• Snapshots - Nouvelles voix du Caine Prize

    "Snapshots - Nouvelles voix du Caine Prize - Zulma

    Présentation de l'éditeur :

    Cette sélection de six longues nouvelles saluées par le Caine Prize pour la littérature anglophone d’Afrique – émanation du fameux Booker Prize – nous démontre superbement l’originalité et la puissance d’invention de cette toute jeune génération d’écrivains. À commencer par NoViolet Bulawayo, qui nous bouscule sans retenue avec son saisissant Snapshots, où tout du long, l’auteur interpelle son héroïne. Une petite fille au départ d’une vie déshéritée, entre un père bronchiteux qui fume sa mort, une mère esclave colérique, ses frères et sœurs qui iront l’un après l’autre tenter la malchance funeste de l’autre côté de la frontière, en Afrique du Sud. La fillette grandit comme un brin d’ivraie épargnée par la faux, vend des œufs durs au chaland quand naissent ses petits seins « à la coque à l’amour ». « Tu as quatorze ans et demi quand tu rencontres Givemore sur Main Street. » Celle que Givemore appelle Sunrise au matin de leur rencontre et Sunset le soir venu ne connaîtra pas l’âge adulte. Mais irrésistiblement contée dans une langue parlée des plus accomplies, son histoire lamentable devient pour nous emblématique du désastre humanitaire au Zimbabwe comme dans tout le « Tiers-Monde », alors que l’immense énergie opprimée de la jeunesse ne demande qu’à inventer l’avenir.
    Tous ces auteurs ont en partage des thématiques les plus actuelles, dans des zones d’urbanisation éruptives où règnent violence, misère et corruption, mais aussi les plus folles espérances. Trempée dans les réalités mutantes des grandes cités, cette langue anglaise postcoloniale devient un extraordinaire espace de métamorphose des imaginaires et des sensibilités.

    Première page :

    "Un matin ta mère plonge la main dans le soutif qu'elle a quémandé à sa sœur Noma trois ans plus tôt, et elle en sort un billet de vingt. Elle cache toujours son argent dans son soutif pour que ton retraité de père n'aille pas mettre la main dessus pour t'envoyer à la boutique lui acheter deux paquets de cigarettes Kingsgate et ensuite empester le tabac toute la sainte journée (il fume trop). Ta mère te donne le billet de vingt et un sac plastique de chez TM Hyper et te dit, Toi, va voir Maplanka et achète-moi un-pain-blanc-et-demi-avec-une-pinte-de-chimombe.

    Tu enfiles vite fait tes pata-patas jaunes (qui depuis un moment sont un peu lâches parce que ton père s'acharne quelquefois à y enfoncer ses grands pieds) et tu traces ta route pata-pata jusqu'à la boutique de Maplanka. Il te faut à peu près onze minutes, sept si on te dit de te grouiller d'un ton qui rigole pas, et seulement cinq et demi si c'est ta mère qui t'envoie. Sur le chemin tu croises Namgcobha, la vieille toute courbée qui habite dans la cahute minuscule au bout du pâté de maisons."

    Ce que j'en pense :

    Ces nouvelles sont des découvertes littéraires d’une génération d’écrivains africains anglophones bourrés de talent. On les reçoit comme de véritables coups de poing, tant au niveau des thèmes (très variés) que de l’écriture. Bravo aux éditions Zulma pour cette initiative. On a envie de découvrir d’autres livres de ces jeunes auteur(e)s.

    Snapshots - Nouvelles voix du Caine Prize

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  • Mes soirs sans tweet

    "Mes soirs sans tweet" de Jean Bernard Pouy - Folies d'encre

    Présentation de l'éditeur :

    En 2008, dans Mes soixante huîtres, le repas dominical se terminait par un parricide symbolique de "l'ex-soixante-huitard-attardé". En 2018, autour de la blanquette, "ça ne crie plus, ça oublie les noms d'oiseaux, et ça parle encore moins, et ça sent l'huile essentielle". Non, la descendance pianote sur le Smart-phone. Mais le soixante-huitard est de moins en moins attardé, il s'est offert un Iphone, a musclé ses pouces, est devenu l'Art Tatum du smartfaune. Alors, par portables interposés, s'engage une conversation qui commence par : #JeSuisPapa : Je trouve que la blanquette, maman l'a vraiment réussie. Non ? Macron, lui, adorerait. Et vous ? Mais ceci n'est que le début, continuons le repas, les tweets, le combat !

    Première page :

    "Ça y est ! Cinquante balais ! Les nuits bleues parisiennes, la France en grève quasi générale, les rues pleines de gens rieurs, aimez-vous les uns sur les autres, ça fait cinquante ans, un demi-siècle. Et c'est quoi, cinquante ans ? L'espérance de vie en 1900 ? La ménopause, l'andropause ? La France en Marche ?

    2001 l'Odyssée de l'Espace, ça fait cinquante ans, bordel...

