• Mes forêts

    "Mes forêts" de Hélène Dorion - éditions Bruno Doucey

    Présentation de l'éditeur :

    Son nom semble la relier à une constellation, mais sa présence au monde la rend indissociable des paysages qu’elle traverse : Hélène Dorion vit environnée de lacs et de forêts, de fleuves et de rivages, de brumes de mémoire et de vastes estuaires où la pensée s’évase. Dans ce recueil écrit au coeur d’une forêt, elle fait entendre le chant de l’arbre, comme il existe un chant d’amour et des voix de plain-chant. « Mes forêts… », dit-elle dans un souffle qui se densifie de poème en poème. Et l’on entre à pas de loup dans une forêt de signes où l’on déchiffre la partition de la vie sur fond de ciel, sur fond de terre, sur fond de neige, de feuillages persistants et de flammes qu’emporte le vent, de bourgeons sertis dans l’écorce et de renouvellement. Un chemin d’ombres et de lumière, « qui donne sens à ce qu’on appelle humanité ».

    Extrait :

    Je m'incline souvent
    devant la figure unique
    d'un jeu de feuilles et de branches

    la maigre cicatrice de l'écorce
    le nœud dans le bois dur
    l'arbre n'échappe pas à sa souffrance
    il n'est rien d'autre que lui-même

    avec la longue respiration des saisons
    il regarde par les yeux du vent

    de ses racines
    et de l'anneau des années
    il ignore tout

    et je m'incline encore
    pour écouter son voyage immobile

    Ce que j'en pense :

    Hélène Dorion nous fait découvrir ses forêts qui sont aussi les nôtres. Nous sommes à la fois feuillage et racine, écorce et humus… L’autrice nous entraîne avec une grande sensibilité dans une nature intime qui joue avec le temps. Il y a quelque chose de vivifiant à lire et relire cette poésie.

    Mes forêts

     

     

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  • Les sources

    "Les sources" de Marie-Hélène Lafon - Buchet-Chastel

    Présentation de l'éditeur :

    La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l'érable, mais elle n'entre pas dans la maison. Elle n'y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l'après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c'est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu'elle a de la chance avec la lumière d'octobre, la cour de la maison, l'érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu'à elle dans l'air chaud et bleu.

    Première page :

    Il dort sur le banc. Elle ne bouge pas, son corps est vissé sur la chaise, les filles et Gilles sont dans la cour. Ils sont sortis aussitôt après avoir mangé, ils savent qu’il ne faut pas faire de bruit quand il dort sur le banc. Claire a refermé derrière elle les deux portes, celle de la cuisine et celle du couloir. La table n’est pas débarrassée, elle s’en occupera plus tard, quand il aura fini la sieste. Une lessive sèche dans le jardin, Nicole l’a écartée sur le fil avant de partir, il faudra ramasser tout le linge, repasser, ranger, préparer les vêtements des enfants pour demain matin, les leurs aussi, et cirer les chaussures. Elle est contente de descendre chez ses parents, elle voudrait être contente, on sera chez elle, de son côté, on pourra rire et parler fort, il n’aura pas le dessus ; chez elle il n’a pas le dessus, il mange et il se tait.

    Ce que j'en pense :

    On connaît la façon de Marie-Hélène Lafon de décrire le monde agricole et en particulier cette région d’Auvergne dont elle est originaire. C’est toujours plein de pudeur avec une économie de mots. Nous retrouvons tout cela dans ce livre. Le début du roman nous fait entrevoir une histoire forte autour de la condition féminine dans ces campagnes. Mais pourquoi donner la parole au père après 80 pages ? Cela brise quelque chose dans le récit. Les 80 premières pages auraient pu faire une excellente nouvelle.

    Les sources

     

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  • Mon petit frère

    "Mon petit frère" de Jean-Louis Fournier - Philippe Rey

    Présentation de l'éditeur :

    Les deux frères étaient bien différents.
    L’aîné, Jean-Louis : vif, farceur, cancre, séducteur.
    Le cadet, Yves-Marie : discret, timide, premier de classe, peu entreprenant auprès des filles…
    Ils s’aimaient, si proches, seulement treize mois les séparaient, liés par leurs jeunes années d’un autre siècle à Arras, fils d’un père médecin alcoolique et d’une mère courageuse s’efforçant de tenir le rang de la famille malgré le manque cruel d’argent.
    Par ce livre, Jean-Louis Fournier signe une remontée vers l’enfance, dans son style unique, fait de drôlerie, de sensibilité et de nostalgie.
    Un hommage émouvant à un petit frère disparu.

