• Les derniers jours d'un homme

    "Les dernirs jours d'un homme" de Pascal Dessaint
    Rivages

    Présentation de l'éditeur :

    Une cité industrielle du Nord-Pas-de-Calais où la pollution a tout gangrené, une cité séparée du monde "sain et normal" par une autoroute, une cité qu'on ne quitte pas, sinon pour aller au cimetière. A une quinzaine d'années d'intervalle, deux voix se répondent. Celle d'un père, Clément, et celle de sa fille Judith. Les deux sont marqués par le deuil. Clément raconte la mort de sa jeune épouse et l'horreur de l'usine qu'il finit par lâcher, même si c'est pour trouver la précarité, pour arriver au drame qui va faire basculer sa vie. Judith, elle, est âgée de 18 ans et orpheline, elle a été élevée par son oncle Etienne, un homme à part, né avec un bras atrophié et qui, peut-être, boit pour oublier le malheur. Judith raconte sa vie avec l'oncle Etienne et cherche à éclaircir le mystère de la mort de son père. L'usine n'est plus là, il n'en reste que des traces indélébiles: crassiers, pollution, maladies et chômage. Cette usine était la vie des gens, leur gagne-pain; elle a aussi été leur mort.

    L'histoire de cette famille décimée, c'est l'histoire de toute une communauté doublement victime: à la fois de pratiques industrielles dévastatrices pour l'homme et son environnement, et aussi du cynisme d'affairistes voyous qui n'ont pas hésité à liquider une entreprise et ses ouvriers sur l'autel du profit.
    De manière transparente — seuls les noms propres sont légèrement modifiés —, Pascal Dessaint évoque le scandale de l'usine Metaleurop à Noyelles-Godault, qui, après avoir été le premier site mondial pour la production du germanium (sans parler des autres métaux), fut liquidée sans préavis pour les salariés et rasée en 2003 et 2006

     Avec ce roman choc sur un drame écologique et humain d'une rare ampleur, Pascal Dessaint, auteur d’une quinzaine d’ouvrages chez Rivages, élargit encore sa palette de romancier noir. Il quitte cette fois le pays toulousain pour renouer avec ses origines d'homme du Nord. Entre révolte et compassion, ni le ton ni le fond de ce livre ne peuvent laisser indifférent.

    Première page :

    "Automne

    Quelques jours avant sa mort, nous nous sommes cha­maillés. C'était parfaitement ridicule. Judith était déjà assise sur son rehausseur et je venais de vérifier que sa ceinture était bien mise. J'étais content, nous partions, pas longtemps et pas loin, mais nous partions. J'étais content et j'aurais pu être plus détendu. Depuis plusieurs semaines, je me faisais l'effet d'une meule de foin dans une prairie, une prairie près d'une forêt, une forêt en flammes. Je n'avais pas encore mis la clé dans le contact et Sabine a remarqué la toile d'araignée.

    Tu peux enlever cette toile d'araignée ? elle m'a demandé, un peu nerveuse.

    L'araignée avait tissé sa toile dans la coque du rétrovi­seur extérieur. C'était un rétroviseur réglable au tableau de bord. D'une pression du doigt, je pouvais faire pivoter le miroir. Les araignées ont parfois de drôles d'idées, ai-je pensé. Sabine attendait que je me décide. En quoi ça la gênait ? En quoi c'était gênant ? Nous ne prenions presque jamais la voiture. À l'époque où je travaillais à l'usine, je n'en avais pas besoin. Désormais, Thomas pas­sait me prendre et me raccompagnait tous les jours. Cette bagnole ne bougeait pas de la semaine, souvent de plusieurs semaines."

    Ce que j'en pense :

    Pas vraiment un roman noir, ni un polar, car tout est gris dans ce livre. On sent que Pascal Dessaint a retrouvé ses racines, c'est intime, émouvant. Bien sûr il y a parfois, comme dans d'autres romans de l'auteur, un excès de documentation qui peut paraitre superflu...

     

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  • Gordana

    "Gordana" de Marie-Hélène Lafon, illustré par Nihâl Marth
    Les éditions du chemin de fer

    Présentation de l'éditeur :

    Marie-Hélène Lafon s’offre une incursion dans un supermarché parisien. De son écriture puissante et tendue, elle transforme ce lieu le moins propice à la littérature en théâtre même de la fiction, pour inventer à Gordana une vie, des souvenirs, un destin.

    Nihâl Martli fait sienne cette réalité fantasmée, saisit un rêve, s’empare d’un détail, ponctue l’histoire de Gordana de ses peintures tour à tour poétiques ou déroutantes.

    Première page :

    "Elle s’appelle Gordana. Elle est blonde. Blonde âcre, les cheveux rêches. Entre les racines noires des cheveux teints, la peau est blanche, pâle, elle luit, et le regard se détourne du crâne de Gordana, comme s’il avait surpris et arraché d’elle, à son insu, une part très intime. Sa bouche est fermée sur ses dents. Elle s’obstine, le buste court et têtu, très légèrement incliné, sa tête menue dans l’axe. On devine des dents puissantes, massives, embusquées derrière les lèvres minces et roses. Le sourire de Gordana éclaterait comme un pétard de 14 juillet. On ne la voit pas sourire. On imagine. On reste au bord de ce que doit être ailleurs, dans une autre vie, le sourire dégoupillé de Gordana. Et son rire. Un rire de gorge, grave, rauque, presque catastrophique. Un rire acrobatique et très sexuel."

    Ce que j'en pense :

    L'auteure est très douée pour inventer des vies à des inconnu(e)s qu'elle peut croiser dans son quotidien et nous faire pénétrer dans le secret des personnes. C'est simple, efficace, sensuel, poétique, très bien écrit et très bien illustré.

       

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  •  Pris au piège

    "Pris au piège" de Yves Ravey
    éditions de minuit

    Présentation de l'éditeur :

    Si personne n'est convaincu par les deux hommes qui débarquent rue Jouffroy d'Abbans afin de régler ce fléau des parasites qui ont envahi les charpentes des maisons, en revanche, tous se laissent prendre au piège de leur manie madame Domenico et son désir de plaire, monsieur Domenico et sa jalousie, monsieur Carossa et la coupe de son bois ; quant au petit garçon, lui, il va devenir leur otage.

    Première page :

    "Je remontais en courant la rue Jouffroy d’Abbans ce matin-là, craignant d’être en retard à l’église pour l’office, sans m’apercevoir que monsieur Domenico, notre voisin, bras écartés au bord du trottoir, me barrait le passage, et je me heurtai à lui. Il me demanda alors de lui rapporter le journal, tâche dont je m’acquittais souvent. En effet, il n’aimait pas que sa femme se rende seule en ville sur sa bicyclette et il refusait de se faire livrer comme tout le monde par le buraliste.

    A mon retour, il est parti lire le journal dans le jardin en épiant monsieur Barre, le maître-nageur, à qui il venait de louer la chambre laissée vide par le départ de sa fille Jeanne, mariée depuis peu."

    Ce que j'en pense :

    Tout parait simple, ordinaire, dans les histoires d'Yves Ravey; il ne se passe presque rien; il n'y a pas d'esbroufe; et pourtant… l'auteur mène ce court récit (qui se lit d'une traite) de main de maître et sait parfaitement restituer un climat à la manière se Simenon.

       

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  • Donnez moi le temps suivi de La promenade imaginaire

    "Donnez moi le temps suivi de La promenade imaginaire" de André Hardellet
    L'imaginaire Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    En 1973 et 1974, Hardellet publie successivement deux essais Donnez-moi le temps et La promenade imaginaire. Deux livres qui pourraient être présentés comme le mode d’emploi d’Hardellet par lui-même. Il y aborde un genre nouveau : l’essai autobiographique. Donnez-moi le temps revient sur des épisodes de sa vie, des lieux tels que la villa de son enfance, il s'interroge sur les mécanismes de la mémoire, ainsi que sur la perception du Temps. La promenade imaginaire ajoute à la dimension temporelle du précédent récit la dimension spatiale. Hardellet déambule à travers différents lieux qui lui sont chers, évoquant ainsi son passé. Il révèle les paysages qui lui ont permis de se trouver transporté dans un ailleurs, qu'il traduit par une écriture poétique et pittoresque.

    Extrait :

    "Écrire ses souvenirs, c'est se donner du temps, propos de ce livre : puisque les autres inclinent si peu à nous en concéder, autant se servir soi-même. On adopte le rythme qui vous plaît, on raccourcit, on étire, surtout on prolonge à son gré les segments de bonheur. Inven­ter, c'est se ressouvenir, a dit quelqu'un de plutôt impor­tant ; il me semble que la formule inversée est également vraie : se souvenir, c'est inventer. Le réel et l'imaginaire s'entremêlent de telle sorte que la sincérité n'est pas en cause lorsqu'on les confond. La manière dont nous remplissons les blancs de la mémoire signe notre vérité ; en partie, la réalité devient celle que nous désirons et, par là même, nous peint mieux qu'une relation absolu­ment exacte — d'ailleurs impossible. Allez donc y voir, un demi-siècle après ! L'écrivain n'est pas un tricheur professionnel mais il retouche et, ce faisant, il témoigne sur son compte.

    Ceux que j'aime et admire le plus, ceux qui m'ont ouvert les yeux, ont pris racine dans le ou dans leur passé…"

    Ce que j'en pense :

    Réalisme poétique, évocations d'un monde disparu, univers un peu "décalé", l'écriture d'Hardellet ne se rattache à aucune école, elle se déguste lentement (les petits chapitres favorisent cette lecture délicate).

      

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  • La nuit du visiteur

    "La nuit du visiteur" de Benoît Jacques
    Benoit Jacques books

    Présentation de l'éditeur :

    Si ce n'est pas son gentil petit chaperon rouge, qui donc frappe à la porte de Mère-Grand à cette heure de la nuit ? II vous faudra des nerfs d'acier pour ne pas abandonner cette lecture éprouvante en cours de route et risquer ainsi de louper la clef de l'énigme.

    Extrait :

    La nuit du visiteur

     

    Ce que j'en pense :

    Détournement très réussi de l'histoire du petit chaperon rouge. Les illustrations en linogravure sont magnifiques. Le texte joue avec la langue : sonorités, rimes… et l'humour est bien sûr au rendez vous. Un album à lire, à raconter, à écouter… à tout âge.

       

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  • Les épinards crus

    "Les épinards crus" de Anne Luthaud
    Buchet Chastel

    Présentation de l'éditeur :

    Dans le cimetière de la ville de Gênes, un enfant fait son apprentissage du monde sous l'oeil attentif du gardien des lieux. Été, automne, hiver, printemps s'écoulent au gré de ses jeux, de ses questionnements, de ses découvertes et de ses rencontres. Avec sa mère, la grande absente, il communique par flux mentaux qui sont autant d'interférences avec ce microcosme étrange et attachant. Elle lui révèle notamment le passé commun du tailleur de pierre et du fabricant. Ainsi l'enfant grandit-il au milieu des sculptures-sépultures et des personnages qui hantent le cimetière... 
    Un roman initiatique et une réflexion délicate sur le temps qui passe.

    Première page :

    "L'enfant est joyeux. Il saute de tombe en tombe comme s'il partait à la bataille, heureuse bataille, un jeu. 
    Il s'arrête net devant un angelot qui s'essuie l'oeil avec l'index replié de sa main droite. Poussière dans l'oeil ou larmes ? L'enfant observe, poursuit son chemin. Maintenant il chantonne : Si je tombe entre les pierres, je tombe au fond, mais je ne tomberai pas, tu ne m'auras pas. Si je tombe entre les pierres, je tombe au fond, mais je ne tomberai pas, tu ne m'auras pas. Il s'arrête, semble réfléchir, revient sur ses pas. Se plante de nouveau devant la sculpture du chérubin : Et pourquoi tu pleures, toi ? T'es qui ? Tu regrettes ? Tu regrettes quoi ? Tu y retourneras, va, tu retourneras au début, quand ça commence. C'était quoi, ton dernier mot ? C'est celui-là que tu cherches ? C'est pour ça que tu pleures ? Laisse tomber, on va jouer à la bataille, toi contre moi, moi contre toi, je suis le méchant, t'es le gentil, on a plein de chevaliers avec nous, des chevaliers qui viennent de la mer sur de gros bateaux, des bateaux de guerre, ils sont enterrés, ils sont dessous, mais c'est pas grave, c'est pas grave, c'est comme toi, ça vaut pas le coup de pleurer, on va faire une vraie bataille, et c'est moi qui vais gagner. T'es prêt ? Je compte jusqu'à 30. Allez, on joue ?"

    Ce que j'en pense :

    Roman poétique, ouvert, rempli de sensations. Si le lecteur accepte de suivre l'imaginaire gambadant du jeune garçon, personnage principal de l'histoire, c'est un texte qui offre un voyage doux, tendre et merveilleux. 

       

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  • La confession d'un bâtard du siècle

     

    "La confession d'un bâtard du siècle" de Ludovic Janvier
    Fayard

    Présentation de l'éditeur :

    Il a hérité de son père inconnu un teint pâle et des cheveux clairs et sa mère est antillaise. «Vous êtes sûrs qu’il est de moi?». Ce n’était pas un bon début.

    Dans la France en guerre, tantôt à Paris, tantôt en Gironde, bègue, il tâche de grandir, seul, ou même pas, car sa mulâtre absente quand ça lui chante essaie de temps en temps de lui faire croire qu’elle est sa mère. Mais s’il fait une bourde elle lui jure bien qu’elle lui pardonne, et lui promet un baiser pour qu’il s’approche à portée de gifle. Mulâtre et traitresse.

    Jeune homme il rêve d’être boxeur. Pourtant ce n’est pas la violence qui domine en lui. Un jour, à l’étude, ses devoirs achevés, le voilà qui prend sa plume. Et il écrit. Jubilation de «se voir d’en haut». Dès lors il sait qu’il ne sera plus jamais seul de la même façon. A côté de lui se tient sa propre voix qui le fait sourire.

    Extrait :

    "Tu aimes rester longtemps debout sous l'odeur du figuier, tu aimes écouter le grince­ment de la brouette pleine d'herbe aux lapins, tu aimes rentrer lentement de la messe en freinant la journée du dimanche, tu aimes écouter le tom­bereau passer à vide avec son bruit carré, tu aimes les énormes jambes de Lisette la jument avec ses poils comme des gros cheveux, tu aimes le sifflement de la meule mouillée quand on aiguise les serpes et les faucilles, tu aimes cueillir les arbouses sur leur arbre en bordure du bois, tu aimes quand tu te torches avec des poignées d'herbe et qu'on entend le coucou, tu aimes quand l'orage noir éclate en tonnes de pluie qui mitraillent, tu aimes le silence à midi avec au milieu le bruit du seau qu'on remonte du puits, tu aimes le froissement de drapeau fait par les ailes de la buse qui remonte au ciel, tu aimes écouter le vent dans les feuilles du petit palmier qu'on appelle satre, tu aimes fixer le feu dans la cheminée et rougir lentement grâce à lui, tu aimes le vin blanc doux avec son épaisseur plein la bouche, tu aimes voir arriver sur le chemin le gros facteur congestionné sur son vélo qui zigzague, tu aimes l'odeur de corne brûlée qui vient de chez le maréchal-ferrant, tu aimes le Tantum ergo qu'on chante aux vêpres avec son goût d'automne,..."

    Ce que j'en pense :

    Une autobiographie ? Un roman ? De toute façon ce texte est assez jubilatoire ; il y a au fil des pages, de la poésie, de la rage, de la vengeance, de l'amour, du sexe… et sans aucun doute de la belle littérature.

       

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  • L'inauguration des ruines

    "L'inauguration des ruines" de Jean-Noël Blanc
    éditions Joêlle Losfeld

    Présentation de l'éditeur :

    L'inauguration des ruines retrace le parcours, sur quatre générations, d'une famille d'industriels, dont le destin est intimement lié à celui de la ville qu'ils habitent et qu'ils façonnent, jusqu'au point de faire littéralement corps avec elle. C'est aussi un roman qui a envie de roman : si la structure générale présente l'histoire d'une dynastie, le texte multiplie sur cette base les récits, les personnages, les aventures, les épisodes, les narrations, en mêlant l'amour, l'économie, les fantasmes, l'architecture, l'Histoire, la politique, la poésie, les chansons...

    Première page :

    "Et après tout ce soir aurait été pareil aux autres soirs, et la journée semblable aux autres journées de ce mois d'août impi­toyable, si la vieille Joroastre du Briet n'avait pas cédé à un caprice que rien ne laissait prévoir.

    Depuis le matin des orages avaient labouré le ciel du côté de Neaulieu, et elle avait attendu le soir et les derniers froissements du tonnerre pour sortir dans la cour de la gentilhommière. Elle avait quitté le grand salon plongé dans une tristesse de rideaux qui ne le protégeaient même pas de la fournaise de l'été, elle avait descendu les marches du perron en mesurant ses pas un à un, elle avait tâté du bout de sa canne les pavés de la cour, puis, la bouche ouverte et les yeux écarquillés dans le terrible désarroi de l'asthme qui la tenaillait, elle avait offert à la détresse de sa respiration la limpidité de l'air du crépuscule.

    D'abord elle avait claudiqué jusqu'aux communs, en s'effor­çant d'identifier les odeurs exténuées qui montaient des champs ceinturant le domaine, puis elle avait déambulé des communs au portail et du portail à la remise où s'empoussiérait le tilbury noir qu'on n'utilisait qu'aux grandes occasions pour aller à la ville ou à la messe, et pour finir elle s'était approchée de la cahute coincée contre le corps principal du bâtiment.

    Cette ruine, avait-elle dit le matin même au vieux Joroastre, il faudra la démolir…"

    Ce que j'en pense :

    Récit, saga, fresque, roman feuilleton… où l'auteur s'amuse (et le lecteur également, la plupart du temps) en utilisant plusieurs registres d'écriture : de la narration traditionnelle, des poèmes, des extraits d'articles de presse ou de livres documentaires (bien sûr entièrement inventé). 

