• Avoir les boules à Istanbul

    "Avoir les boules à Istaanbul" de Marc Villard
    L'Atalante

    Présentation de l'éditeur :

    Blainville est une bourgade située dans la Creuse, autrement dit nulle part. La résidence est l'ancienne bâtisse de Mathurin Bagieux, l'enfant du pays, poète à ses heures. Il a publié trois recueils à compte d auteur avant de mourir d une cirrhose du foie et a eu l'intelligence de céder sa maison à Antoinette Bourquin, adjointe au maire, en lui recommandant de transformer l'endroit en résidence pour écrivains. L'affaire tourne depuis dix ans et je fais partie d'un groupe de cinq auteurs pris en charge pour trois mois. Deux d'entre nous partent en avril pour une seconde résidence qui les accueille jusqu à fin juillet. Après, ils demandent une bourse de création au Centre national des lettres qui devrait leur assurer six mois tranquilles.
    À la fin des six mois, Bourquin veut bien les récupérer. Je ne suis pas venu ici pour survivre, contrairement à mes collègues. Je suis ici car mon ex, Cynthia, réclame une pension alimentaire et la moitié des lingots d'or que j ai planqués dans la chambre 7 de la résidence.
    Va mourir. Salope.

    Première page :

     "MARS

    MERCREDI   Ier

     Je ne sais pas pourquoi mais les écrivains de cette résidence me regardent mal. J'essaie pourtant de m'intéresser à leurs vies de cloportes. Tiens, celle d'Hélène Soubise par exemple.

     —   Henri, j'ai vécu un grand amour l'année dernière, dit-elle.

     —   C'était quoi comme animal ?

     Elle est partie pleurer dans sa chambre. Ces gens sont trop délicats, trop frêles. Nous, dans le polar, on est plus francs du collier."


    Ce que j'en pense :

    Petit livre pour ne pas prendre les écrivains au sérieux, pour se moquer de leur tendance égocentrique... et pour en rire doucement !

     

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  • Le sel de la vie

    "Le sel de la vie" de Françoise Héritier
    Odile Jacob

    Présentation de l'éditeur :

     " II y a une forme de légèreté et de grâce dans le simple fait d'exister, au-delà des occupations, au-delà des sentiments forts, au-delà des engagements, et c'est de cela que j'ai voulu rendre compte. De ce petit plus qui nous est donné à tous : le sel de la vie". Dans cette méditation tout en intimité et en sensualité, l'anthropologue Françoise Héritier traque ces choses agréables auxquelles notre être profond aspire, ces images et ces émotions, ces moments empreints de souvenirs qui font le goût de notre existence, qui la rendent plus riche, plus intéressante que ce que nous croyons souvent et dont rien, jamais, ne pourra être enlevé à chacun.

    Extrait :

    "... écouter religieusement Mozart, les Beatles ou Astrud Gilberto, faire un aller-retour en une nuit en Suisse pour assister à un concert de son chanteur préféré, se gorger de fraises des bois, prendre les chemins côtiers un jour de grand vent, attendre une éclipse ou le passage nocturne d'un grand duc, se creuser la tête pour savoir ce qui ferait plaisir à l'autre, marcher nu-pieds, prêter l'oreille à des voix répercutées par la mer, s'étirer et bâiller, allumer juste une petite lampe ou de gros projecteurs, courir le guilledou et faire des compliments, être à l'affût des regards qui en disent long, corner une page même si cela ne se fait pas, envoyer bouler un temps la politesse, oublier de prendre son courrier, se tenir par le bras ou par la main, marcher à contre-courant, tenir la porte à un élégant vieux monsieur, se rouler en boule, ..."

    Ce que j'en pense :

    C'est une belle idée au départ : faire une énumération (à la Perec ou ito Naga) de tout ce qui donne gout à la vie. Mais il y en a trop de sel et cela finit par être presque indigeste. La mise en page ne favorise pas non plus la lecture.

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  • Paris Gare du Nord

    "Paris gare du Nord" de Joy Sorman
    l'arbalète gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    Joy Sorman s’est installée pendant une semaine Gare du Nord pour écrire ce livre. Convaincue qu’il suffit d’attendre pour que quelque chose surgisse, le lundi 2 mai à 16h40, elle voit successivement apparaître Brice Hortefeux puis une adolescente qui tient par la main un hamster… et voilà son texte lancé. Entre enquête et collection de coïncidences, Paris Gare du Nord est la mise en récit d’un lieu gigantesque et des foules qui le traversent. Une nouvelle manière de dire notre monde contemporain, avec précision, humour et sensibilité.