    Première page :

    Mon cher Yves-Marie je te prépare une sale blague.

    Je vais essayer de te faire parler...

    Toi qui détestais parler de toi.

    Tu as toujours été discret sur tes états d'âme, on a eu beaucoup de peine à savoir ce que tu pensais.

    Aujourd'hui que tu n'es plus là, on a envie d'en savoir plus, je vais être indiscret.

    J'ai réalisé pour la télévision beaucoup de documentaires sur des personnages que je devais faire connaître, faire aimer aux téléspectateurs, c'était des scientifiques ou des artistes, Claude Lévi-Strauss, Egon Schiele, Gustav Klimt...

    Ce que j'en pense :

    Souvent dans les livres de Fournier il y a de la tendresse mêlée à de l’autodérision, un peu de cynisme et beaucoup d’humour. On retrouve tout cela dans « Mon petit frère » mais avec moins d’intensité et sans doute avec plus de pudeur et de nostalgie. Ce n'est pas, à mon avis, son meilleur livre mais il se pourrait bien que ce soit le dernier !

    Mon petit frère

     

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  • Le coeur des louves

    "Le cœur des louves" de Stéphane Servant - J'ai lu

    Présentation de l'éditeur :

    Célia et sa mère Catherine, autrefois écrivaine à succès, reviennent vivre dans la maison de la grand-mère où rien n'a changé depuis la mort de la vieille dame, il y a des années. Dans le village perdu au fond de la vallée, avec ses montagnes couvertes de forêts et son lac Noir, tout le monde se connaît et leur retour ne semble plaire à personne. Amours, haines, malédictions enchaînent les membres de cette petite communauté depuis plusieurs générations. Certains croient encore à cette légende de femme louve commandant aux bêtes sauvages... Mais ce sont les hommes qui font la loi et dictent leur violence. Pour découvrir ce qui se cache sous la surface des choses, Célia va devoir se frayer un chemin entre les mensonges et les superstitions. Et devenir louve, pour ne pas être proie.

    Première page :

    C’était au soir de la Saint-Jean. Partout dans la vallée de petits feux piquaient la nuit de jaune. Je suis entrée dans le village au son d’une vieille romance. Sur la place de la mairie, on avait installé une piste de danse. Quelques planches de la scierie jetées à même la terre battue. Des musiciens venus de la ville jouaient sans entrain pour une paire de danseurs. Les vieux assis sur des chaises, leurs yeux fendus comme ceux d’oiseaux de proie, les garçons aux épaules larges à parler trop fort sous les guirlandes de la buvette, les filles dans l’ombre à s’échanger du rouge à lèvres et des cigarettes, les joues roses et la nuque parfumée d’eau de lavande. Tout un monde qui m’apparaissait ce soir-là si étrange. Quand j’ai posé mon pied nu sur les planches poussiéreuses, la musique s’est tue. Et les yeux des vieux se sont arrondis. Et les garçons se sont poussés du coude. Et les filles ont laissé la cendre de leur cigarette dégringoler sur leur corsage. Tout d’un coup, il n’y avait plus que les grillons qui chantaient au loin. Les danseurs ont quitté la piste, affolés et titubants, comme si les planches avaient consumé la plante de leur pied.

    Ce que j'en pense :

    On connaît la belle écriture de Stéphane Servant et c’est encore le cas dans ce roman (classé plutôt pour adolescents mais pas du tout interdit aux adultes). L’histoire hésite souvent entre réel et fantastique. Je comprends bien cette symbolique du loup pour montrer la rébellion de l’adolescence mais ce n’est pas vraiment ce que j’apprécie le plus.  L’histoire de Tina m’a bien plus intéressé que celle de Célia.

    Le coeur des louves

     

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  • Pourquoi tu danses quand tu marches?

    "Pourquoi tu danses quand tu marches? de Abdourahman A. Waberi - JC Lattès

    Présentation de l'éditeur :

    Un matin, sur le chemin de l’école maternelle, à Paris, une petite fille interroge son père : « Dis papa, pourquoi tu danses quand tu marches ? ». La question est innocente et grave. Pourquoi son père boite-t-il, pourquoi ne fait-il pas de vélo, de trottinette… ? Le père ne peut pas se dérober. Il faut raconter ce qui est arrivé à sa jambe, réveiller les souvenirs, retourner à Djibouti, au quartier du Château d’eau, au pays de l’enfance. Dans ce pays de lumière et de poussière, où la maladie, les fièvres d’abord puis cette jambe qui ne voulait plus tenir, l’ont rendu différent, unique. Il était le « gringalet » et « l’avorton » mais aussi le meilleur élève de l’école, le préféré de Madame Annick, son institutrice venue de France, un lecteur insatiable, le roi des dissertations.

