• Eux

    Eux

    "Eux" de Patrick Isabelle - Leméac

    Présentation de l'éditeur :

    Eux, c'est l'histoire d'un adolescent victime d'intimidation. Un jeune battu, extorqué, ridiculisé à outrance par des camarades de classe. Un jeune dont la détresse est ignorée par les témoins silencieux que sont les autres élèves, le personnel et l'école, les parents, les rares amis. Sa douleur est si aigüe et son agonie si longue qu'elle l'inciteront à se venger de ses tortionnaires, à devenir la source d'une violence à priori inconcevable.
    Par de courts chapitres inquiétants et poétiques, "Eux" raconte la genèse d'un drame, tout aussi terrible mais plus insidieux. Patrick Isabelle brouille la ligne séparant les victimes des bourreaux, et incite à réfléchir au potentiel de cruauté, mais également d'empathie, qui sommeille en chacun. Et si Eux, c'était nous? Un roman-choc, aussi troublant qu'essentiel.

    Première page :

    "Je suis laid. Je me sens laid. Je me trouve stupide de me sentir laid. Mais c'est plus fort que moi. Quand je me regarde dans le miroir, ce n'est pas moi que je vois. Mon reflet n'a rien en commun avec celui que je suis. C'est comme si mon âme s'était trompée de corps à ma naissance.

    Je ne vais plus dans les vestiaires. Je vais discrètement me changer aux toilettes après mon cours d'éducation physique. Je ne veux pas que les autres gars me voient. Je ne veux pas les voir non plus. Je suis hideux. Je ne suis pas comme eux.

    Eux. Ils se dandinent torse nu, musclés, découpés, sans complexe. Certains d'entre eux sont déjà beaucoup plus poilus que moi et ils se dénudent sans honte, sans gêne, en exposant leur sexe à qui veut bien le regarder. Et si tu le regardes, c'est que tu es une tapette et ils te donnent des coups. Ils rient de toi, de ton corps horrible, mal formé, imberbe, comme celui d'un ti-cul."

    Ce que j'en pense :

    Ce livre, d'une centaine de pages, est classé jeunesse mais peut être lu aussi bien par les adultes que les ados. L'auteur nous fait ressentir de l'intérieur les souffrances vécues par le personnage du "martyr" sans jamais basculer dans la moralisation.  C'est dramatique, intense et bouleversant.

    Eux

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  • Pas assez pour faire une femme

    "Pas assez pour faire une femme" de Jeanne Benameur - Babel

    Présentation de l'éditeur :

    Quand Judith rencontre Alain, elle découvre à la fois l’amour et la conscience politique. Cette jeune fille qui a grandi en oubliant qu’elle avait un corps est parvenue de haute lutte à quitter une famille soumise à la tyrannie du père pour étudier à la ville. Alain est un meneur, il a du charisme et parle bien, il a fait Mai 68. Si elle l’aime immédiatement, c’est pour cela : les idées auxquelles il croit, qu’il défend et diffuse, qui donnent un sens au monde.
    Bref et intense, ce récit est celui d’une métamorphose : portée par l’amour qu’elle donne et reçoit, Judith se découvre un corps, une voix, des opinions, des rêves. L’entrée dans le monde de la littérature, de la pensée, de l’action politique lui ouvre un chemin de liberté. Jusqu’où ?

    Première page :

    "Je suis nue.

    Lui aussi. Tout près de moi.

    La tête sur son coude replié il me regarde.

    Tout à l'heure il a enlevé ses petites lunettes rondes cerclées de métal et j'ai aimé voir ses yeux. Son vrai regard. Comme si les yeux aussi pouvaient être nus. Tout son visage offert.

    J'ai pris son visage dans mes mains et je me suis sentie transportée d'amour. Pour ce visage, ce corps, l'odeur de sa peau, son épaule. Lui. Tout lui. Complètement présent pour moi. Rien que pour moi. J'en avais tellement rêvé. Et je pensais tellement que c'était impossible.

    C'est en l'écoutant que ça a eu lieu. Dans un amphi plein à craquer à la fac. C'est par sa voix par ses mots que c'est arrivé. Ce qui ne m'était jamais arrivé. Jamais. Au micro il parlait de grève de lutte et moi j'ai eu l'image de ce garçon nu contre moi et je l'ai voulu. Ma peau contre sa peau. Tout son corps contre le mien.

