• Le sermon sur la chute de Rome

    "Le sermon sur la chute de Rome" de Jérôme Ferrari
    Actes sud

    Présentation de l'éditeur:

    Dans un village corse perché loin de la côte, le bar local est en train de connaître une mutation profonde sous l’impulsion de ses nouveaux gérants. À la surprise générale, ces deux enfants du pays ont tourné le dos à de prometteuses études de philosophie sur le continent pour, fidèles aux enseignements de Leibniz, transformer un modeste débit de boissons en “meilleur des mondes possibles”. Mais c’est bientôt l’enfer en personne qui s’invite au comptoir, réactivant des blessures très anciennes ou conviant à d’irréversibles profanations des êtres assujettis à des rêves indigents de bonheur, et victimes, à leur insu, de la tragique propension de l’âme humaine à se corrompre.
    Entrant, par-delà les siècles, en résonance avec le sermon par lequel saint Augustin tenta, à Hippone, de consoler ses fidèles de la fragilité des royaumes terrestres, Jérôme Ferrari jette, au fil d’une écriture somptueuse d’exigence, une lumière impitoyable sur la malédiction qui condamne les hommes à voir s’effondrer les mondes qu’ils édifient et à accomplir, ici-bas, leur part d’échec en refondant sans trêve, sur le sang ou les larmes, leurs impossibles mythologies.

    Première page :

    "Comme témoignage des origines - comme témoignage de la fin, il y aurait donc cette photo, prise pendant l'été 1918, que Marcel Antonetti s'est obstiné à regarder en vain toute sa vie pour y déchiffrer l'énigme de l'absence. On y voit ses cinq frères et sœurs poser avec sa mère. Autour d'eux, tout est d'un blanc laiteux, on ne distingue ni sol ni murs, et ils semblent flotter comme des spectres dans la brume étrange qui va bientôt les engloutir et les effacer. Elle est assise en robe de deuil, immobile et sans âge, un foulard sombre sur la tête, les mains posées à plat sur les genoux, et elle fixe si intensément un point situé bien au-delà de l'objectif qu'on la dirait indifférente à tout ce qui l'entoure - Je photographe et ses instruments, la lumière de l'été et ses propres enfants, son fils Jean-Baptiste, coiffé d'un béret à pompon, qui se blottit craintivement contre elle, serré dans un costume marin trop étroit, ses trois filles aînées, alignées derrière elle, toutes raides et endimanchées, les bras figés le long du corps et, seule au premier plan, la plus jeune, Jeanne-Marie, pieds nus et en haillons, qui dissimule son petit visage blême et boudeur derrière les longues mèches désordonnées de ses cheveux noirs."

    Ce que j'en pense :

    Il y a un côté tragique dans ce monde (le bar du petit village corse) qui va disparaitre et en même temps une part de grotesque. Le style est parfois assez lyrique et à d'autres moments plutôt cru.  Malgré la longueur des phrases la lecture coule naturellement.  C'est un bon prix Goncourt, à la fois sombre et drôle.

      

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  • Chasseurs de têtes

    "Chasseurs de têtes" de Jo Nesbo
    traduit par Alex Fouillet - Gallimard, Série noire

    Présentation de l'éditeur :

    Roger Brown le répète à qui veut l'entendre : il est le meilleur chasseur de têtes de toute la Norvège. Pas un collègue ne lui arrive à la cheville, et quand il décroche son téléphone, tous les DRH du pays ont le doigt sur la couture. Mais il faut toujours se méfier des apparences, même au sommet de la société. Roger Brown vit au-dessus de ses moyens : sa villa est trop grande et sa femme bien trop belle. Sans parler de la galerie d'art de cette dernière qui engloutit toutes ses finances. Il n'a donc pas le choix : alors que ses richissimes clients sont convoqués à des rendez-vous professionnels qu'il a lui-même mis sur pied, il en profite pour s'introduire chez eux et leur voler leurs oeuvres d'art. Un jour, le candidat parfait se présente : le Néerlandais Clas Greve. Ancien militaire spécialiste de la technologie GPS, il possède le profil idéal, ainsi qu'un Rubens. Si Roger Brown réussit à mettre la main sur ce tableau, ses problèmes financiers seront réglés. Et son épouse sera sienne pour toujours... Mais Roger va bien vite comprendre que, dans cette histoire, tout le monde veut quelque chose, et que personne n'a rien gratuitement. Pas sans tuer... La chasse aux têtes est ouverte !