    Abdourahman  Waberi se souvient du désert mouvant de Djibouti, de la mer Rouge, de la plage de la Siesta, des maisons en tôles d’aluminium de son quartier, de sa solitude immense et des figures qui l’ont marqué à jamais : Papa-la-Tige qui vendait des bibelots aux touristes, sa mère Zahra, tremblante, dure, silencieuse, sa grand-mère surnommée Cochise en hommage au chef indien parce qu’elle régnait sur la famille, la bonne Ladane, dont il était amoureux en secret. Il raconte le drame, ce moment qui a tout bouleversé, le combat qu’il a engagé ensuite et qui a fait de lui un homme qui sait le prix de la poésie, du silence, de la liberté, un homme qui danse toujours.

    Première page :

    Tout m’est revenu.

    Je suis cet enfant qui nage entre le passé et le présent. Il me suffit de fermer les yeux pour que tout me revienne. Je me souviens de l’odeur de la terre mouillée après la première pluie, de la poussière dansant dans les rais de lumière. Et je me souviens de la première fois où je suis tombé malade. Je devais avoir six ans. La fièvre m’a fouetté toute une semaine. Chaleur, sueur et frissons. Frissons, chaleur et sueur. Mes premiers tourments datent de cette période.

    Un petit matin, à Djibouti, au début des années 1970. Ma mémoire me ramène toujours à ce point de départ. Aujourd’hui, mes souvenirs sont moins embrumés parce que j’ai su déployer des efforts pour remonter le cours du temps, remettre un peu d’ordre dans le fatras de mon enfance.

    Ce que j'en pense :

    Je m’attendais à beaucoup mieux de ce livre, plus de lyrisme, de révolte, d’humour et de causticité. Bien sûr on imagine assez bien l’enfance du narrateur dans ce pays qui s’appelle maintenant Djibouti mais les émotions sont rares au fil des pages et j’avoue m’être un peu ennuyé parfois en cours de lecture.

    Pourquoi tu danses quand tu marches?

     

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  • Les voies parallèles

    "Les voies parallèles" de Alexis Le Rossignol - Plon

    Présentation de l'éditeur :

    Un admirateur de Nicolas Hulot qui rêve d’être un peu connu, un ancien espoir du basket français désormais accro au jeu, une mère de famille digne, malgré les vicissitudes d’une vie qui ne l’a pas épargnée. Des bourgeois sans complexes. Et puis Laura.
    Pour Antonin, l’automne 2002 est bien plus qu’une découverte : c’est une émancipation.  Nécessaire. Vitale. Pour forcer le destin. Pour gagner ou pour perdre.
    Un roman puissant qui met en scène des rêveurs et des destins brisés, d’une manière à la fois dure et objective, avec en toile de fond la poésie douce-amère de l’adolescence, des inquiétudes surfaites et des errances de jeunesse. Tout en émotion et en justesse.

    Première page :

    Cette nuit, les coéquipiers d'Antonin sont sans doute sortis en boîte, au Crystal ou à la Pyramide. Ou peut-être au Palace. Ils ont pris une bouteille de J&B à six, avec un pichet de Coca et un autre de jus d'orange. La bouteille n'a pas survécu plus d'un quart d'heure, à 75 euros tout le monde s'est jeté dessus pour en avoir au moins deux verres bien remplis. Ensuite, ils ont dansé avec Charlène et sa cousine, deux vraies chaudasses celles-là, et puis ils en ont commandé une deuxième. Quasiment 30 balles par personne au total, sans compter les clopes, et en soirée les gars fument bien un paquet chacun. Antonin ne les a jamais accompagnés mais il a entendu dix fois leurs histoires, qui ne changent pas beaucoup d'un week-end à l'autre. L'un a fini par vomir, l'autre a langoureusement embrassé Charlène, juste avant que son père ne vienne la chercher sur le parking de la discothèque, à 3 heures du matin. Après ça ils sont rentrés, tous bourrés, dans la 205 Junior de Jérôme et dans la caisse de Grillon, qui a poussé à fond sa sono pour ne pas s'endormir sur la route.