    Moi qui à dix-sept ans n'arrivais toujours pas à éprouver quoi que ce soit de ce côté-là. J'ai eu cette envie si forte que j'en ai été arrachée à tout le reste."

    Ce que j'en pense :

    Une jeune fille qui devient femme au cœur des années 70, une révolution intime, une découverte du "vivre libre". C'est un roman à part dans l'univers de Benameur mais on y retrouve bien sûr son écriture sensible qui résonne en chacun de nous (même si on est un homme!).

    Pas assez pour faire une femme

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  • Le nom des étoiles

    "Le nom des étoiles" de Pete Fromm - Gallmeister

    Présentation de l'éditeur :

    Confortablement installé avec les siens à Great Falls, une ville paisible du Montana, Pete Fromm a depuis longtemps troqué sa tenue de ranger contre celle de père de famille. Il pensait que ses expériences dans les espaces sauvages des États-Unis appartenaient définitivement au passé. Jusqu’à ce qu’on lui propose de s’installer un mois au cœur de la Bob Marshall Wilderness afin de surveiller la croissance d'œufs de poissons. Comment refuser pareille occasion de renouer avec ces grands espaces qui font partie intégrante de son être ? Plus de vingt ans après son séjour à Indian Creek, voici donc Pete Fromm au seuil d’une nouvelle aventure en solitaire. 

    Entre souvenirs d’enfance, anecdotes de ranger et confessions d’un père désireux de transmettre son amour de la nature à ses enfants, Pete Fromm confie avec une incroyable sincérité son parcours de vie et nous fait partager ses échappées dans les grands espaces américains.

    Première page :

    "Pendant un moment, l’orage semble s’apaiser – bourrasques monotones, pluie qui ne tombe plus vraiment comme si le ciel même n’était fait que d’eau. Je me baisse pour regarder par la fenêtre de la cabane, examiner la couverture nuageuse, la colonne rouge du thermomètre qui atteint péniblement les 5 °C, les rafales qui parcourent en vagues la prairie. Les accalmies instaurent presque le silence, on entend juste parfois crépiter les branches de sapin dans le poêle, puis le souffle accru du vent fouette les rondins de la cabane, la pluie tambourine sur les bardeaux de cèdre. Déjà 9 heures passées et, malgré le mauvais temps, je dois faire ma ronde de seize kilomètres pour vérifier où en sont les œufs des ombres, ma tâche quotidienne. Je me tortille pour enfiler les vêtements de pluie fatigués, le haut et le bas, j’ajuste les fermetures Éclair situées en bas de la veste pour dégager le spray anti-ours et le revolver.

    Dehors en plein vent, la pluie s’engouffre sous le bord du toit, me pique les joues, ruisselle dans le haut de ma barbe tandis que je contourne la cabane, soulève chacun des volets conçus pour résister aux ours, malmène les hayons. La routine. Je m’engage ensuite sur le chemin boueux, par-dessus le monticule et parmi les arbres, vers l’ouverture du brûlis, le virage qui descend vers la North Fork, le bras nord de la Sun River. Marchant d’un pas laborieux, je me réchauffe un peu et je regarde les gouttes d’eau glisser sur mes bottes …"

    Ce que j'en pense :

    Voilà un livre qui nous transporte parmi les bois, les rivières, les animaux… et qui nous fait lire et vivre au rythme de la nature en appréciant chaque moment du récit. L'auteur nous fait dormir avec lui dans sa cabane du Montana, nous suivons avec lui les traces d'ours ou de loup sur la boue des pistes et nous l'accompagnons dans ses réflexions sur la vie, la paternité. Un vrai coup de cœur.

    Le nom des étoiles

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  • On s'embrasse pas ?

    "On s'embrasse pas?" de Michel Monnereau - La table ronde

    Présentation de l'éditeur :

    La nuit sentait la bière solitaire et la gueule de bois de la quarantaine. Surtout, il y avait cette envie de revenir qui venait de naître en moi loin, très loin, là où se dessinent les grands destins et les catastrophes.
    Après quinze années d'errance à travers le monde, un homme, désenchanté, revient échouer dans ce qu'il lui reste de famille. À la manière d'un ange noir, il va méthodiquement défaire la vie tranquille de tous ceux qu'il retrouve.

    Première page :

    "Ça m'a pris par quarante-huit degrés cinquante-deux de longitude et deux degrés vingt de latitude, vers minuit.

    Des gouttelettes de condensation perlaient sur la chope de ma troisième bière, au fond d'une brasserie près de la gare d'Austerlitz, Paris, France.

