• L'Apollon de Marsac

    "L'Apollon de Marsac" de Louis-Michel Cluzeau
    éditions France Loisirs - Piment (paru en 2000 chez Anne Carrière)

    Présentation de l'éditeur

    À Marsac, l'Apollon est bancal, le cantonnier poète, la rosière amoureuse, le médecin mécano. Un environnement curieux pour le petit Mimi dont le père est le maire de la localité entre 1945 et 1974. Louis-Michel Cluzeau retrace la petite comédie humaine qui se déroule à Marsac du bel été de 1936 au printemps de la Libération.

    Première page :

    "J'aime Odette. Elle a des beaux cheveux. «Avec des anglaises », dit maman. Alors, je sais pas si elle peut m'aimer parce que moi, j'ai des cheveux raides qui me tombent sur les yeux.

    Souvent, quand maman et madame Desbordes parlent, elles font exprès que j'entende pas. Moi, j’aimerais qu'on m'explique. J'ai dit à papa que quand je serai grand, je dirai tout ce que je verrai, tout ce que j'entendrai. Papa a ri et il a dit : « Tu seras peut-être écrivain, comme Charles ? » Papa nous lit souvent des histoires de Charles. J'ai dit : « Mais lui, il raconte des histoires qui sont pas vraies. Moi, je dirai que des histoires vraies que les gens disent. — Parce que tu crois que les écrivains inventent toujours leurs histoires et que les autres disent toujours la vérité ? » m'a demandé papa. Je savais pas quoi répondre.

    « Tiens, voilà Principal », dit madame Desbordes en regardant dehors. Maman regarde aussi : « Ah ! vous voulez dire K majuscule... », elle dit. Y en a même qui rigolent quand ils voient le monsieur qui marche mal. Ils l'appellent la Polon. Qu'est-ce que c'est que tout ça ? Et pourquoi il a plusieurs noms compliqués, le monsieur ? Faut que je demande à papa."

    Ce que j'en pense :

    Le titre fait référence à "L'Apollon de Bellac" une pièce de Giraudoux, qui, lui aussi était originaire de cette ville. C'est un livre amusant, rempli de portraits qui sont en relation les uns avec les autres. L'écriture n'est pas transcendante mais cela se lit avec beaucoup de plaisir (surtout si on connait la région)

    L'Apollon de Marsac

    L'Apollon de Marsac

     

     

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  • Les impliqués

    "Les impliqués" de Zygmunt Miloszewski
    traduction Kamil Barbarski - Mirobole éditions

    Présentation de l'éditeur :

    Un dimanche matin, au milieu d’une session de thérapie collective organisée dans un ancien monastère de Varsovie, l’un des participants est retrouvé mort, une broche à rôtir plantée dans l’œil. L’affaire est prise en main par le procureur Teodore Szacki. Las de la routine bureaucratique et de son mariage sans relief, Szacki ne sait même plus si son quotidien l’épuise ou l’ennuie.  Il veut du changement, et cette affaire dépassera ses espérances. 

    Cette méthode de la constellation familiale, par exemple, une psychothérapie peu conventionnelle basée sur les mises en scène… Son pouvoir semble effrayant. L’un des participants à cette session se serait-il laissé absorber par son rôle au point de commettre un meurtre ? Ou faut-il chercher plus loin, avant même la chute du communisme? 

    Première page :

    "« Permettez-moi de vous raconter une histoire, commença l’homme  assis dans la crypte. Il y a fort longtemps, dans un petit village de province, vivait paisiblement un menuisier. Les habitants du village n’étaient pas très riches et ne pouvaient s’offrir de nouvelles tables ou de nouvelles chaises, si bien que le menuisier restait pauvre lui aussi. Il réussissait difficilement à joindre les deux bouts et plus il vieillissait, moins il pensait pouvoir changer le cours de son destin. Pourtant, ayant une fille d’une grande beauté, il l’espérait de tout cœur et rêvait pour elle d’une vie bien meilleure que celle qu’il avait menée lui-même. En une splendide journée d’été, un riche seigneur vint lui rendre visite et lui dit : “Maître menuisier, je recevrai bientôt mon frère que je n’ai pas vu depuis des années. Je voudrais l’accueillir avec un présent grandiose, mais puisqu’il vient d’un pays où l’or, l’argent et les pierres précieuses coulent à flots, j’ai décidé de lui offrir un écrin en bois d’une élégance enchanteresse. Si tu parviens à le confectionner avant le dimanche qui suivra la prochaine pleine lune, alors ta fortune sera faite.” Bien évidemment, le menuisier accepta et se mit à l’ouvrage. Il s’agissait d’une tâche particulièrement fastidieuse et difficile, parce que l’artisan voulait réunir plusieurs essences de bois précieux et incruster le coffret de minuscules motifs représentant des créatures mythologiques. Il cessa de s’alimenter, chassa le sommeil, travailla sans relâche nuit et jour. Pendant ce temps, la nouvelle de l’étrange visite du riche seigneur s’était répandue à travers le village. Les habitants appréciaient leur modeste menuisier et celui-ci recevait chaque jour la visite de voisins venus lui donner du cœur à l’ouvrage."

