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    Une terre d'ombre

    "Une terre d'ombre" de Ron Rash - points seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Laurel Shelton et son frère Hank vivent au fond d'un vallon encaissé des Appalaches. Marquée par une tache de naissance, Laurel est considérée comme une sorcière. Hank, revenu de la Première Guerre mondiale, y a laissé une main. Isolés, bannis, ils mènent une vie fastidieuse et solitaire. Mais lorsque Laurel rencontre un mystérieux joueur de flûte, sa vie bascule.

    Première page :

    "Laurel songea d'abord à une fauvette ou à une grive, mais - contrairement à toutes celles qu'elle avait déjà entendues - son chant était plus soutenu, si pur, semblait-il, que nulle respiration n'avait à le porter dans le monde. Elle sortit les mains du ruisseau et se releva. Elle repensa à l'oiseau que Mlle Calicut avait montré à sa classe. Un perroquet de Caroline, avait annoncé l'institutrice, qui avait déplié un foulard révélant le corps vert et la tête jaune et rouge. La plupart des perroquets vivent dans des pays tropicaux comme le Brésil, avait expliqué Mlle Calicut, mais pas celui-ci. Elle avait laissé les élèves se passer l'oiseau de main en main, en leur recommandant de bien le regarder et de ne pas oublier à quoi il ressemblait, car bientôt il n'en resterait plus, non seulement dans ces montagnes mais peut-être dans le monde entier.

    Seize ans avaient passé, pourtant Laurel se souvenait de la longue queue et du gros bec, du vert, du rouge et du jaune si éclatants qu'ils semblaient miroiter. Et surtout elle se souvenait que l'oiseau ne pesait rien dans la soie fraîche du foulard, comme si même dans la mort il conservait la légèreté de son vol. Laurel ne se rappelait pas si Mlle Calicut avait décrit le chant du perroquet, mais ce qu'elle entendait lui paraissait concorder, était aussi joli que les oiseaux eux-mêmes."

    Ce que j'en pense :

    Ce roman mêle adroitement les événements de la fin de la guerre 14/18, une peinture poétique de la nature, le portrait d'une petite ville avec son lot de gens bêtes et méchants et une belle histoire d'amour. On est comme envoûté par l'écriture car, même dans la description des bons moments, on sent pointer une inquiétude qui nous mènera vers la tragédie finale. je définirai ce roman comme un western noir.

     Une terre d'ombreUne terre d'ombreUne terre d'ombreUne terre d'ombre

     

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  • Les encombrants

    "Les encombrants" de Marie-Sabine Roger - Babel

    Présentation de l'éditeur :

    Il y a cette mamie qui se réjouit de la venue de ses enfants et petits-enfants et leur prépare un bon repas. Cette brave dame qui travaille à la maison de retraite et donne de temps en temps des claques aux plus récalcitrants, aux plus capricieux. Ce vieux monsieur qui se perd parfois en se promenant, et qu’on retrouve plongé dans la contemplation d’un rosier. Cette centenaire dont l’anniversaire est célébré en grande pompe entre un député et une équipe télé avide… 

    Ils vivent seuls ou en maison de retraite; ils discutent avec leur animal de compagnie ou au téléphone- la plupart n’ont plus grand monde à qui parler. Ils ont en commun leur grand âge, une santé chancelante, et un terrible sentiment d’inutilité. Marie-Sabine Roger les évoque avec tendresse, sans épargner les acrimonieux mais surtout ceux qui sont autour: les égoïstes, les profiteurs et les indifférents. Pleine d’humanité et de fraîcheur, de férocité aussi, ces nouvelles rappellent que les vieilles personnes sont avant tout des personnes, tout simplement. 

