• Marcus Malte écrit à Pascal Garnier


    Je ne ris pas souvent, paraît-il. Encore moins souvent aux éclats. Ça doit être pour ça que je me souviens si bien de ces quelques moments, rares, précieux, où un fou rire m’a secoué.

    Mon dernier, c’est à Pascal que je le dois.

    C’était au cours d’un dîner, dans quelque festival dit « littéraire », plutôt guindé, et c’était à propos d’une attachée de presse, je crois. Les attachées de presse sont un bon sujet de rigolade, c’est vrai, mais pour me faire m’esclaffer de cette façon encore fallait-il savoir choisir les mots et les manier à la perfection. Et ça, Pascal savait.

    Comme de nombreuses fois au cours de ces quinze dernières années, nous avions pris place côte à côte autour de la table. Histoire de se servir mutuellement de repère dans ces endroits où, l’un comme l’autre, avions quelquefois l’impression de nous être égarés. Et donc, entre fromage et dessert, Pascal m’a glissé à l’oreille ce bon mot, ce merveilleux mot sur l’attachée de presse, et on est partis à rire tous les deux. À se bidonner. À se tenir les côtes. À se marrer comme des bossus sous l’œil circonspect des autres convives. Et c’était bon.

    Putain, oui, c’était bon.

    Je pourrais me souvenir d’autres moments, aussi rares, aussi précieux.

    Je pourrais me souvenir d’une douce soirée de printemps dans un bled paumé du Sud-ouest. Trois types assis à la terrasse déserte d’un café : Pascal, Michel et moi. Le patron du troquet qui sort sa vieille guitare et Pascal qui se met à jouer, à chanter le blues. Rien que pour nous.

    Ça lui allait bien, le blues. Et en plus, il avait une belle voix, ce salaud.

    Je pourrais me souvenir d’un matin très tôt à l’autre bout de la France, où deux couillons debout sur le quai d’une gare attendaient un train qui n’est jamais, jamais arrivé.

    Des trains, des quais, des gares : on en aura eu pas mal en commun.

    Je pourrais me souvenir, enfin, d’un dimanche de novembre 2009 à Lamballe.

    Pascal quittait le salon plus tôt que moi. Il est venu me dire au revoir. Je l’ai regardé s’éloigner, casquette sur le crâne, canne à la main, et quelque chose de tellement fragile dans sa silhouette. Tellement « sur le fil ». J’avoue que mon cœur s’est serré.

    Nous ne le savions pas, mais c’était la dernière fois qu’on se voyait.

    Je ne ris pas souvent, certes, mais je ne pleure pas souvent non plus.

    Et mes dernières larmes, c’est encore à lui que je les dois.

    Alors, un type qui réussit à m’arracher à la fois et des rires et des larmes, moi je lui dis : Chapeau.

    Et je lui dis : Merci.

    À un de ces quatre, Pascal… Qui sait ?

    Marcus

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