    Première page :

    "16 h 40 :

    ARRIVÉE

    Gare du Nord on sait déjà qu'il y aura la foule, l'Europe qui débarque par le Thalys et l'Eurostar, on sait qu'il y aura des masses de voyageurs en transhumance sur les quais, des milliers de valises à roulettes, des vendeurs de journaux et des hommes d'affaires. Ça on le sait déjà, on le voit quand on va prendre son train, on n'est pas étonné.

    Mais ce matin je n'ai pas de train à prendre, rien à faire de sérieux à la gare du Nord, pas même un rendez-vous. Je suis là pour regarder.

    Et quand on se pose quelque part pour ne plus en bouger il se passe des choses invraisemblables, des choses qui surgissent parce qu'on a pris le temps de les attendre, parce qu'on est resté."

    Ce que j'en pense :

    L'idée est intéressante et la contrainte également (écrire et poster en temps réel) et cela donne quelques belles pages. Mais on referme le livre avec un sentiment mitigé : on s'attendait à quelque chose de plus intense.

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  • Mont Blanc

    "Mont Blanc" de Fabio Viscogliosi
    Stock (La Forêt)

    Présentation de l'éditeur :

    Fabio Viscogliosi revient sur l’événement qu’il évoquait sans le nommer dans Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit, la mort de ses parents dans « l’incendie du 24 mars 1999 sous le tunnel du mont Blanc » qui fit 39 victimes. 

    L’accident, l’enquête, les conclusions du juge d’instruction, les articles de presse, le procès et la façon dont une société entière s’empare de l’événement sont au coeur du récit, mais surtout la réalité intime et quotidienne à laquelle le narrateur doit faire face : vider la maison de ses parents, débroussailler le jardin à l’abandon, rendre visite à l’avocat, tenter d’ouvrir une malle récalcitrante, et se trouver confronté à de nombreux signes et coïncidences qui viennent réinterroger les circonstances de la mort de ses parents, à jamais un mystère. 
    Fabio Viscogliosi, dans ce récit mobile, tendu et tendre à la fois, sonde les variations de sa pensée ainsi que ses différentes humeurs pendant les années qui ont suivi, mais dit aussi son retour au monde et son désir de vivre. Pourquoi a-t-il la sensation d’être désormais poursuivi par le mont Blanc, véritable personnage qu’il érige en métaphore littéraire ? Qu’est-ce qu’appartenir à la communauté des orphelins et s’apparenter à David Copperfield ? Pourquoi, à l’heure où ses parents disparaissaient, il achetait l’album de Kraftwerk, Autobahn ? Et surtout quel sens faut-il voir dans le fait que son père et sa mère sont morts ensemble, « en amoureux », précisément à la frontière qui relie la France et l’Italie, pays de l’origine ? 
    Autant de questions avec lesquelles l’auteur chemine en compagnie de Borgès, Kerouac, Daumal, Fitzgerald ou Cary Grant, Annie Ernaux ou Wim Wenders, dont la présence et la façon d’interroger le monde font écho à la traversée puissante et bouleversante que nous livre Fabio Viscogliosi.

    Première page :

    "L'air était doux, traversé de pépiements multiples, signes d'un printemps précoce et chargé de promesses. Ma femme et moi étions rentrés dans l'après-midi - rentrés de Paris, cela n'a pas grande importance, sinon pour dire qu'après deux jours de brouhaha nous retrouvions la quiétude de notre appartement. À présent, je jouais de la guitare dans mon coin. Je jouais sans direction véritable, une ébauche de mélodie, glissant d'un accord à l'autre, incapable de fixer mes pensées sur une figure particulière, mais plutôt dans cet état d'esprit proche du « lâcher prise » qui parfois coïncide avec le début de la nuit et la sérénité qui l'accompagne. Par la fenêtre entrouverte, le souffle de la rue venait lécher mes notes, leur apportant cette légère dissonance qui ouvre à tous les possibles, je n'en demandais guère plus."

    Ce que j'en pense :

    Récit composé de petits chapitres où viennent se mêler toutes sortes de souvenirs plus ou moins liés à "l'accident". Il n'y a rien de triste ou de morose dans ce livre, il y a la vie, et ses "coïncidences".