    J'avais retrouvé la veille le sol de la vieille Europe et la vitesse du monde occidental. De ce côté-ci de la Terre, la vie ne m'avait pas attendu : une nouvelle génération était montée au créneau et imposait sa griffe sur la mode, l'architecture, l'air du temps et jusqu'aux enseignes commerciales, hélas ! les mêmes qu'à l'autre bout du monde.

    Des années durant, j'avais oublié la rugosité de cette réalité en refusant d'être l'écureuil captif qui fait tourner la grande roue de l'économie. J'étais parti. C'était ça ou virer total schizo, un choix qui ne pousse pas aux effusions avec soi-même."

    Ce que j'en pense :

    C'est un livre assez désenchanté mais rempli d'humour souvent cruel, cinglant et parfois assez pathétique. Le personnage principal (le narrateur) est loin d'être sympathique, on pourrait cependant presque lui ressembler parfois. Grâce à l'écriture exceptionnelle de l'auteur, on y baigne dans une atmosphère à la fois ordinaire et commune mais aussi très originale. Auteur à découvrir.

    On s'embrasse pas ?

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  • Je reviendrai après la pluie

    "Je reviendrai après la pluie" de Takuji Ichikawa - Flammarion

    Présentation de l'éditeur :

    Depuis la mort de sa femme Mio, Takumi vit seul avec son fils Yûji, âgé de six ans. Il gère le quotidien et l'éducation de son fils du mieux qu'il peut. Une seule chose le fait tenir, la promesse faite par Mio qu'elle reviendrait avec la pluie. Le premier jour de la saison humide, cette promesse se réalise. Durant six semaines, le temps se suspend pour Mio et Takumi. En 2003, plus de trois millions de lecteurs japonais tombent amoureux de Je reviendrai avec la pluie. Suite à son immense succès, le livre a inspiré un film et une série télé encensés par la critique, ainsi qu'un manga sacré best-seller. Takuji Ichikawa défend une vision idéalisée de l'amour et met au service de cette histoire bouleversante une écriture d'une sensibilité rare, poétique et pleine de fantaisie.

    Première page :

    "Voici ce que je me suis dit quand Mio est morte. Celui qui a créé notre planète n'en a-t-il pas conçu une autre en même temps, quelque part dans l'univers ? La planète où vont les défunts. La planète Archive.

    « Archevie ? » a demandé Yûji.

    Non, Archive.

    « Archevie ? »

    Archive.

    «Arche... a commencé Yûji, puis il a réfléchi un instant avant d'ajouter :...vie ? »

    Peu importe.

    C'est comme une vaste bibliothèque, très calme, immaculée et bien ordonnée.

    En tout cas c'est un lieu immense, dont les bâtiments sont traversés par des corridors se déroulant à perte de vue.

    Les personnes qui ont quitté notre monde y mènent une vie paisible.

    Cette planète, si tu veux, c'est un peu comme le fin fond de notre cœur."

    Ce que j'en pense :

    Je me suis forcé à aller jusqu'à la fin du livre mais j'avoue m'être ennuyé à le lire. Pour moi l'histoire est banale et vide. Les personnages ont peu de consistance et les dialogues sont souvent ridicules et faussement naïfs. La profusion de "vraiment" de "Hmm" tient lieu de style ! C'est donc très éloigné de la littérature japonaise mais plus proche du "japoniais".

    Je reviendrai après la pluie

     

     

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  • La route de Beit Zera

    "La route de Beit Zera" de Hubert Mingarelli - Points

    Présentation de l'éditeur :

    Stépan vit seul avec sa chienne non loin de Beit Zera, depuis que son fils Yankel est parti se cacher à l'autre bout du monde. Il rêve au bonheur qu'il aurait à le retrouver et se souvient de l'époque où il contrôlait les Palestiniens à la frontière, incapable de soutenir leurs regards noirs. Jusqu'au jour où l'un d'eux, un garçon nommé Amghar, s'aventure chez lui et bouscule sa solitude...

