• Une bouche sans personne

    "Une bouche sans personne" de Gilles Marchand - Aux Forges de Vulcain

    Présentation de l'éditeur :

    Un comptable se réfugie la journée dans ses chiffres et la nuit dans un bar où il retrouve depuis dix ans les mêmes amis. Le visage protégé par une écharpe, on ne sait rien de son passé. Pourtant, un soir, il est obligé de se dévoiler. Tous découvrent qu'il a été défiguré. Par qui, par quoi? Il commence à raconter son histoire à ses amis et à quelques habitués présents ce soir-là. Il recommence le soir suivant. Et le soir d'après. Et encore. Chaque fois, les clients du café sont plus nombreux et écoutent son histoire comme s'ils assistaient à un véritable spectacle. Et, lui qui s'accrochait à ses habitudes pour mieux s'oublier, voit ses certitudes se fissurer et son quotidien se dérégler. Il jette un nouveau regard sur sa vie professionnelle et la vie de son immeuble qui semblent tout droit sortis de l'esprit fantasque de ce grand-père qui l'avait jusque-là si bien protégé du traumatisme de son enfance. 
    Léger et aérien en apparence, ce roman déverrouille sans que l'on y prenne garde les portes de la mémoire. On y trouve les Beatles, la vie étroite d'un comptable enfermé dans son bureau, une jolie serveuse, un tunnel de sacs poubelle, des musiciens tziganes, une correspondance d'outre-tombe, un grand-père rêveur et des souvenirs que l'on chasse mais qui reviennent. Un livre sur l'amitié, sur l'histoire et ce que l'on décide d'en faire. Riche des échos de Vian, Gary ou Pérec, lorgnant vers le réalisme magique, le roman d'un homme qui se souvient et survit - et devient l'incarnation d'une nation qui survit aux traumatismes de l'Histoire. 

    Première page :

    "J'ai un poème et une cicatrice.

    De ma lèvre inférieure jusqu'au tréfonds de ma chemise, il y a cette empreinte de l'histoire, cette marque indélébile que je m'efforce de recouvrir de mon écharpe afin d'en épargner la vue à ceux qui croisent ma route. Quant au poème, il me hante comme une musique entêtante, ses mots rampent dans mon crâne d'où ils voudraient sortir pour dire leur douleur au monde. Poème et cicatrice font partie de moi au même titre que mes jambes, mes bras ou mes omoplates. Je ne me sens pas tenu de les examiner pour savoir qu'ils existent. J'ai seulement appris à essayer de les oublier.

    Voilà pour mon armoire à souvenirs. J'ai pris soin de la cadenasser solidement et, la plupart du temps, cela marche. C'est la seule solution pour rester, à ma manière, assez heureux. Mais les cadenas sont fragiles et il est impossible d'oublier une cicatrice lorsque celle-ci fait office de masque que l'on ne peut retirer."

    Ce que j'en pense :

    Ce livre peut paraître un peu déconcertant avec son mélange de légèreté, de folie, d'irrationnel, d'humour et de rocambolesque… tout en sachant qu'il y a au dessus de tout cela une terrible cicatrice. C'est vrai qu'il faut  "s'accrocher" dans les premières pages avant de se laisser apprivoiser par cette histoire loufoque, par ces personnages hors norme. On découvre en refermant le livre, comment le rêve, la poésie peuvent "réenchanter" le réel.

    Une bouche sans personne

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  • Mariages de saison

    "Mariages de saison" de Jean-Philippe Blondel - Pocket

    Présentation de l'éditeur :

    Toujours les mêmes conversations, les mêmes buffets, les mêmes belles-mères... Vidéaste de mariage, Corentin connaît par cœur le spectacle du bonheur. Tous les samedis d'été, il enfile sa cravate, attrape son matériel et part assister à l'union des autres – qu'il sait regarder, enregistrer comme personne. Personne, il l'est – à leurs yeux du moins. À force de vivre en marge, sans s'engager, Corentin fait du surplace sans le savoir. Il est grand temps qu'il passe de l'autre côté de la caméra. Du côté de la vie, enfin... 