    Première page :

    "Une collision entre deux véhicules, c'est de la physique simple. Les hasards régissent l'ensemble, mais on peut les expliquer en disant que l'équation force x temps revient à multiplier de la masse par une variation de vitesse. Introduisez les hasards sous forme de chiffres pour les variables, et vous obtenez un récit simple, vrai et impitoyable. Il raconte par exemple ce qui se passe quand un camion de vingt-cinq tonnes plein à craquer roulant à une vitesse de quatre-vingts kilomètres à l'heure heurte une voiture de tourisme d'une tonne huit roulant à la même vitesse. En se fondant sur les hasards en matière de point d'impact, de qualité des carrosseries et d'angle des corps entre eux, on obtient une infinité de variantes à ce récit, mais elles ont deux points communs. Ce sont des tragédies, et c'est la voiture de tourisme qui est en position délicate.

    Le calme est étrange, j'entends le vent souffler doucement dans les arbres, et le murmure de la rivière. Mon bras est paralysé, je suis suspendu la tête en bas, bloqué entre chair et acier. Du sang et de l'essence gouttent depuis le plancher au-dessus de moi."

    Ce que j'en pense :

    Le sujet est intéressant et il n'y a pas tant de livres écrits sur ce thème. C'est du Nesbo, bien écrit, avec rythme très soutenu, on ne s'y ennuie pas. Mais la fin, en particulier, où l'on a droit à une explication à la Agatha Christie, c'est loin d'être du bon Nesbo.

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  • Album

    Album de Marie-Hélène Lafon
    Buchet Chastel

    Présentation de l'éditeur :

    Ma rivière d’enfance a nom Santoire. Elle borna le monde, c’est définitif, elle fut l’été, la plage d’ardoise, et l’immobile après-midi d’août, le temps arrêté dans le babil lumineux de son lit de cailloux. Elle fut de chaque hiver, et des printemps brefs, haute, pressée d’en finir, se hâtant, tournoyant à bout de gris, cinglant les branches nues et penchées. Horizontale, insolente et enfuie. 

    C’est un abécédaire choisi, où l’on irait de Arbres à Vaches en passant par Chiens, Journal, ou Tracteurs. 

    Ce serait l’os des choses, leur velours ; et comme une déclaration d’amour répétée vingt-six fois.

    Extrait :

    "Bottes

    Elles sont volontiers vertes, d'un vert modeste et contrit, ou rousses, voire cuivrées, façon vache salers; elles ne sont pas noires, ni bleues, on n'est pas au bord de la mer, on n'est pas au manège, on vient de l'étable, on y retourne; les bottes agricoles sont d'abord faites pour ça, pour le fumier, le lisier, la merde dans tous ses états, solide, liquide, grasse, grumeleuse, compacte, en croûte, en ruisseaux, en flaques étales; les bottes sont faites pour la bouse dont elles se rient, retrouvant leur virginité au premier coup de brosse sous le jet d'eau ou en trois pas dans le mouillé de l'herbe..."

    Ce que j'en pense:

    Il s'agit bien d'un album puisque ces textes "donnent à voir". Écriture simple (avec parfois un peu trop d'adjectifs), poétique et non dépourvue d'humour pour décrire l'univers du paysan : objets, animaux, saisons, odeurs... Un livre qui sent bon la terre.

      

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  • L'écriture sur le mur

    "L'écriture sur le mur" de Gunnar Staalesen
    traduction Alex Fouillet - Gaïa polar

    Présentation de l'éditeur :

    À Bergen, février est un mois dangereux pour les sorties solitaires. Un juge d’instance est retrouvé mort dans l’un des meilleurs hôtels de la ville, seulement vêtu d’un délicat ensemble de dessous féminins.

    Quelques jours plus tard, le détective privé Varg Veum se voit confier la mission de retrouver Thorild, une jeune fille disparue. Thorild, qui aurait l’âge d’être sa fille. L’âge auquel on dit de la jeunesse qu’elle reflète l’état de la société. Varg Veum a pris un coup de vieux. Il s’est fait à l’idée de garder ses distances avec l’aquavit, et assume une histoire qui dure avec Karin. Le bonheur ? Pas si simple. Varg reçoit du courrier. Dans l’enveloppe, un avis de décès. Le sien.