    Première page :

    "Sous le lac de Tibériade, près de Beit Zera, il y avait une maison, et dans cette maison vivaient un homme et une chienne. L'homme s'appelait Stépan Kolirin. La chienne n'avait pas de nom et elle était si vieille qu'elle n'avait plus la force de se dresser sur ses pattes. Tous les matins, il la retrouvait au milieu de la cuisine où elle dormait, couchée dans son urine, et Stépan était de jour en jour plus malheureux de la voir souffrir ainsi.
    Il y eut ce matin-là. L'odeur le frappa dès qu'il entra, et bien qu'il y fût habitué, il eut un haut-le-cœur. La chienne le regardait et clignait des yeux comme s'il y avait eu trop de lumière. En réalité, elle avait un peu peur. Elle se souvenait que lorsqu'elle avait commencé à uriner la nuit, le matin, il l'engueulait. C'était fini depuis longtemps. Il ne l'engueulait plus. Pour quoi faire ? Mais elle s'en souvenait, elle craignait toujours qu'il élève la voix en entrant."

    Ce que j'en pense :

    Roman assez mélancolique sur l'amour paternel, la solitude, la nature, l'attente, le silence… et la guerre à peine évoquée en arrière plan. L'écriture est simple et délicate ; Tout cela est assez récurrent chez Mingarelli, mais, pour moi, cela fonctionne moins bien que dans d'autres précédents romans (comme "La beauté des loutres", "La promesse", "La dernière neige"…).

    La route de Beit Zera

    La route de Beit Zera

     

     

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  • Pipi, les dents et au lit

    "Pipi, les dents et au lit" de Laetitia Cuvelier - Cheyne

    Présentation de l'éditeur :

    Laetitia Cuvelier évoque dans ce premier livre l’effervescence d’un foyer et la tentative d’être à la fois mère, amante et femme active. Dans la ritournelle du quotidien familial, elle saisit la spontanéité éclatante d’instants de vie, de mots minuscules et de gestes tendres. 

    Extrait :

    "J’ai appelé mon garçon 

    Pour lui dire  

    Au téléphone  

    Que ce sera un petit frère 

    Il a répondu 

    Tu me le passes ? 

    J’ai un truc à lui dire.   

    Ce soir je me demande toujours 

    Quel est ce truc 

    Qu’il avait à lui dire. "

    Ce que j'en pense :

    De belles tranches de vie, d'une mère qui fait face à son travail, ses enfants, ses amours, au quotidien. C'est drôle, tendre et rempli de poésie ; c'est un livre qui nous touche avec beaucoup de douceur. En plus c'est un très bel objet, on reconnait la "qualité Cheyne".

    Pipi, les dents et au lit

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  • Le reste de leur vie

    "Le reste de leur vie" de Jean-Paul Didierlaurent - Au diable vauvert

     Présentation de l'éditeur :

    Comment, au fil de hasards qui n'en sont pas, Ambroise, le thanatopracteur amoureux des vivants et sa grand-mère Beth vont rencontrer la jolie Manelle et le vieux Samuel, et s'embarquer pour un joyeux road trip en corbillard, à la recherche d'un improbable dénouement? Un conte moderne régénérant, ode à la vie et à l'amour des autres. Tout lecteur fermera heureux, ému et réparé, ce deuxième roman qui confirme le talent de Jean-Paul Didierlaurent.

    Première page :

    "Manelle était sur les nerfs, comme à chaque fois qu'elle passait le seuil de l'appartement de Marcel Mauvinier. Ce type avait l'art de la mettre hors d'elle. « Vous penserez à bien vider mon vase, mademoiselle. » Il l'accueillait toujours ainsi. Jamais bonjour, pas le moindre mot de bienvenue. Non. juste ce rappel à l'ordre crié depuis le fauteuil du salon dans lequel il vissait son postérieur du matin au soir : vous penserez à bien vider mon vase, mademoiselle. Sous-entendu qu'elle avait pour habitude de mal le vider, son vase. Mais elle ne pensait qu'à ça. Manelle. lorsqu'elle venait ici. ce pot de chambre émaillé décoré de fleurs mauves qu'il lui fallait trimballer tous les matins de la chambre jusqu'aux toilettes pour en vider le contenu dans la cuvette, résultat d'une nuit de désordre prostatique."

    Ce que j'en pense :

    Très bon roman jusqu'aux deux tiers du livre : les personnages sont bien campés et attachants, l'écriture est fine, poétique et très "coulante", le sujet est grave (la mort, l'euthanasie) mais traité sans pathos… Et puis lorsque l'histoire vire à la romance je n'y ai plus cru. On dira que c'est un conte moderne sur l'amour, l'amitié, que c'est un livre qui fait du bien... sans doute, mais pour moi, il y a trop de bons sentiments et la fin manque de sel, de piquant et sans doute d'une petite dose de cruauté (ou de réalisme!). Dommage!

    Le reste de leur vie

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