    Première page :

    "La sonnerie du réveil. 6 h 30. Corentin tente de se raccrocher quelques secondes à son rêve, il était question d'eau, d'océan ou de rivière, mais trop tard, l'aquatique s'est retiré et Corentin est échoué sur son lit, en nage. A côté de lui, Aurore n'a pas bougé d'un iota. C'est étonnant de s'appeler Aurore et d'avoir un sommeil de ce plomb-là. Aurore n'émerge jamais avant la fin de la matinée, quand elle est en repos. Corentin soupire. Il n'a pas du tout envie de vivre la journée qui se profile devant lui. Dehors, les oiseaux pépient déjà - de quoi vous donner envie d'acheter une carabine et de tirer dans le tas.

    Corentin sort de la chambre sans faire de bruit. Il jette un coup d'œil au costume suspendu à la tringle à rideaux. Samedi 8 juin. Aujourd'hui. Un mariage. Encore un. Son esprit commence à anticiper - les préparatifs, la coiffure, la cérémonie -, mais Corentin refuse de se laisser entraîner. D'abord, un café. Une cafetière entière. Ses parents ont proposé de lui offrir une nouvelle machine, de celles qu'on trouve partout désormais, avec les capsules hors de prix à commander…"

    Ce que j'en pense :

    Un bon petit roman, agréable à lire, mais pas le meilleur de Blondel. Cela se lit facilement, certaines situations sont cocasses, drôles, mais le plus souvent c'est assez convenu.

    Mariages de saison

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  • Écoutez nos défaites

    "Écoutez nos défaites" de Laurent Gaudé - Actes Sud

    Présentation de l'éditeur :

    Il a mené des opérations pour les renseignements français de Bamako à Genève, de Beyrouth à Tanger. Il a vu des régimes tomber, des peuples se relever, des hommes mourir. Aujourd’hui, Assem Graïeb est fatigué. La mission qu’il accepte est peut-être la dernière : retrouver un ancien membre des commandos d’élite américains soupçonné de divers trafics. À Zurich, Assem croise Mariam, une archéologue irakienne qui tente de sauver des œuvres d’art dans la zone dévastée du Moyen-Orient. En une nuit , tous les deux partagent bien plus que quelques heures d’amour. 
    En contrepoint de cette rencontre, le récit fait retentir le chant de trois héros glorieux : le général Grant écrasant les confédérés, Hannibal marchant sur Rome, Hailé Sélassié se dressant contre l’envahisseur fasciste. Mais quand une bataille se gagne au prix de vies fauchées, de corps suppliciés, de terres éventrées, comment prétendre qu’il s’agit d’une victoire ? 
    Évocation tremblée d’un monde contemporain insondable, Écoutez nos défaites compose une épopée mélancolique et inquiète qui constate la folie des homme et célèbre l’émotion, l’art, la beauté – seuls remèdes à la tentation de la capitulation face au temps qui passe.

    Première page :

    "Tout ce qui se dépose en nous, année après année, sans que l'on s'en aperçoive : des visages qu'on pensait oubliés, des sensations, des idées que l'on était sûr d'avoir fixées durablement, puis qui disparaissent, reviennent, disparaissent à nouveau, signe qu'au-delà de la conscience quelque chose vit en nous qui nous échappe mais nous transforme, tout ce qui bouge là, avance obscurément, année après année, souterrainement, jusqu'à remonter un jour et nous saisir d'effroi presque, parce qu'il devient évident que le temps a passé et qu'on ne sait pas s'il sera possible de vivre avec tous ces mots, toutes ces scènes vécues, éprouvées, qui finissent par vous charger comme on le dirait d'un navire. Peut-être est-ce cela que l'on nomme sagesse : cet amas de tout, ciel d'Afrique, serments d'enfants, courses poursuites dans la médina de Tanger, visage de Shaveen, la combattante kurde aux lourdes tresses noires, tout, les noms utilisés, les rendez-vous pris, les hommes abattus et ceux protégés, je ne peux pas, moi, sagesse de quoi, cet amas vivant ne me sert pas à être plus clairvoyant, il ne me pèse pas non plus, non, c'est autre chose : il m'aspire. Je sens de plus en plus souvent mon esprit invité à explorer ce pays intérieur. La foule en colère sur la route …"

    Ce que j'en pense :

    Avec l'auteur on s'interroge tout au long du livre sur nos "victoires", nos "défaites", sur ce que signifie "être vainqueur" ou "être vaincu". Gaudé nous entraîne dans une réflexion historique et nous révèle que seuls l'art et la poésie résistent à  la barbarie. Un grand livre, à lire, à offrir.