    Première page :

    "Elle n'a jamais compris comment faire un bouquet. Elle fait des vracs de fleurs. Des fagots dans des vases. Elle a beau reculer ensuite, revenir, corriger, c'est moche, c'est bancal.
    Voilà encore une incapacité. Elle en a d'autres. C'est pour ça que je l'aime.
    Je ne me moque pas : je la connais, c'est tout. Depuis le temps, je la connais.
    Elle s'énerve sur ces feuillages, ça lui pique les doigts. Elle piaille.
    -Allons bon, il est bien petit, ce pot ! Pourquoi est-ce que j'ai pris un pot comme ça, moi ? Si je les mettais dans celui-là, plutôt ? Et voilà, ce coup-ci, c'est trop grand !
    Elle s'applique à créer un décor, quelque chose de bien. Oh oui, elle s'applique ! Elle est fébrile depuis deux jours. Depuis qu'ils ont téléphoné.
    Comme elle met toujours le haut-parleur, parce qu'elle est un peu sourde, j'en ai bien profité.
    «On rentre de vacances, on passera mardi. C'est sur notre chemin... Oui, c'est ce que je te dis : on vient... Avec les petits, oui... Les deux, oui. À cinq heures... Mais non, voyons : du soir.»"

    Ce que j'en pense :

    Beaucoup d'humour mêlée de tendresse, aucune méchanceté, pas de cynisme dans ce livre très bien écrit. L'auteure a su éviter les pièges d'un tel sujet. On rit beaucoup (un peu jaune) en pensant que ce sera bientôt à notre tour d'être "encombrants".

    Les encombrants

    Les encombrantsLes encombrantsLes encombrants

     

     

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  • Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon

    "Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon" de Hervé Giraud -Editions Thierry Magnier

    Présentation de l'éditeur :

    Le soldat Botillon part à la guerre de 14 et se retrouve au front sans rien comprendre de ce qui lui arrive, soldat de base sous le feu de l’ennemi. L’histoire du soldat Botillon alterne d’un chapitre à l’autre avec le récit d’une réunion de famille à notre époque, pour fêter les cent ans de l’arrière-grand-mère, la fille du soldat Botillon qui n’a jamais connu son père disparu lors des combats. La quatrième génération joue à la guerre dans le jardin et ces batailles contrastent joyeusement avec le récit du soldat Botillon.

    Première page :

    "On se regroupe pour une photo. On se tient par les épaules avec les tripes à l’envers à cause de la peur, mais on se sent forts. Le photographe a son trépied pour se protéger et nous, on n’a rien, rien d’autre qu’une irrésistible envie de survivre. Des obus s’abattent au hasard, tonnent autour de nous car ceux d’en face préparent le terrain pour nous accueillir. Il va falloir tout à l’heure aller vers eux, au contact, les tuer ou se faire tuer, la guerre n’attend pas. On se débrouille pour tenir dans le cadre et montrer nos muscles, on exagère la pose, on fait les malins, on appelle par leur nom de famille ceux qui traînent : « Botillon, Delmas, Leroux, magnez-vous ! ». Le photographe s’impatiente, il a peur et on rit, il s’adresse à nous comme on dit une prière : « Cessez de  bouger, s’il vous plaît, s’il vous plait messieurs ». Ca fait longtemps qu’on n’a pas entendu une formule de politesse, deux fois de suite la même, encore moins. Nos corps terrifiés exultent la trouille car il faut faire semblant d’être un homme…"

    Ce que j'en pense :

    Le sujet est intéressant, assez bien traité et à la portée d'un public à partir de 12 ans. Les passages avec le soldat Botillon sont bien supérieurs à ceux qui se passent à l'époque actuelle (mais cette partie est faite pour "appâter" les lecteurs jeunes, dont je ne suis plus).

    Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon

    Le jour où on a retrouvé le soldat Botillon

     

     

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  • "Noireclaire" de Christian Bobin - Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    «C’est si beau ta façon de revenir du passé, d’enlever une brique au mur du temps et de montrer par l’ouverture un sourire léger. 

    Le sourire est la seule preuve de notre passage sur terre.»

    Première page :

    "Il y a entre toi et moi une adorable barrière. C'est ta mort qui l'a construite. Son bois est du silence. Il n'est pas épais. Un rouge-gorge s'y pose. 

