• Hével

    "Hével" de Patrick Pécherot - série noire Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    Janvier 1958. À bord d’un camion fatigué, Gus et André parcourent le Jura à la recherche de frets hypothétiques. Alors que la guerre d’Algérie fait rage, les incidents se multiplient sur leur parcours. Tensions intercommunautaires, omniprésence policière exacerbent haines et rancœurs dans un climat que la présence d’un étrange routard rend encore plus inquiétant… 
    2018. Gus se confie à un écrivain venu l’interroger sur un meurtre oublié depuis soixante ans. Il se complaît à brouiller les cartes et à se jouer de son interlocuteur. Quelles vérités se cachent derrière les apparences? 

    Première page :

    "On chargeait le bahut quand je l’ai aperçu. Dans le petit matin engourdi de sommeil, une pluie sournoise nous trempait la couenne, André et moi. Sous sa porte cochère, lui nous observait. Il aurait aussi bien contemplé les rails du tramway ou compté les mégots dans les flaques. Ce genre d’occupation qu’on se donne quand on n’en a plus d’autres. Ça le gênait pas de se tourner les pouces en nous regardant prendre l’eau avec nos cageots. À travers le rideau de pluie, on distinguait sa silhouette et le point rouge d’une cigarette. C’est ça qui m’a fichu en rogne. L’idée du tabac au sec quand nos cibiches jouaient les buvards dans nos poches. On ne pourrait pas en griller une avant longtemps et lui restait là, à se les rouler, dans son encoignure.

    Bien trempés, on a chargé encore une pile de cageots. Mon aigreur montait en proportion. « T’as rien d’autre à foutre ? » j’ai lancé. Il s’est décollé de sa porte cochère. J’ai envoyé mon cageot dans le camion et, d’instinct, j’ai gardé les mains libres, planté sous la flotte qui me coulait dans le cou. « Passe-m’en un », il a dit, les bras tendus. Je me sentais con…"

    Ce que j'en pense :

    La guerre d’Algérie est au centre de ce roman même s’il se passe dans le Jura, et cela mérite d’être souligné car c’est plutôt rare. L’auteur nous livre de beaux portraits sans complaisance de gens du peuple dans ces fins d'années 50. C’est écrit sous forme de confession d’un des protagonistes plus de 60 ans après les faits. J’avoue que cela m’a parfois gêné, c'est le seul bémol que j'apporterai à ce roman.

    Hével

    HévelHével

     

     

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  • La plus précieuse des marchandises, un conte

    "La plus précieuse des marchandises, un conte" de Jean-Claude Grumberg - Seuil

    Présentation de l'éditeur et première page :

    Il était une fois, dans un grand bois, une pauvre bûcheronne et un pauvre bûcheron.
    Non non non non, rassurez-vous, ce n’est pas Le Petit Poucet ! Pas du tout. Moi-même, tout comme vous, je déteste cette histoire ridicule. Où et quand a-t-on vu des parents abandonner leurs enfants faute de pouvoir les nourrir ? Allons...
    Dans ce grand bois donc, régnaient grande faim et grand froid. Surtout en hiver. En été une chaleur accablante s’abattait sur ce bois et chassait le grand froid. La faim, elle, par contre, était constante, surtout en ces temps où sévissait, autour de ce bois, la guerre mondiale.
    La guerre mondiale, oui oui oui oui oui.

    Ce que j'en pense :

    Voilà, sous forme de conte, un livre qui nous rappelle de cruelles réalités historiques. C’est écrit de façon originale, souvent ironique mais toujours émouvante. C’est un livre parfaitement compréhensible, à mettre entre toutes les mains, pour ne pas oublier que tout ne finit pas aussi bien que dans les contes.

    La plus précieuse des marchandises, un conte

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  • Bondrée

    "Bondrée" de Andrée A. Michaud - Rivages/Noir

    Présentation de l'éditeur :

    À l’été 67, une jeune fille disparaît dans les épaisses forêts entourant Boundary Pond, un lac aux confins du Québec rebaptisé Bondrée par un trappeur enterré depuis longtemps. Elle est retrouvée morte, sa jambe déchirée par un piège rouillé. L’enquête conclut à un accident : Zaza Mulligan a été victime des profondeurs silencieuses de la forêt. Mais lorsqu’une deuxième adolescente disparaît à son tour, on comprend que les pièges du trappeur ressurgissent de la terre et qu’un tueur court à travers les bois de Bondrée.
    Une écriture raffinée au service d’atmosphères angoissantes et de subtiles explorations psychologiques, dans la plus pure tradition de Twin Peaks de David Lynch.

    Première page :

    "Bondrée est un territoire où les ombres résistent aux lumières les plus crues, une enclave dont l’abondante végétation conserve le souvenir des forêts intouchées qui couvraient le continent nord-américain il y a de cela trois ou quatre siècles. Son nom provient d’une déformation de « boundary », frontière. Aucune ligne de démarcation, pourtant, ne signale l’appartenance de ce lieu à un pays autre que celui des forêts tempérées s’étalant du Maine, aux États-Unis, jusqu’au sud-est de la Beauce, au Québec. Boundary est une terre apatride, un no man’s land englobant un lac, Boundary Pond, et une montagne que les chasseurs ont rebaptisée Moose Trap, le Piège de l’orignal, après avoir constaté que les orignaux s’aventurant sur la rive ouest du lac étaient vite piégés au flanc de cette masse de roc escarpée avalant avec la même indifférence les soleils couchants. Bondrée comprend aussi plusieurs hectares de forêt appelés Peter’s Woods, du nom de Pierre Landry, un trappeur canuck installé dans la région au début des années 40 pour fuir la guerre, pour fuir la mort en la donnant. C’est dans cet éden qu’une dizaine d’années plus tard, quelques citadins en mal de silence ont choisi d’ériger des chalets…"

    Ce que j'en pense :

    Voilà un polar très original à la fois sur la forme et sur le fond. Au début on peut être surpris par l’écriture qui mêle québécois et américain mais cela fait partie de l’atmosphère voulue par l’auteure. L’intrigue se situe à la frontière américano-québécoise. L’écriture, que l’on peut qualifier d’hybride, traduit bien cette diversité linguistique des protagonistes. Tous les personnages sont étonnants et admirablement campés. J’ai particulièrement apprécié les chapitres où l’auteure donne la parole à Andrée (même prénom que l’auteurs !) une petite fille avec un regard poétique et décalé. C’est rare de lire un polar aussi merveilleusement écrit.

    Bondrée

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  • Pense aux pierres sous tes pas

    "Pense aux pierres sous tes pas" de Antoine Wauters - Verdier

    Présentation de l'éditeur :

    Dans un pays dont on ignore le nom, où se succèdent des dictateurs qui tentent de le moderniser, une sœur et son frère jumeau vivent à la ferme de leurs parents, au milieu des plaines.

    Marcio travaille aux champs avec le père, un homme violent, tandis que Léonora s’occupe de la maison avec sa mère. Ils ont douze ans à peine et leur complicité semble totale, leurs jeux interdits irrépressibles. Mais un soir, alors que leurs corps se rapprochent doucement dans le fenil, le père surgit et voit se confirmer ce qu’il a toujours suspecté.

    Tandis qu’un nouveau coup d’État vient de se produire,  les parents décident de séparer les jumeaux. Commence alors un combat long et incertain, celui de la réinvention de soi et de la quête obstinée de liberté.

    Véritable hymne à la désobéissance, Pense aux pierres sous tes pas est également un cri d’espoir. Et d’amour fou.

    Première page :

    "Le déguisement

    On était nés jumeaux, pourtant mon frère avait toujours été comme un aîné pour moi. Parce qu’il était le garçon et devait s’occuper des cheptels avec Paps, il partait le matin dans les vallées pleines de brume où il n’y avait pas le moindre habitant, mais une forte présence de fleuves. Et, à la seule évocation de ces choses, moi qui n’en pouvais plus d’être enfermée, d’entendre Mams me reprendre de volée quand je rêvais au lieu de l’aider, que j’étais seule et que je rêvais, que je pensais à lui, à mon frère, mon ventre se craquelait d’envie: je rêvais de m’enfuir avec eux et, comme eux, de toucher le ventre des bêtes. L’immensité. Le ciel et les moissons et les sommets.

    Tous les deux, on était encombrants pour eux, et on l’avait toujours été. Au point que Paps aurait préféré ne pas nous avoir et rester toute sa vie comme ça, avec Mams, qui le rendait complètement dingue avec ses hanches en montagne de massepain et ses seins lourds toujours luisants.

    Pour autant, je ne crois pas qu’il nous détestait. Mais le seul fait de nous voir courir devant lui, et parfois simplement de nous entendre, l’irritait à la puissance mille: il mettait des coups de pied dans les chaises, cassait des vases, hurlait, puis se taillait pendant des heures on n’a jamais su où.

    Pauvre Paps."

    Ce que j'en pense :

    Dans ce drôle de roman le lecteur est entrainé dans du burlesque, du poétique, du fantastique, du politique… C’est parfois complètement déjanté à la manière d’un conte utopiste vu à travers les yeux de l’enfance. On peut aussi penser à la traversée des déserts, mythe biblique, recherche d’une nouvelle vie. Et si c’était cela l’avenir de notre planète : revenir à du petit, du local, retrouver une vraie citoyenneté ?

    Pense aux pierres sous tes pas

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  • L'enfant qui

    "L'enfant qui" de Jeanne Benameur - actes sud

    Présentation de l'éditeur :

    Trois trajectoires, trois personnages mis en mouvement par la disparition d'une femme, à la fois énigme et clé. L'enfant marche dans la forêt, adossé à l'absence de sa mère. Il apprend peu à peu à porter son héritage de mystère et de liberté. Avec un chien pour guide, il découvre des lieux inconnus. A chaque lieu, une expérience nouvelle. Jusqu'à la maison de l'à-pic. Le père, menuisier du village, délaisse le chemin familier du Café à la maison vide. En quête d'une autre forme d'affranchissement, il cherche à délivrer son corps des rets du désir et de la mémoire. Et puis il y a la grand-mère, qui fait la tournée des fermes voisines, dont le parcours encercle et embrasse le passé comme les possibles. Porté par la puissance de l'imaginaire, L'Enfant qui raconte l'invention de soi, et se déploie, sensuel et concret, en osmose avec le paysage et les élans des corps, pour mieux tutoyer l'envol.

    Première page :

    "Dans ta tête d’enfant, il y a de brusques ciels clairs arrachés à une peine lente, basse, impénétrable. Ta mère a disparu. Elle avait beau ne jamais être complètement là, c’est à son odeur, à sa chaleur, à ses mains silencieuses que tu prenais appui pour sentir que tu existais vraiment. Maintenant tu te tiens comme tu peux. Sur une crête. D’un côté, les cris du père. De l’autre, le silence. Abrupt. Toute ta vie désormais au bord de quelque chose qui n’a pas de nom. Dans le monde, ta place s’est réduite. Est-ce qu’elle va s’amenuiser encore? Faudra-t-il pour y tenir que tu te réduises juste à un point? À un trait? Tu ne connais pas encore les peintures des maîtres chinois, l’encre déposée par le pinceau, à peine une trace, et le vide. Si tu les connaissais, tu sau - rais que maintenant, c’est toi. Mais il y a ton corps. Même si tu t’apprends à respirer en laissant le moins d’air possible entrer entre tes côtes. Tous tes os sont là…."

    Ce que j'en pense :

    J’aime beaucoup les livres de Jeanne Benameur mais pour celui-ci je suis un peu réservé. L’écriture est toujours aussi magnifique mais elle ne me touche pas vraiment… comme si la forme prenait le pas sur le fond, l’impression de lire presque du Bobin sans beaucoup d’émotion. Et pourtant les premières pages m’avaient mis en bel appétit !

    L'enfant qui

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  • Sous l'aile noire des rapaces

    "Sous l'aile noire des rapaces" de Pierre Siniac - Rivages noir

    Présentation de l'éditeur :

    Juin 1940. Les Allemands avancent sur Paris. Les ministères ont quitté la capitale et la Banque de France a évacué ses réserves d'or. Mais, par une erreur de libellé sur un bordereau, deux tonnes d'or sont restées dans une chambre forte de Saint-Ouen. Il faut trouver un fourgon blindé et les évacuer en toute hâte. Deux tonnes d'or en balade sur les routes bloquées par l'exode des populations, bombardées et mitraillées par l'aviation ennemie, c'est le coup rêvé pour une bande d'aventuriers qui veulent profiter de la débâcle pour prendre un nouveau départ, quitte à mener leur propre guerre à côté de l'officielle. Mais la mort n'oublie personne... Entre Les douze salopards, Le salaire de la peur et Le bon, la brute et le truand, un grand roman d'aventures et de suspense. Sous l'aile noire des rapaces a été publié en 1975 par les éditions Lattès sous le titre L'Or des Fous.

    Première page :

    "Aberschweiller

    Vingt-quatre heures d'attente dans l'appartement obscur. Une nappe de silence avait envahi peu à peu l'immeuble. L'oreille collée à la porte du palier, son revolver Mauser 7,65 mm au poing, Aberschweiller avait perçu les bruits accompagnant chaque départ : défilés dans l'escalier, familles encombrées de bagages, adieux entre locataires. La réplique de ce qui se passait dans l'immeuble était visible sur les façades d'en face où, en quarante-huit heures, les neuf dixièmes des persiennes s'étaient fermées, en plein jour, pour ne plus bouger.

    Le 4 juin, une autre tragédie en toile de fond, les ennuis avaient commencé pour Aberschweiller. Le fait d'avoir été quelque peu mêlé à l'affaire Weidmann et d'avoir tiré habilement son épingle du jeu avait enhardi l'ancien catcheur sarrois. Weidmann, il avait été à deux doigts de marcher avec lui. Il avait trempé dans des combines de contrebande de tabac en Sarre où il s'était lié avec le receleur Roger Million. Il avait même été plusieurs fois des partouzes de La Voulzie. Puis, entre 38 et le printemps 40, il s'était mis à faire ses petits coups en solo."

    Ce que j'en pense :

    On est loin des meilleurs livres de Siniac. On a l’impression d’être plutôt dans « La grande vadrouille » que dans un roman noir. Rien de réaliste dans ce roman, malgré un regard parfois original sur l’exode de l’été 1940. Les péripéties ne manquent pas, il n’y a même que cela ! Reste toutefois l’anarchisme rampant de Siniac qui transparait dans ces aventures.

    Sous l'aile noire des rapaces

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