    Écoutez nos défaites

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  • Trente-six chandelles

    "Trente-six chandelles" de Marie-Sabine Roger - Babel

    Présentation del'éditeur :

    Allongé dans son lit en costume de deuil, ce 15 février, à l'heure de son anniversaire, Mortimer Décime attend sagement la mort car, depuis son arrière-grand-père, tous les hommes de sa famille sont décédés à onze heures du matin, le jour de leurs 36 ans. 
    La poisse serait-elle héréditaire, comme les oreilles décollées ? Y a-t-il un gène de la scoumoune ? Un chromosome du manque de pot ?
    Que faire de sa vie, quand le chemin semble tout tracé à cause d'une malédiction familiale ? Entre la saga tragique et hilarante des Décime, quelques personnages singuliers et attendrissants, une crêperie ambulante et une fille qui pleure sur un banc, on suit un Mortimer finalement résigné au pire.
    Mais qui sait si le Destin et l'Amour, qui n'en sont pas à une blague près, en ont réellement terminé avec lui ? Dans son nouveau roman, Marie-Sabine Roger fait preuve, comme toujours, de fantaisie et d'humour, et nous donne une belle leçon d'humanité.

    Première page :

    "Je m'étais levé plus tôt que d'habitude. Six heures du matin. La journée était importante, et je savais déjà que je n'irais pas jusqu'au bout.
    Je suis allé chercher des croissants à la boulangerie, je me suis fait un café. J'ai regardé mes albums de photos. J'ai repassé un petit coup de chiffon inutile sur ma cuisinière impeccable, j'ai essayé de regarder un film, de lire, sans succès. J'ai consulté deux cents fois la pendule. C'est curieux comme le temps semble se ralentir, à l'approche d'un rendez-vous. Les heures deviennent visqueuses, s'étirent en minutes élastiques et gluantes comme un long fil de bave sous la gueule d'un chien. J'attendais ce moment final depuis tellement longtemps. Je n'irai pas jusqu'à dire que je m'en faisais une fête, mais j'étais curieux de savoir ce qui allait se passer. J'étais simplement contrarié que ça se passe ici. Au cours des dernières années, j'avais échafaudé mille projets insolites ou grandioses : tirer ma révérence au fin fond de la Chine, dans une fumerie d'opium ; chez les Aborigènes, au son mélancolique d'un vieux didgeridoo. Sur les pentes d'un volcan."

    Ce que j'en pense :

    Beaucoup d'humour, .de la fantaisie, du rythme comme dans les autres romans de Marie Sabine Roger. Et ce don de l'auteure, que l'on retrouve dans la plupart de ses livres, pour mettre de la poésie, de la tendresse dans les petites choses de la vie. Voilà un livre qui fait vraiment du bien.

    Trente-six chandelles

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  • Vilnius poker

    "Vilnius poker" de Ricardas Gavelis - Monsieur Toussaint Louverture

    Présentation de l'éditeur :

    Ils l’observent, Ils le suivent, Vytautas Vargalys le sait: sa vie est celle d’un homme qu’on a mis en joue. Ils sont partout, Vilnius Leurappartient, alors que lui n’est qu’un simple employé de bibliothèque chargé de référencer les livres qu’Ils ont mis à l’index. Traumatisé par neuf années de tortures endurées au goulag, il se bat désormais pour comprendre Leur but. Gardien de l’histoire de son pays et de ses mythes, le dernier des Vargalys sombre petit à petit dans la folie. Seule Lolita, jeune séductrice au passé trouble et au corps parfait, lui permet encore de croire qu’une nouvelle vie est possible. Mais le sauvera-t-elle ou ­précipitera-t-elle sa chute ? 

    Excessif, magistral, ébouriffant, ce roman à quatre voix – celles de Vyautas, l’ancien prisonnier au sexe démesuré, de Martynas, le collectionneur ­d’anecdotes, de Stéfania, la fille du pays, et d’un chien philosophe – raconte par un jeu de miroirs la descente aux enfers d’hommes et de femmes qui tentent de survivre dans un monde sans âme. 