    Quand tu étais de ce monde j'adorais traverser avec toi la campagne au vert surnaturel, ses chorales de sous-bois et ses poèmes de barrières. 

    La barrière qui me sépare de toi est pauvre. Ses piquets suivent les mouvements de ma pensée, ils ondulent. Tu es de l'autre côté de la vie, pas si loin somme toute, bien moins loin de moi que ce médecin que j'ai vu feuilleter des visages toute la journée sans en regarder un seul. Les yeux vides ont envahi tous les métiers."

    Ce que j'en pense :

    Trace de vie, part manquante, parole blanche et silencieuse … et le sourire. Bobin, une fois de plus nous entraîne dans son univers en nous laissant beaucoup de blanc sur la page pour que nous puissions aller plus loin sur nos chemins.

     

     

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  • Vivement l'avenir

    "Vivement l'avenir" de Marie-Sabine Roger - Rouergue (La brune)

    Présentation de l'éditeur :

    «Dans les maternités, d'après moi, il n'y a que des princesses et des princes charmants, dans les petits berceaux en plastique. Pas un seul nouveau-né qui soit découragé, déçu, triste ou blasé. Pas un seul qui arrive en se disant :
    Plus tard, je bosserai en usine pour un salaire de misère. J'aurai une vie de chiotte et ce sera super. Tra-la-lère.»

    Après le succès de La tête en friche, adapté au cinéma par Jean Becker, Marie-Sabine Roger nous raconte, avec chaleur et drôlerie, une histoire d'une justesse rare sur notre époque.

    Première page :

    "Comment c'était venu dans la conversation, je ne sais plus très bien.
    C'était venu. C'est tout.
    L'origine, elle était peut-être à chercher du côté des clébards, quand la télé avait parlé de ceux qu'on abandonne à la SPA, au début des vacances. Tous ces braves chiens-chiens avec la truffe humide et dans leurs yeux marron de l'amour sans reproche.
    - Abandonner son chien ! Si c'est pas malheureux ! a dit Marlène, à un moment, en caressant Tobby. La peine de mort, il leur faudrait, à tous ces salopards !
    - Bah ! La peine de mort, faut pas pousser, non plus... Mais de la tôle, oui. Là, je dirais pas non ! a répondu Bertrand, de sa voix toujours calme.
    Jamais je ne l'ai vu énervé, celui-là.
    Marlène a secoué la tête. Quand elle a une idée, elle s'y tient."

    Ce que j'en pense :

    Beau moment de lecture, c'est plein d'optimisme, sans mièvrerie, alors que l'histoire se passe dans un quotidien plutôt gris, avec des personnages assez désabusés. L'écriture est toujours juste, pleine de trouvailles que l'on a envie de noter.

    Vivement l'avenir

    Vivement l'avenirVivement l'avenirVivement l'avenir

     

     

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  • Face à la nuit

    "face à la nuit" de Peter Robinson - Le livre de poche

    Présentation de l'éditeur :

    Bill Quinn, officier de police médaillé, est assassiné par un tireur à l’arbalète dans un paisible centre de rééducation. Près de la scène du crime, on découvre des photos compromettantes montrant Quinn avec une superbe jeune fille, vraisemblablement mineure. Était-il victime d'un chantage ? À l’inverse de Joanna Passero de l'Inspection générale de la police, l’inspecteur Alan Banks ne croit pas à une affaire de corruption interne. Et si la mort de Quinn était liée à une enquête menée six ans plus tôt après la disparition d'une jeune Anglaise en Estonie ? La piste va conduire Banks et son équipière jusque dans les sombres dédales du vieux Tallin, où certains n'ont manifestement aucune envie que l'on remue le passé...

