• Le linguiste était presque parfait

    "Le linguiste était presque parfait" de David Carkeet
    traduction Nicolas Richard - éditions Monsieur Toussaint Louverture

    Présentation de l'éditeur :

    On traite le séduisant linguiste Jeremy Cook de trou-du-cul devant l’une de ses charmantes assistantes, et tout fout le camp! D’autant que l’un de ses collègues de l’institut d’étude du langage des nourrissons, un individu discret et obsédé par l’étrange notion de « contre-amitié », vient d’être assassiné. Du jour au lendemain, Jeremy va devoir élucider un meurtre, rédiger une conférence dont l’intitulé change tous les matins, faire le joli cœur et, plus important encore, découvrir – grâce à la linguistique et à quelques coups tordus – d’où sortent ces foutues rumeurs sur lui. Qui a dit que la vie d’un linguiste était un long fleuve tranquille ?

    Première page :

    « Mais vous faites quoi au juste avec ces bébés ? »

    En entendant cette question par la porte entrouverte du bureau de Wach, Cook s'immobilisa, encore invisible aux yeux des deux hommes en train d'y discuter. À la pers­pective de la réponse, il sourit. C'était exactement le genre de situation qui permettait à son misérable patron de briller par son incompétence.

    « Loin de moi l'idée de ne pas vous répondre... »

    Cook imagina le sourire de son patron : bref et idiot.

    « Un certain nombre de variables complexes entrent en ligne de compte dans toute tentative de définir un protocole expérimental... un objectif, un, une... ah, Jeremy, vous voilà ! »

    Cook s'était avancé. Il lui était trop pénible de ne pas intervenir.

    «Je voudrais vous présenter ce monsieur, journaliste à New York, qui écrit pour... pour qui d'ailleurs ?

    — Pour personne en particulier. Je suis pigiste pour différents journaux. Philpot. »

    Ce dernier mot avait été lancé à l'attention de Cook. Mais s'agissait-il de son nom ou de son prénom ? Cook n'en avait aucune idée ; comme pour les patronymes chinois, il était impossible de deviner duquel des deux il s'agissait.

    «Jeremy Cook, dit-il en serrant la main de Philpot, un homme de petite taille.

    —Appelez-moi Henry. »

    Ce que j'en pense :

    Roman paru aux États-Unis en 1980, mais qui parait très "moderne" et très original. C'est à la fois un roman social burlesque décrivant le petit monde de linguistes (où chaque mot est pesé, disséqué..) et un roman à "tendance policière" (même si l'intrigue est un peu mince et parfois tirée par les cheveux).

      

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  • Les derniers jours d'un homme

    "Les dernirs jours d'un homme" de Pascal Dessaint
    Rivages

    Présentation de l'éditeur :

    Une cité industrielle du Nord-Pas-de-Calais où la pollution a tout gangrené, une cité séparée du monde "sain et normal" par une autoroute, une cité qu'on ne quitte pas, sinon pour aller au cimetière. A une quinzaine d'années d'intervalle, deux voix se répondent. Celle d'un père, Clément, et celle de sa fille Judith. Les deux sont marqués par le deuil. Clément raconte la mort de sa jeune épouse et l'horreur de l'usine qu'il finit par lâcher, même si c'est pour trouver la précarité, pour arriver au drame qui va faire basculer sa vie. Judith, elle, est âgée de 18 ans et orpheline, elle a été élevée par son oncle Etienne, un homme à part, né avec un bras atrophié et qui, peut-être, boit pour oublier le malheur. Judith raconte sa vie avec l'oncle Etienne et cherche à éclaircir le mystère de la mort de son père. L'usine n'est plus là, il n'en reste que des traces indélébiles: crassiers, pollution, maladies et chômage. Cette usine était la vie des gens, leur gagne-pain; elle a aussi été leur mort.

    L'histoire de cette famille décimée, c'est l'histoire de toute une communauté doublement victime: à la fois de pratiques industrielles dévastatrices pour l'homme et son environnement, et aussi du cynisme d'affairistes voyous qui n'ont pas hésité à liquider une entreprise et ses ouvriers sur l'autel du profit.
    De manière transparente — seuls les noms propres sont légèrement modifiés —, Pascal Dessaint évoque le scandale de l'usine Metaleurop à Noyelles-Godault, qui, après avoir été le premier site mondial pour la production du germanium (sans parler des autres métaux), fut liquidée sans préavis pour les salariés et rasée en 2003 et 2006

     Avec ce roman choc sur un drame écologique et humain d'une rare ampleur, Pascal Dessaint, auteur d’une quinzaine d’ouvrages chez Rivages, élargit encore sa palette de romancier noir. Il quitte cette fois le pays toulousain pour renouer avec ses origines d'homme du Nord. Entre révolte et compassion, ni le ton ni le fond de ce livre ne peuvent laisser indifférent.