    Ce que j'en pense :

    Découverte d'un jeune auteur polonais et d'une Varsovie moderne où la crise économique est bien présente et où les tourments de l'histoire récente n'ont pas complètement disparus. Le personnage principal du procureur est attachant. L'intrigue est assez bien menée même s'il y a quelques longueurs.

    Les impliqués

    Les impliqués

     

     

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  • Une histoire d'amour radioactive

    "Une histoire d'amour radioactive" de Antoine Chainas
    folio policier

    Présentation de l'éditeur :

    Le capitaine Javier et Plancher, son lieutenant, vivent une histoire d'amour passionnée et secrète. Parce que Javier ne croit pas aux coïncidences, les deux amants décident d'enquêter sur une étrange vague de suicides : toutes les victimes avaient un cancer en phase terminale. 

    DRH est cadre dans une grosse boîte, il travaille sans cesse, licencie à tour de bras sans se poser de question et ne voit jamais sa famille. Jusqu'au jour où il croise Veronika, une photographe belle comme la mort...

    Première page :

    "Les toilettes sont excessivement propres. DRH, de La Boîte, se tient devant l’urinoir, les jambes légèrement fléchies, la verge pointée dans la direction adéquate.

    Au moment où l’autre fait irruption, DRH l’observe par l’intermédiaire de l’immense miroir mural qui s’arrête, comme de juste, au niveau de la ceinture.

    Un autre cadre. Bimotel Corporate, ou Agenciel et Associés, quelque chose comme ça.

    Optimisation des coûts oblige, ils sont tellement, dans cet immeuble, qu’il est parfois difficile de s’y retrouver.

    — Ça va ? s’enquiert DRH d’un ton neutre.

    — Ouais, mon pote, impec, réplique l’autre en ouvrant sa braguette. Je te raconte pas la valdingue. J’ai explosé tous les objectifs.

    — Vrai ?

    — Ouais. La crise, mec, la crise. J’ai jamais rien vu de plus beau. 70 000 suppressions annoncées dans la journée. Je te jure, c’est dément."

    Ce que j'en pense :

    La critique de la société (du monde de l'entreprise en particulier) est plutôt juste. Le style direct, précis souvent glauque et morbide. Mais, malheureusement, on a l'impression que l'auteur en rajoute parfois dans l'excès et l'histoire d'amour entre les deux policiers n'est pas loin d'être ridicule… Pour moi, Antoine Chainas, malgré ce que pense la critique "parisienne", n'est pas encore un "grand" du polar.

    Une histoire d'amour radioactive

     

     

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  • Oublier trahir puis disparaitre

    "Oublier trahir puis disparaître" de Camille de Toledo
    La librairie du XXI e siècle

    Présentation de l'éditeur :

    Camille de Toledo signe ici le troisième volet d’une « trilogie européenne ». Après Le Hêtre et le Bouleau, à la suite de Vies potentiellesOublier, trahir, puis disparaître explore, entre conte et récit mythologique, le temps européen, à la charnière du XXe et du XXIe siècle, à l’heure où se pose la question de l’oubli et de la trahison...

    Première page :

    "Dans un train 

    Roïshku barak haïm ? tu demandes. À qui sont ces maisons ? 

    Et moi, je ne réponds pas, je dis : Aïsh boyku noiok aïm, 

    je réduirai le nombre des mots. 

    Puis ça aussi: j'aimerais que les sourds nous entendent, 

    les bègues et les sans-voix. 

    J'aimerais qu'ils prennent le relais de la faim. 

    Le train ralentit. 

    je répète quatre fois: Voïshku niètz! Ne t'inquiète pas! 

    Je t'ai choisi, toi, je t'appelle: mon fils. 

    Comme la vieille, là, à nos côtés, assise sur le siège d'en face, je la choisis pour mère. 

    Tu veux bien, la vieille ? 

    Elle ne nous entend pas. 

    Gavrilo, je l'appelle."

    Ce que j'en pense :

    Ce n'est pas vraiment un roman, plutôt un récit, un conte, un long poème… qui  nous interroge sur le monde d'après (la guerre), sur la relation père-fils, sur la langue (l'auteur semble en avoir inventé une). C'est un livre étonnant, parfois énervant (sans appartenir comme le disent certains à la catégorie des "livres-qui-font-chier") ; c'est un livre original qui parle de NOTRE Europe, entre passé et avenir.