    Première page :

    "Les nuits où la douleur la tenait éveillée. Lorraine Jenson se levait au point du jour, quand tout donnait encore à l'intérieur du centre, et allait s'installer dehors dans un fauteuil en osier. Les épaules drapées d'un plaid en tartan qui la protégeait de la fraîcheur matinale, elle écoutait le gazouillis des oiseaux en savourant une lasse d'earl grey brûlant, dont l'arôme, subtil et exquis, s'élevait en volutes odorantes. Là, elle allumait sa première cigarette de la journée - la meilleure de toutes.

    Certains matins, le petit lac artificiel, en contrebas de la pelouse en pente, était couvert d'une brume dont le voile estompait les contours des arbres sur la rive la plus éloignée. D'autres fois, la surface ressemblait à un miroir sombre et lisse qui reproduisait fidèlement chaque détail des branches et des feuillages. En ce beau matin du mois d'avril, les eaux étaient claires, à peine troublées par un vent léger qui faisait trembloter les reflets.

    Sous l'effet des analgésiques. Lorraine sentit la douleur se détacher d'elle comme une peau morte, tandis que le thé et le tabac apaisaient ses nerfs à vif."

    Ce que j'en pense :

    C'est un bon roman policier, assez classique, à l'écriture fluide. Lorsqu'on a lu plusieurs enquêtes de Banks on retrouve avec plaisir certains personnages ainsi que l'univers musical de l'inspecteur. On aurait aimé quand même qu'il y ait un peu plus de rythme.

    Face à la nuit

    Face à la nuit

     

     

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  • Les dames du chemin

    "Les dames du chemin" de Maryline Martin - éditions Glyphe

    Présentation de l'éditeur :

    Ce 16 avril 1917, nous voici à nouveau dans les entrailles de l enfer. Nous attendons le coup de sifflet pour monter à l assaut. J ai conjugué le verbe attendre à tous les temps. J ai attendu sans angoisse la lettre de mobilisation. J attendais avec impatience les lettres et les colis, ces traits d union avec l arrière. Aujourd'hui, j attends la mort, cette faux qui m a seulement effleuré durant deux ans. Camarde, camarade... Des recherches sur son grand-oncle tué au Chemin des Dames ont amené Maryline Martin à écrire ce recueil de nouvelles sur la Grande Guerre.

    Première page :

    " Un épais brouillard entoure le boyau 14. L'air est chargé d'humidité. La pluie, la neige sont notre quotidien. Avant la guerre, je l'aimais bien la neige. Je me souviens des batailles de boules glacées avec mes frères et de nos courses enfantines dans la campagne. Nos cris semblaient retenus prisonniers dans ce paysage cotonneux. Mon enfance s'est enfuie avec mes années d'insouciance. Depuis trois ans, le monde est à feu et à sang : c'est la guerre. J'ai laissé un bon nombre de frères d'armes derrière moi, enterrés dans des trous d'obus, quelques fois sous des croix de bois. Des spectres tapis dans ma mémoire. Nous sommes des rescapés des flammes de l'enfer, des morts-vivants. On ne peut que « survivre » après un tel carnage ! C'est une course contre le temps, celui qui nous est compté. Une course contre la montre, contre notre propre mort aussi."

    Ce que j'en pense :

    C'est assez bien écrit. On y trouve même parfois une belle force, surtout lorsqu'elle parle des femmes. Mais l'ensemble n'arrive pas à la hauteur de la lecture des "vrais" lettres de poilus.

    Les dames du chemin

     

     

