• Les Peaux rouges

    "Les Peaux rouges" de Emmanuel Brault - Grasset

    Présentation de l'éditeur :

    «  Ce matin, je sors, plutôt pressé, et j’ai pas fait trente mètres, que paf… une rouge avec sa marmaille me rentre dedans au coin de la rue. Elle se casse la figure et me gueule dessus. Elle me dit que je l’ai fait exprès, que c’est une agression. En temps normal, on se serait excusés, j’aurais fait mon sourire de faux cul et tout serait rentré dans l’ordre. Mais non, je trouve rien de mieux que de lui cracher  : “fais pas chier sale rougeaude” et manque de pot, une passante qui arrive derrière moi a tout entendu. C’était puni par la loi du genre super sévère depuis les événements, à égalité avec viol de gamin ou presque. On était à trente mètres de chez moi, ils m’ont facilement retrouvé. Et là mes amis, mes problèmes ont commencé, et des vrais comme on n’en fait plus.  »
    Amédée Gourd est raciste. Il pense comme il parle. Mal.
    La société entreprend de le rééduquer.
    Grinçant par son sujet, ce roman tendre et loufoque met en scène un antihéros comme on en voit si peu dans les livres, et si souvent dans la vie.
    Une histoire d’amours ratées mais de haine réussie.
    Une fable humaine, trop humaine.  

    Première page :

    "Les rouges. Tout un poème mais à l'envers. Je peux vous en parler, moi. Vous en faire un roman. Je sais pas d'où ils viennent. Leur dieu s'est tapé un délire en les peignant en rouge un soir de beuverie. Ou c'est leur Eve qui a mal tourné, elle a attrapé un truc louche et shplaf deux jumeaux rouges qu'elle a cachés dans la montagne. Et ils se sont reproduits, treize à la douzaine, vu que les mômes ça leur fait pas peur. Enfin, je sais pas trop, tout ce que je sais, c'est qu'ils sont nombreux dans les rues autour, partout, et qu'ils ont pas fini de nous faire chier. Ils sont éboueurs le matin sur les camions-poubelles, balayeurs derrière les stands les jours de marché, ouvriers à saloper le boulot quand je vais à l'entrepôt, je les aperçois dans les cuisines des restos où je vais jamais, ils mettent trois plombes à rendre la monnaie au supermarché, ils nous font chier en mendiant à chaque coin de rue, leurs mômes craignos passent leur temps à fumer sur les bancs publics…"

    Ce que j'en pense :

    C'est rare de donner la parole en littérature à des héros violents, racistes, presque analphabètes. Amédée fait partie de "ces gens-là", ordinaires, mal dégrossis qui vivent dans une presque misère sans le savoir. Évidemment ce roman est loin du politiquement correct , on peut même, dans certains passages, se sentir mal à l'aise. L'auteur écrit à la façon d'Amédée, en transformant des mots ou expressions. C'est parfois réussi mais pas toujours. C'est le seul bémol que j'apporterai à cette lecture qui laisse des traces.

    Les Peaux rouges

    Les Peaux rougesLes Peaux rougesLes Peaux rouges

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Chômage monstre

    "Chômage monstre" de Antoine Mouton - éditions la contre allée

    Présentation de l'éditeur :

    Pendant que les corps travaillent, les esprits et les idées chôment. Chômage monstre questionne la difficulté de quitter un travail, de s’ arracher à ce qui nous retient. Puis de celle, ensuite, d’ habiter un corps qu’ on a longtemps prêté à un emploi. Que retrouve-t-on dans un corps et une langue qu’ on a trop longtemps désertés ?
    Dans une forme nécessairement libre, Antoine Mouton pointe la place normative que prend le travail dans nos vies.

    Première page :

    "Poème à laisser sur la note au moment de régler l'addition

    Monsieur» respectable monsieur.

    qui sévissez de table en table

    portant vos bouts de papier plaintifs

    où les comptes sont faits, où les sommes sont dues

    - tout est noté rien n'est omis ce n est pas donné -

    monsieur, vous faites bien votre métier

    Et si j'osais je vous dirais :

    vous ne faites que cela.

