• Vilnius poker

    "Vilnius poker" de Ricardas Gavelis - Monsieur Toussaint Louverture

    Présentation de l'éditeur :

    Ils l’observent, Ils le suivent, Vytautas Vargalys le sait: sa vie est celle d’un homme qu’on a mis en joue. Ils sont partout, Vilnius Leurappartient, alors que lui n’est qu’un simple employé de bibliothèque chargé de référencer les livres qu’Ils ont mis à l’index. Traumatisé par neuf années de tortures endurées au goulag, il se bat désormais pour comprendre Leur but. Gardien de l’histoire de son pays et de ses mythes, le dernier des Vargalys sombre petit à petit dans la folie. Seule Lolita, jeune séductrice au passé trouble et au corps parfait, lui permet encore de croire qu’une nouvelle vie est possible. Mais le sauvera-t-elle ou ­précipitera-t-elle sa chute ? 

    Excessif, magistral, ébouriffant, ce roman à quatre voix – celles de Vyautas, l’ancien prisonnier au sexe démesuré, de Martynas, le collectionneur ­d’anecdotes, de Stéfania, la fille du pays, et d’un chien philosophe – raconte par un jeu de miroirs la descente aux enfers d’hommes et de femmes qui tentent de survivre dans un monde sans âme. 

    Hallucinante fresque de la monstruosité qui sommeille en chacun de nous, tour à tour poétique, pornographique, métaphysique ou politique, Vilnius Poker est une violente ode à la liberté. Sa publication fit l’effet d’une bombe et fut la catharsis de tout un peuple étouffé par les non-dits de ­l’occupation soviétique, propulsant son auteur, Ricardas Gavelis, au rang de plus grand écrivain du pays. 

    C’est le livre de toutes les grandes capitales modernes dévorées par l’apathie et la tentation de l’oubli. C’est le portrait d’un peuple dépouillé de son histoire. C’est Dostoïevski. C’est Kafka et Burroughs. C’est Kundera. C’est un piège.

    Première page :

    "Une étroite trouée entre deux immeubles, petite brèche dans un mur incrusté de fenêtres aveugles : une étrange ouverture sur un autre monde. Là-bas, on voit des chiens et des enfants qui gambadent; tandis qu'ici, il n'y a qu'une rue déserte et des tourbillons de poussière chassés par le vent. Un visage oblong, tourné vers moi: lèvres fines, joues creuses et yeux silencieux (noirs, vraisemblablement) - un visage de femme, laiteux et sanguin, interrogatif et souffrant, divin et débauché, chantant et mutin. Une vieille maison au fond d'un jardin, couverte d'une vigne folle, à sa droite quelques pommiers desséchés, à gauche un fouillis de feuilles mortes que personne n'a ramassées ; elles tournoient dans l'air, et pourtant même les branches les plus frêles ne frémissent pas...

    C'est dans cet état que je me suis réveillé ce matin (un matin). Tous les jours de ma vie commencent par une séquence d'images douloureusement précises, on ne peut pas les inventer ou les choisir. Elles sont l'œuvre de quelqu'un d'autre, elles retentis­sent sans bruit, ébranlent mon cerveau encore endormi, puis disparaissent. On ne peut pas les effacer. Et ce prélude feutré détermine la couleur de la journée à venir. On ne peut pas y échapper — à moins de ne jamais se réveiller, de ne plus décoller la tête de l'oreiller. Cependant, on obéit : on ouvre les yeux et on voit la chambre, les livres sur les étagères, les vêtements entassés sur le fauteuil. Et on se demande qui mène la danse. Pourquoi interprète-t-on la partition de sa journée de cette façon et pas d'une autre? Qui est le mystérieux démiurge de notre naufrage ? Choisit-on au moins la mélodie de notre vie ? Ou bien toutes nos pensées sont-elles garrottées par Eux}

    Il est vital de savoir si ces visions matinales ne sont qu'un enchevêtrement de vestiges du passé, de peintures défraîchies, de lieux, de visages, d'événements passés, ou si elles naissent au contraire dans notre cerveau pour la première fois."

    Ce que j'en pense :

    Roman difficile, étrange, déroutant, assez long à lire. On en ressort sans trop savoir quoi en penser mais c'est un livre qui laisse des traces. La folie, l'horreur, la vérité et le mensonge, l'amour, la violence, l'absurde… et bien d'autres choses, se retrouvent dans cette ville de Vilnius, comme dans un rêve ou un cauchemar. Très beau travail de la maison d'édition (couverture, mise en page, traduction).