    Il n'y avait pas encore de TGV... Et surtout, il y a cinquante ans, pas encore de Smartphones. La troisième révolution (sic) industrielle n'avait pas commencé.

    A table, le dimanche, ça s'engueulait…"

    Ce que j'en pense :

    C’est un jeu, une pochade de la part d’un anar libertaire qui ne se prend pas au sérieux. Et ça marche ! La critique sociale est bien présente et on se marre. Pour moi c’est typiquement un livre qui fait du bien (rien à voir avec un livre « feel good »). C'est court mais c'est bon.

    Mes soirs sans tweet

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  • Je n'ai pas toujours été un vieux con

    "Je n'ai pas toujours été un vieux con" de Alexandre Feraga - J'ai lu

    Présentation de l'éditeur :

    «Je n'ai pas toujours été un vieil homme dépendant. Lorsque l'on nous voit pour la première fois, nous les ancêtres, les croulants, les débris, les soixante-dix-huit tours, on nous aborde ridés, arthritiques et séniles. Il devient impensable que le papy amarré à son lit d'hôpital ait pu un jour envoyer une saloperie de balle de golf avec un balancement souple du tronc.» Léon, armé de son humour, refuse de se laisser écraser par les outrages de la vieillesse. Amateur de coups tordus, il est encore prêt à jouer un dernier tour à tous ceux qui croient qu'un vieux, ce n'est jamais qu'un... vieux. 

    Première page :

    "Je n'ai pas toujours été un vieil homme dépendant. On ne s'imagine pas assez tout ce qu'un corps peut traverser dans une vie, surtout quand les canons sont muets. Lorsque l'on nous voit pour la première fois, nous les ancêtres, les croulants, les débris, les soixante-dix-huit tours, on nous aborde ridés, édentés, arthritiques et séniles. Usés en somme. Il est presque impossible de croire que nos vieilles cellules ont eu leur chance. Nous aurions toujours vécu dans cet état comme par magie, nous aurions toujours été baignés de lumière crépusculaire. Il devient impensable que le papy amarré à son lit d'hôpital ait pu un jour envoyer une saloperie de balle de golf avec un balancement souple du tronc. Un vieux est un vieux, point à la ligne.

    L'infirmière qui en ce moment lave ma verge est à mille lieues de penser à des aventures lubriques. Elle se dit qu'elle tient une trompe flasque, un objet asexué tout juste bon à remplir un slip. Je ne lui en veux pas et ne possède de toute façon plus d'arguments visibles pour lui prouver le contraire. J'aurais bien envie de lui narrer mes exploits passés, non par fierté,…"

    Ce que j'en pense :

    Le titre est intéressant, le reste du livre un peu moins. On le lit sans difficulté mais avec l’impression que tout cela manque de quelque chose. Le personnage principal n’est pas sympathique, on a du mal à s’y attacher. Les allers-retours entre présent et passé finissent par lasser.

    Je n'ai pas toujours été un vieux con

     

     

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  • Un œil en moins

    "Un oeil en moins" de Nathalie Quintane - POL

    Présentation de l'éditeur :

    «Bergen, Berlin, Rio, Paris – et la province française. Des gens s’assemblent, discutent, écrivent sur des murs, certains tapent dans des vitrines. 
    En échange, on leur tape dessus, on les convoque au tribunal et, à l’occasion, on leur ôte un œil. 
    C’est la vie démocratique. 
    Alors, je me suis dit : Tiens, et si, pour une fois, je sortais un pavé?»

    Première page :

    "Nous apportons des dessins de presse imprimés en noir et blanc sur des pages A4 représentant des hommes politiques du moment : Emmanuel Macron, Emmanuel Valls, François Hollande, Monsieur Gattaz.

    Ils sont étalés sur la table.

    Nous les soulevons, nous les regardons, nous les déplaçons, la définition n’est pas très bonne.

    Nous nous proposons d’en tirer deux cents. Quelqu’un a tiré deux cents tracts dans une diff. précédente.

    Sans doute faut-il d’abord décider ce que nous allons en faire, où les distribuer, pendant combien de temps, en parlant ou en se taisant, sous des masques ou notre visage ?

    Au bout de la table sont posés deux pages format A4 sur lesquelles on a imprimé le nom de notre mouvement, la date, l’heure, et le lieu où il se tient deux fois par semaine…"

    Ce que j'en pense :

    C’est une chronique de ce qui a pu se passer autour de « Nuit debout », avec des choses le plus souvent banales afin de montrer comment s’imbriquent politique et quotidien. Cela est souvent très fort mais il y a parfois (rarement) un côté « militant dans l’entre-soi » assez horripilant. L’ensemble est plaisant et enrichissant.

