• Aux animaux la guerre

    "Aux animaux la guerre" de Nicolas Mathieu - Babel noir

    Présentation de l'éditeur :

    Une usine qui ferme dans les Vosges, tout le monde s'en fout. Une centaine de types qui se retrouvent sur le carreau, chômage, RSA, le petit dernier qui n'ira pas en colo cet été, un ou deux reportages au 19/20 régional et puis basta. Sauf que les usines sont pleines de types dangereux qui n'ont plus rien à perdre. Comme Martel, le syndicaliste qui planque ses tatouages, ou Bruce, le bodybuilder sous stéroïdes. Des types qui ont du temps et la mauvaise idée de kidnapper une fille sur les trottoirs de Strasbourg pour la revendre à deux caïds qui font la pluie et le beau temps entre Epinal et Nancy. Une fille, un Colt 45, la neige, à partir de là, tout s'enchaîne. Aux animaux la guerre, c'est le roman noir du déclassement, des petits Blancs qui savent désormais que leurs mômes ne feront pas mieux et qui vomissent d'un même mouvement les patrons, les Arabes, les riches, les assistés, la terre entière. C'est l'histoire d'un monde qui finit. Avec une fille, un Colt .45, la neige.

    Première page :

    "Cet automne-là, on tuait en plein jour. En pleine rue. En toute bonne foi.

    Le centre d'Oran était tout barbouillé de slogans. Trois lettres majuscules résonnaient sur les murs jaunis, suscitant l'espoir ou bien la peur, selon qu'on voulait rester ou les voir partir. Comme si la guerre faisait de la réclame.

    Le fond de l'air était chargé d'une perpétuelle odeur de bois brûlé. Les jeunes filles ne se promenaient plus, bras dessus bras dessous, affriolantes et farouches sur les boulevards ascendants. Les beaux bruns en mocassins avaient rangé leurs sourires. Ils lisaient les journaux et affichaient des mines butées aux terrasses des cafés.

    Dans les quartiers européens, on dormait mal et la chaleur n'avait rien à y voir. Sous les oreillers, des pères inquiets planquaient des revolvers d'avant-guerre. Les grands-mères mêmes, hagardes et venimeuses, se préparaient à tuer ou mourir.

    Oran était une monstrueuse pièce montée, un imbroglio de monuments pompeux et de rues étroites où la peur et la haine coulaient comme des oueds au printemps.

    Quand tombait le soir, on s'attardait encore sur les places, à l'ombre des figuiers, pour jouer aux cartes ou boire une anisette en bavardant. Mais déjà, plus personne ne croyait à cette douceur de vivre. Les hommes avaient perdu le rythme. Leur ton était bas, leurs gestes plus mesurés. Ils passaient sur leurs nuques des mouchoirs brûlants, s'épongeaient avec lassitude. La blancheur n'existait plus. Les draps, les chemises, les jupons avaient un air continuellement malpropre…"

    Ce que j'en pense :

    J'avais déjà lu ce livre à sa sortie en juin 2015. Je n'ai pas lu le livre de Nicolas Mathieu qui a obtenu le prix Goncourt : "Leurs enfants après eux" et je n'ai pas non plus vu la série télévisée produite à partir de "Aux animaux la guerre". Je rejoins complètement la critique que j'avais faite en 2015 :  L'intrigue est maîtrisée, les personnages (nombreux) sont bien campés, l'environnement social et la région des Vosges sont présents… C'est donc un bon premier roman. Mais ce livre n'arrive pas à la hauteur des romans de Pierre Pelot, Vosgien comme Nicolas Mathieu. Il me reste à lire son dernier roman "Leurs enfants après eux".