    Monsieur que nous nommons garçon, serveur, s'il vous plait ou Joseph

    - Joseph si nous avons sympathisé,

    ce qui est fort probable

    car je vous trouve très aimable

    et vous ai fait quelques blagues qui,

     allégeant votre démarche raide,

    ont dû vous donner une opinion favorable du client que je suis, hélas -

    oui, Joseph. je vous trouve vraiment sympathique…"

    Ce que j'en pense :

    Beaucoup de jeu sur le langage, à la manière d'un "Devos social", de l'humour, de la révolte et aussi de la poésie. Ce livre mérite d'être "balancé" à voix haute. Evidemment il y a des passages beaucoup moins forts (et accessibles) que d'autres mais c'est dans l'ensemble un livre original qui mérite le détour.

    Chômage monstre

    Chômage monstreChômage monstre

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux

    "Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux" de Franz Bartelt - éditions du sonneur

    Présentation de l'éditeur :

    C’est long de mourir. C’est long de voir mourir. Surtout celle qui vous a donné le jour et l’amour du livre, des histoires qui racontent la vie. À 92 ans, le temps a perdu le Nord. La boussole est déréglée, on dit que c’est le grand âge, celui où l’on se souvient de choses dans le désordre, celui où on se souvient de rien parfois, celui où on réinvente souvent. Franz Bartelt, comme toujours entre dérision et tendresse, doutes et drôleries, écrit ce temps qui s’effiloche, cette mère qui fait semblant de continuer de lire encore, cette mère qui s’accroche et finit par s’en aller.
    Savoir que l’on va mourir, savoir accompagner ceux qui vont mourir, savoir mourir en somme, avec humour et élégance, avec obstination et détermination : voilà ce que la vie signifie pour Franz Bartelt.

    Première page :

    "De toute façon, ce matin rien n'est plus neuf que ce qui n'était déjà pas très neuf hier matin. On continue à n'être pas mort, ce qui, sans être une sinécure, n'apparaît pas comme une nouvelle désastreuse. En ce moment, je cours les hôpitaux, les hospices. J'entends crier les vieillards qui agonisent. Certains appellent la mort comme une délivrance. D'autres la supplient de les laisser durer encore un peu. Je vois des corps trop maigres, trop gras, trop anguleux, trop arrondis, qui pissent dans la ouate, chient de même, mouillent de bave leur vieux pyjama à rayures, font puer leurs pantoufles, se cassent contre le coin du lit, suspendus à des tuyaux, respirant mal, geignant, blafards, effrayés comme des condamnés, punis d'on ne sait quel égarement, l'horreur banale de l'existence, en fin de compte."

    Ce que j'en pense :

    Le sujet est bien différent des autres livres de l'auteur, c'est beaucoup plus intime. mais on retrouve l'humour, la tendresse retenue, l'autodérision, le cynisme parfois. C'est un très bon Bartelt pour rire et pour pleurer, comme dans la vraie vie.

    Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux

    Depuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieuxDepuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieuxDepuis qu'elle est morte elle va beaucoup mieux

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Par le vent pleuré

    "Par le vent pleuré" de Ron Rash - Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Dans une petite ville paisible au cœur des Appalaches, la rivière vient de déposer sur la grève une poignée d’ossements, ayant appartenu à une jeune femme. Elle s’appelait Ligeia, et personne n’avait plus entendu parler d’elle depuis un demi-siècle.

    1967 : le summer of love. Ligeia débarque de Floride avec l’insouciance et la sensualité de sa jeunesse, avide de plaisirs et de liberté. C’est l’époque des communautés hippies, du Vietnam, de la drogue, du sexe et du Grateful Dead. Deux frères, Bill et Eugene, qui vivent bien loin de ces révolutions, sous la coupe d’un grand-père tyrannique et conservateur, vont se laisser séduire par Ligeia la sirène et emporter dans le tourbillon des tentations. Le temps d’une saison, la jeune fille bouleversera de fond en comble leur relation, leur vision du monde, et scellera à jamais leur destin – avant de disparaître aussi subitement qu’elle était apparue.

