• L'enfant de Bruges

    "L'enfant de Bruges" de Gilbert Sinoué - folio

    Présentation de l'éditeur :

    Bruges, 1441. Arborant un air mystérieux, l'index posé sur les lèvres, Jan Van Eyck avait chuchoté : Petit, il faut savoir se taire, surtout si l'on sait. Qui pouvait se douter alors que, derrière la recommandation du maître flamand, se cachait le Grand Secret ? À travers les brumes de Flandre et la luminosité éclatante de la Toscane, un enfant de treize ans va se retrouver confronté à une effroyable conspiration. Un monde occulte, empli de ténèbres qu'il lui faudra affronter avec l'innocence pour toute arme. Pourquoi veut-on sa mort ? Que sait-il qu'il n'aurait jamais dû connaître ? Pour quelle raison des peintres de génie, des apprentis, des orfèvres, des penseurs, des architectes sont-ils la cible de meurtriers invisibles ? Quels sont les fils mystérieux qui les relient entre eux et les tirent insensiblement au bord de l'abîme ? Autant de questions auxquelles l'enfant de Bruges devra s'efforcer de répondre s'il ne veut pas disparaître à son tour dans la nuit.

    Première page :

    "Florence, juin 1441

    La chaleur qui régnait sur la Toscane depuis le début de l'été s'était encore accrue. De la piazza délia Signoria à Santa Maria del Fiore on avait l'impression d'avancer dans un nuage de brume. Même le campanile s'était comme affaissé et son revêtement de marbre vert et rose ne reflétait plus qu'une teinte unique, brouillée de soleil.

    Agenouillé devant la porte du baptistère San Giovanni, Lorenzo Ghiberti, le front luisant de sueur, finit d'apposer une ultime feuille d'or sur le profil de Caïn.

    Malgré son âge, soixante-trois ans, aucune faiblesse n'affectait le mouvement de sa main. Le geste était aussi maîtrisé qu'il y a plus de quarante ans, lorsqu'il avait concouru face aux plus grands artistes de la ville."

    Ce que j'en pense :

    Je n'apprécie que moyennement les romans historiques et celui-ci ne fait pas exception. Certes on apprend des choses en particulier sur la peinture flamande et italienne au quinzième siècle mais l'intrigue est souvent poussive et un peu tirée par les cheveux.

    L'enfant de Bruges

     

     

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  • Meursault contre-enquête

    "Meursault contre-enquête" de Kamel Daoud - Actes Sud

    Présentation de l'éditeur :

    Il est le frère de l'Arabe" tué par un certain Meursault dont le crime est relaté dans un célèbre roman du XXème  siècle. Soixante-dix ans après les faits, Haroun, qui depuis l'enfance a vécu dans l'ombre et le souvenir de l'absent, ne se résigne pas à laisser celui-ci dans l'anonymat : il redonne un nom et une histoire à Moussa, mort par hasard sur une plage trop ensoleillée.

    Haroun est un vieil homme tourmenté par la frustration. Soir après soir, dans un bar d'Oran, il rumine sa solitude, sa colère contre les hommes qui ont tant besoin d'un dieu, son désarroi face à un pays qui l'a déçu. Étranger parmi les siens, il voudrait mourir enfin...

    Hommage en forme de contrepoint rendu à L'Étranger d'Albert Camus, Meursault, contre-enquête joue vertigineusement des doubles et des faux-semblants pour évoquer la question de l'identité. En appliquant cette réflexion à l'Algérie contemporaine, Kamel Daoud, connu pour ses articles polémiques, choisit cette fois la littérature pour traduire la complexité des héritages qui conditionnent le présent.

    Première page :

    "Aujourd'hui, M'ma est encore vivante.

    Elle ne dit plus rien, mais elle pourrait raconter bien des choses. Contrairement à moi, qui. à force de ressasser cette histoire, ne m'en souviens presque plus.