    Première page :

    "Quand le juge H.C Brandt, soixante-deux ans, fut retrouvé mort un vendredi de février dans l'un des meilleurs hôtels de la ville, uniquement vêtu d'un ensemble de sous-vêtements féminins des plus raffinés, les rumeurs ne tardèrent guère.
    Des rires retentissants fusaient autour des tables de journalistes du Wesselstuen à chaque nouvelle information, et le moindre détail prenait facilement des proportions inattendues. Je me vis présenter une poignée de ces hypothèses par mon vieux copain de classe, le journaliste Paul Finckel, alors que nous partagions au Børs un déjeuner paisible fait de carbonnade et de bière, quelques jours plus tard.
    Qu'on ait retrouvé le juge en sous-vêtements féminins, c'était déjà assez sensationnel. Les suppositions quant à la couleur des dits sous-vêtements étaient légion. Le rose et le rouge revenaient fréquemment. Plusieurs personnes maintenaient contre vents et marées qu'ils avaient été vert pastel. En fin de compte, on s'accorda pour dire qu'ils avaient dû être noirs.
    Les rumeurs les plus brûlantes concernaient la ou les personnes en compagnie de qui il s'était trouvé dans cette chambre. Car absolument personne ne croyait qu'il y avait été seul.
    Un groupe en particulier était convaincu qu'il s'était agi d'un homme, puisque le juge, lui, portait des vêtements de femme. Mais comme personne n'avait jamais entendu dire que le juge ait été lié au milieu homosexuel de la ville, et puisqu'il était en outre marié et grand-père, c'était selon eux la révélation d'une homosexualité refoulée. Et qui pouvait affirmer que le partenaire potentiel n'appartenait pas à la même catégorie ? Le cas échéant, les journalistes avaient plein de bonnes idées, mais aucune preuve tangible de son identité.

    Ce que j'en pense :

    Intrigue bien conduite, style assez imagé, humour...font de ce polar un livre agréable à lire. On a beaucoup de sympathie pour ce privé (ancien travailleur social) qui n'a pas peur de se confronter aux mœurs de son époque, même si on se perd parfois dans les noms propres norvégiens...

      

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  • "Le meilleur des jours" de Yassaman Montazami
    Sabine-Wespieser éditeur

    Présentation de l'éditeur :

    Après la mort de son père, Yassaman Montazami se réfugie dans l’écriture pour tenter de garder vive la mémoire de ce personnage hors norme. La drôlerie et la cocasserie des souvenirs atténuent peu à peu l’immense chagrin causé par sa perte.

    Né avant terme, condamné puis miraculé, l’enfant adulé par sa mère, qui jamais ne lui refusa rien, fut nommé Behrouz – en persan : « le meilleur des jours » –, un prénom prédestiné pour un futur idéaliste épris de justice et un pitre incapable de prendre la vie au sérieux.

    Envoyé en France pour y poursuivre des études qu’il n’achèvera jamais, il participe à sa manière aux événements révolutionnaires de 1979, au cours desquels l’Iran bascule de la monarchie à la République islamique, en faisant de son appartement parisien un refuge pour les Iraniens en exil. Leurs chassés-croisés entre Paris et Téhéran donnent à l’auteur l’occasion de brosser une multitude de personnages improbables et issus des milieux les plus divers : une épouse de colonel en fuite, fanatique d’Autant en emporte le vent, un poète libertin, mystique et interdit de publication, un révolutionnaire maoïste enfermé à la prison d’Evin, et même un ancien chef d’entreprise devenu opiomane.

    Évocation d’un monde aujourd’hui disparu, ce premier roman frappe par sa maîtrise et par l’acuité de son trait.

    Première page :

    "Aux premiers jours de l’été 2006, mon père quitta Téhéran pour Paris afin de faire renouveler son titre de résident en France, qui arrivait à expiration. Comme je m’étais étonnée qu’il entreprenne pareille démarche, dont l’utilité m’échappait, étant donné qu’il était retourné vivre en Iran six ans plus tôt, il m’avait répondu que ce document lui épargnerait pendant les dix années de sa validité les tracasseries administratives d’une demande de visa chaque fois qu’il voudrait nous rendre visite, à mon frère et à moi. Il se projetait dans l’avenir. Il ignorait qu’il n’en avait plus.

    La veille de sa venue, alors allongée sur le divan de mon psychanalyste, je laissai tout à coup échapper une phrase incongrue, qui me surprit moi-même, comme si une autre personne l’avait prononcée : « Quelqu’un va mourir. » Un temps s’écoula, durant lequel je me demandai qui pourrait bien être appelé à disparaître, quand soudain je m’entendis articuler : « Cette personne, c’est mon père. » La séance touchant à son terme, ce fut sur ces derniers mots que je quittai mon psychanalyste."

    Ce que j'en pense :

    Plus qu'un roman c'est plutôt une suite d'instantanés autour de la personnalité du père de l'auteure. A travers le portrait du père on découvre l'Iran des années 70/80. C'est souvent drôle, parfois émouvant, peut être un peu court.

     

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