    Hallucinante fresque de la monstruosité qui sommeille en chacun de nous, tour à tour poétique, pornographique, métaphysique ou politique, Vilnius Poker est une violente ode à la liberté. Sa publication fit l’effet d’une bombe et fut la catharsis de tout un peuple étouffé par les non-dits de ­l’occupation soviétique, propulsant son auteur, Ricardas Gavelis, au rang de plus grand écrivain du pays. 

    C’est le livre de toutes les grandes capitales modernes dévorées par l’apathie et la tentation de l’oubli. C’est le portrait d’un peuple dépouillé de son histoire. C’est Dostoïevski. C’est Kafka et Burroughs. C’est Kundera. C’est un piège.

    Première page :

    "Une étroite trouée entre deux immeubles, petite brèche dans un mur incrusté de fenêtres aveugles : une étrange ouverture sur un autre monde. Là-bas, on voit des chiens et des enfants qui gambadent; tandis qu'ici, il n'y a qu'une rue déserte et des tourbillons de poussière chassés par le vent. Un visage oblong, tourné vers moi: lèvres fines, joues creuses et yeux silencieux (noirs, vraisemblablement) - un visage de femme, laiteux et sanguin, interrogatif et souffrant, divin et débauché, chantant et mutin. Une vieille maison au fond d'un jardin, couverte d'une vigne folle, à sa droite quelques pommiers desséchés, à gauche un fouillis de feuilles mortes que personne n'a ramassées ; elles tournoient dans l'air, et pourtant même les branches les plus frêles ne frémissent pas...

    C'est dans cet état que je me suis réveillé ce matin (un matin). Tous les jours de ma vie commencent par une séquence d'images douloureusement précises, on ne peut pas les inventer ou les choisir. Elles sont l'œuvre de quelqu'un d'autre, elles retentis­sent sans bruit, ébranlent mon cerveau encore endormi, puis disparaissent. On ne peut pas les effacer. Et ce prélude feutré détermine la couleur de la journée à venir. On ne peut pas y échapper — à moins de ne jamais se réveiller, de ne plus décoller la tête de l'oreiller. Cependant, on obéit : on ouvre les yeux et on voit la chambre, les livres sur les étagères, les vêtements entassés sur le fauteuil. Et on se demande qui mène la danse. Pourquoi interprète-t-on la partition de sa journée de cette façon et pas d'une autre? Qui est le mystérieux démiurge de notre naufrage ? Choisit-on au moins la mélodie de notre vie ? Ou bien toutes nos pensées sont-elles garrottées par Eux}

    Il est vital de savoir si ces visions matinales ne sont qu'un enchevêtrement de vestiges du passé, de peintures défraîchies, de lieux, de visages, d'événements passés, ou si elles naissent au contraire dans notre cerveau pour la première fois."

    Ce que j'en pense :

    Roman difficile, étrange, déroutant, assez long à lire. On en ressort sans trop savoir quoi en penser mais c'est un livre qui laisse des traces. La folie, l'horreur, la vérité et le mensonge, l'amour, la violence, l'absurde… et bien d'autres choses, se retrouvent dans cette ville de Vilnius, comme dans un rêve ou un cauchemar. Très beau travail de la maison d'édition (couverture, mise en page, traduction).

    Vilnius poker

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  • Une ambition dans le désert

    "Une ambition dans le désert" de Albert Cossery - éditions Joëlle Losfeld

    Présentation de l'éditeur :

    Samantar, le héros de ce livre, déjoue le projet monstrueux du cheikh Ben Kadem, premier ministre de l'émirat de Dofa, qui organise des attentats pseudo-révolutionnaires dans son propre État pour attirer l'attention des grandes puissances, peu intéressées par un pays sans richesses à exploiter. Ben Kadem illustre les ravages du désir de puissance. Samantar, c'est la philosophie, la flemme et la beauté. L'action se passe à Bagdad.
    Comme toujours, Albert Cossery fait œuvre de visionnaire en anticipant sur la guerre du Golfe.