    Oublier trahir puis disparaître

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  • La piscine - les abeilles - la grossesse

    "la piscine-Les abeilles-La grossesse" de Yôko Ogawa
    traduction Rose-Marie Makino-Fayolle - Babel

    Présentation de l'éditeur :

    Trois voix portent ces courts récits de Yōko Ogawa : celle de la jeune fille enfermée dans l’orphelinat que dirige son père où il faut vivre la même vie collective et morne que ses camarades : celle de la jeune femme qui, croyant venir en aide à un cousin, lui indique l’adresse d’un foyer sans savoir que ce lieu, qu’elle a naguère habité, est le théâtre d’une étrange processus de dégradation ; celle d’une femme qui observe d’un oeil froidement objectif la grossesse de sa soeur.

    Ces trois textes ont en commun leur simplicité et leur concision exemplaires. On y retrouve également des personnages à la naïveté cruelle, à la perversité troublante, et des situations à l’étrangeté menaçante. 

    Extrait :

    "Il avait terriblement grandi. La ligne élancée de sa nuque, de ses doigts et de ses bras se fixa pour longtemps au fond de ma rétine. Les muscles soutenaient harmonieusement cette ligne. Mais ce fut sa manière de sourire qui m’impressionna le plus. Il souriait discrètement, tête baissée, l’index de la main gauche effleurant la monture argentée de ses lunettes. Son souffle léger s’échappait faiblement par les interstices de sa main gauche. C’était bien un sourire, mais sous les cils, on aurait dit un soupir déchirant. Je finis par garder mes yeux fixés sur lui, pour ne pas perdre le moindre mouvement expressif à chaque fois qu’il souriait."

    Ce que j'en pense :

    Tout parait normal, banal dans ces trois nouvelles et pourtant on a un sentiment étrange, presque malsain en pénétrant cette écriture. On est loin de la poésie des nouvelles de "La mer".

    La piscine - les abeilles - la grossesse

    La piscine - les abeilles - la grossesse

     

     

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  • Monde sans oiseaux

     "Monde sans oiseaux" de Karin Serres
    Seuil

    Présentation de l'éditeur :

    « Petite Boîte d’Os » est la fille du pasteur d’une communauté vivant sur les bords d’un lac nordique. Elle grandit dans les senteurs d’algues et d’herbe séchée, et devient une adolescente romantique aux côtés de son amie Blanche. Elle découvre l’amour avec le vieux Joseph, revenu au pays après le « Déluge », enveloppé d’une légende troublante qui le fait passer pour cannibale. 

    Dans ce monde à la beauté trompeuse, se profile le spectre d’un passé enfui où vivaient des oiseaux, une espèce aujourd’hui disparue. Le lac, d’apparence si paisible, est le domaine où nagent les cochons fluorescents, et au fond duquel repose une forêt de cercueils, dernière demeure des habitants du village. 
    Une histoire d’amour fou aussi poignante qu’envoûtante, un roman écrit comme un conte, terriblement actuel, qui voit la fin d’un monde, puisque l’eau monte inexorablement et que la mort rôde autour du lac…

    Première page :

    "Il paraît qu'autrefois certains animaux traversaient le ciel grâce à leurs ailes, de fins bras couverts de plumes qui battaient comme des éventails. Ils glissaient dans l'air, à plat ventre, sans tomber, et leurs cris étaient très variés. Ils étaient ovipares, comme les poissons ou les lézards, et les humains mangeaient leurs œufs. On les appelait les «oiseaux». Petite, j'ai demandé à ma mère de me raconter, mais elle a changé de sujet. Cette histoire d'«oiseaux» est-elle vraie ?

    Un dimanche d'hiver, très tôt, mon père se rase sous l'ampoule qui se balance. Les joues couvertes de mousse, il réfléchit, les yeux dans le vague. Son cerveau engourdi se réveille lentement. Saisi par la pensée qui vient de le traverser, mon père fixe soudain son reflet dans le miroir en répétant à mi-voix : «Au sommet de mon corps, ma tête. À l'intérieur de cette boîte d'os : un flan mou et plissé. Et c'est cette chose, mon cerveau, qui me permet de penser ? !»"

    Ce que j'en pense :

    Étrange et poétique, parfois déroutant, un récit très difficile à classer (tant mieux!), à l'écriture originale. Tout dans ce livre nous parait à la fois éloigné et proche de notre monde ; passé et futur ne font qu'un.

    Monde sans oiseaux

    Monde sans oiseaux

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