    Je veux dire que c'est une histoire qui remonte à plus d'un demi-siècle. Elle a eu lieu et on en a beaucoup parlé. Les gens en parlent encore, mais n'évoquent qu'un seul mort - sans honte vois-tu, alors qu'il y en avait deux, de morts. Oui, deux. La raison de cette omission ? Le premier savait raconter, au point qu'il a réussi à faire oublier son crime, alors que le second était un pauvre illettré que Dieu a créé uniquement, semble-t-il, pour qu'il reçoive une balle et retourne à la poussière, un anonyme qui n'a même pas eu le temps d'avoir un prénom.

    Je te le dis d emblée : le second mort, celui qui a été assassiné, est mon frère. Il n'en reste rien. Il ne reste que moi pour parler à sa place, assis dans ce bar, à attendre des condoléances que jamais personne ne me présentera. Tu peux en rire, c'est un peu ma mission : être revendeur d'un silence de coulisses alors que la salle se vide. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai appris à parler cette langue et à l'écrire ; pour parler à la place d'un mort, continuer un peu ses phrases. Le meurtrier est devenu célèbre et son histoire est trop bien écrite…"

    Ce que j'en pense :

    Il y a du malaise, de l'étouffement, du vertige (et de l'absurde) dans ce livre miroir de "L'étranger" (et aussi de "La chute"). C'est un livre complexe et difficile, il faudrait en faire plusieurs lectures pour en appréhender toutes les nuances. Ce livre donne surtout envie de relire Camus.

    Meursault contre-enquête

    Meursault contre-enquête

     

     

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  • L'ombre de nos nuits

    "L'ombre de nos nuits" de Gaëlle Josse - Notabilia

    Présentation de l'éditeur :

    De passage dans une ville sans nom, une femme, dont nous ne connaîtrons pas l'identité, entre au musée. Au cours d'une déambulation distraite, elle est saisie par le Saint Sébastien soigné par Irène, de Georges de la Tour. Devant l'attitude d'Irène, tout en tendresse et en compassion, la femme va revivre les errements d'une histoire d'amour passée.
    En parallèle, nous suivons Georges de la Tour à Paris, pendant la création du Saint Sébastien, alors qu'il a pour projet de présenter le tableau au roi de France. Deux voix se font écho, celle du peintre et celle de Laurent, son apprenti, chargé de copier le tableau.
    Au fil des deux histoires qui se chevauchent, avec la toile pour fil conducteur, les deux époques s'entrelacent, se complètent, jusqu'à donner chair au récit.

    Première page :

    "À Lunéville, en Lorraine, en ces premiers jours de l’année 1639.

    Tout est prêt. Les grandes lignes, les principaux volumes sont posés. J’en ai la main engourdie et le feu est presque éteint dans l’atelier, seules quelques braises persistent à diffuser leurs lueurs rouges sous la cendre. Combien de temps ai-je passé là ? Je ne sais pas. Ce n’est plus la peine d’ajouter une bûche maintenant, ce serait une dépense inutile. Le soir tombe, il fait trop sombre pour continuer. Ce vertige, à chaque fois, devant cette surface vierge. Tout y est possible. Elle attend le geste, la main accordée au souffle, comme une fécondation. Et cette question, la même depuis si longtemps. Saurai-je donner vie aux scènes qui m’apparaissent en songe ? Je regarde les bâtons de fusain posés à côté de moi, alignés, pour l’esquisse de la scène. À chaque fois, cette hésitation. La trace de la main, le contact avec la toile."

    Ce que j'en pense :

    On retrouve avec plaisir l'écriture de Gaëlle Josse : précision, poésie... une écriture qui ressemble au tableau de Georges de la Tour. On a l'habitude de trouver dans les romans de l'auteure deux histoires qui se chevauchent et s'emboitent parfaitement. Mais cette fois-ci cela fonctionne moins bien. C'est la partie "Georges de la Tour", avec la voix du peintre et de son apprenti, qui est largement la plus forte.

