• Après le silence

     

    "Après le silence" de Didier Castino - éditions Liana Lévi

    Présentation de l'éditeur :

    «Quand on parle de moi, il y a toujours l’usine. Pas facile de parler d’autre chose.» Dans un monologue destiné au plus jeune de ses fils, Louis Catella se dévoile.
    Mouleur syndicaliste aux Fonderies et Aciéries du Midi, il s’épuise dans la fournaise des pièces à produire et le combat militant. Il raconte aussi la famille, l’amour de Rose, le chahut des garçons, les efforts rageurs pour se payer des vacances... Une vie d’ouvrier, pas plus, pas moins. Jusqu’au grand silence du 16 juillet 1974. Louis meurt accidentellement. Et pourtant l’impossible monologue se poursuit, retraçant la vie sans père de ce fils qui n’avait que sept ans au moment du drame. Partagé entre le désir d’échapper à ce fantôme encombrant dont tout le monde tisse l’éloge et la peur de trahir, c’est à lui maintenant de devenir un homme.
    Ce roman intense brosse la chronique de la France ouvrière des années 60-70, le récit intime de l’absence, la honte et la fierté mêlées des origines. 

    Première page :

    "Et je m’appelle Louis Georges Edmond Catella. Je travaille à l’usine toute la semaine, c’est dur mais ça me plaît. Je suis quelqu’un qui avant tout travaille, a toujours travaillé. C’est ma vie, la reconnaissance et la sécurité. Tout le monde dit que mon travail est l’usine. Où il est Louis ? Il est à l’usine. Attends deux minutes, il va revenir de l’usine. Si tu veux raconter ma vie, tu ne peux parler de moi à l’école. J’ai dû y aller comme y vont les enfants de 1930, mais moi c’est le travail surtout. Très peu d’argent à la maison, on le met dans des boîtes et on essaie de le garder, ne pas s’en servir pour être plus riche un jour, alors l’école… Il ne faut pas y penser ni s’y attarder, on n’en parle pas. Très tôt on comprend que certaines choses nous sont étrangères, tout s’organise entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas, ceux qui vont à l’école et ceux qui travaillent, c’est l’un ou l’autre. Il n’y a pas de révolte, pas encore, la vie s’épuise ainsi : je ne suis pas de ceux qui doivent aller à l’école trop longtemps, moi je ferai autre chose, je travaillerai. Aller à l’école, je n’y pense même pas, je gagnerai de l’argent et j’en mettrai dans les boîtes, à mon tour. Je crois que j’ai commencé à vivre quand je me suis rendu compte de cette donnée incontournable. Avant, qu’ai-je connu ? Je ne me souviens que de brouillard, d’attente et d’odeur âcre. Je ne me souviens que du deuil qu’a porté ma mère, jusque dans ma naissance, jusque dans ma conception, le deuil impossible de sa seule fille …"

    Ce que j'en pense :

    Livre très fort sur le monde ouvrier, et sur le deuil, qui se lit lentement. Ce n'est pas juste le portrait d'un père, c'est toute une époque qui est racontée, avec une classe ouvrière encore puissante, avec ses espoirs et ses déceptions. Une écriture magnifique, une construction très originale.

    Après le silence

    Après le silenceAprès le silenceAprès le silence

     

     

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  • Ça me file le bourdon

    "ça me file le bourdon" de Hervé Giraud - éditions Thierry Magnier

    Présentation del'éditeur :

    Avec la bande de copains et la famille foutraque d'un narrateur impertinent, drôle, observateur et touchant, l'auteur nous offre une virée décoiffante, en onze aventures, au coeur de cette parenthèse qu'est l'adolescence, entre enfance et âge adulte, quand la vie déborde parce qu'il est encore trop tôt, et déjà trop tard. C'est l'âge des stages en entreprise, des sorties en scooter et des baisers échangés avec une fille de sa classe. Ce n'est plus celui d'avoir un petit frère, et pourtant...

    Première page :

    "Ça s'est passé il y a tout juste un an. La lumière était vive et piquante comme aujourd'hui. C'est le genre de journée où si on n'a pas de lunettes de soleil, on reste les yeux mi-clos et ça nous fait des têtes de Chinois.

    Il y a un an, la matinée était ensoleillée et guillerette. Depuis la fenêtre de la cuisine et à l'aide d'une grande paire de ciseaux, je capturais des faux bourdons qui butinaient un massif de lavande juste en dessous. Penché le plus possible sur le rebord ; en équilibre sur le ventre avec les pieds décollés du sol, je pinçais les insectes entre le thorax et l'abdomen, sans refermer les ciseaux pour ne pas les couper en deux, seulement les pincer et percevoir les vibrations du vrombissement de leurs ailes au bout de mes doigts."

    Ce que j'en pense :

    Ces nouvelles sont pleines d'humour, de dérision mais sont également profondes. Elles combattent pas mal de préjugés. C'est un livre à mettre entre toutes les mains, que vous ayez 13 ou 97 ans !