    À son macabre retour, les deux frères vont devoir rendre des comptes au fantôme de leur passé, et à leur propre conscience, rejouant sur fond de paysages grandioses l’éternelle confrontation d’Abel et de Caïn.

    Première page :

    "Dès le début, la faculté d’apparaître et de disparaître qu’avait Ligeia a semblé magique. La première fois, il y a de cela quarante-six ans, c’était à Panther Creek, l’été qui a précédé mon entrée en première. Tous les dimanches, après la messe et le déjeuner chez notre grand-père, Bill, mon grand frère, et moi, nous enfilions un T-shirt et un jean coupé, jetions notre matériel de pêche dans le pick-up Ford 1962 que nous avait acheté Grand-père, et partions vers l’ouest en sortant de Sylva. Une fois franchie l’autoroute, nous nous enfoncions dans une forêt domaniale, puis nous roulions un bon kilomètre sur la route de gravier qui longeait la rivière ; cannes et moulinets s’entrechoquaient à l’arrière quand Bill s’engageait sur l’ancienne piste forestière. Des branches et de jeunes arbres venaient bientôt racler le capot et le pare-brise. Ensuite il n’y avait plus de chemin, rien qu’une trouée entre les arbres dans laquelle Bill se faufilait avant de s’arrêter en faisant patiner les pneus. À même pas trois kilomètres de là, on pouvait trouver dans la Tuckaseegee des truites plus grosses et des bassins plus profonds où se baigner, mais les truites et les plans d’eau d’ici nous suffisaient. Mieux encore, nous avions cette portion de la rivière à nous seuls et nous tenions à ce que rien ne change, voilà pourquoi Bill se garait à un endroit où l’on n’apercevait pas le pick-up depuis le chemin. Nous nous glissions dans un fourré"

    Ce que j'en pense :

    On retrouve dans ce livre des thèmes chers à l'auteur, en particulier la famille, les non-dits  et ses conflits. L'enquête policière est plus présente que dans ses autres romans. Les personnages sont toujours aussi bien décrits. Mais, dans cet ouvrage, on ne parvient pas toutefois à la force de quelques uns de ses romans précédents.

    Par le vent pleuré

    Par le vent pleuréPar le vent pleuré

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Femme à la mobylette

    "Femme à la mobylette" de Jean-Luc Seigle - Flammarion

    Présentation de l'éditeur :

    Abandonnée par tous avec ses trois enfants, Reine n’arrive plus à faire face. Sa vie finit par ressembler à son jardin qui n’est plus qu’une décharge. Son horizon paraît se boucher chaque jour davantage, alors qu’elle porte en elle tant de richesses. Seul un miracle pourrait la sauver... Et il se présente sous la forme d’une mobylette bleue. Cet engin des années 1960 lui apportera-t-il le bonheur qu’elle cherche dans tous les recoins de ce monde et, surtout, à quel prix ?
    Jean-Luc Seigle dresse le portrait saisissant d’une femme ordinaire au bord du gouffre. Ce faisant, c’est une partie de la France d’aujourd’hui qu’il dépeint, celle des laissés-pour-compte que la société en crise martyrise et oublie.

    Première page :

    "Reine est une grosse dormeuse. Cette nuit elle n'a pas fermé l'œil. Même pas couchée. Pas déshabillée non plus. Devant sa fenêtre elle est toute débobinée. C'est le mot qu'elle a inventé pour donner un nom à cette fatigue qui la défait et la met en morceaux qu'elle a bien du mal à rassembler ensuite. Elle finit de boire son café. Ça, elle peut encore se le payer. De sa fenêtre, elle mesure pour la première fois de sa vie le poids du silence, le vrai silence, celui sans le chant des oiseaux. C'est implacable. Floconneux. Sourd. Dedans comme dehors. Une impression de tombe. En s'enfuyant, la nuit ne laisse plus derrière elle qu'une sorte de laitance grisâtre. Tout finit dans l'absence et le silence absolu du monde. Ça lui arrive quelquefois d'avoir des phrases qui lui viennent. Pas des phrases du dedans, des phrases du dehors qui s'encastrent en elle. Loin de la calmer, la phrase excite encore davantage une chose monstrueuse qui ne l'a pas laissée tranquille de toute la nuit. Une obsession…"

    Ce que j'en pense :

    C'est le premier livre que je lis de cet auteur et j'ai envie d'en découvrir d'autres. Très belle écriture, un bon roman "social". Seigle sait parfaitement se mettre dans la peau, dans la pensée de cette femme qui pourrait passer pour "simplette" mais qui a beaucoup de ressource. On croit un moment que cette histoire va finir en conte de fée, mais il y a un retour du réel assez dramatique.