    L'ombre de nos nuits

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  • Le monde à l'endroit

    "Le monde à l'endroit" de Ron Rash - Points Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Chaparder des plants de cannabis, rien d'extraordinaire pour Travis Shelton. Cette fois, le père Toomey le prend en flagrant délit et le lui fait payer. Le gamin ne se came pas; il n'a pas mauvais fond, juste envie de tailler la route. Fuyant l'humiliation paternelle et un présent étriqué, il croise celle de Leonard. Ce prof aux leçons décalées pourrait l'aider à remettre son monde à l'endroit.

    Première page :

    "Travis tomba sur les pieds de marijuana en péchant dans Caney Creek. C'était un samedi, la première semaine d'août, et après avoir aidé son père à pincer le tabac toute la matinée il avait eu le restant de la journée pour lui. Il avait enfilé sa tenue de pêche et suivi cinq kilomètres de chemin de terre pour aller au bord de la French Broad. Il roulait vite, la canne et le moulinet bringuebalant bruyamment sur le plateau du pick-up qui soulevait dans son sillage un nuage de poussière rouge. La Marlin .22 long rifle glissait sur son râtelier bricolé, à chaque virage un peu sec. Les vitres étaient baissées, et si la radio avait fonctionné il l'aurait mise à fond. Le pick-up était un vieux Ford de 1966, esquinté par une douzaine d'années de travaux agricoles. Travis l'avait payé trois mois plus tôt cinq cents dollars à un voisin.

    Il se gara à côté du pont et remonta la rivière vers le point où Caney Creek venait s'y jeter. La lumière de l'après-midi tombait à l'oblique sur Divide Mountain et donnait à l'eau la teinte d'or foncé du tabac qui sèche. Un poisson jaillit des bas-fonds, mais la canne à pêche à la cuiller de Travis était démontée, et même si elle ne l'avait pas été il ne se serait pas donné la peine de lancer. Rien ne nageait dans la French Broad qu'il puisse vendre, rien que des truites brunes et des arc-en-ciel…"

    Ce que j'en pense :

    Roman envoûtant que l'on peut qualifier de noir. Le monde rural décrit par l'auteur est splendide et violent, entre le paradis et l'enfer, avec une lueur d'espoir (un peu comme dans le livre de Mc Carthy : La route).  Les personnages sont complexes, tourmentés, avec leurs non-dits, leurs secrets qui peuvent dater de la guerre de Sécession.

    Le monde à l'endroit

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  • Caché dans la maison des fous

    "Caché dans la maison des fous" de Didier Daeninckx - éditions Bruno Doucey

    Présentation de l'éditeur :

    1943 : asile de fous de Saint-Alban, en Lozère. Une jeune résistante, Denise Glaser, vient s'y cacher. Au même moment, Paul Éluard et sa compagne s'y réfugient. Didier Daeninckx nous entraîne à leurs côtés, dans une plongée vertigineuse aux confins de la «normalité», là où surgit l'art brut et où la parole des «fous» garantit celle des poètes.

    Première page :

    "Le train venait de s'immobiliser en soupirant le long du quai, à une centaine de mètres, lorsque la voiture s'était arrêtée à hauteur de la passerelle qui surplombe la gare de Neussargues. Denise en était descendue. Elle avait contourné le long capot noir de la Citroën pour venir déposer un baiser sur le front de Jean-Toussaint, puis elle s'était dirigée, droite, tendue, vers les escaliers qu'enveloppait la fumée blanche de la locomotive. Il était probable qu'ils ne se reverraient jamais et c'était tout ce qu'elle garderait de lui, ce tendre effleurement des lèvres sur sa peau. Maintenant, chaque minute écoulée était une minute gagnée. Il fallait marcher sans se retourner, feindre l'indifférence mais ne rien perdre de ce qui se jouait tout autour. Observer la coupe des vêtements, interroger les visages, écouter les accents, enregistrer les mouvements, détecter le danger, anticiper les contrôles... Au cours des trois derniers mois, la tension extrême qui s'était exercée sur elle lui avait appris à vivre avec quelques secondes d'avance sur le temps ordinaire."