    Première page :

    "C'est pendant qu'il faisait l'amour à Gawhara — une fillette âgée d'à peine une quinzaine d'années, mais douée d'une sensualité prodigieuse — que Samantar jugea opportun d'éclaircir le mystère de ces attentats à la bombe qui se succédaient depuis quelque temps dans la ville, provoquant, par leurs bruyants éclats, les sarcasmes d'une populace avide de festivités, fussent-elles meurtrières. Au commencement, ces pétarades saugrenues ne l'avaient que médiocrement inquiété ; sous tous les climats il y avait toujours des gens à qui la paix répugnait et qui nourrissaient des espoirs insensés de révolte. Il n'y avait donc attaché aucune attention particulière, comptant sur la lassitude inhérente à toute forme de labeur, pour que cessât cette manifestation de violence, aussi inutile que dérisoire. Mais contrairement à cette logique universellement admise, les attentats s'étaient poursuivis et sur un rythme fortement accru, comme si les instigateurs de cette parodie révolutionnaire disposaient de munitions inépuisables. Ces engins de fabrication artisanale n'avaient fait jusqu'à présent aucune victime, mais seulement détruit quelques biens immobiliers de minime importance,…"

    Ce que j'en pense :

    C'est un livre plaisant,, assez caustique sur les émirats du golfe persique. Il peut paraître assez "démonstratif " et répétitif mais l'auteur a vraiment une écriture et une vision du monde très originale.

    Une ambition dans le désert

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  • La langue des bêtes

    "la langue des bêtes" de Stéphone Servant - Rouergue

    Présentation de l'éditeur :

    Il était une fois un vieux chapiteau de cirque à l'orée d'une forêt sombre et profonde : c'est là que vit la Petite avec sa famille, une ancienne troupe de saltimbanques. Depuis très longtemps ils ne donnent plus de spectacle, mais ils tissent autour de la gamine un cocon protecteur d'histoires et de légendes.
    Un jour, un chantier gigantesque vient tout bouleverser : le campement va être rasé et la Petite est envoyée à l'école du village. Elle va alors faire appel aux forces obscures de la forêt pour tenter de sauver les siens.

    Dans la lignée du Coeur des louves, son précédent roman, Stéphane Servant nous raconte une fable envoûtante. Au travers du regard décalé d'une enfant sauvage, fille d'une funambule et d'un ogre, il nous convie à croire à la magie des histoires.

    Première page :

    "Les renards arrivent avec la nuit.
    La Petite les entend avant de les voir.
    Leurs pattes comme des marteaux d'orfèvre font sonner l'écrin brun des bois.
    Un minuscule tambour fouetté par les doigts têtus de l'automne naissant.
    Au-delà des carcasses de voitures, là-bas, à la lisière de la forêt, les brindilles claquent, les carapaces craquent. Partout, les lapereaux frissonnent. Et les renards tremblent bien plus qu'eux.
    La Petite le sent. Leur peur se diffuse dans l'air comme un parfum un peu écoeurant. La peur monte malgré elle le long de ses reins, tire sur le fin duvet de sa nuque, irrite son nez.
    Elle se blottit près de la caravane du Père, silencieuse, le corps tendu.
    Elle respire. Profondément. Se remplit de vide et de nuit.
    Ils arrivent. Les renards arrivent. Elle les entend, bien avant de les voir."

    Ce que j'en pense :

    Un roman magnifiquement écrit, sur le pouvoir des histoires et des rêves. C'est rempli de références à des contes et des légendes. On entre dans un univers mystérieux, fantastique, parfois inquiétant, où se mélange violence et tendresse ; mais ce livre est quand même toujours en prise avec la modernité. Dommage qu'il soit un peu trop long.

    La langue des bêtes

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  • Album

    "Album" de Gudrun Eva Minervudottir - Pocket

    Présentation de l'éditeur :

    Que sont nos souvenirs d’enfance ? Un album de photographies, une suite d’instantanés. Une succession d’images passionnantes, banales, insolites et spectaculaires, en noir et blanc ou en couleurs.
    Au fil des pages se dévoile le quotidien d’une fillette islandaise, à la fois singulier et universel : les étés à la ferme, les cauchemars de spaghettis, les montagnes comme des dragons, Derrick à la télé…
    La mémoire remonte ainsi, flash après flash, avec son cortège de lieux imprécis, de sensations fugaces, de personnages hors champ. Les souvenirs s’animent, les parfums s’élèvent, un écrivain naît.