    Femme à la mobylette

    Femme à la mobyletteFemme à la mobyletteFemme à la mobylette

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Scalpel

    "Scalpel" de John Harvey - Rivages/noir

    Présentation de l'éditeur :

    Existe-t-il un lien entre les agressions sauvages perpétrées contre deux membres du personnel du centre hospitalier de la ville ? Obligée d'enquêter dans toutes les directions, l'équipe de Charlie Resnick passe au crible la vie privée des victimes, hésite entre plusieurs suspects et se perd en conjectures face à un milieu médical enclin au secret, voire à la dissimulation... Jusqu'à ce que l'agresseur frappe à nouveau et assassine cette fois une jeune étudiante apparemment sans histoires. Orientée de manière décisive, l'enquête s'achemine alors vers un terrifiant secret...

    Première page :

    Il songeait à Karen, en train d'attendre dans une chambre à deux pas de l'hôpital. Fletcher l'imaginait dégustant un second verre de vin et regardant sa montre par intermittence pour tromper l'attente. Il avait fait sa connaissance deux mois plus tôt à un bal, et la première fois qu'elle s'était déshabillée devant lui, il lui avait dit qu'elle était parfaite. Comme ça, sans le vouloir. Les mots étaient sortis naturellement.

    Parfaite.                                      

    - Vous avez l'air plus mort que vif.

    Instantanément, la voix le ramena à la réalité et il leva les yeux vers l'infirmière en face de lui qui tirait sur sa blouse d'uniforme là où elle bâillait légèrement par-dessus sa ceinture.

    - Merci, dit Fletcher.

    Sarah Léonard sourit.

    - La nouvelle admission..., commença-t-elle.

    Fletcher cligna des paupières et fit un effort pour se concentrer. Sur les dernières vingt-quatre heures, il n'en avait passé que trois à dormir, ce qui faisait onze heures de sommeil en tout dans les trois jours écoulés. Il se sen­tait guetté par les troubles hallucinatoires.

    Ce que j'en pense :

    Intrigue très bien conduite. Harvey approfondit tous les personnages. On en apprend toujours un peu plus sur Resnick et son équipe. Ce livre nous plonge à la manière de Simenon dans l'atmosphère de Nottingham à la fin du XX ème siècle.

    Scalpel

    ScalpelScalpel

     

     

    __________


    votre commentaire
  • Mon fils

    "Mon fils"  de Vincent Cuvellier et Delphine Perret - Gallimard jeunesse

    Présentation de l'éditeur :

    Mon fils, c'est mon fils. Je le connais depuis qu'il est né, et peut-être même avant, c'est dire. Je le connais tellement qu'on dirait que c'est moi qui l'ai fait.
    Mon fils, il est tellement beau que, même s'il était moche, il serait beau quand même. D'ailleurs, je vais le décrire, vous allez voir...

    Extrait :

    "Quand mon fils est né, je n'ai pas fait de photos parce que je voulais faire des photos avec mes yeux. J'ai senti une drôle de vague me soulever des pieds à la tête. Je crois que j'ai volé. Je ne suis pas sur, mais je crois. Par contre, je suis sur que c'était une vague, parce qu'il y avait de l'eau partout autour de moi. "

    Ce que j'en pense :

    Débordant de tendresse, d'humour, c'est un livre très émouvant, en principe livre jeunesse, mais qui devrait s'adresser à tous les pères, à tous les fils, aux futurs pères, aux anciens fils… et à tous les autres !

    Mon fils

    Mon filsMon filsMon fils

     

     

    __________


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires