• La naufragée dulac des dents blanches

    "La naufragée du lac des dents blanches" de Patrice Gain - Le mot et le reste

    Présentation de l'éditeur :

    Deux marins, sortis indemnes du naufrage de leur bateau, s’installent pour se ressourcer dans une cabane près d’un lac alpin haut perché. Ils sont accompagnés par Léon, un vieux guide solitaire. Par une nuit glaciale, ils trouveront sur la rive du lac une jeune femme à bout de force. Après avoir fui la barbarie de son pays, Saamiya est désormais à la recherche de sa fille Sahra. Elle trouvera les mots et la force pour leur confier son indicible histoire. Débute alors un incroyable périple qui les conduira jusque dans le Grand Nord Canadien. L’auteur nous embarque au cœur de l’hiver, dans une nature éblouissante et sauvage, pour un voyage extraordinaire avec des personnages attachants, un rien déjantés mais doués pour la vie. Un livre qui se lit d’une traite.

    Première page :

    "Je regardais par la vitre de la camionnette le paysage qui défilait depuis le viaduc de l'autoroute. Sa hauteur était considérable et c'est à peine si j'osais jeter un œil sur le village situe en contrebas. Des falaises grises noyées dans une foret de sapins le bordaient de part et d'autre et fermaient l'horizon. Le ciel était couvert. L'eau de la dernière averse bruissait dans les passages de roues de la voiture et résonnait dans l'habitacle. A cela s'ajoutait le moteur qui ronronnait bruyamment depuis plusieurs heures déjà, lancinant. Mes pensées exploraient sans retenue d'obscurs recoins. Nous roulions vers un nouvel horizon sans savoir en quoi il pourrait nous être profitable. Rouler, regarder, s'évader. Un triptyque souvent efficace mais qui peinait pourtant à se mettre en place. Mes journées, mes songes, tout avait l'humidité poisseuse de l'eau de mer. Je l'avais avalée et vomie. Elle était entrée par les pores de ma peau et circulait probablement encore dans mes veines comme un plasma de substitution qui vous maintient en vie. Sans force, sans envie, mais en vie. Les débris colorés de mon bateau dansaient dans mon esprit une valse désordonnée et obscène devant la demi-coque qui survivait..."

    Ce que j'en pense :

    C'est un assez bon roman d'aventure. On peut s'y laisser prendre car le récit est bien conduit même s'il est parfois cousu de grosses ficelles (il y a toujours quelque chose qui permet de résoudre les problèmes les plus complexes!). Si les personnages sont originaux et bien campés, le narrateur manque singulièrement d'épaisseur. Autre bémol : vocabulaire spécifique employé à outrance pour montrer que l'auteur est compétent et bien documenté sur certains sujets : les bateaux, la mer, la montagne, le Québec...

    La naufragée dulac des dents blanches

     

     

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  • "Celui-là est mon frère" de Marie Barthelet - Buchet-Chastel

    Présentation de l'éditeur :

    Un jeune chef d’état reçoit la visite de son frère tant aimé, disparu dix ans plus tôt. La brève joie des retrouvailles cède très vite la place à l’amertume et à l’indignation : celui qui est revenu a changé. Il est désormais l’Ennemi. À cause de lui, le pays va s’embourber dans une crise sans précédent. 

    Celui-là est mon frère, premier roman de Marie Barthelet, est un véritable conte qui déroule, avec sensibilité, le récit envoûtant d’une affection mortelle.

     

    Première page :

    "En te voyant, j'ai pensé que tu étais revenu pour moi, puis que tu avais vieilli. Je me trompais. Déjà tu souhaitais repartir. Et ce -n'était pas tant que tu avais vieilli, tu étais transformé - défiguré, allais-je dire -par la brûlure d'une foi neuve.

    J'ai aussi cru que je délirais, que mon souper passait mal ou que j'avais trop bu. Mon vin était peut-être empoisonné. Ça n'aurait pas été surprenant : on a toujours quelques raisons d'endormir l'homme qui gouverne. Mais ton nom susurré par tous ceux qui étaient présents a craquelé le silence. J'ai compris que je n'étais pas le seul à te voir. Que c'était vrai. Que c'était toi.

    Toi en lisière de l'arène dessinée par la foule, amaigri, le maillot déchiré, le pantalon crasseux dans le plus pur style du laissé-pour-compte… "

    Ce que j'en pense :

    Propos intéressant, fable politique et tragique qui renvoie à des récits bibliques. On a comparé ce livre à "La mort du roi Tsongor" de Laurent Gaudé… mais il manque  beaucoup de souffle à ce roman pour atteindre ce niveau. Rien ne m'a vraiment "emporté", je suis resté "en dehors".