    Aux animaux la guerre

    Aux animaux la guerre

     

     

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  • Lait et miel

     "Lait et miel" de Rupi Kaur - Charleston

    Présentation de l'éditeur :

    voici le voyage d'une
    survie grâce à la poésie
    voici mes larmes, ma sueur et mon sang
    de vingt et un ans
    voici mon coeur
    dans tes mains
    voici la blessure
    l'amour
    la rupture
    la guérison
    "Le premier livre de Rupi Kaur, lait et miel, est un recueil poétique que toutes les femmes devraient avoir sur leur table de nuit ou la table basse de leur salon. Accompagnés de ses propres dessins, ses poèmes, d'une honnêteté et d'une authenticité rares, se lisent comme les expériences collectives et quotidiennes d'une femme du XXIe siècle."
    Erin Spencer, Huffington Post US

    Extrait :

    le premier garçon qui m'a embrassée

    tenait mes épaules

    comme le guidon

    de la première bicyclette

    qu'il ait jamais conduite

    j'avais cinq ans

     

    il avait l'odeur de

    l'être affamé sur ses lèvres

    une odeur rappelant son père

    se repaissant de sa mère à 4 heures du matin

     

    il était le premier garçon

    à m’apprendre que mon corps était

    à donner à ceux qui le voulaient

    et que je ne pouvais pas

    ne pas me sentir pleine

     

    et mon dieu

    je me suis sentie

    aussi vide que sa mère à 4 heures 25 du matin

    Ce que j'en pense :

    C’est un recueil de poésie que l’on qualifie souvent de « féministe ». Est-ce à dire que les hommes n’y auraient pas accès ? J’ai été très sensible à cette écriture simple, directe, incisive. L’émotion est souvent très forte à la lecture des poèmes les plus courts, souvent associés à des dessins « coups de poings ». Tous les textes n’ont pas la même force, certains peuvent paraître même un peu insignifiants (ceux qui ressemblent à des aphorismes « passe-partout »), c’est souvent le cas pour ce genre de textes qui ont eu du succès d’abord sur les réseaux sociaux.

    Lait et miel

    Lait et miel

     

     

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  • Que nos vies aient l'air d'un film parfait

    "Que nos vies aient l'air d'un film parfait" de Carole Fives - Points

    Présentation de l'éditeur :

    T'as huit ans, Tom. Tes parents, pleins de larmes en dedans, s'entre-déchirent et divorcent. Même la grande sœur qui t'adore a lâché ta petite main. Prise au piège d'une machination d'adultes, elle a sacrifié votre enfance complice. Plus forte que la séparation, la voix libératrice de ton aînée tente d'inverser les pôles magnétiques pour te reconquérir. Puisse son chant d'amour te parvenir.

    Première page :

    "C'était Pâques, c'étaient les vacances et tes parents t'avaient emmené au bord de la mer, Harde-lot sûrement, une station de ce genre. Les plages se ressemblent toutes tellement là-bas, les hôtels et les gens aussi, tout le monde finit par s'y confondre. Parce qu'il n'y a que la mer, toujours la même mer immense qui t'avale et te recrache sur ses dunes de sable. Disons que tu étais à Hardelot, afin de prendre le bon air. Il fallait que tu prennes le bon air et surtout que tu puisses courir sur la plage et crier, vraiment crier, une fois que tu aurais entendu ce que tes parents avaient à te dire.

    Ta mère pleurait, comme à son habitude, jusque-là tu n'étais pas tellement désorienté et tu continuais à chercher tes œufs de Pâques dans la chambre d'hôtel. Sous la penderie ? Dans la petite poubelle de la salle de bains ? Juste derrière les rideaux gris assortis à la marine suspendue au-dessus du lit ? Tu cherchais, petit frère, tu cherchais.

    Le père a commencé, « Nous avons quelque chose à vous annoncer ». Ça t'a glacé d'un coup."

    Ce que j'en pense :

    Un divorce des années 80 qui laisse la parole aux parents et aux enfants (surtout à la grande sœur). C’est bien construit, agréable à lire mais, au final, un peu décevant lorsqu’on vient de lire l'excellent dernier roman de l’auteure (« tenir jusqu’à l’aube »), sans doute parce que j’en attendais trop.

    Que nos vies aient l'air d'un film parfait

    Que nos vies aient l'air d'un film parfait

     

     

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  • Le dynamiteur

    "Le dynamiteur" de Henning Mankell - Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    1911. Oskar Johansson a 23 ans. Dynamiteur, il participe au percement d’un tunnel ferroviaire et manipule des explosifs pour fragmenter la roche. Mutilé à la suite d'un grave accident du travail, il reprendra pourtant son ancien métier, se mariera, aura trois enfants, adhérera aux idéaux socialistes puis communistes. Au soir de sa vie, il partagera son temps entre la ville et un cabanon de fortune sur une île aux confins de l’archipel suédois.Un mystérieux narrateur recueille la parole de cet homme de peu de mots, qui aura vécu en lisière de la grande histoire, à laquelle il aura pourtant contribué, à sa manière humble et digne.Ce premier roman de Henning Mankell, écrit à 25 ans, et inédit en France à ce jour, se veut un hommage vibrant à la classe ouvrière, à ces millions d’anonymes qui ont bâti le modèle suédois. Par son dépouillement, sa beauté austère, son émotion pudique, Le Dynamiteur contient en germe toute l’œuvre à venir de Mankell, sa tonalité solitaire, discrète, marquée à la fois par une mélancolie profonde et une confiance inébranlable dans l’individu.

    Première page :

    "- Bordel, pourquoi ça ne pète pas ?

    Norstrôm trépignait rageusement du pied gauche. Il s'était empêtré dans une bobine de fil de fer qui traînait parmi les éclats de roche. Il trépignait du pied gauche et le fil de fer se lovait autour de son godillot toujours plus haut sur sa jambe. Il aurait facilement pu se pencher et, en tirant dessus avec la main, d'un seul coup sec s'en débarrasser.

    Mais Norstrôm ne se pencha pas. Il continua à trépigner rageusement du pied. Il transpirait. Sa chemise de flanelle grise déboutonnée très bas sur son ventre débordant absorbait sa sueur qui sentait la peau aigre et sale.

    Norstrôm était contremaître. Ce samedi après-midi de la mi-juin, le chantier à découvert fumait sous la chaleur écrasante. Norstrôm dirigeait le dynamitage de tunnels pour la ligne de chemin de fer. Elle devait passer à double voie, et pour cela il fallait trois nouveaux tunnels. On travaillait à présent à celui du milieu…"

    Ce que j'en pense :

    C’est intéressant de découvrir les premiers pas de Mankell en littérature. On retrouve dans ce premier roman les « obsessions » de l’auteur : les personnages silencieux, l’attirance pour les iles, la mer, la façon de jouer avec la mémoire, les souvenirs, l’engagement pour une société plus juste. Évidemment il y a aussi les défauts du jeune auteur qui veut, comme c’était la mode à l’époque, déconstruire le récit, mêler les types de narration… et tout cela ne parait pas très bien maîtrisé.

    Le dynamiteur

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  • Mon frère, ma princesse

    "Mon frère, ma princesse" de Catherine Zambon - L'école des loisirs

    Présentation de l'éditeur :

    Alyan est un petit garçon. Pourtant il préférerait être une princesse ou une fée, avoir des cheveux longs et des vêtements roses. Sa mère s’inquiète, son père ne voit rien. À l’école, on se moque de lui, on l’insulte, on le frappe. Il essaie de s’échapper en faisant de la magie, mais ça ne marche pas toujours. Seule sa sœur Nina est consciente de son chagrin. Elle est décidée à le défendre envers et contre tous. Jusqu’où ira-t-elle pour protéger son frère ?

    Extrait :

    "ALYAN : Pourquoi t’es une fille ?
    NINA : Je ne sais pas.
    ALYAN : Pourquoi tu sais pas ? Qui choisit alors ?
    NINA : Moi. C’est moi qui ai choisi.
    ALYAN : T’as eu le droit de choisir, toi ?
    NINA : Je me suis concentrée, j’ai fait l’imagination et ça a marché.
    ALYAN : C’est quoi la magination ?

    NINA : L’imagination. C’est comme la poésie. C’est un pays où tu fais tout ce que tu veux et où personne vient t’embêter. Surtout pas ton petit frère. (Un temps) OK. Si tu veux savoir comment on fait des bébé tu demandes à maman, à papa, à Mamie Loupiotte, à la maitresse, au père Noël, à Miss France, à qui tu veux, mais pas à moi, c’st un truc que je ne peux pas t’expliquer, moi."

    Ce que  j'en pense :

    Ce texte aborde des sujets importants : la sexualité, les agressions sexuelles. Qu’est-ce que la norme ? Comment vivre et accepter la différence ? Les scènes sont rapides et très remuantes. C’est écrit avec beaucoup de poésie. Voilà une belle pièce de théâtre pour la jeunesse en faveur de la tolérance.

    Mon frère, ma princesse

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  • Sous les branches de l'udala

    "Sous les branches de l'udala" de Chinelo Okparanta - Belfond

    Présentation de l'éditeur :

    Dans la lignée d'Imbolo Mbue et de Chimamanda Ngozi Adichie, la découverte coup de cœur d'une voix puissante et singulière. Nommé pour de nombreux prix littéraires, porté par une atmosphère foisonnante où se bousculent les sensations, un roman bouleversant de courage sur la quête de soi, le poids dévastateur de la religion et des traditions, et la force éperdue de l'amour. 
    1968. Le Nigeria et la jeune république du Biafra se déchirent, les conflits interethniques sont chaque jour plus meurtriers, la population sombre peu à peu dans le désespoir. 
    Au cœur de cet océan de violence, la jeune Ijeoma tombe amoureuse d'Amina. 
    La relation des deux adolescentes est rapidement découverte et tous, mères, pères, voisins, amis, se chargent de leur rappeler qu'aux yeux de Dieu et de la loi, leur amour est criminel. 
    Pour Ijeoma, un choix se dessine alors : se cacher et suivre ses désirs ; ou s'oublier et jouer le rôle que la société lui impose. 
    Une existence prisonnière du mensonge, est-ce la seule issue qui s'offre à Ijeoma ?

    Première page :

    "A mi-chemin entre Old Oba-Nnewi Road et New Oba-Nnewi Road, dans cette zone vague que délimitent l'église du village et l'école primaire, là où s'arrête Mmiri John Road pour mieux repartir ensuite, là s'élevait notre maison d'Ojoto. C'était un bâtiment jaune à étage, construit le long du chemin de terre poussiéreux juste au sud de la rivière John, où la mère de papa avait failli se noyer quand elle était petite, à une époque où les gens allaient encore laver leur linge sur les berges pierreuses.

    Notre propriété était fermée par une clôture, et la barrière en était gardée par des buissons de roses et des bouquets d'hibiscus. Menant à cette barrière, de part et d'autre de la clôture, deux haies que mouchetaient abondamment de rose les minuscules fleurs d'ixora en forme d'étoiles. Côté route, les vendeurs ambulants s'alignaient le long de notre haie parmi des arbres chargés de fruits : oranges, goyaves, noix de cajou, mangues. Dans les clairières qui plus loin bordaient la route, là où les buissons prenaient des airs de forêt, d'autres arbres s'élevaient : immenses irokos, pins murmurants et, ici et là, cocotiers et palmiers à huile. Il fallait lever la tête pour en voir la cime, tant arbres et buissons étaient hauts.

    A la saison de l'harmattan, les vents du Sahara soufflaient, soulevant des trombes de poussière…"

    Ce que j'en pense :

    L’auteure nous raconte l’histoire d’une femme qui aime les femmes dans un pays (le Nigéria) où l’on peut se faire lapider pour cela. C’est un récit assez fort, entrecoupé de prières, de récits bibliques, d’histoires, de proverbes, de sentences. Mais l’écriture m’a déçu (est-ce du à  la traduction ?). Après avoir lu une de ses nouvelles parues dans « Snapshots, Nouvelles voix du Caine Prize »( chez Zulma), je m’attendais à une écriture plus percutante.

    Sous les branches de l'udala

    Sous les branches de l'udala

     

     

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