en sortant, à gauche puis à droite, à gauche encore. Tiens, voilà les papiers, tu as toutes les indications dessus, Taleb a tout prévu, ne t’inquiète pas. Deux feuillets, un par bombe, avec les indications précises. Entre 19 h 25 et 19 h 30. Avance du déclic, 5 minutes… Entre 19 h 23 et 19 h 30. Avance du déclic 7 minutes… Il n’est pas inquiet : elle est là, présente, c’est tout ce qui importe. Fernand glisse les papiers dans la poche droite de son bleu de travail."

    Ce que j'en pense :

    Très belle écriture au service d'une histoire dramatique qui fait honte à la France. C'est écrit de façon délicate et c'est un hommage d'une grande dignité à cet homme guillotiné pour l'exemple (alors que François Mitterrand était garde des sceaux). Premier roman d'une grande force, qui ne peut pas laisser insensible.

    De nos frères blessés

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  • Roland est mort

    "Roland est mort" de Nicolas Robin - Editions Anne Carrère

    Présentation de l'éditeur :

    Roland est mort. Les sapeurs-pompiers l'ont retrouvé la tête dans la gamelle du chien. Ils viennent enlever le corps et se débarrassent du caniche en le confiant à son voisin de palier, un homme proche de la quarantaine, au chômage, très seul. Roland est mort depuis une semaine. Son voisin ne le connaissait pas vraiment, mais il aurait dû s'en douter : il n'entendait plus les chansons de Mireille Mathieu, derrière le mur. II écope du chien, puis de l'urne contenant les cendres du défunt. Que faire de ce lourd héritage chargé de poils et de céramique ? Le voisin va tout tenter pour s'en débarrasser, mais en a-t-il vraiment envie ? Ce livre est un ovni. La force des mots, l'immense sensibilité qui s'en dégage font qu'il laisse une trace et qu'on le quitte avec regret.

    Première page :

    "Roland est mort. C'est la voisine du dessous qui me dit ça. Elle pleure devant ma porte. Ses yeux sont rouges et elle a le nez qui coule. Elle porte son gilet mauve et des espadrilles aux pieds. J'ai envie de lui claquer la porte au nez.

    La voisine du dessous vient toujours m'annoncer des mauvaises nouvelles. Elle me parle des gens dans le monde qui n'ont pas de bras ni de jambes, qui font la manche à la sortie du métro, des gens qui ont des maladies congénitales et qui démarrent dans la vie du mauvais pied. Elle me parle des trous dans la couche d'ozone et des vaches qui pètent au Paraguay. Elle me donne sa théorie sur le désordre climatique, et même qu'il ne faudra pas s'étonner si un jour il neige en juillet. Elle me parle des célébrités qui divorcent, se droguent ou se jettent par la fenêtre. Elle me dit que finalement l'argent ne fait pas le bonheur. La voisine du dessous croit toujours bon de me sortir des phrases toutes faites et de me raconter des choses qui ne m'intéressent pas. Ce soir, elle m'apprend que mon voisin de palier est mort. Elle me dérange. J'étais en train de regarder un film porno à la télé. Roland est mort mais je m'en fous…"

    Ce que j'en pense :

    Voilà un roman qui peut paraître léger, voire même superficiel. Il pourrait ressembler à tous ces livres qui sont là pour nous faire rire, qui donnent l'impression de ne pas se prendre au sérieux et que l'on oublie sitôt lus. Mais ce roman, même si les situations sont cocasses, est beaucoup plus profond qu'il n'y parait. Le regard est assez juste et percutant (avec un peu de cynisme) sur le quotidien de notre société.

     Roland est mortRoland est mortRoland est mort

     

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  • Eux

    Eux

    "Eux" de Patrick Isabelle - Leméac

    Présentation de l'éditeur :

    Eux, c'est l'histoire d'un adolescent victime d'intimidation. Un jeune battu, extorqué, ridiculisé à outrance par des camarades de classe. Un jeune dont la détresse est ignorée par les témoins silencieux que sont les autres élèves, le personnel et l'école, les parents, les rares amis. Sa douleur est si aigüe et son agonie si longue qu'elle l'inciteront à se venger de ses tortionnaires, à devenir la source d'une violence à priori inconcevable.
    Par de courts chapitres inquiétants et poétiques, "Eux" raconte la genèse d'un drame, tout aussi terrible mais plus insidieux. Patrick Isabelle brouille la ligne séparant les victimes des bourreaux, et incite à réfléchir au potentiel de cruauté, mais également d'empathie, qui sommeille en chacun. Et si Eux, c'était nous? Un roman-choc, aussi troublant qu'essentiel.

    Première page :

    "Je suis laid. Je me sens laid. Je me trouve stupide de me sentir laid. Mais c'est plus fort que moi. Quand je me regarde dans le miroir, ce n'est pas moi que je vois. Mon reflet n'a rien en commun avec celui que je suis. C'est comme si mon âme s'était trompée de corps à ma naissance.

    Je ne vais plus dans les vestiaires. Je vais discrètement me changer aux toilettes après mon cours d'éducation physique. Je ne veux pas que les autres gars me voient. Je ne veux pas les voir non plus. Je suis hideux. Je ne suis pas comme eux.

    Eux. Ils se dandinent torse nu, musclés, découpés, sans complexe. Certains d'entre eux sont déjà beaucoup plus poilus que moi et ils se dénudent sans honte, sans gêne, en exposant leur sexe à qui veut bien le regarder. Et si tu le regardes, c'est que tu es une tapette et ils te donnent des coups. Ils rient de toi, de ton corps horrible, mal formé, imberbe, comme celui d'un ti-cul."

    Ce que j'en pense :

    Ce livre, d'une centaine de pages, est classé jeunesse mais peut être lu aussi bien par les adultes que les ados. L'auteur nous fait ressentir de l'intérieur les souffrances vécues par le personnage du "martyr" sans jamais basculer dans la moralisation.  C'est dramatique, intense et bouleversant.

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