• Trois fois la fin du monde

    "Trois fois la fin du monde" de Sophie Divry - Notabilia

    Présentation de l'éditeur :

    Après un braquage avec son frère qui se termine mal, Joseph Kamal est jeté en prison. Gardes et détenus rivalisent de brutalité, le jeune homme doit courber la tête et s’adapter. Il voudrait que ce cauchemar s’arrête. Une explosion nucléaire lui permet d’échapper à cet enfer. Joseph se cache dans la zone interdite. Poussé par un désir de solitude absolue, il s’installe dans une ferme désertée. Là, le temps s’arrête, il se construit une nouvelle vie avec un mouton et un chat, au cœur d’une nature qui le fascine.

    Trois fois la fin du monde est une expérience de pensée, une ode envoûtante à la nature, l’histoire revisitée d’un Robinson Crusoé plongé jusqu’à la folie dans son îlot mental. L’écriture d’une force poétique remarquable, une tension permanente et une justesse psychologique saisissante rendent ce roman crépusculaire impressionnant de maîtrise.

    Première page :

    "Ils ont tué mon frère. Ils l'ont tué devant la bijouterie parce qu'il portait une arme et qu'il leur tirait dessus. Ils n'ont pas fait les sommations réglementaires, j'ai répété ça pendant toute la garde à vue. Vous n'avez pas fait les trois sommations, salopards, crevards, assassins. Les flics ne me touchent pas. à quoi bon, ils savent que je vais en prendre pour vingt ans pour complicité. Moi j'attendais dans la voiture volée. Quand j'ai vu la bleusaille, il était trop tard pour démarrer, ils se sont jetés sur moi, m'ont plaqué à terre. C'est de là que j'ai vu la scène, rien de pire ne pouvait m'arriver : Tonio tué sous mes yeux. Mais pourquoi ce con a-t-il fait feu ?

    Il était mon dernier lien, ma dernière famille. Notre mère est morte quand on avait vingt ans, on n'a jamais eu de père. Tonio assassiné, je suis désormais seul sur la terre, je n'ai plus d'amis, tous se sont détournés de moi, m d'amantes, j'étais à ce moment-là célibataire, je n'ai plus qu'un immense chagrin qui me déchire, me révolte. J'en veux à mort aux flics, je m'en veux à moi aussi. J'aurais dû empêcher Tonio de faire cette connerie. J'étais sûr que ce braquage était une mauvaise idée, qu'il allait à sa perte. Mais comment est-il fait celui qui laisserait perdre son frère sans prendre le risque de se perdre avec lui ? En ces temps-là, il y avait des frères, on se rendait des services et il y avait des hommes pour vous punir. Voilà pourquoi je me retrouve un soir devant la porte de la prison de F."

    Ce que j'en pense :

    C'est un livre où l'on trouve des moments très forts( surtout dans la partie concernant la prison) et d'autres moments beaucoup moins crédibles (dans la deuxième partie. Le style de l'auteure, mélangeant la narration à la troisième personne et le monologue intérieur est intéressant, même si, pour certains, cela peut paraitre déstabilisant.

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  • La chaleur des mammifères

    "La chaleur des mammifères" de Biz - éditions Leméac

    Présentation de l'éditeur :

    René McKay, cinquante-cinq ans, est prof de littérature à l’université. Fraîchement divorcé de sa femme, Vicky, il a peu de contact avec son fils de vingt ans, Mathieu. Renfrogné, désillusionné, il s’est au long des années isolé du monde. Il ne vit pas, il végète, se contentant de répéter à des étudiants distraits des vérités d’un autre âge, des concepts qui n’allument plus personne.

                Un malheureux séjour en Suède pour prononcer une conférence inepte devant une poignée de blasés est la goutte qui fait déborder le vase. Plus rien de tout ça ne vaut la peine. Fini, l’amour, le sexe ; fini, les illusions, les rêves, les espoirs, l’enthousiasme. Cependant, à son retour, une grève étudiante bat son plein. Et tout est à nouveau possible.

