• Pépère

    "Pépère" de Christophe Spielberger
    éditions "l'une et l'autre"

    Présentation de l'éditeur :

    Le jour de ses 100 ans, Albert Binot, dit Pépère, décide de tenir un journal de bord. Estimant que l'on n'arrive pas à son âge par hasard, il se défend d'être un vieux con et dans ce cahier qu'il souhaite léguer à son arrière-petit-fils, il fait défiler les faits marquants de son passé et de son présent. Libraire jusqu'à la fin du XXe siècle, il se souvient : du temps où l'on imprimait encore les livres sur du papier - où l'on se déplaçait même pour les acheter, des femmes de sa vie, d'une infirmière dévouée, à l'asile Elisa où il réside depuis trois ans, du copain de promenade, de sa voisine de palier abîmée par Alzheimer. De l'amour à la mort les frontières vont s'avérer poreuses. Son journal durera 100 jours, 100 petits chapitres et autant de tranches de vie, soutenus par des vignettes piochées tantôt dans un imagier fétiche, tantôt dans son propre imaginaire. Sage et malicieux, drôlement poétique, Pépère est un roman sur ce qui fout le camp mais aussi sur ce que l'on voudrait garder jusqu'au bout.

    Première page :

    "Aujourd'hui, je vais mourir. Ou peut-être demain, je ne sais pas. Maman n'a jamais rien dit à ce sujet. Elle est belle, maman, dans sa cuisine au sol en terre cuite. Des rondelles de carottes flottent dans la marmite, d'autres ont coulé au fond. Elles attachent. Albert a encore fait des roues de camion! dit papa au salon, la pipe entre les dents. Il vient couper le pain, je mets la table et maman goûte la cuillère en bois : un pot-au-feu, on va se régaler. Dehors c'est l'hiver, une nuit dans la maison où je suis né... Ici à l'asile, tout le monde dort encore. Je voulais être le premier, ce matin. Avoir du temps avec mon nouveau cahier. Hier soir, avant de me coucher, j'ai jeté mes comprimés dans les cabinets. Sinon le réveil, je ne l'aurais pas entendu. Ma nuit difficile, surtout les jambes, à un moment j'ai regretté mais ce matin, je songe que ça en valait la peine. Car il est 5 heures, et à 5 heures, il y a cent ans je suis né. Aussi, ces prochains jours j'attends pas mal de monde, mais d'ici là, assis dans mon lit je savoure ce premier matin. Même si mes yeux ne voient plus tous les mots, le stylo va plutôt sans accrocs et c'est une bonne surprise."

    Ce que j'en pense :

    Chronique d'un temps qui passe et nous défait, inexorablement, ou, comment jouir encore des moindres petits plaisirs que la vie peut encore offrir. C'est triste et joyeux, profond et léger, structuré et confus... comme la vie... et la mort qui finit par arriver (point n'est besoin d'être centenaire!).

      

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  • À travers les champs bleus

    "À travers les champs bleus" de Claire Keegan
    traduction Jacqueline Odin - Sabine Wespieser éditeur

    Présentation de l'éditeur :

    « Plus tôt, les femmes étaient venues avec des fleurs, chacune d’une nuance de rouge plus foncée. Dans la chapelle, où ils attendaient, leur parfum était fort. L’organiste a lentement joué la toccata de Bach, mais un frémissement de doute se répandait sur les bancs. »

    Dès l’initiale de la nouvelle titre, avec ce « frémissement de doute », Claire Keegan parvient à suggérer un trouble, que confirmeront les premiers balbutiements du prêtre au moment de célébrer le mariage.

    Les huit nouvelles de ce recueil, pour l’essentiel enracinées dans la terre d’Irlande, évoquent le pouvoir dévastateur des mots (La Mort lente et douloureuse), les relations des pères et de leurs filles (Le Cadeau d’adieu, La Fille du forestier), les amours impossibles (À travers les champs bleus, Chevaux noirs, La Nuit des sorbiers), la force des préjugés (Près du bord de l’eau) ou le poids des traditions (Renoncement). Tout comme dans L’Antarctique (2010) et Les Trois Lumières (2011), le regard acéré et les phrases ciselées de l’écrivain en imposent. Sans jamais rien affirmer, Claire Keegan parvient, dans ses textes d’une beauté lapidaire, à susciter d’inoubliables émotions de lecture.