    Lundi matin au lycée, Antonin racontera cette soirée en boîte et prétendra être sorti lui aussi.

    Ce que j'en pense :

    Le portrait du personnage principal Antonin a un côté intéressant. L’auteur montre bien cet adolescent plutôt solitaire et timide qui se cherche et qui découvre peu à peu une certaine réalité sociale dans son petit monde rural. Malheureusement Alexis Le Rossignol en profite pour montrer toute une galerie de personnages et cela enlève beaucoup de force à son propos.

    Les voies parallèles

     

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  • Marzahn, mon amour

    "Marzahn, mon amour" de Katja Oskamp - Zulma

    Présentation de l'éditeur :

    Et si les années de l’entre-deux étaient les plus belles ? À l’âge où on lui promet de devenir invisible, une écrivaine se rebelle. Elle n’a plus qu’une idée en tête. Personne ne l’en dissuadera. Reconvertie en pédicure, elle s’installe à Marzahn, autrefois la plus grande cité de préfabriqués de RDA. Les habitants de ce quartier de Berlin viennent lui confier leurs pieds cabossés, usés par la vie. Ils ont besoin d’être rafistolés et racontent leurs histoires, celles qu’on n’entend jamais, des histoires miraculeuses, ordinaires, universelles…
    La lettre d’amour de Katja Oskamp aux habitants de Marzahn est une réflexion tendre et pleine de drôlerie sur les liens qu’on tisse dans les lieux les plus inattendus, sur la vie. Une comédie humaine en miniature.

    Première page :

    Les années de l’entre-deux durant lesquelles tu n’es ni vieille ni jeune sont des années troubles. Tu ne vois déjà plus la rive d’ou tu es partie, et celle vers laquelle tu vas, tu n’en aperçois pas encore précisément les contours. Durant ces années-la, tu patauges au milieu d’un grand lac, tu t’essouffles, exténuée par la monotonie de la nage. Désorientée, tu t’arrêtes et tournes sur toi-même, un tour, puis un autre, encore un. La peur de sombrer a mi-parcours, sans bruit ni raison, se manifeste.

    J’avais quarante-quatre ans lorsque j’ai atteint le milieu du grand lac. Ma vie était devenue fade : un enfant envolé, un mari malade, une carrière douteuse d’écrivaine. J’affichais quelque chose d’amer et portais ainsi a son comble l’invisibilité s’abattant sur les femmes de plus de quarante ans. Je ne voulais pas être vue. Mais je ne voulais pas voir non plus, lassée des têtes, des visages et des conseils bien intentionnés. J’ai disparu de la surface.

    Ce que j'en pense :

    Chronique de petites vies ordinaires. L’autrice a plus que de l’empathie pour ses personnages, elle a beaucoup de tendresse et d’amour et de temps en temps quelques petits coups de griffes. C’est plein de charme et de douceur pour ces personnes cabossées mais c’est surtout profondément humain. Un coup de cœur.

    Marzahn, mon amour

     

     

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  • Debout dans les fleurs sales

    "Debout dans les fleurs sales" de Thomas Vinau - Le Castor Astral

     Présentation de l'éditeur :

    365 poèmes à déployer, dépareillés, mal coiffés, 365 poèmes pour les jours froissés, pour les petites mains, pour les mains frôlées, 365 poèmes à goupiller, 365 poèmes à dorloter, 365 fois pourquoi pas, 365 raisons de se lever, ou de rester couché, 365 poèmes de secours, 65 poèmes en forme de fenêtre, ou de peut-être, 365 poèmes à se passer sous le manteau, à cacher, à glisser dans la poche de ceux qu’on aime, 365 poèmes debout, tachés, pas fâchés, 365 façons d’essayer, 365 poèmes à perdre, à retrouver, à laisser s’envoler.

    Extrait :

    Salut copain

     

    La nuit parfois

    nous retrouvons nos morts

    et puis en nous réveillant

    nous reprenons doucement conscience

    de l'espace et du temps

    ce n'était qu'un rêve

    le passé reste le passé

    on est triste

    mais quand même

    ça fait plaisir

    de les avoir

    un tout petit peu retrouvés

    Ce que j'en pense :

    De la poésie comme j’aime. Jamais déçu avec Vinau. C’est la vie, en petites tranches de réel, de quotidien, de banal. Avec ce regard décalé, curieux, amusé, inquiet, questionnant, parfois mélancolique, souvent plein d’humour. La poésie est là, dans cette façon d’être présent à ce qui nous entoure.

    Debout dans les fleurs sales

     

     

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  • L'ami arménien

    "L'ami arménien" de André Makine - Grasset

    Présentation de l'éditeur :

    Le narrateur, treize ans, vit dans un orphelinat de Sibérie à l’époque de l’empire soviétique finissant. Dans la cour de l’école, il prend la défense de Vardan, un adolescent que sa pureté, sa maturité et sa fragilité désignent aux brutes comme bouc-émissaire idéal. Il raccompagne chez lui son ami, dans le quartier dit du « Bout du diable » peuplé d’anciens prisonniers, d’aventuriers fourbus, de déracinés égarés «qui n’ont pour biographie que la géographie de leurs errances. » Il est accueilli là par une petite communauté de familles arméniennes venues soulager le sort de leurs proches transférés et emprisonnés en ce lieu, à 5 000 kilomètres de leur Caucase natal, en attente de jugement pour « subversion séparatiste et complot anti-soviétique » parce qu’ils avaient créé une organisation clandestine se battant pour l’indépendance de l’Arménie.

    Première page :

    « Il m’a appris à être celui que je n’étais pas. »

    Dans ma jeunesse, j’exprimais ainsi ce que la rencontre avec Vardan m’avait fait découvrir de mystérieux et de paradoxal derrière le manège du monde.

    À présent, j’y vois non pas d’obscures énigmes et d’étonnants paradoxes, mais cette vérité simple que, grâce à lui, j’avais fini par comprendre : nous nous résignons à ne pas chercher cet autre que nous sommes, et cela nous tue bien avant la mort – dans un jeu d’ombres, agité et verbeux, considéré comme unique vie possible. Notre vie.

    Ce soir-là, il parlait d’une voix calme et lente, tel un écho affaibli par une très grande distance. Sa voix habituelle. Pourtant, ce qu’il disait semblait friser la folie. Ou bien voulait-il se moquer de moi ? J’avais eu parfois cette impression au début de notre amitié.

    « Tu veux que je touche le ciel ? Comme ça, avec mes doigts… »

    Ce que j'en pense :

    Très beau roman qui rend hommage aux Arméniens et qui évoque les camps en Sibérie. C’est également une magnifique histoire d’amitié. Tout cela est fait de façon pudique sans pathos mais pas sans émotion. L’écriture, que l’on peut qualifier de classique (mais pour moi c’est loin d’être péjoratif), nous amène avec douceur dans ces lieux et avec ces personnages qui semblent universels.

    L'ami arménien

     

     

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  • Le plus court chemin

    "Le plus court chemin" de Antoine Wauters - Verdier

    Présentation de l'éditeur :

    Que se passe-t-il lorsqu’un auteur, qui a beaucoup écrit sur l’enfance, remonte le fil d’argent de sa propre enfance ?

    Le Plus Court Chemin est un hommage aux proches et la tentative de revisiter avec les mots ce vaste monde d’avant les mots : les êtres, les lieux, les sentiments et les sensations propres à cette époque sur le point de disparaître, les années d’avant la cassure, d’avant l’accélération générale qui suivra la chute du mur de Berlin.

    Raconter l’existence dans les paysages infinis de la campagne wallonne, dire l’amour et le manque. Car écrire, c’est poursuivre un dialogue avec tout ce qui a cessé d’être visible. Par-delà la nostalgie.

    Première page :

    J’ai vécu jusqu’à mes dix-huit ans dans un petit village d’Ardenne où mon imagination se trouve encore. Que je le veuille ou non, tout ce que j’écris vient de là : des quelques mètres carrés du hangar à poules de Papou, de l’odeur des fraises qu’il cultivait derrière l’église, face aux collines de Hoyemont, au-dessus de l’Ourthe et de l’Amblève, des silos à foin de la ferme de Jacques Martin, des bêtes sachant d’instinct trouver le bonheur, des machines agricoles défoncées par l’usage, dans le purin.

    Ce que j'en pense :

    Ce livre est annoncé comme un roman mais c’est une suite de fragments où l’auteur parle de son enfance de façon très concrète, en nous faisant découvrir les personnages qui l’ont accompagnés pendant ces premières années. On lit ces pages comme des instantanés, des photos polaroïd. C’est bien sûr une autobiographie mais aussi une très belle réflexion sur l’acte d’écrire.

    Le plus court chemin

     

     

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