    Ce que j'en pense :

    C'est un document romancé bien documenté, comme le fait souvent l'auteur. C'est très émouvant de retrouver Denise Glaser et Paul Éluard dans cet hôpital-refuge où une nouvelle forme de psychiatrie est en train de naitre. L'écriture fine et sensible de Daeninckx nous plonge dans cet univers où la folie est sans doute autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Un très bon livre, sans doute un peu trop court.

    Caché dans la maison des fous

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  • Mathias et la révolution

    "Mathias et la Révolution" de Leslie Kaplan - P.O.L.

    Présentation de l'éditeur :

    «- Mais dites-nous pourquoi ces émeutes, dit Luca. - Pour moi, dit Myriam, la question n'est pas pourquoi des émeutes, mais plutôt pourquoi pas d'émeutes.» Le président de l'Assemblée nationale se réjouit qu'il n'y ait pas d'envie dans le pays, le ministre de l'Intérieur persécute les Roms puis devient Premier ministre, la ministre de la Santé détruit l'hôpital et veut interdire l'inconscient, la ministre de la Culture n'a pas le temps de lire, le ministre de l'Économie regrette la mort du roi, le président de la République gouverne en bureaucrate... Mathias et ses amis pensent autrement.

    Première page :

    "« Le bonheur est une idée neuve en Europe », dit à voix haute, très fort même, Mathias, il venait de la Bastille et tournait sur le quai. Oui oui je vous parle à vous, vous n'avez jamais entendu ça, hein, il regardait une jeune femme qu'il croisait, vous n'en avez pas beaucoup entendu, des phrases comme ça, hein, il répétait hein exprès, c'était pénible.

    La jeune femme l'ignorait et passait sans le regarder. Elle se dirigeait vers l'Institut du monde arabe.

    « La révolution est glacée », continuait Mathias, il avait envie de pleurer.

    Je suis seul.

    Il donna un coup de pied dans une pierre. Il leva la tête, regarda le ciel."

    Ce que j'en pense :

    C'est un livre qui bouge,, foisonnant, avec plein de personnages, des rencontres, des allusions à la révolution de 1789… et à celle qui pourrait advenir. Ce télescopage entre deux époques est troublant et nous aide à mieux ouvrir les yeux sur notre monde au présent. C'est vivant, tonifiant, un vrai livre politique.

    Mathias et la révolution

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  • La tristesse des anges

    "La tristesse des anges" de Jon Kalman Stefansson - folio

    Présentation de l'éditeur :

    Lorsque Jens le Postier arrive au village, gelé, il est accueilli par Helga et le gamin qui le détachent de sa monture avec laquelle il ne forme plus qu'un énorme glaçon. Sa prochaine tournée doit le mener vers les dangereux fjords du nord qu'il ne pourra affronter sans l'assistance d un habitué des sorties en mer.
    De son côté, le gamin poursuit sa découverte de la poésie et prend peu à peu conscience de son corps, des femmes, et de ses désirs. C'est lui qu'on envoie dans cet enfer blanc, « là où l Islande prend fin pour laisser place à l'éternel hiver », y accompagner Jens dans son périple. Malgré leur différence d âge, leurs caractères opposés, ils n ont d autre choix que de s accrocher l un à l autre, s accrocher à leurs amours éloignées, pour ne pas céder à l impitoyable nature.
    Avec une délicatesse poétique singulière, Jón Kalman Stefánsson nous plonge dans un nouveau parcours à travers les tempêtes islandaises. Au milieu de la neige et de la tentation de la mort, il parvient à faire naître une stupéfiante chaleur érotique, marie la douceur et l extrême pour nous projeter, désarmés et éblouis, dans cette intense lumière qui « nous nourrit autant qu'elle nous torture ».