      

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  • L'élimination

    "L'élimination" de Rithy Panh et Christophe Bataille
    Grasset

    Présentation de l'éditeur :

    "A douze ans, je perds toute ma famille en quelques semaines. Mon grand frère, parti seul à pied vers notre maison de Phnom Penh. Mon beau-frère médecin, exécuté au bord de la route. Mon père, qui décide de ne plus s'alimenter. Ma mère, qui s'allonge à l'hôpital de Mong, dans le lit où vient de mourir une de ses filles. Mes nièces et mes neveux. Tous emportés par la cruauté et la folie khmère rouge. J'étais sans famille. J'étais sans nom. J'étais sans visage. Ainsi je suis resté vivant, car je n'étais plus rien."

    Trente ans après la fin du régime de Pol Pot, qui fit 1.7 millions de morts, l'enfant est devenu un cinéaste réputé. Il décide de questionner un des grands responsables de ce génocide : Duch, qui n'est ni un homme banal ni un démon, mais un organisateur éduqué, un bourreau qui parle, oublie, ment, explique, travaille sa légende.

    L'élimination est le récit de cette confrontation hors du commun. Un grand livre sur notre histoire, sur la question du mal, dans la lignée de Si c'est un homme de Primo Levi, et de La nuit d'Elie Wiesel.

    Première page :

    "Kaing Guek Eav, dit Duch, fut le responsable du centre de torture et d'exécution S213 dans Phnom Penh., de 1975 à 1979. Il explique avoir choisi ce nom de guérilla en souvenir d'un livre de son enfance, où le petit Duch était un enfant sage.

    12 380 personnes au moins furent torturées dans ce lieu. Les suppliciés qui avaient avoué étaient exécutés dans le « champ de la mort » de Chœung Ek, à quinze kilomètres au sud-est de Phnom Penh - également sous la responsabilité de Duch. A S21, nul n'échappe à la torture. Nul n'échappe à la mort.

    Dans sa prison du tribunal pénal parrainé par l'ONU (en fait CETC, soit « Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens »), Duch me dit de sa voix douce : "A S21, c'est la fin. Plus la peine de prier., ce sont déjà des cadavres..." "

    Ce que j'en pense :

    Dans un style simple et direct, c'est à la fois un témoignage, un récit, un compte rendu d'interrogatoire et une réflexion sur ce qui peut être insupportable chez l'homme.

    On voit et on entend longtemps ce rire de Duch, en se disant que tout cela peut recommencer.

      

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  • Dans les forêts de Sibérie

    "Dans les forêts de Sibérie" - Sylvain Tesson
    Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    «Assez tôt, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m'installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie. J'ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal. Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j'ai tâché d'être heureux. Je crois y être parvenu. Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie. Et si la liberté consistait à posséder le temps? Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures? Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu.»

    Écrivain, journaliste et grand voyageur, Sylvain Tesson est né en 1972. Après un tour du monde à vélo, il se passionne pour l’Asie centrale, qu’il parcourt inlassablement depuis 1997. Il s’est fait connaître en 2004 avec un remarquable récit de voyage, L’axe du loup (Robert Laffont). De lui, les Éditions Gallimard ont déjà publié Une vie à coucher dehors (collection blanche, 2009, Folio n° 5142) et, avec Thomas Goisque et Bertrand de Miollis, Haute tension (Hors série Connaissance, 2009).

    Première page :

    "Je m'étais promis avant mes quarante ans de vivre en ermite au fond des bois.

    Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal, à la pointe du cap des Cèdres du Nord. Un village à cent vingt kilomètres, pas de voisins, pas de routes d'accès, parfois, une visite. L'hiver, des températures de — 30 °C, l'été des ours sur les berges. Bref, le paradis.

    J'y ai emporté des livres, des cigares et de la vodka. Le reste — l'espace, le silence et la solitude — était déjà là.

    Dans ce désert, je me suis inventé une vie sobre et belle, j'ai vécu une existence resserrée autour de gestes simples. J'ai regardé les jours passer, face au lac et à la forêt. J'ai coupé du bois, péché mon dîner, beaucoup lu, marché dans les montagnes et bu de la vodka, à la fenêtre. La cabane était un poste d'observation idéal pour capter les tressaillements de la nature.

    J'ai connu l'hiver et le printemps, le bonheur, le désespoir et, finalement, la paix."

    Ce que j'en pense :

    Je trouve ce livre assez bien réussi. Ce n'est pas une exploration ou un reportage, ni un autoportrait. C'est une autre façon d'être dans le temps et dans l'espace. L'écriture de Sylvain Tesson sait nous faire partager, souvent avec humour, parfois en abusant de "sentences", cette solitude habitée.