    Celui-là est mon frère

     

     

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  • Les cosmonautes ne font que passer

    "Les cosmonautes ne font que passer" de Elitza Gueorguieva - Verticales

    Présentation de l'éditeur :

    «Ton grand-père est communiste. Un vrai, te dit-on plusieurs fois et tu comprends qu’il y en a aussi des faux. C’est comme avec les Barbie et les baskets Nike, qu’on peut trouver en vrai uniquement si on possède des relations de très haut niveau. Les tiennes sont fausses…» 
    Ce premier roman a trouvé le ton elliptique et malicieux pour conjuguer l’univers intérieur de l’enfance avec les bouleversements de la grande Histoire. Grâce à la naïveté fantasque de sa jeune héroïne, Les cosmonautes ne font que passer donne à voir comment le politique pénètre la vie des individus, détermine leurs valeurs, imprègne leurs rêves, et de quelle manière y résister.

    Première page :

    "Vous êtes devant une multitude de petits cailloux brillants de toutes les couleurs ne ressemblant à rien du tout, mais comme ta mère a l’air ému, tu comprends qu’on n’est pas là pour rigoler. Elle t’annonce que ça, c’est lui, c’est Iouri Gagarine et quand elle avait ton âge, il y a quelques siècles au moins, elle l’a personnellement vu planter des sapins, ici, dans l’allée de ce bâtiment : il s’agit de ta future école, et vous y êtes pour t’y inscrire, te dit ta mère en allumant sa dix-neuvième cigarette de la journée. Tu tournes la tête et tu constates que des enfants farouches de tout âge et de tout genre, collés à leur mère, d’énormes cartables sur le dos, marchent çà et là, dans l’immense cour d’école inondée par une lumière orange. Tu t’agrippes mécaniquement à ta mère et tu adoptes une expression menaçante au cas où quelqu’un oserait te regarder : tu ouvres grand tes narines, tu gonfles tes joues jusqu’à ce qu’elles deviennent complètement violettes, et tu remues tes oreilles dans le sens des aiguilles d’une montre. Ta mère poursuit ses explications, comme si de rien n’était : il est question à présent de la conquête…"

    Ce que j'en pense :

    C'est un roman plein d'humour et de malice. C'est vraiment une réussite de décrire l'effondrement du monde communiste à travers les yeux d'une enfant. Mais l'utilisation de la deuxième personne du singulier finit par être un peu agaçante. Dommage !

    Les cosmonautes ne font que passer

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  • A la mesure de nos silences

    "A la mesure de nos silences" de Sophie Loubière - fleuve

    Présentation de l'éditeur :

    Jamais Antoine n'aurait pensé que son grand-père puisse agir ainsi : il y a quelques heures à peine, l'adolescent sortait du lycée, s'apprêtant royalement à rater son bac. Kidnappé par papi à bord d'un vieux coupé Volvo, il roule à présent vers l'inconnu, privé de son iPhone. 
    À 82 ans, François Valent, journaliste brillant, aura parcouru le monde et couvert tous les conflits du globe sans jamais flancher. S'il a conclu un marché avec son petit-fils, c'est pour tenter de le convaincre de ne pas lâcher ses études. 
    Mais ce voyage improvisé ne se fera pas sans heurts. La destination vers laquelle le vieil homme conduit Antoine – la ville de Villefranche-de-Rouergue, où il a grandi – a ce parfum particulier du remords. C'est là que l'enfance de François a trébuché. Lors d'un drame sanglant de la Seconde Guerre mondiale dont l'Histoire a gardé le secret. 
    À la fois quête du souvenir et voyage initiatique, cette échappée belle les révèlera l'un à l'autre. La vraie vie n'est jamais là où on l'attend.

