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Avant que j'oublie
"Avant que j'oublie" de Anne Pauly - Verdier
Présentation de l'éditeur :
Il y a d’un côté le colosse unijambiste et alcoolique, et tout ce qui va avec : violence conjugale, comportement irrationnel, tragi-comédie du quotidien, un « gros déglingo », dit sa fille, un vrai punk avant l’heure. Il y a de l’autre le lecteur autodidacte de spiritualité orientale, à la sensibilité artistique empêchée, déposant chaque soir un tendre baiser sur le portrait pixelisé de feue son épouse ; mon père, dit sa fille, qu’elle seule semble voir sous les apparences du premier. Il y a enfin une maison, à Carrières-sous-Poissy et un monde anciennement rural et ouvrier.
De cette maison, il va bien falloir faire quelque chose à la mort de ce père Janus, colosse fragile à double face. Capharnaüm invraisemblable, caverne d’Ali-Baba, la maison délabrée devient un réseau infini de signes et de souvenirs pour sa fille qui décide de trier méthodiquement ses affaires. Que disent d’un père ces recueils de haïkus, auxquels des feuilles d’érable ou de papier hygiénique font office de marque-page ? Même elle, sa fille, la narratrice, peine à déceler une cohérence dans ce chaos. Et puis, un jour, comme venue du passé, et parlant d’outre-tombe, une lettre arrive, qui dit toute la vérité sur ce père aimé auquel, malgré la distance sociale, sa fille ressemble tant.
Première page
Le soir où mon père est mort, on s’est retrouvés en voiture avec mon frère, parce qu’il faisait nuit, qu’il était presque 23 heures et que passé le choc, après avoir bu le thé amer préparé par l’infirmière et avalé à contrecœur les morceaux de sucre qu’elle nous tendait pour qu’on tienne le coup, il n’y avait rien d’autre à faire que de rentrer. Finalement, avec ou sans sucre, on avait tenu le coup, pas trop mal, pas mal du tout même, d’ailleurs c’était bizarre comme on tenait bien le coup, incroyable, si on m’avait dit. On avait rangé les placards, mis la prothèse de jambe, le gilet beige, les tee-shirts et les slips dans deux grands sacs Leclerc, plié la couverture polaire verte tachée de soupe et de sang, fait rentrer dans la boîte à médicaments – une boîte à sucre décorée de petits Bretons en costume traditionnel – le crucifix de poche attaché par un lacet à une médaille de la Vierge, à un chapelet tibétain et à un petit bouddha en corne. On avait sorti du chevet des petits sachets de moutarde, une compote abricot, un paquet de BN, faut pas se laisser entamer, une pince à épiler en plastique, un menu de la semaine sur lequel il avait essayé de noter quelque chose…
Ce que j'en pense :
Livre magnifiquement écrit. C’est un témoignage, un récit… qui pourraient être très communs, on a tous perdu un père, une mère, on s’est tous retrouvés devant une maison vide avec beaucoup de petites (ou grandes) choses que l’on n’ose pas jeter, on a tous eu des souvenirs à la fois bons et mauvais de notre enfance… et pourtant Anne Pauly écrit des pages très originales, d’une très grande sensibilité, pleines de pudeur et d’une grande justesse. j’ai vraiment eu l’impression en lisant ce livre de pénétrer ma propre intimité.
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