    Première page :

    "Il était déjà trois heures du matin lorsqu'elle a traversé le pont d'Achill. Là, enfin, se dressait le village : la coopérative de pêche, la quincaillerie et l'épicerie, la chapelle en pierre rougeâtre, chacune des constructions fermée et silencieuse sous la lueur des lampadaires. Elle a continué son trajet sur une bande de route sombre où, de chaque côté, les grandes haies de rhododendrons revenus à l'état sauvage avaient fané. Elle n'a pas vu un seul être humain, une seule fenêtre allumée, juste quelques moutons à pattes noires endormis et, plus tard, un renard immobile, craintif, dans la lumière des phares. La route est devenue raide, puis, au détour d'un virage, s'est élargie, déserte. La femme devinait l'océan, les tourbières ; espace immense, découvert. Dugort n'était pas clairement indiqué, mais elle s'est sentie confiante en prenant vers le nord la route inhabitée qui conduisait à la maison Bôll."

    Ce que j'en pense :

    Dans chacun de ces textes, beaucoup de solitude, de pudeur mais aussi de la violence et de la tendresse à la manière de ces paysages à la fois rudes, venteux et sauvages. Une écriture simple, claire et ouverte, un grand bonheur de lecture.

       

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  • Quai des enfers

    "Quai des enfers" de Ingrid Astier
    Série noire Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    Paris, l'hiver. Noël s'approche avec l'évidence d'un spectre. Au cœur de la nuit, une barque glisse sur la Seine, découverte par la Brigade fluviale à l'escale du quai des Orfèvres. À l'intérieur, un cadavre de femme, sans identité. Sur elle, la carte de visite d'un parfumeur réputé. Une première dans l'histoire de la Brigade criminelle, qui prend en main l'enquête, Jo Desprez en tête. Mais quel esprit malade peut s'en prendre à la Seine ? Qui peut vouloir lacérer ce romantisme universel ? Exit les bateaux-mouches et les promenades. Le tueur sème la psychose : celle des naufrages sanglants. Désormais, son ombre ne quittera plus le fleuve. S'amorce alors une longue descente funèbre qui délivre des secrets à tiroirs. Jusqu'à la nuit, la nuit totale, celle où se cache le meurtrier. Pour le trouver, nul ne devra redouter les plongées. À chacun d'affronter ses noyades.

    Première page :

    "« Hé Steph, qu'est-ce qu'y a de plus noir que les eaux de la Seine la nuit ?

    —   J'sais pas moi... L'œil de Satan ?...

    —   Pourquoi l'œil, tocard, tu crois qu'il est borgne ? »

    Phil, le chef d'intervention de la Brigade fluviale, sondait les eaux noires du regard. Il les palpait, déshabillait en connaisseur cette femme-fleuve. Il hésita avant de répondre :

    « Pour ne voir que le mauvais côté... il doit avoir vendu un œil, non ? »

    Des rires fusèrent du Zodiac, qui fendait la Seine et passait à l'instant le pont d'Arcole. Un bruit d'avion montait des puissants moteurs, tandis que le Cronos rebondissait sur l'onde épaisse, couleur soutane de curé.

    Paris dormait ferme.

    Les visages des policiers, réfugiés sous leurs bonnets, scrutaient les zones d'ombre. Il ne faisait pas froid : il gelait à en faire crever un olivier. Phil avait ramené l'expression de son dernier stage de plongée à Amibes. Les paroles, comme les promeneurs, filaient rares."

    Ce que j'en pense :

    Livre bien structuré, avec une intrigue qui pourrait être intéressante, des retournements de situation, des fausses pistes... l'auteure s'est donc appliquée à respecter les règles du polar mais tout cela ne fonctionne pas, ou mal. Les dialogues paraissent parfois étrangers aux personnages (sans doute trop nombreux). Il y a souvent des digressions complètement inutiles, ou encore des allusions fréquentes et agaçantes aux milieux de la mode, de la musique de la peinture. Ingrid Astier qui avait auparavant publié des livres de cuisine maitrise bien les recettes mais si elle veut continuer dans le genre polar il va lui falloir revoir ses ingrédients !