      

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  • Dans l'amitié du merveilleux

    "Dans l'amitié du merveilleux" de Patrick Cloux
    Le temps qu'il fait

    Présentation de l'éditeur :

    Parce que les livres comptent pour moi presque un peu trop, j'ai eu envie d'écrire quelque chose dans l'amitié du Merveilleux, précisant ce que je sens, qui lie la faculté de s'émerveiller à une certaine forme de désarroi et de précarité. Depuis bientôt dix ans, je suis libraire et je vois trop de lecteurs désabusés ou simplement déçus. En tout cas, pas assez reliés à ce quelque chose qui s'apparente à la magie, et n'en est pas, mais qui fait que dans la grande liberté de l'imaginaire, on aime un livre plus que tout. Aussi ai-je eu envie de donner corps à quelques passions, à quelques grands attachements littéraires et émotifs, où j'ai cru me réconcilier. J'aimerais en transmettre une part, donner envie de les lire. Ce livre est une modeste proposition, plus promenade qu'apologie, attentive surtout à révéler, à souligner ces quelques enchantements. C'est avant tout un remerciement à la vie d'être pour moi ce qu'elle est. C'est-à-dire ce qu'on en fait lorsqu'on la rêve.

    Première page :

    "Je rêve d'un livre parlé, conversant sur un thème qui me tient à cœur. Un livre de foi citant au fil d'images, quelques grands exemples de ce qu'est pour moi le Merveilleux, des pages d'auteurs pas assez lus, reprises fût-ce un peu longuement, pour nous en imprégner et pour les faire jouer ensemble en ce rapprochement que chaque lecteur installe entre les livres qu'il retient. Arriver à rendre sans fatuité cette géographie passionnelle, pulsionnelle, qui nous fait tout aimer à la fois, dans une bénéfique confusion des genres et des niveaux. Et comme prélude à ces pages — encore que nous y reviendrons souvent —, puisqu'il est le cœur même de ma lecture du Merveilleux, je ne peux que citer Charles-Albert Cingria :

    «II  faudrait pouvoir admirer Eschyle, et, dans le même temps, jouir de cet état de frénésie dans lequel nous met le bonheur par exemple d'avor des bottines neuves.»"

    Ce que j'en pense :

    L'auteur nous propose quelques "enchantements" à travers des livres qu'il aime particulièrement. Il nous révèle ainsi des écrivains un peu oubliés.

     

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  • Le sel

    "Le sel" de Jocelyne François
    Mercure de France

    Présentation de l'éditeur :

    « La souffrance qui peut nous envahir devant l'état du monde vient de l'amour que nous avons pour lui, vient de l'intuition du fourmillement des détails défaillants. C'est un sentiment qui se développe avec le cours de la vie. Progressivement un souci nous escorte qui ne nous lâchera plus.

    Quelque chose en nous cherche le sel et le sel ne s'est jamais obtenu autrement que par concentration. C'est une réalité chimique, et c'est aussi une image mentale. Le goût du sel et le sens se ressemblent. La vie sans sel, comme la nourriture, n'est pas mangeable et il n'y a aucune raison d'accepter de la manger. »

    « Le Sel » est un texte qui a été gagné sur les heures de douleur physique. Jamais je n'ai écrit si lentement et pourtant avec un tel désir. Écrire et marcher à nouveau étaient liés dans la même lutte. C'est dire à quel point ce texte, bien que publié, reste avec moi et me vient en aide. J. F.

    Première page :

    VOUS AVIEZ coutume d'offrir à ceux que vous aimiez des cadeaux inaccessibles. Le portail de Chartres, la conque du Campo de Sienne ou la colonnade de Saint-Zacharie à Venise, sur la placette où volaient des chouettes. Lors d'un repas non loin du musée d'Art moderne, vous m'aviez solennellement offert la Pierre des fièvres sur laquelle il faut marcher pour entrer dans la basilique du Puy. C'était un jour ordinaire et nous ne savions pas encore que nous viendrions vivre à Paris. Nous étions dans la ville comme ceux qui ont leur point d'attache ailleurs, nous avions envers elle une sorte de fébrilité curieuse et la quittant nous disions « nous rentrons ». 

    Ce que j'en pense :

    Texte d'essence autobiographique qui évoque l'amour, la mort, la souffrance physique mais également la place de l'intellectuel dans le monde. Ecriture précise, simple et sensible. Il doit malheureusement être difficile de le trouver en librairie (édité en 1992). Si vous le voulez vraiment il faudra l'emprunter chez tante Dédette :-).