    Première page :

    "Charriée par le vent, la clameur des enfants dans la cour d'une école ravivait des souvenirs de craie et d'encrier. Les cyprès tendaient la pointe de leur cône effilé comme une flèche, narguant les nuages d'éternité. A la limite de propriété, le cerisier frémissait sous la brise et ployait sur le sol des branches chargées de fleurs aux cœurs d'or parfumés.
    Un vieil homme étendu près de l'arbre opposait son immobilité aux bruissements du feuillage. Mille étoiles palpitaient sous ses paupières et fuyaient s'il tentait d'en suivre la trajectoire. Une petite chienne virevoltait autour de lui ; ses jappements insistants l'éveillèrent enfin. Le vieil homme froissa l'herbe sous ses paumes, porta une main à son visage. Du sang coulait doucement d'une plaie ouverte à la racine des cheveux. Il repoussa la truffe minuscule. Grogna. Palpa la peau sous le chandail - là où s'écrivait une cicatrice verticale. Il parvint à s'asseoir, un poing contre le cœur. La brouette avait chaviré avec lui, déversant son contenu sur le gazon. La fourche à bêcher tenait encore au garde-à-vous, mordant la terre, cette terre plus dense à cet endroit comme pour signifier que rien n'était donné sans effort, que le monde se résumait à l'accomplissement d'une tâche. Du haut de leurs tiges, les iris tiraient des langues velours à l'élève infortuné ;…"

    Ce que j'en pense :

    C'est un roman qui chemine lentement, avec beaucoup de sensibilité, dans les traces d'un passé (l'histoire tragique de cette division de l'armée allemande constituée de musulmans croates). C'est aussi l'histoire d'une rencontre entre un grand père et son petit fils qui montre qu'il n'est jamais trop tard (ni trot tôt) pour se réconcilier avec la vie.

    A la mesure de nos silences

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  • Cabossé

    "Cabossé" de Benoit Philippon - série noire Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    Quand Roy est né, il s'appelait Raymond. C'était à Clermont. Il y a quarante-deux ans. Il avait une sale tronche. Bâti comme un Minotaure, il s'est taillé son chemin dans sa chienne de vie à coups de poing : une vie de boxeur ratée et d'homme de main à peine plus glorieuse. Jusqu'au jour où il rencontre Guillemette, une luciole fêlée qui succombe à son charme, malgré son visage de «tomate écrasée»... Et jusqu'au soir où il croise Xavier, l'ex jaloux et arrogant de la belle – lequel ne s'en relèvera pas... 
    Roy et Guillemette prennent alors la fuite sur une route sans but. Une cavale jalonnée de révélations noires, de souvenirs amers, d'obstacles sanglants et de rencontres lumineuses.

    Première page :

    "Roy s'assoit dans son bon vieux fauteuil Chesterfield. Le cuir déchiqueté émet un petit gémissement pas déplaisant qui ferait presque office de présence. Ça pourrait être un animal de compa­gnie. Si c'était un chien, il l'appellerait Evinrude. Roy a toujours bien aimé ce nom : Evinrude. Mais c'est pas un chien, c'est un fau­teuil. Un Chesterfield, hein, mais un fauteuil. II va quand même pas commencer à donner un nom à un fauteuil. On s'inquiéterait pour sa santé mentale. En même temps, qui s'en soucie, de sa santé men­tale? Il a peu de plaisirs dans la vie, alors pourquoi il se priverait? «Hein, Evinrude? On va pas se laisser emmerder», il pense en se lovant avec le soupir d'un type qui vous emmerde, vous, les bien-pensants, qui le jugez pour sa pauvreté intellectuelle. Et, Evinrude, il est peut-être moche et pas présentable, tout comme Roy, mais il est confortable, et c'est tout ce qu'on demande à un fauteuil.

    — Aïe, c'est quoi cette merde? lâche Roy dans une grimace.

    Avec toute l'affection que Roy lui donne, ce reste de cuir avarié lui crache un vieux clou rouillé au cul. Quelle ingratitude!

    Roy pose le clou sur son guéridon patiné et y remarque son smart-phone. Piqûre de rappel. Au sens propre. S'il s'est assis sur Evinrude, c'est pour se plonger dans la cyber-solitude des sites de rencontre."

    Ce que j'en pense :

    Très beau coup de cœur pour ce roman noir rempli de tendresse et d'amour. On y croise de magnifiques personnages : les deux principaux bien cabossés par la vie, la grand-mère, la fillette, le manager de boxe… C'est beau et rempli d'émotions comme dans des dialogues d'Audiard, comme dans un film de Tarentino … avec, en plus, une belle et une bête, du Roméo et Juliette, un Minotaure … A lire de toute urgence.