    Ça me file le bourdon

    Ça me file le bourdonÇa me file le bourdon

     

     

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  • Le cahier bleu

    "Le cahier bleu" de James A. Levine - éditions Buchet Chastel

    Présentation de l'éditeur :

    Batuk est âgée de neuf ans à peine quand son père, un paysan du Madya Pradesh, la vend à un bordel d'enfants de Common Street, à Bombay. Jetée en pâture aux désirs pervers des notables de la ville et des policiers pédophiles, la petite prostituée parvient, six années plus tard, à subtiliser un crayon à sa patronne. Et se met à couvrir les pages d'un cahier bleu auquel elle confie le quotidien épouvantable de son esclavage sexuel. Dans ce journal intimiste, désespéré, expiatoire, Batuk écrit tous les jours avec ses mots d'enfant sacrifiée. Elle écrit pour conjurer son destin, pour oublier que son père a abandonné sa léoparde aux yeux d'argent à la violence de ces clients qui viennent jusque dans son nid pour y faire des pains au lait. Elle écrit aussi pour retrouver ses jeux au village avec les lézards de son enfance entre les rochers chauffés par le soleil. Et, dans son cahier bleu, Batuk finit par s'inventer des héros fantastiques qui viendront peut-être, un jour, la libérer... Mais, une nuit, un taxi blanc s'arrête devant sa prison...

    Extrait :

    "Puneet est un "garçon perdu" depuis la disparition de sa mère. C'est un miracle qu'il ait survécu. Il m'a raconté les atrocités qu'il avait vu dans la rue, avant même que maître Gahil ne l'acquiert : meurtres, tortures et vols avec violence pour ne citer que celles là. Il m'a dit que son père s'était échappé de prison pour partir à sa recherche, mais qu'il avait été repris après une bagarre de rue mémorable. il m'explique souvent que sa mère a épousé un riche homme d'affaire qui va venir le chercher : "bientôt, tu verras". Ces histoires sont de la pure fiction. Cela fait longtemps que Puneet a été effacé de la mémoire de ses parents. Sinon, comment pourraient-ils réconcilier leurs places sur terre avec la pensée vit à deux nids du mien et que chaque jour il donne du plaisir à des hommes qui sont sales au dedans et au dehors ? Puneet ne connaît d'autre réalité que sa cage et cette rue. Voilà pourquoi il ne cherche jamais à s'échapper; son monde se limite à cela."

    Ce que j'en pense :

    C'est un récit plein de violence (physique, viols…) qui veut dénoncer les violences faites aux enfants prostitués. C'est un livre dérangeant, souvent à la limite de la complaisance voire du voyeurisme.

    Le cahier bleu

     

     

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  • Comment vous racontez la partie

    "Comment vous racontez la partie" de Yasmina Reza - Folio

    Présentation de l'éditeur :

    " Mes chers amis, monsieur le Maire, je vous remercie d'être venus, plus nombreux que jamais, assister à cette première soirée du troisième cycle des Samedis littéraires de Vilan-en-Volène. Un cycle dont la première édition se déroule comme chaque année au printemps, avec une coupure au mois d'août... "

    Extrait :

    ROSANNA Des sensations. C'est ce que vous recherchez ?

    NATHALIE    Dans la vie?

    ROSANNA    Quand vous écrivez.

    NATHALIE J'aime mieux provoquer des sensa­tions qu'un état de somnolence, mais... j'écris ce qui arrive. Je ne poursuis pas un but particulier.

    Roland hoche la tête, visiblement d'accord.

    ROSANNA L'héroïne du roman s'appelle Gabrielle, Gabrielle Gorn, elle est écrivain comme vous... Vous vous définissez comme un écrivain, Nathalie Oppenheim ?

    NATHALIE Non. Si. Quand je remplis un for­mulaire de douane ou de Sécu. Pendant des années à la case profession j'ai coché autre, maintenant je coche écrivain.

    ROSANNA Mais vous savez qu'il y a un écrivain qui s'appelle Nathalie Oppenheim...

    NATHALIE Oui. Je le sais. J'ai même certains de ses livres chez moi.

    ROSANNA    Elle vous intéresse ?

    Ce que j'en pense :

    L'écrivain face à son œuvre : qu'a-t-il à dire de plus que ce qu'il écrit ? l'auteure décrit un certain milieu intellectuel avec ses pratiques "snobinardes" d'interview dans un "espace polyvalent" à  mi-chemin entre Pivot et les Deschiens. C'est intelligent et décapant.

    Comment vous racontez la partie

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  • Otages intimes

    "Otages intimes" de Jeanne Benameur - Actes Sud

    Présentation del'éditeur :

    Photographe de guerre, Etienne a toujours su aller au plus près du danger pour porter témoignage. En reportage dans une ville à feu et à sang, il est pris en otage. Quand enfin il est libéré, l'ampleur de ce qu'il lui reste à ré-apprivoiser le jette dans un nouveau vertige, une autre forme de péril. De retour au village de l'enfance, auprès de sa mère, il tente de reconstituer le cocon originel, un centre duquel il pourrait reprendre langue avec le monde. Au contact d'une nature sauvage, familière mais sans complaisance, il peut enfin se laisser retraverser par les images du chaos. Dans ce progressif apaisement, se reforme le trio de toujours. Il y a Enzo, le fils de l'Italien, l'ami taiseux qui travaille le bois et joue du violoncelle. Et Jofranka, l'ex petite fille abandonnée, avocate à La Haye, qui aide les femmes victimes de guerres à trouver le courage de témoigner. Ces trois-là se retrouvent autour des gestes suspendus du passé, dans l'urgence de la question cruciale : quelle est la part d'otage en chacun de nous ? De la fureur au silence, Jeanne Benameur habite la solitude de l'otage après la libération. Otages intimes trace les chemins de la liberté vraie, celle qu'on ne trouve qu'en atteignant l'intime de soi.