    Vilnius poker

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  • Révolution

    "Révolution" de Sébastien Gendron - Albin Michel

    Présentation de l'éditeur :

    Debout au milieu d'un pont autoroutier, jambes légèrement écartées, corps dressé, bras droit le long de la hanche, bras gauche replié soutenu par une orthèse, Pandora Guaperal a un Glock 23 posé sur la tempe, chien relevé, balle wadcutter dans la chambre, index sur la queue de détente réglée à un kilo de pression, cran de sûreté en position on. Face à elle, à la sortie du tunnel, un véhicule approche. Derrière lui, des milliers d'autres dont le seul horizon est la route des vacances. Pandora est prête : la révolution n'attend pas. Et elle vaut bien une balle dans la tête. 

    Première page :

    "La moyenne d'âge du public qui fréquente le Torpédo tourne autour des soixante-dix ans, et ça cartonne. Pour­quoi '.' Parce que le Torpédo a un coup d'avance sur les autres discothèques du coin. Comment? Simple : les membres du personnel sont tous des sosies d'acteurs et d'actrices mondialement connus. Et sur la sélection des sosies, M. Katzemberg, le directeur de l'établissement, est intransigeant. D'un : lui-même est passé à ça de deve­nir la réplique française officielle de George Clooney - mais les jurés ont tiqué sur le balayage argenté bien trop artificiel de sa chevelure. De deux : les crétins qui se sont fait tailler au bistouri une fossette à la John Travolta, il les repère immédiatement. De trois : il connaît très bien ce monde, sa mère a été la doublure lumière de Rosy Varte pendant onze ans.

    Au Torpédo, il n'y a que du premier choix, c'est-à-dire du 100 % vrai-faux. Richard Gère et Julia Roberts servent au bar. Kylie Minogue, Beyoncé, Winona Ryder et, plus étonnamment, Bette Midler sillonnent la salle pour prendre les commandes…"

    Ce que j'en pense :

    Ce livre ressemble à une farce bien noire, remplie de péripéties, quelques unes assez loufoques. Les deux personnages principaux sont bien cernés, avec leur quotidien amer, leur folie, leur force et leur fragilité. On aurait aimé qu'un CD soit joint à ce livre pour profiter de tous les morceaux de musique annoncés lors de cet embouteillage. Une fois le livre refermé on se dit avec dépit que la révolution n'est pas pour demain !

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  • Pereira prétend

    "Pereira prétend" de Pierre-Henry Gomont (d'après Tabucchi) - Sarbacane

     Présentation de l'éditeur :

    Lisbonne, Portugal, en pleine dictature salazariste, fin juillet 1938. Dans une ville enveloppée d’un « suaire de chaleur », un journaliste vieillissant, le doutor Pereira, veuf, obèse, cardiaque et tourmenté, rédige chaque jour depuis plus de trente ans la page culturelle du quotidien très conservateur, le Lisboa. Dans cette vie endormie, déboule un certain Francesco Monteiro Rossi… et, de façon tout à fait inattendue, Pereira l’engage. Mais le jeune pigiste, au lieu d’écrire les sages nécrologies que Pereira lui a commandées, lui remet des éloges aussi sulfureux qu’impubliables de Lorca et autres Maïakovski, ennemis avérés du régime fasciste.

    Et là encore, au lieu de congédier ce dangereux collaborateur, le doutor Pereira le garde, se prend peu à peu d’amitié pour lui, puis pour sa mystérieuse et belle compagne, qui se révèle être une fervente combattante révolutionnaire, au service des républicains espagnols. Devenue une oeuvre emblématique de la résistance au totalitarisme et à la censure, Pereira prétend raconte la prise de conscience d’un homme confronté à la dictature. Ou quand un homme décide de se battre la plume au poing !

    Extrait :

    Pereira prétend

    Pereira prétend

     Ce que j'en pense :

    L'album suit fidèlement le roman de Antonio Tabucchi paru en 1994. Les trouvailles graphiques, le dessin, les couleurs apportent une grand force à cette histoire. J'ai particulièrement apprécié tous ces petits bonhommes qui accompagnent le héros et qui représentent ses doutes, ses réflexions. C'est donc un très bel album qui nous parle d'engagement politique dans cette très belle ville de Lisbonne.

    Pereira prétend

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