    Première page :

    "Automne

    Quelques jours avant sa mort, nous nous sommes cha­maillés. C'était parfaitement ridicule. Judith était déjà assise sur son rehausseur et je venais de vérifier que sa ceinture était bien mise. J'étais content, nous partions, pas longtemps et pas loin, mais nous partions. J'étais content et j'aurais pu être plus détendu. Depuis plusieurs semaines, je me faisais l'effet d'une meule de foin dans une prairie, une prairie près d'une forêt, une forêt en flammes. Je n'avais pas encore mis la clé dans le contact et Sabine a remarqué la toile d'araignée.

    Tu peux enlever cette toile d'araignée ? elle m'a demandé, un peu nerveuse.

    L'araignée avait tissé sa toile dans la coque du rétrovi­seur extérieur. C'était un rétroviseur réglable au tableau de bord. D'une pression du doigt, je pouvais faire pivoter le miroir. Les araignées ont parfois de drôles d'idées, ai-je pensé. Sabine attendait que je me décide. En quoi ça la gênait ? En quoi c'était gênant ? Nous ne prenions presque jamais la voiture. À l'époque où je travaillais à l'usine, je n'en avais pas besoin. Désormais, Thomas pas­sait me prendre et me raccompagnait tous les jours. Cette bagnole ne bougeait pas de la semaine, souvent de plusieurs semaines."

    Ce que j'en pense :

    Pas vraiment un roman noir, ni un polar, car tout est gris dans ce livre. On sent que Pascal Dessaint a retrouvé ses racines, c'est intime, émouvant. Bien sûr il y a parfois, comme dans d'autres romans de l'auteur, un excès de documentation qui peut paraitre superflu...

     

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  • Gordana

    "Gordana" de Marie-Hélène Lafon, illustré par Nihâl Marth
    Les éditions du chemin de fer

    Présentation de l'éditeur :

    Marie-Hélène Lafon s’offre une incursion dans un supermarché parisien. De son écriture puissante et tendue, elle transforme ce lieu le moins propice à la littérature en théâtre même de la fiction, pour inventer à Gordana une vie, des souvenirs, un destin.

    Nihâl Martli fait sienne cette réalité fantasmée, saisit un rêve, s’empare d’un détail, ponctue l’histoire de Gordana de ses peintures tour à tour poétiques ou déroutantes.

    Première page :

    "Elle s’appelle Gordana. Elle est blonde. Blonde âcre, les cheveux rêches. Entre les racines noires des cheveux teints, la peau est blanche, pâle, elle luit, et le regard se détourne du crâne de Gordana, comme s’il avait surpris et arraché d’elle, à son insu, une part très intime. Sa bouche est fermée sur ses dents. Elle s’obstine, le buste court et têtu, très légèrement incliné, sa tête menue dans l’axe. On devine des dents puissantes, massives, embusquées derrière les lèvres minces et roses. Le sourire de Gordana éclaterait comme un pétard de 14 juillet. On ne la voit pas sourire. On imagine. On reste au bord de ce que doit être ailleurs, dans une autre vie, le sourire dégoupillé de Gordana. Et son rire. Un rire de gorge, grave, rauque, presque catastrophique. Un rire acrobatique et très sexuel."

    Ce que j'en pense :

    L'auteure est très douée pour inventer des vies à des inconnu(e)s qu'elle peut croiser dans son quotidien et nous faire pénétrer dans le secret des personnes. C'est simple, efficace, sensuel, poétique, très bien écrit et très bien illustré.

       

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  •  Pris au piège

    "Pris au piège" de Yves Ravey
    éditions de minuit

    Présentation de l'éditeur :

    Si personne n'est convaincu par les deux hommes qui débarquent rue Jouffroy d'Abbans afin de régler ce fléau des parasites qui ont envahi les charpentes des maisons, en revanche, tous se laissent prendre au piège de leur manie madame Domenico et son désir de plaire, monsieur Domenico et sa jalousie, monsieur Carossa et la coupe de son bois ; quant au petit garçon, lui, il va devenir leur otage.