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  • La chambre des morts

    "La chambre des morts" de Franck Thilliez
    Pocket

    Présentation de l'éditeur :

    Imaginez... Vous roulez en pleine nuit avec votre meilleur ami, tous feux éteints. Devant vous, un champ d'éoliennes désert. Soudain le choc, d'une violence inouïe. Un corps gît près de votre véhicule. À ses côtés, un sac de sport. Dedans, deux millions d'euros, à portée de main. Que feriez-vous ? Vigo et Sylvain, eux, ont choisi.

    Première page :

    "Depuis la nuit dernière, l'odeur avait encore empiré. L'infection ne se contentait plus d'imprégner les draps ou les taies d'oreiller, elle se diluait dans toute la chambre, tenace et nauséeuse. Une fois son tee-shirt ôté, la fillette l'avait écrasé sur son nez avant de nouer les extrémités autour de sa tête. Stratagème inefficace. Malgré la barrière de tissu, les molécules olfactives distribuaient leur poison invisible. Il est des fois où l'on ne peut rien contre plus petit que soi.

    À travers les fenêtres verrouillées, l'été déversait une moiteur grasse, les mouches bourdonnaient, agglutinées en losanges émeraude sur un trognon de pomme pourri. De plus en plus, l'enfant se sentait impuissante face aux hordes ailées. Les insectes se multipliaient à une vitesse prodigieuse et fondaient sur le lit, trompes en avant, à chaque fois que la petite relâchait son attention. Bientôt, épuisée, affamée, elle serait forcée de capituler.

    Même pas neuf ans et pourtant, déjà, l'envie de mourir.

    Sa gorge brûlait, sa langue gonflait, son organisme se liguait contre elle en un arc douloureux. Il fallait boire, absolument. Ce qui impliquait quitter la couche, s'éloigner de la chambre et foncer jusqu'à la salle de bains."

    Ce que j'en pense :

    Un thriller (sanglant) assez bien écrit dans une région sinistrée (le Nord) ; mais la dimension sociale n'est sans doute pas assez mise en avant. L'intrigue est bien conduite mais assez "prévisible". Certains rebondissements sont un peu "tirés par les cheveux". On devine que le lieutenant de police Lucie Henebelle doit rester en vie afin d'apparaitre dans d'autres livres !

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  • Une femme seule

    "Une femme seule" de Marie Vindy
    Fayard noir

    Présentation de l'éditeur :

    Un petit matin de janvier, au lieu-dit de L’Ermitage, Marianne Gil est réveillée par une pluie de coups frappés à sa porte. Son ami Joe, affolé, a découvert le corps sans vie d’une jeune fille derrière les granges, au fond de la propriété. Ils préviennent les autorités. 

    Le capitaine Francis Humbert, de la brigade de recherches de Chaumont, prend la tête des opérations. Les premières constatations révèlent que la victime a été étranglée, mais rien ne permet d’établir son identité. Qui est-elle ? Et que faisait-elle seule, dans les bois, en plein hiver ? 
    Mystérieuse Marianne, qui vit cachée et porte un secret que ni le silence ni la solitude n’ont su consoler. Écrivain de renom, cette femme seule à la beauté sauvage dégage une fragilité à laquelle Humbert sent confusément qu’il ne peut résister. Divorcé, englué dans une vie de caserne qui ne lui convient plus, cet enquêteur acharné va tout risquer pour la protéger de son passé...

    Première page :

    "La fatigue accumulée les trois derniers jours l'avait saisie la veille, à son retour. Marianne dormait d'un sommeil profond, lourd et sans rêve, quand une pluie de coups contre la porte la réveilla en sursaut. Elle ouvrit les yeux, désorientée.

    Le jour se levait à peine, mais quelqu'un l'appelait. On criait son prénom. Elle reconnut la voix et son cœur fit un bond dans sa poitrine. La présence de Joe de si bonne heure ne pouvait avoir qu'une seule explication : les chevaux, ses chevaux. Elle passa un pull sur son tee-shirt et descendit pieds nus au rez-de-chaussée.

    La trentaine, grand et osseux, des cheveux bruns toujours très courts, Joe avait dû prendre appui sur le chambranle de la porte pour ne pas flancher, lui qui se tenait d'habitude campé sur ses jambes comme si elles étaient faites de la même glaise que le sol."

    Ce que j'en pense :

    Il y a bien dans ce livre un point de départ intéressant, un endroit assez original et une certaine recherche d'atmosphère mais l'intrigue est assez lente. Les personnages manquent d'épaisseur et l'histoire d'amour entre les deux principaux protagonistes n'est pas crédible.

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