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  • Le testament de Vénus

    "Le testament de Vénus" de Enzo Cormann - Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    «Je, soussigné Vénus, cinquante-cinq ans, né le 25 avril 1947...» Félix Fayard, dit Vénus, retrace le récit de sa vie sur trois cahiers sauvés de la poubelle. Dans cet almanach buissonnier se croisent et se bousculent les figures de sa mère Lucie, fille de meunier, et de Driss Ben Shaab, ce Père Non Connu. L'image de la jarre enfouie où il se réfugiait enfant, et le souvenir d'un chien tueur. Ses Leçons de Voyouterie à Paris puis en Afrique, et les années de prison qui en découlent. Ses Gamberges sur l'Être initiées à l'hôpital psychiatrique où sa mère l'a fait interner, et ses conversations avec le Mouvementeur, ce peintre qui l'enjoint de suivre ses impulsions de gribouilleur... 
    Devenu Artiste Général, le soussigné a conçu près de cinq mille pièces, qu'il expose dans sa galerie L'Amusée, avant que le progrès et ses hydrorapaces ne le chassent pour toujours du moulin de son enfance. Squattant dès lors une tannerie désaffectée sur les berges de l'Ire, il organise sa survie en marge d'un monde qui semble vouloir sa disparition. Rares sont ceux à visiter cet ermite tenu pour fou, voire dangereux, qui, revenu des fureurs du baroud, de la tentation de la folie et des affres de l'amour, n'aspire qu'à «rentrer à la maison»... 
    Cette geste drolatique d'un «œuvrier», nourrie des affinités d'Enzo Cormann avec l'art brut, restitue à un «homme de peu» sa grandeur déniée et lui donne acte de son échappée belle.

    Première page :

    "Je, soussigné Vénus, cinquante-cinq ans, né le 25 avril 1947 à Presques, enregistré à l'état civil sous le nom de ma mère, Fayard, et prénoms Paul André Félix, rebaptisé par amusement public ou méchanceté soiffarde, Bâtard, 'Tit Gris, Microuille, Grésil, j'en passe, et par folie, Vénus — Artiste Général —, certifie ce qui suit véritable, écrit en toute connaissance, pour faire valoir ce que de droit, quoique non fait chez le notaire, lequel maître Coin, maire de Nuit-sur-l'Ire, devenu Nuit-le-Lac, commune résidentielle du soussigné, refuse de l'inscrire sur les registres électoraux, par vexation administrative pour non-paie­ment d'impôt sur ladite commune. Le présent testament sera donc rédigé de la main même du soussigné, au stylo bic ordinaire, sur trois cahiers sauvés de la poubelle, lesquels seront cousus ensemble et postés le 13 septembre 2002 (aujourd'hui le 12 juillet). Chaque cahier comptant cent pages et restant au soussigné soixante-trois jours d'ici le 13 septembre, c'est au rythme de cinq pages quotidiennes qu'il lui faudra tester.

    Squattant depuis quinze ans une ancienne tannerie, mais ne manquant de rien pour qui sait se passer d'à peu près tout, le soussigné s'est toujours maintenu propre …"

    Ce que j'en pense :

    Long monologue (sans doute un peu trop long) à la gloire de l'art brut, à la lisière de la folie qui pourrait nous faire penser à un "croisement" entre Antonin Artaud et Gaston Chaissac. C'est souvent drôle, avec beaucoup d'auto dérision. Le style est percutant, direct et donne envie de lire à haute voix beaucoup de passages.

    Le testament de Vénus

    Le testament de VénusLe testament de Vénus

     

     

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  • Chaos de famille

    "Chaos de famille" de Franz Bartelt - folio policier

    Présentation de l'éditeur :

    Plonque a vraiment tiré le gros lot : sa femme Camina, en plus de refuser de coucher avec lui, a un caractère épouvantable et une famille qui donnerait envie à n’importe qui d’être orphelin ! Mère, frères et sœurs, tous sont dépressifs, bourrés de cachets et sujets aux accidents. Heureusement qu’il y a la voisine, Mme Quillard, qu’il surnomme «Lamoule». Pendant les enterrements, ça occupe les fantasmes…

    Première page :

    "Je grossis. Aujourd'hui, j'ai failli me sentir le courage de tuer Camina. Par surprise. Oh, la bonne ! J'en rêve depuis dix-huit ans. Je l'aurais assommée à coups de chaise, je l'aurais poussée par la fenêtre du premier étage, je lui aurais roulé dessus avec la voiture. Mais je n'ai pas une nature furieuse. Je manque même de cette forme de prétention qui me permettrait d'en vouloir vraiment aux gens que je n'aime pas.

    Je suis un faible. Peut-être un lâche, aussi.