    Première page :

    "Je remontais en courant la rue Jouffroy d’Abbans ce matin-là, craignant d’être en retard à l’église pour l’office, sans m’apercevoir que monsieur Domenico, notre voisin, bras écartés au bord du trottoir, me barrait le passage, et je me heurtai à lui. Il me demanda alors de lui rapporter le journal, tâche dont je m’acquittais souvent. En effet, il n’aimait pas que sa femme se rende seule en ville sur sa bicyclette et il refusait de se faire livrer comme tout le monde par le buraliste.

    A mon retour, il est parti lire le journal dans le jardin en épiant monsieur Barre, le maître-nageur, à qui il venait de louer la chambre laissée vide par le départ de sa fille Jeanne, mariée depuis peu."

    Ce que j'en pense :

    Tout parait simple, ordinaire, dans les histoires d'Yves Ravey; il ne se passe presque rien; il n'y a pas d'esbroufe; et pourtant… l'auteur mène ce court récit (qui se lit d'une traite) de main de maître et sait parfaitement restituer un climat à la manière se Simenon.

       

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  • Donnez moi le temps suivi de La promenade imaginaire

    "Donnez moi le temps suivi de La promenade imaginaire" de André Hardellet
    L'imaginaire Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    En 1973 et 1974, Hardellet publie successivement deux essais Donnez-moi le temps et La promenade imaginaire. Deux livres qui pourraient être présentés comme le mode d’emploi d’Hardellet par lui-même. Il y aborde un genre nouveau : l’essai autobiographique. Donnez-moi le temps revient sur des épisodes de sa vie, des lieux tels que la villa de son enfance, il s'interroge sur les mécanismes de la mémoire, ainsi que sur la perception du Temps. La promenade imaginaire ajoute à la dimension temporelle du précédent récit la dimension spatiale. Hardellet déambule à travers différents lieux qui lui sont chers, évoquant ainsi son passé. Il révèle les paysages qui lui ont permis de se trouver transporté dans un ailleurs, qu'il traduit par une écriture poétique et pittoresque.

    Extrait :

    "Écrire ses souvenirs, c'est se donner du temps, propos de ce livre : puisque les autres inclinent si peu à nous en concéder, autant se servir soi-même. On adopte le rythme qui vous plaît, on raccourcit, on étire, surtout on prolonge à son gré les segments de bonheur. Inven­ter, c'est se ressouvenir, a dit quelqu'un de plutôt impor­tant ; il me semble que la formule inversée est également vraie : se souvenir, c'est inventer. Le réel et l'imaginaire s'entremêlent de telle sorte que la sincérité n'est pas en cause lorsqu'on les confond. La manière dont nous remplissons les blancs de la mémoire signe notre vérité ; en partie, la réalité devient celle que nous désirons et, par là même, nous peint mieux qu'une relation absolu­ment exacte — d'ailleurs impossible. Allez donc y voir, un demi-siècle après ! L'écrivain n'est pas un tricheur professionnel mais il retouche et, ce faisant, il témoigne sur son compte.

    Ceux que j'aime et admire le plus, ceux qui m'ont ouvert les yeux, ont pris racine dans le ou dans leur passé…"

    Ce que j'en pense :

    Réalisme poétique, évocations d'un monde disparu, univers un peu "décalé", l'écriture d'Hardellet ne se rattache à aucune école, elle se déguste lentement (les petits chapitres favorisent cette lecture délicate).

      

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  • La nuit du visiteur

    "La nuit du visiteur" de Benoît Jacques
    Benoit Jacques books

    Présentation de l'éditeur :

    Si ce n'est pas son gentil petit chaperon rouge, qui donc frappe à la porte de Mère-Grand à cette heure de la nuit ? II vous faudra des nerfs d'acier pour ne pas abandonner cette lecture éprouvante en cours de route et risquer ainsi de louper la clef de l'énigme.

    Extrait :

    La nuit du visiteur

     

    Ce que j'en pense :

    Détournement très réussi de l'histoire du petit chaperon rouge. Les illustrations en linogravure sont magnifiques. Le texte joue avec la langue : sonorités, rimes… et l'humour est bien sûr au rendez vous. Un album à lire, à raconter, à écouter… à tout âge.

       

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