    Première page :

    "C’est ma mère qui était là. Et sa mère à elle. Bien que leurs visages fussent flous, il ne m’échappa pas à quel point maman avait l’air fatigué et grand-mère folle de joie, débordant littéralement de gaieté. J’ai dit quelque chose et elles ont répondu complètement à côté. Ma mère m’a prise dans ses bras et j’essayais de l’étreindre, mais mes bras s’agitaient indépendamment de moi dans tous les sens et je ne pouvais même pas baisser les yeux pour voir si j’avais des pieds. Je n’étais plus sûre d’être une personne. J’étais peut- être un phoque."

    Ce que j'en pense :

    L'enfance islandaise de l'auteure en une centaine de fragments, d'instantanés. On y trouve ce mélange un peu bizarre qui fait l'enfance : de l'humour, de la tendresse, de la fragilité, du mystère, de l'inquiétude, de la poésie … Livre très original qui montre qu'en Islande il n'y a pas que des auteurs de romans policiers.

    Album

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  • Littoral

    "Littoral" de Bertrand Belin - P.O.L.

    Présentation de l'éditeur :

    Trois marins pêcheurs, du côté de Quiberon, à un moment de l’Histoire qui pourrait être la Deuxième Guerre Mondiale, et l’Occupation – mais ça n’est pas si sûr…Le patron qui n’est jamais autrement appelé que « l’autre », un premier employé, le plus ancien, nommé « le troisième homme » et un jeune, « le plus jeune ». Leurs gestes quotidiens, la pêche, leurs relations tendues à cause de la personnalité violente de « l’autre », les vexations par exemple. La dernière journée : on croit que l’important c’est ce cormoran qui s’est pris dans les filets, mais non,...

    Première page :

    "Toujours est-il qu’il s’agit bien d’un cormoran. Un cormoran s’est pris dans le milieu du filet droit pendant la nuit. Il était comme une torpille à fureter dans le fond près de l’ancienne passe quand il s’est fichu la tête dans le rideau de mailles. Il a naturellement paniqué, a essayé de se dégager avec les ailes et les pattes mais n’est parvenu qu’à les emberlificoter de mieux en mieux jusqu’à ce qu’il en expire. Qui aurait pu dire ?"

    Ce que j'en pense :

    Tout petit livre de 80 pages (heureusement !), classé comme roman. Les premières pages me paraissaient intéressantes, avec une ambiance un peu mystérieuse, troublante. Cela me rappelait les meilleurs livres de Mingarelli… mais ça n'a pas duré... au final, la lecture m'a paru fade et l'écriture assez maniérée.

    Littoral

     

     

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  • Petit pays

    "Petit pays" de Gaël Faye - Grasset

    Présentation de l'éditeur :

    En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel  voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…

    Première page :

    "Je ne sais vraiment pas comment cette histoire a commencé.

    Papa nous avait pourtant tout expliqué, un jour, dans la camionnette.

    – Vous voyez, au Burundi c’est comme au Rwanda. Il y a trois groupes différents, on appelle ça les ethnies. Les Hutu sont les plus nombreux, ils sont petits avec de gros nez.

    – Comme Donatien ? j’avais demandé.

    – Non, lui c’est un Zaïrois, c’est pas pareil. Comme Prothé, par exemple, notre cuisinier. Il y a aussi les Twa, les pygmées. Eux, passons, ils sont quelques-uns seulement, on va dire qu’ils ne comptent pas. Et puis il y a les Tutsi, comme votre maman. Ils sont beaucoup moins nombreux que les Hutu, ils sont grands et maigres avec des nez fins et on ne sait jamais ce qu’ils ont dans la tête. Toi, Gabriel, avait-il dit en me pointant du doigt, tu es un vrai Tutsi, on ne sait jamais ce que tu penses.

    Là, moi non plus je ne savais pas ce que je pensais. De toute façon, que peut-on penser de tout ça ? Alors j’ai demandé :

    – La guerre entre les Tutsi et les Hutu, c’est parce qu’ils n’ont pas le même territoire ?"

    Ce que j'en pense :

    L'auteur a bien su rendre le quotidien africain, vu par un enfant. Pendant plus des deux tiers du livre on est presque dans l'insouciance de l'enfance, avec cependant des questionnements : les bruits de guerre ethnique, les absences, les relations entre Africains et Européens (Français en particulier)… Et puis quand arrive le génocide et la guerre le récit devient poignant, bouleversant, glaçant.

    Petit pays

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