    Un œil en moins

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  • En nous beaucoup d'hommes respirent

    "En nous beaucoup d'hommes respirent" de Marie-Aude Murail - L'Iconoclaste

    Présentation de l'éditeur :

    Des albums photo, des menus de mariage, des images de communion, des dents de lait, des documents administratifs, des centaines de lettres, des journaux intimes… Voilà le trésor que Marie-Aude découvre en vidant la maison de ses parents. En ouvrant les boites à archives, les morts se réaniment. Devant elle se déroule ce grand roman familial. C’est l’histoire des Murail qui se dessine. Mais plus encore, celle de toute famille française. En nous beaucoup d’hommes respirent est une enquête intime. Une plongée dans un récit familial, à la fois commun et singulier.

    Première page :

    "J'oublie mes romans, à peine les ai-je écrits. J'ai même tendance ces derniers temps à oublier que je suis écrivain. Si l'inspiration est ce qu'en dit Jules Renard, « rien d'autre que la joie d'écrire », j'ai perdu l'inspiration. À défaut, j'ai un carnet de citations que je rouvre chaque fois que je veux en faire une, parce que j'ai oublié de qui elle est. À tout hasard, je dis qu'elle est de Jules Renard.

    La cousine Colette était un inépuisable répertoire de blagues. La dernière fois que je l'ai vue, elle en était réduite à chercher ses mots et, quand nous nous sommes séparées, je l'ai regardée s'éloigner, toute grêle, à demi chancelante au milieu des projectiles humains que sont les voyageurs dans le hall de la gare de l'Est. Non, du Nord. Ou Saint-Lazare ? Bon, une gare. Je n'éprouve pas pour ma part les symptômes précurseurs de la maladie d'Alzheimer, mais j'ai l'impression que le matériau psychique qui me constitue, au lieu de s’épaissir au fil des années, s’est aminci au point que je ne suis plus qu’un trait dans l’azur."

    Ce que j'en pense :

    Ce n’est pas un roman, c’est à la fois des histoires d’amour, des réflexions sur la filiation et aussi sur l’écriture. Ce récit fait la part belle aux écrits de plusieurs membres de la famille de Marie-Aude Murail. Cela pourrait paraître parfois décousu ou un peu difficile à suivre mais il y a régulièrement des passages très forts qui nous font continuer la lecture avec plaisir.

    En nous beaucoup d'hommes respirent

    En nous beaucoup d'hommes respirent

     

     

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  • Changer l'eau des fleurs

    "Changer l'eau des fleurs" de Valérie Perrin - Albin Michel

    Présentation de l'éditeur :

    Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués viennent se réchauffer dans sa loge où rires et larmes se mélangent au café qu’elle leur offre. Son quotidien est rythmé par leurs confidences. Un jour, parce qu’un homme et une femme ont décidé de reposer ensemble dans son carré de terre, tout bascule. Des liens qui unissent vivants et morts sont exhumés, et certaines âmes que l’on croyait noires, se révèlent lumineuses.
    Après l’émotion et le succès des Oubliés du dimanche, Valérie Perrin nous fait partager l’histoire intense d’une femme qui, malgré les épreuves, croit obstinément au bonheur. Avec ce talent si rare de rendre l’ordinaire exceptionnel, Valérie Perrin crée autour de cette fée du quotidien un monde plein de poésie et d’humanité.

    Un hymne au merveilleux des choses simples.

    Première page :

    "Un seul être nous manque et tout est dépeuplé.

    Mes voisins de palier n'ont pas froid aux yeux. Ils n'ont pas de soucis, ne tombent pas amoureux, ne se rongent pas les ongles, ne croient pas au hasard, ne font pas de promesses, de bruit, n'ont pas de sécurité sociale, ne pleurent pas, ne cherchent pas leurs clés, leurs lunettes, la télécommande, leurs enfants, le bonheur.

    Ils ne lisent pas, ne payent pas d'impôts, ne font pas de régime, n'ont pas de préférences, ne changent pas d'avis, ne font pas leur lit, ne fument pas, ne font pas de listes, ne tournent pas sept fois leur langue dans la bouche avant de parler. Ils n'ont pas de remplaçants.

    Ils ne sont pas lèche-cul, ambitieux, rancuniers, coquets, mesquins, généreux, jaloux, négligés, propres, sublimes, drôles, accros, radins, souriants, malins, violents, amoureux, râleurs, hypocrites, doux, durs, mous, méchants, menteurs, voleurs, joueurs, courageux, feignants, croyants, vicelards, optimistes.

    Ils sont morts.

    La seule différence entre eux, c'est le bois de leur cercueil : chêne, pin ou acajou."

    Ce que j'en pense :

    Lorsque l'on a fini ce roman, on se demande comment en parler, comment traduire en mots les émotions que l’on a eu en le lisant. C'est une très belle histoire pleine d’humanité, avec des drames, des rencontres, de l’humour (juste ce qu’il faut). Le lecteur passe d’un lieu à un autre, d’une époque à une autre, d’un personnage à l’autre sans être perdu. Bien sûr il y a quelques petits défauts (autour du jardinage par exemple) et certains personnages sont moins crédibles que d’autres…mais… il y a un Gabriel qui pleure en regardant « Sur la route de Madison » !

    Changer l'eau des fleurs

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