      

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  • Le déjeuner du bord de Loire

    "Le déjeuner des bords de Loire " - Philippe Le Guillou
    Mercure de France - folio

    Présentation de l'éditeur :

    Julien Gracq est sans conteste au nombre des écrivains que j'admire le plus. Je l'ai découvert au lycée en 1976. Je l'ai lu ensuite et l'admiration s'est installée, inentamable. Je lui ai écrit plus tard et j'ai écrit sur son travail. Ma première visite à Saint-Florent-le-Vieil, sur les bords de la Loire, remonte à février 1992. D'autres l'ont suivie, régulières, ferventes. Un jour - c'était en février 1998 - j'ai éprouvé le besoin de raconter le cours d'une de ces journées désamarrées du flux ordinaire des jours. Comme cela, sans désir d'effraction, loin du prosaïsme du reportage, simplement pour rendre témoignage. C'est le sens de ce récit qui narre quelques heures entre deux trains, au bord du fleuve, un jour d'hiver glacial et lumineux, en compagnie du dernier des très grands, quelques heures magnifiques et aimantées qui restent pour moi comme une leçon de littérature et de vie.

    Première page :

    "Longtemps je l'ai rêvé lointain, nimbé dans sa légende, inaccessible. Un grand maître des sortilèges. Il n'était pas de ces hommes que l'on rencontre comme cela, pour parler de la pluie et du beau temps, de l'insignifiance des choses qui passent. Sa légende, ce qui se disait de lui, l'admiration sans limites que je voue à ses livres le plaçaient en dehors du jeu des relations ordinaires, pas nécessairement au-dessus, simplement plus loin, au-delà d'un seuil quasi sacré. Oui, à force de le lire, à force aussi d'écrire à propos de ses livres, j'avais élaboré une construction mythique qui faisait de lui un ermite sauvage, la figure même de l'écrivain rare et somptueux. De temps en temps nous échangions des lettres. La première remontait au mois de novembre 1979, je l'avais trouvée un soir, déposée par ma logeuse sur la maie de ma chambre d'étudiant. Calligraphie noire, appliquée et nerveuse. Quelques mots de braise et d'élection. "

    Ce que j'en pense :

    Beaucoup d'admiration (parfois un peu trop), de charme et un peu de mélancolie dans ce récit paisible d'une rencontre en bord de Loire.

      

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  • O Solitude

    "O Solitude"  de Catherine Millot
    Gallimard (L'infini)

    Présentation de l'éditeur :

    « L'impatience heureuse des commencements. L'horizon est un cercle parfait, la mer est déserte, vide comme la page blanche qui m'attend, comme les jours à venir, avec juste le soleil et la mer, et les îles. Et le soleil se lèvera sur la mer, se couchera sur la mer. Je pourrai sortir le matin sur le pont le regarder se lever jusqu'à ce que l'aube grise devienne la rose aurore, et ensuite me rendormir, tout enclose dans la beauté du jour naissant. Le bonheur se confond avec la mer et le soleil et l'écriture à venir, les longues matinées d'écriture, le temps rendu à sa liberté. »

    Écrivain et psychanalyste, Catherine Millot est l'auteur de quatre livres parus dans la collection L'Infini aux Éditions Gallimard : La Vocation de l'écrivain (1991), Gide Genet Mishima (1996), Abîmes ordinaires (2001) et La Vie parfaite (2006).

    Extrait :

    "L'ampleur des dégâts, j'en pris la mesure pendant le voyage de retour que je passai prostrée sur la banquette du train, dans une chaleur accablante. Tout était perdu, peut-être avais-je moi-même tout gâché en perdant mes moyens. Le cercle vicieux de l'échec, ou comment on peut être l'artisan de son propre malheur, m'apparaissait dans toute son horreur, sa fatalité. Une machine infernale. J'étais terrassée, atterrée.

    Je ne sais plus comment j'ai terminé l'été. J'ai dû reprendre la lecture d'A la recherche du temps perdu que j'avais commencé à dévorer en juillet, avant de partir pour le Club Med. J'avais lu avec une passion que je n'avais jamais connue, ne m'arrêtant que pour les repas à la table de famille, lisant tard dans la nuit, reprenant dès le réveil, ne mettant plus le nez dehors, ne parlant plus à personne, entièrement absorbée, engloutie dans cette lecture, dans cette passion."

    Ce que j'en pense :

    C'est une belle réflexion autour de la solitude (mais pas un roman), pleine d'érudition et de références à des auteurs intéressants (Barthes, Quignard, Rilke...); mais c'est également d'un égocentrique très énervant. Ce livre, plébiscité par la plupart des critiques, m'a profondément déçu.

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