    Première page :

    "Il a de la chance. Il est vivant. Il rentre.

    Deux mots qui battent dans ses veines Je rentre. Depuis qu'il a compris qu'on le libérait, vraiment, il s'est enfoui dans ces deux mots. Réfugié là pour tenir et le sang et les os ensemble. Attendre. Ne pas se laisser aller. Pas encore.

    L'euphorie déçue, c'est un ravage, il le sait. Il ne peut pas se le permettre, il le sait aussi. Alors il lutte. Comme il a lutté pour ne pas basculer dans la terreur des mois plus tôt quand des hommes l'ont littéralement "arraché" de son bord de trottoir dans une ville en folie, ceinturé, poussé vite, fort, dans une voiture, quand toute sa vie est devenue juste un petit caillou qu'on tient serré au fond d'une poche. Il se rappelle. Combien de mois exactement depuis ? il ne sait plus. Il l'a su il a compté mais là, il ne sait plus rien.

    Ce matin, on l'a fait sortir de la pièce où il était enfermé, on lui a désentravé les pieds comme chaque matin et chaque soir quand on le conduit, les yeux bandés, à ce trou puant qui tient lieu de toilettes. Mais il n'a pas compté les dix-huit pas, comme d'habitude. Dix-neuf, vingt, vingt et un... il a cessé de compter, le cœur battant. On l'a conduit, les yeux toujours bandés, jusqu'à un avion."

    Ce que j'en pense :

    Roman intéressant qui montre bien comment chacun est prisonnier et peut réussir à s'échapper. Le style est précis, fait souvent de courtes phrases. J'ai cependant été un peu déçu car je n'ai pas réussi à pénétrer complètement dans ce livre, comme c'était le cas dans les autres livres de Benameur. J'ai eu l'impression de lire "du Benameur" ou même parfois "du Bobin" !

    Otages intimes

    Otages intimes

     

     

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    Une terre d'ombre

    "Une terre d'ombre" de Ron Rash - points seuil

    Présentation de l'éditeur :

    Laurel Shelton et son frère Hank vivent au fond d'un vallon encaissé des Appalaches. Marquée par une tache de naissance, Laurel est considérée comme une sorcière. Hank, revenu de la Première Guerre mondiale, y a laissé une main. Isolés, bannis, ils mènent une vie fastidieuse et solitaire. Mais lorsque Laurel rencontre un mystérieux joueur de flûte, sa vie bascule.

    Première page :

    "Laurel songea d'abord à une fauvette ou à une grive, mais - contrairement à toutes celles qu'elle avait déjà entendues - son chant était plus soutenu, si pur, semblait-il, que nulle respiration n'avait à le porter dans le monde. Elle sortit les mains du ruisseau et se releva. Elle repensa à l'oiseau que Mlle Calicut avait montré à sa classe. Un perroquet de Caroline, avait annoncé l'institutrice, qui avait déplié un foulard révélant le corps vert et la tête jaune et rouge. La plupart des perroquets vivent dans des pays tropicaux comme le Brésil, avait expliqué Mlle Calicut, mais pas celui-ci. Elle avait laissé les élèves se passer l'oiseau de main en main, en leur recommandant de bien le regarder et de ne pas oublier à quoi il ressemblait, car bientôt il n'en resterait plus, non seulement dans ces montagnes mais peut-être dans le monde entier.

    Seize ans avaient passé, pourtant Laurel se souvenait de la longue queue et du gros bec, du vert, du rouge et du jaune si éclatants qu'ils semblaient miroiter. Et surtout elle se souvenait que l'oiseau ne pesait rien dans la soie fraîche du foulard, comme si même dans la mort il conservait la légèreté de son vol. Laurel ne se rappelait pas si Mlle Calicut avait décrit le chant du perroquet, mais ce qu'elle entendait lui paraissait concorder, était aussi joli que les oiseaux eux-mêmes."

    Ce que j'en pense :

    Ce roman mêle adroitement les événements de la fin de la guerre 14/18, une peinture poétique de la nature, le portrait d'une petite ville avec son lot de gens bêtes et méchants et une belle histoire d'amour. On est comme envoûté par l'écriture car, même dans la description des bons moments, on sent pointer une inquiétude qui nous mènera vers la tragédie finale. je définirai ce roman comme un western noir.

     Une terre d'ombreUne terre d'ombreUne terre d'ombreUne terre d'ombre

     

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