    Un jour, j'ai presque eu envie de me suicider. Le contact de la corde contre mon cou m'a paru désagréable. J'ai renoncé. Je ne suis pas non plus d'un genre à me balancer d'un pont ou d'un quai de gare. Je m'en voudrais, post mortem, de déranger du monde, des gens, de retarder des trains, d'abîmer les aiguilles d'un barrage. Je ne veux pas être à l'origine d'un souci.

    Elle s'appelle donc Camina. Nom déjeune fille : Rachot. Nom de femme : Plonque. Mme Camina Plonque. Ma femme. Je devrais dire « épouse »."

    Ce que j'en pense :

    On retrouve la plume acide de Bartelt, son humour très noir. Il faut accepter ce côté à la fois glauque et hilarant pour pouvoir jouir de ce livre aux personnages grotesques, excessifs et pas sympathiques.

    Chaos de famille

    Chaos de famille

     

     

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  • Dans la maison de l'autre

    "Dans la maison de l'autre" de Rhidian Brook - Fleuve noir

    Présentation de l'éditeur :

    Hambourg, 1946

    La ville est en ruines et la nation brisée. Si la guerre est terminée, la vie, elle peine à reprendre ses droits. Des ombres fantomatiques errent parmi les décombres à la recherche de nourriture, d'un proche, d'un espoir.
    Lewis Morgan, colonel de l'armée britannique, est chargé de superviser les opérations de reconstruction du territoire et de dénazification de la population. Il s'installe dans une somptueuse villa réquisitionnée à son intention avec son épouse et leur dernier fils encore en vie.
    Touché par leur situation, le colonel propose aux propriétaires des lieux, un architecte allemand éploré par la mort de sa femme et sa fille adolescente, de rester. Les deux familles partagent alors le même toit, se croisent, se frôlent, mais comment supporter pareille situation quand une haine viscérale continue d'opposer les deux peuples ? Dans cette ambiance oppressante, inimitiés et hostilités vont laisser place à des sentiments plus dangereux encore...

    Première page :

    "— La Bête est là. Je l'ai vue. Berti l'a vue. Dietmar l'a vue. Avec sa fourrure noire comme le manteau d'une dame chic. Et des dents comme des touches de piano. On doit la tuer. Si on ne le fait pas, qui le fera? Les Tommies? Les Yankees? Les Popov? Les Français? C'est pas eux qui le feront, ils sont trop occupés à chercher autre chose. Ils veulent un coup ci, un coup ça. Ils sont comme des chiens qui se disputent un os sans viande autour. C'est à nous de le faire. Attrapons la Bête avant qu'elle nous attrape. Après tout ira mieux.

    Le jeune Ossi rajusta son couvre-chef tout en guidant les autres à travers les décombres de la ville pulvérisée par les bombes des Tommies. Il portait le casque anglais qu'il avait volé à l'arrière d'un camion non loin de l'Alster. Même s'il avait moins de classe que les casques américains, voire russes, de sa collection, c'était celui qui lui allait le mieux. En plus, il l'aidait à jurer en anglais aussi bien que le sergent tommy qu'il avait vu hurler sur les prisonniers à Dammtor, la gare de Hambourg : « Eh! Mains en l'air, nom de Dieu! En l'air, j'ai dit ! Je veux les voir! Foutus crétins de Boches. » Ces hommes avaient tardé à lever les mains, non parce qu'ils n'avaient pas compris, mais parce qu'ils étaient trop affaiblis par le manque de nourriture. Foutus crétins de Boches ! Le reste de la tenue d'Ossi consistait en un mélange inventif de loques et de vêtements de luxe : robe de chambre de dandy, cardigan de vieille fille, chemise sans col de grand-père …"

    Ce que j'en pense :

    L'arrière plan historique est intéressant dans ce roman mais l'histoire en elle-même est assez convenue. Les personnages paraissent un peu "taillés à la serpe" et n'accrochent pas vraiment.

    Dans la maison de l'autre

     

     

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