    Première page :

    "Maintenant, il ferait bon dormir jusqu'à ce que les rêves deviennent un ciel, un ciel calme et sans vent où quelques plumes d'ange virevoltent doucement, où il n'y a rien que la félicité de celui qui vit dans l'ignorance de soi. Mais le sommeil fuit les défunts. Lorsque nous fermons nos yeux fixes, ce sont les souvenirs qui nous sollicitent à sa place. Ils arrivent d'abord isolés, parfois d'une beauté argentée, mais ne tardent pas à se muer en une averse de neige étouffante et sombre : il en va ainsi depuis plus de soixante-dix ans. Le temps passe, les gens meurent, le corps s'enfonce dans l'humus et nous n 'en savons pas plus. D'ailleurs, il n'y a ici que bien peu de ciel, les montagnes nous l'enlèvent, et les tempêtes, amplifiées par ces mêmes sommets, sont aussi noires que la fin de toute chose. Parfois pourtant, quand le ciel s'éclaircit après l'un de ces déchaînements, il nous semble apercevoir une traînée blanche dans le sillage des anges, loin au-dessus des nuages et des cimes, au-dessus des fautes et des baisers des hommes, une traînée blanche, telle la promesse d'un immense bonheur."

    Ce que j'en pense :

    On pourrait se perdre dans ces hivers islandais s'il n'y avait pas l'écriture envoûtante, lyrique et poétique de Stefansson. Mais j'avoue que ces tempêtes de neige et ce froid glacial présent tout au long des 400 pages m'ont un peu fatigué (ce qui n'était pas le cas pour le premier volume : "entre ciel et terre"). J'attendrai donc pour lire le troisième volume.

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  • Une forêt d'arbres creux

    "Une forêt d'arbres creux" d'Antoine Choplin - La fosse eux ours

    Présentation de l'éditeur :

    TEREZIN, RÉPUBLIQUE TCHÈQUE, décembre 1941.
    Bedrich arrive dans la ville-ghetto avec femme et enfant. Il intègre le bureau des dessins.
    Il faut essayer de trouver chaque matin un peu de satisfaction en attrapant un crayon, jouir de la lumière sur sa table à dessin, pour enfin s'échapper du dortoir étouffant, oublier la faim, la fatigue et l'angoisse.
    Chaque jour se succèdent commandes obligatoires, plans, aménagements de bâtiments. Chaque nuit, le groupe se retrouve, crayon en main, mais en cachette cette fois. Il s'agit de représenter la réalité de Terezin sans consigne d'aucune sorte.
    Et alors surgissent sur les feuilles visages hallucinés, caricatures. Tout est capté et mémorisé la nuit puis dissimulé précieusement derrière cette latte de bois du bureau des dessins.

    Première page :

    "Les deux ormes

    Quand il regarde les deux arbres de la place, il pense à tous les arbres du monde.

    Il songe à leur constance, qu'ils soient d'ici ou de là-bas, du dehors ou du dedans. Il se dit: vois comme ils traversent les jours sombres avec cette élégance inaltérée, ce semblable ressort vital. Ceux bordant la route qui relie la gare au ghetto, et qui s'inclinent à peine dans la nudité ventée des espaces. Ceux des forêts au loin, chacun comme une obole au paysage, et dont la cohorte se perd au flanc des montagnes de Bohême. Ceux aussi des jardins de l'enfance et que colorent les chants d'oiseaux. Ceux des collines froides, des bords de mer, ceux qui font de l'ombre aux promeneurs de l'été."

    Ce que j'en pense :

    On retrouve "la patte" de Choplin : pas de scène choc, de la sobriété pour décrire avec distance de petites scènes du quotidien. Mais contrairement à d'autres livres de l'auteur, comme "Léger fracas du monde", "Radeau" ou "La nuit tombée", ici l'émotion a du mal à passer dans les silences et les suspensions de l'écriture.