    Cabossé

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  • K O debout

    "K O debout" de Mahault Mollaret - Plon

    Présentation de l'éditeur :

    Je mourrai à 27 ans. Je l'ai décidé, intégré, digéré. Suffisamment tôt pour qu'il soit impossible de faire machine arrière. Je me suis fixé des règles précises. Ne m'attacher à rien, ni à personne.
    A 8 ans, Ramon m'est tombé dessus. Exception. Fallait le voir. Un sacré bordel, le môme. Orphelin, père inconnu, mère dérouillée par son mec. Ramon, c'était le meilleur d'entre nous. La douceur incarnée. Derrière toute sa tendresse, il rongeait son frein. Dix ans plus tard, il a fini par péter les plombs et depuis qu'il est interné chez les dingues, je l'attends.
    C'est pour aujourd'hui. Sortie d'essai. Quinze jours sans accroc et mon pote sera enfin libre de commencer sa vie. Moi, de terminer la mienne en m'assurant que rien ne vienne plus jamais l'abîmer.
    Quitte à connaître sa fin, autant qu'elle profite aux autres.

    Première page :

    "Quand je cligne des yeux, qu'est-ce que je rate ?

    Balbutiement. Façon comme une autre d'annoncer la couleur. Une entrée dans la vie. Dans ma vie. Je n'avais jamais parle avant ça. Même pas moufté en quittant la douceur des entrailles de ma mère. J'attendais les bons mots. Je me souviens du jour où je me suis senti prêt à ouvrir la bouche, à découvrir ma voix. Je ne voulais pas que ce soit raté. Mes parents étaient presque inquiets, je n'étais pas dans la norme, soit. Avant que je ne me décide à parler, ils avaient décidé de me laisser trois mois, délai qui m'aurait radicalement éjecté de la moyenne tolérée du mutisme chez l'enfant. Us me faisaient confiance. La vérité, c'est que j'avais déjà un nombril à la place du cerveau. L'idée de foirer dès le départ m'ennuyait. Pour être bien certain de vouloir appartenir à un monde où la parole ne semblait pas avoir de filtres, j'ai beaucoup pensé.

    En moyenne, on cligne des yeux quinze fois par minute, un clignement dure de cent à cent cinquante millisecondes. …"

    Ce que j'en pense :

    Une très belle histoire d'amitié entre deux personnes (deux solitudes) mal barrées dans une vie folle, loufoque, intense. C'est un roman parfaitement maitrisé qui sait nous faire pénétrer dans cette vie tourbillonnante, dans ce chaos très émouvant. Écriture inventive, parfaitement adaptée au sujet. Une auteure à surveiller.

    K O debout

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  • Hiver à Sokcho

    "Hiver à Sokcho" de Elisa Shua Dusapin - Zoé

    Présentation de l'éditeur :

    A Sokcho, petite ville portuaire proche de la Corée du Nord, une jeune Franco-coréenne qui n'est jamais allée en Europe rencontre un auteur de bande dessinée venu chercher l'inspiration depuis sa Normandie natale. C'est l'hiver, le froid ralentit tout, les poissons peuvent être venimeux, les corps douloureux, les malentendus suspendus, et l'encre coule sur le papier, implacable : un lien fragile se noue entre ces deux êtres aux cultures si différentes. Ce roman délicat comme la neige sur l'écume transporte le lecteur dans un univers d'une richesse et d'une originalité rares, à l'atmosphère puissante.

    Première page :

    "Il est arrivé perdu dans un manteau de laine.

    Sa valise à mes pieds, il a retiré son bonnet. Visage occidental. Yeux sombres. Cheveux peignés sur le côté. Son regard m'a traversée sans me voir. L'air ennuyé, il a demandé en anglais s'il pouvait rester quelques jours, le temps de trouver autre chose. Je lui ai donné un formulaire. Il m'a tendu son passeport pour que je le remplisse moi-même. Yan Kerrand, 1968, de Granville. Un Français. Il avait l'air plus jeune sur la photo, le visage moins creux. Je lui ai désigné mon crayon pour qu'il signe, il a sorti une plume de son manteau. Pendant que je l'enregistrais, il a retiré ses gants, les a posés sur le comptoir, a détaillé la poussière, la statuette de chat fixée au-dessus de l'ordinateur. Pour la première fois je ressentais le besoin de me justifier. Je n'étais pas responsable de la décrépitude de cet endroit. J'y travaillais depuis un mois seulement.

    Il y avait deux bâtiments. Dans le premier, réception, cuisine, salle commune, deux étages de chambres en enfilade."

    Ce que j'en pense :

    C'est un roman très intimiste dont le principal intérêt est de faire découvrir la vie quotidienne en Corée (ce qui est rare en littérature). L'auteure a voulu donner du rythme avec des phrases courtes (et souvent très courtes) mais l'ensemble est plutôt plat et presque insignifiant. Cependant, par moment, elle réussit à retrouver l'univers de certains écrivains asiatiques mais c'est trop rare.

    Hiver à Sokcho

     

     

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