                Dressant un portrait à l’acide du milieu universitaire, Biz n’épargne ni les profs ni les étudiants. Mais il célèbre l’union, la harde, la horde, c’est-à-dire le peuple en mouvement quand il n’agit pas en troupeau.

    Première page :

    "J'ai signé les papiers de divorce d'une main tremblante, j'ai balbutié à Vicky : «Je te souhaite d'être heureuse », et je suis sorti du bureau de l'avocat. Le stylo avait manqué d'encre et j'ai dû terminer ma signature en la gravant sur le papier. Sur le trottoir, j'étais enfin libre mais je ne savais pas quoi faire.

    Sans trop de conviction, j'ai marché vers mon nouveau condo. Le temps était glacial. Les assauts de novembre annonçaient l'imminence d'un hiver éprouvant. Je courbais la tête pour limiter le vent qui s'engouffrait dans mon col. Des feuilles et des déchets tourbillonnaient dans les rues.

    Voilà, c'était fait. J'avais anticipé ce moment depuis des années. Je m'étais imaginé délivré d'un grand poids, mais au lieu de ça, j'étais plutôt écrasé par une sourde mélancolie; un sentiment d'échec diffus et de regrets culpabilisants. A cinquante-cinq ans, divorcé après vingt et un ans de mariage usant, j'allais probablement finir ma vie seul. C'était aussi bien.

    Une étude publiée dans Science a démontré que seulement 9 % des mammifères et 30 % des primates sont monogames. Chez l'humain, la monogamie est une anomalie. Historiquement, elle apparaît dans les sociétés oû le pouvoir se transmet par le sang; la fidélité des couples garantit alors la lignée du géniteur. Mais depuis l'avènement des tests de paternité, le couple monogame n'a plus lieu d'être."

    Ce que j'en pense :

    Un bon roman. Le discours sur les profs, les étudiants et l’université est assez désabusé, parfois cynique, au moins dans la première partie. On s’attend à ce que le personnage principal s’enfonce profondément dans la dépression. Et puis, brusquement (trop brusquement) tout change avec les manifestations étudiantes : notre héro retrouve le plaisir d’enseigner, découvre l’amour…sans que l’on sache vraiment comment cette transformation a été possible. J’ai déjà constaté ce genre de « défaut » dans un  autre de ses romans : « Naufrage »

    La chaleur des mammifères

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  •  "Ces morts heureux et héroïques" de Luke Mogelson - Gallmeister

    Présentation de l'éditeur :

    Un vétéran cherche à reconquérir sa femme et part la retrouver chez ses parents, là où elle s’est réfugiée après qu’il l’a frappée. Une mère célibataire fait de longs trajets pour aller voir son fils en prison – il a tué un homme d’un coup de poing lors d’une permission. Un infirmier de retour de mission élit domicile dans un réduit de l’arsenal de la garde nationale de New York, incapable de rentrer chez lui. Un journaliste raconte sa vie en Afghanistan, entre ironie et désespoir, avant qu’une bombe ne fasse sauter le café dans lequel il se trouve.

    En dix histoires subtilement liées les unes aux autres, Luke Mogelson dépeint les conséquences de la guerre sur les combattants et les civils, et la manière dont la violence subie ou infligée à l’autre bout du monde se répercute jusqu’aux États-Unis.

    Première page :

    "Bill avait été colonel dans l’armée américaine, mais il n’y avait qu’un seul chef dans la famille. Chaque fois que je téléphonais, j’entendais ses murmures maléfiques empoisonner l’oreille de Bill. “Encore ?” disait cette femme, Caroline. Puis la baie vitrée s’ouvrait dans un souffle, se refermait dans un claquement – un repli sur la terrasse – et Bill disait : “Calmez vous” ou “Vous avez été à une réunion aujourd’hui ?” Bill dehors dans la neige, observant les femelles au-dedans, main levée en un geste du type “Je maîtrise la situation”.