    Une forêt d'arbres creuxUne forêt d'arbres creux

     

     

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  • Sans état d'âme

    "Sans état d'âme" de Yves Ravey - éditions de minuit

    Présentation de l'éditeur :

    John Lloyd disparaît une nuit sans laisser de trace. Stéphanie, son amie, va charger Gustave Leroy de mener l’enquête. C’est sans compter sur son dépit amoureux. Ni sur l’arrivée de Mike Lloyd qui entend bien retrouver son frère.

    Première page :

    "Au moment de dormir, enfant, si le vent était à l’ouest, et quand les locomotives s’engouffraient dans le tunnel, au loin, me parvenait, chaque soir, le ferraillement saccadé des wagons de marchandises, qui reliaient les usines de construction automobile à la frontière. C’était des convois sans fin. Je me souviens qu’après l’école, descendant du car de ramassage scolaire, je m’asseyais, avec Stéphanie et Betty, sur le parapet du pont, au-dessus du ruisseau. Et tous les trois, nous assistions au passage des trains aperçus à l’horizon, derrière la ligne des peupliers. Notre jeu préféré, c’était compter les wagons, yeux fermés, mains sur le visage, dans un temps imparti, en nous repérant au rythme des roues sur les rails. Le plus souvent, j’ouvrais à peine les paupières, écartais les doigts, sans que mes camarades ne s’en aperçoivent."

    Ce que j'en pense :

    Polar très original, où l'on connaît la victime et l'assassin dès le début de l'histoire. C'est précis, limpide, très bien construit, avec une écriture sans détours inutiles. Ravey est un écrivain rare qui sait nous entraîner, en peu de mots, dans une atmosphère réaliste et impitoyable (un peu à la façon de Simenon).

    Sans état d'âmeSans état d'âmeSans état d'âmeSans état d'âme

     

     

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  • L'arpenteur

    "L'arpenteur" de Marie Rouanet - Albin Michel

    Présentation de l'éditeur :

    Émile, revenu habiter le moulin familial à Bourg-en-Rouergue, voit apparaître un soir d'hiver celui qu'il nommera l'Arpenteur et qui va changer sa vie. C'est le nouveau notaire, un homme laid, orgueilleux, infatigable fouilleur de ruines, de mémoires et d'Histoire sur qui courent les rumeurs les plus folles. Qui mieux qu'un notaire pour connaître les secrets de famille, par le cadastre les terres inexploitées, les successions et les testaments ?

    Marie Rouanet s'inscrit dans une lignée d'écrivains visionnaires pour qui la langue permet de célébrer la vie, ses trésors minuscules, de restituer les traces d'un monde disparu. Son mystérieux Arpenteur, devenu maître d'un pays qu'il a voulu faire sien, est tout à la fois géographe, archéologue et chroniqueur d'un temps qui sans cesse détruit et rebâtit.

     

    Première page :

    "La bise noire

    Celui auquel je donnais déjà le nom d'arpenteur pour l'avoir vu passer au loin est entré dans ma vie un soir de bise noire.

    À cette époque, la maison où j'habite encore, le Moulin, à Bourg-en-Rouergue, n'était desservie que par un chemin de terre impraticable en voiture. Entendre frapper à ma porte à l'heure où la nuit commençait à envahir les vallées était pour le moins insolite.

    L'homme qui entra était accompagné d'un enfant blême de froid. Il venait me demander de prêter à son fils quelque vêtement chaud. Il leur restait plusieurs kilomètres à parcourir avant de rentrer chez eux.

    Ils pénétrèrent dans la cuisine. L'enfant s'approcha le plus près possible de la cheminée et commença à se frictionner les cuisses car il portait des pantalons courts.

    Je proposai une boisson chaude. L'homme refusa mais le garçon accepta après un bref coup d'œil vers son père."

    Ce que j'en pense :

    Le début du roman est intéressant mais perd vite de son intérêt car cela devient confus. On voit bien que l'auteure connaît parfaitement son pays, qu'elle est ethnologue (entre autres), mais on le voit trop.

    L'arpenteur

     

     

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