      

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  • Noces de neige

    "Noces de neige" de Gaëlle Josse
    autrement

    Présentation de l'éditeur :

    Elles sont des centaines à rêver d'une autre vie. Mais pour Irina, rêver ne suffit pas. De Moscou, le Riviera Express doit la conduire à Nice, jusqu'à Enzo. Elle est prête à saisir sa chance. N'importe quelle chance. Mais sait-on vraiment ce qui nous attend ? Irina n'a jamais entendu parler d'Anna Alexandrovna, jeune aristocrate russe, ni de son long voyage en train, en sens inverse, de la côte d'Azur à Saint-Pétersbourg, un huis clos où les événements tragiques se succèdent. Qui s'en souvient ? Un siècle les sépare, et pourtant leurs histoires sont liées à jamais.

    Première page :

    "Nice, 9 mars 1881

    La fête est finie, nous partons. Dans quelques jours nous serons à Saint-Pétersbourg. Là-bas, la ville est encore enfermée dans son hiver. Bientôt viendra le dégel, avec les blocs de glace irisée emportés par la Neva, où se reflètent l'or et les couleurs joyeuses de nos palais. Je vais vivre, enfin, je vais revivre. Qu'y puis-je si ces mois interminables que nous passons chaque année ici, à Nice, me sont un calvaire ?

    Nous voilà arrivés sur ce quai poussiéreux encombré des malles que l'on monte à bord. Ma mère est là, dans une immobilité de statue, lèvres pincées. Mon père, le grand-duc Alexandre Feodorovitch Oulianov, marche de long en large, aussi impatient que moi de ce voyage.

    Vladimir, mon frère aîné, se tient un peu à l'écart, pâle au milieu de ses amis venus lui faire leurs adieux."

    Ce que j'en pense :

    Court roman (ou une nouvelle à la façon de Zweig), double récit, entre départ et retour, deux destins. Une écriture fine, précise, soignée.

      

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  • Lettre d'une inconnue

    "Lettre d'une inconnue, suivi de La ruelle au clair de lune" de Stefan Zweig
    Le livre de poche

    Présentation de l'éditeur :

    Un écrivain viennois apprend en lisant son courrier qu’une femme l’aime en secret d’un amour absolu depuis des années… Une nuit, un voyageur rencontre dans un bar un homme autrefois dominateur, aujourd’hui humilié par une fille à matelots… Ces deux nouvelles publiées en 1922 témoignent de l’art de Stefan Zweig pour dépeindre les tourments de l’amour non partagé, la passion qui brûle les cœurs et détruit les vies…

    Première page :

    "R..., le romancier à la mode, rentrait à Vienne de bon matin après une excursion de trois jours dans la montagne. Il acheta un journal à la gare ; ses yeux tombèrent sur la date, et il se rappela aussitôt que c'était celle de son anniversaire. « Quarante et un ans », songea-t-il, et cela ne lui fit ni plaisir ni peine. Il feuilleta sans s'arrêter les pages crissantes du journal, puis il prit un taxi et rentra chez lui. Son domestique, après lui avoir appris que pendant son absence il y avait eu deux visites et quelques appels téléphoniques, lui apporta son courrier sur un plateau. Le romancier regarda les lettres avec indolence et déchira quelques enveloppes dont les expéditeurs l'intéressaient. Tout d'abord, il mit de côté une lettre dont l'écriture lui était inconnue et qui lui semblait trop volumineuse. Le thé était servi; il s'accouda commodément dans son fau­teuil, parcourut encore une fois le journal et quelques imprimés ; enfin il alluma un cigare et prit la lettre qu'il avait mise de côté.

    C'étaient environ deux douzaines de pages rédigées à la hâte, d'une écriture agitée de femme, un manuscrit plutôt qu'une lettre. Involontairement, il tâta encore une fois l'enveloppe pour voir s'il n'y avait pas laissé quelque lettre d'accompagnement. Mais l'enveloppe était vide et, comme les feuilles elles-mêmes, elle ne portait ni adresse d'expéditeur, ni signature. "

    Ce que j'en pense :

    La première nouvelle, qui donne son titre au livre, est une parfaite description de ce que l'on peut nommer "une maladie d'amour". Grande maîtrise d'écriture pour nous raconter cet amour fou. Dans la deuxième nouvelle (qui traite également d'un amour fou) l'auteur, en nous mettant dans la peau de son narrateur, peut nous entraîner jusqu'à un certain malaise.

       

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