    Ça faisait près d’un mois que Lilly habitait chez ses parents, une maison en bord de lac dans le Vermont. Elle était partie après qu’on eut cassé la fenêtre – après que j’eus cassé la fenêtre d’un coup de poing. Ça n’avait pas été beau à voir : les ambulances et la police, les voisins inquiets qui affluaient en robe de chambre. Je l’avais laissée partir. Je savais que Caroline – qui, aujourd’hui encore, j’en suis sûr, reste persuadée que j’ai frappé Lilly – ferait tout ce qu’elle pourrait pour la détourner de moi. Mais je faisais confiance au colonel. Bill avait été soldat en temps de paix – ses vingt ans à lui étaient tombés en plein dans la période idyllique entre Vietnam et Tempête du désert – et dans son esprit, pour une raison ou une autre, il avait contracté une dette dont il ne s’était jamais tout à fait acquitté.

    Il n’y avait pas de réseau à la maison du lac ; chaque fois que j’appelais le fixe, Bill décrochait, disait que Lilly n’était pas prête à me parler."

    Ce que j'en pense :

    10 nouvelles que j’ai trouvées inégales, bien qu’elles tournent toutes autour du même sujet : la guerre et ses séquelles sur l’homme. L’écriture très « particulière » de l’auteur y est sans doute pour quelque chose. Une nouvelle est nettement au dessus du lot, il s’agit de « Visites ». Quelques autres sont intéressantes :"Du bar", "Proche est le port"

     

     

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  • Cold in hand

     

    "Cold in hand" de John Harvey - Rivages/Noir

    Présentation de l'éditeur :

    Le jour de la Saint-Valentin, une confrontation entre gangs rivaux dégénère, et une adolescente est tuée. Lynn Kellogg, collègue et maîtresse de Charlie Resnick, est impliquée dans la fusillade, et le père de la victime l'accuse de s'être servie de sa fille comme d'un bouclier humain. Charlie Resnick tente d'aider sa partenaire à sortir de cette situation, mais il commet plusieurs erreurs. Simultanément, l'enquête que menait Kellogg sur une affaire d'homicide s'enfonce dans une impasse. Les ramifications de cette affaire, beaucoup plus étendues qu'ils le croyaient au départ, plongent Kellogg et Resnick dans un maelstrom de dangers.

    Première page :

    "C'était ce moment étrange, ni jour ni nuit, ni même véritablement le crépuscule, où la lumière commençait à décliner, les phares de quelques automobilistes trop prudents allumant un reflet pâle, fugace, sur la surface luisante de la route, l'itinéraire le plus direct pour regagner la ville. Quelques enseignes au passage : Ezee-Fit, atelier de montage de pneus ; Quality Decking ; Matériaux de Construction de Nottingham ; Mondial Moquette. Et, par intervalles, une petite enfilade de boutiques en retrait de la chaussée : marchands de journaux, fleuristes, traiteurs chinois, bookmakers, vins et spiritueux à prix réduits.

    Lynn Kellogg conduisait une berline banalisée qui tressauta légèrement quand elle rétrograda en troisième, la radio de la police murmurant des petits riens entre deux rafales de parasites. Elle portait un blue-jean et des Timberland éraflées, avec son gilet pare-balles encore attaché sous son anorak de ski rouge et noir, fermeture-éclair baissée.

    Des deux côtés de la rue, des écoliers envahissaient les trottoirs, se bousculant, jouant des coudes, chemises dépenaillées, sac à dos jeté sur l'épaule...

    Ce que j'en pense :

    L'avant dernier polar de la série "Ressnick" est encore une belle réussite. C'est sans doute un livre un peu plus "noir" que d'autres de la série, un livre où Ressnick est plus impliqué personnellement. On retrouve le regard empathique que Harvey porte sur le monde, sur la société. On y découvre surtout une admirable réflexion autour de la mort, du deuil.

    Cold in hand

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