• L'homme à la bombe

    "L'homme à la bombe " de Christian Roux
    Rivages/Noir

    Présentation de l'éditeur :

    Dans une France minée par le chômage et les plans sociaux, Larry, ingénieur acousticien, perd son emploi. Même pour un travail non qualifié, on ne veut pas de lui. Trop diplômé. Lassé des entretiens d'embauche qui ne mènent nulle part, écoeuré, aux abois, il fait une bêtise. Fabrique une bombe. Elle est fausse, mais lui seul le sait et le pouvoir de persuasion de la bombe est immense...

     Depuis Le Couperet de Westlake, la souffrance au travail, la peur du chômage et la détresse induite par la perte d'emploi, sont des thèmes plus actuels que jamais. Christian Roux s'en empare dans ce road-novel intense aux accents de fable politique.

    Première page :

    "Au début, évidemment, Larry n'avait pas la bombe. Il se rendait à ses entretiens en essayant d'y croire. Mais très vite, à chaque fois, il devait admettre qu'il n'y avait aucune chance pour que ça marche. Quelle que soit l'heure à laquelle il arrivait - et il arrivait parfois avec une heure d'avance -, quinze à trente personnes étaient déjà là, à attendre leur tour. Toutes entraient et sortaient par la même porte, la mine plus ou moins déconfite. Toutes postulaient pour un même emploi, qui ne demandait pas de qualifications particulières. Ranger des boîtes dans des rayons, établir un bon de commande ou un bordereau de livraison, saisir des entrées et des sorties, appuyer sur une touche pour qu'un ordinateur calcule un différentiel... n'importe qui sachant lire et écrire pouvait faire ça. Le Brevet des Collèges, pour ce genre de boulot, c'était déjà beaucoup, et il était prêt à parier qu'un bon quart des prétendants possédaient au minimum un diplôme universitaire.

    Quand enfin venait son tour, il poussait la porte et entrait dans une pièce presque vide. Deux ou trois tables, une chaise, une plante verte dans le meilleur des cas ; au sol, de la moquette premier prix, sur les murs, du papier gaufré à peindre ..."

    Ce que j'en pense :

    À la fois road movie et fable sociale, l'auteur nous livre un texte sombre mais non dépourvu d'humour. Le scénario est très efficace, les thèmes très actuels et l'écriture directe... Voilà en 150 pages un très bon roman noir.

      

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  • Avoir les boules à Istanbul

    "Avoir les boules à Istaanbul" de Marc Villard
    L'Atalante

    Présentation de l'éditeur :

    Blainville est une bourgade située dans la Creuse, autrement dit nulle part. La résidence est l'ancienne bâtisse de Mathurin Bagieux, l'enfant du pays, poète à ses heures. Il a publié trois recueils à compte d auteur avant de mourir d une cirrhose du foie et a eu l'intelligence de céder sa maison à Antoinette Bourquin, adjointe au maire, en lui recommandant de transformer l'endroit en résidence pour écrivains. L'affaire tourne depuis dix ans et je fais partie d'un groupe de cinq auteurs pris en charge pour trois mois. Deux d'entre nous partent en avril pour une seconde résidence qui les accueille jusqu à fin juillet. Après, ils demandent une bourse de création au Centre national des lettres qui devrait leur assurer six mois tranquilles.
    À la fin des six mois, Bourquin veut bien les récupérer. Je ne suis pas venu ici pour survivre, contrairement à mes collègues. Je suis ici car mon ex, Cynthia, réclame une pension alimentaire et la moitié des lingots d'or que j ai planqués dans la chambre 7 de la résidence.
    Va mourir. Salope.

    Première page :

     "MARS

    MERCREDI   Ier

     Je ne sais pas pourquoi mais les écrivains de cette résidence me regardent mal. J'essaie pourtant de m'intéresser à leurs vies de cloportes. Tiens, celle d'Hélène Soubise par exemple.

     —   Henri, j'ai vécu un grand amour l'année dernière, dit-elle.

     —   C'était quoi comme animal ?

     Elle est partie pleurer dans sa chambre. Ces gens sont trop délicats, trop frêles. Nous, dans le polar, on est plus francs du collier."


    Ce que j'en pense :

    Petit livre pour ne pas prendre les écrivains au sérieux, pour se moquer de leur tendance égocentrique... et pour en rire doucement !

     

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  • La reine des lectrices

    "La reine des lectrices" de Alan Bennett
    traduction Pierre Ménard - folio (denoël)

    Présentation de l'éditeur :

    Que se passerait-il outre-Manche si Sa Majesté la Reine se découvrait une passion potin la lecture? Si, d'un coup, rien n'arrêtait son insatiable soif de livres, au point qu'elle en vienne. à négliger ses engagements royaux? C'est à cette drôle de fiction que nous invite Alan Bennett, le plus grinçant des comiques anglais. Henry James, les sœurs Brontë, Jean Genet et bien d'autres défilent sous l'œil implacable d'Elizabeth, cependant que le monde so British de Buckingham Palace s'inquiète. Du valet de chambre au prince Philip, tous grincent des dents tandis que la royale passion littéraire met sens dessus dessous l'implacable protocole de la maison Windsor. Un succès mondial a récompensé cette joyeuse farce qui, par-delà la drôlerie, est aussi une belle réflexion sur le pouvoir subversif de la lecture.

    Première page :

    "Windsor accueillait ce soir-là un banquet d'apparat : le président de la République française s'était placé aux côtés de Sa Majesté tandis que la famille royale se regroupait derrière eux ; la procession se mit lentement en marche et rejoignit le salon Waterloo.

    — Maintenant que nous sommes en tête à tête, dit la reine en adressant des sourires de droite à gauche à

    l'imposante assemblée, je vais pouvoir vous poser les questions qui me tracassent au sujet de Jean Genêt.

    — Ah... Oui, dit le président.

    La Marseillaise puis l'hymne britannique suspendirent durant quelques instants le déroulement des opérations, mais lorsqu'ils eurent rejoint leurs sièges, Sa Majesté se tourna vers le président et reprit :

    — II était homosexuel et il a fait de la prison, mais était-ce vraiment un mauvais garçon? Ne pensez-vous pas qu'il avait un bon fond, au contraire? ajouta-t-elle en soulevant sa cuillère."

    Ce que j'en pense :

    L'humour tombe parfois à plat lorsqu'on ne connait pas les écrivains dont il est question. Il ne faut pas s'attendre à rire aux éclats à chaque page, mais c'est un livre amusant, agréable, sur la lecture et l'écriture. La chute est très malicieuse.

     

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  • Le camion

    "Le camion" de Per Wahlöö
    traduction Philippe Bouquet - Rivages/Noir

    Présentation de l'éditeur :

    Espagne, début des années 1960. Willi Möhr, un jeune peintre marginal, a fui l’Allemagne de l’Est pour s’installer dans un village de pêcheurs où il cohabite avec un couple d’artistes scandinaves. Möhr est tiré de sa torpeur et de sa passivité morale le jour où ils disparaissent, pendant une partie de pêche. Il est persuadé qu’ils ont été assassinés. Mais dans cet univers étouffant, où les rapports humains ont été subtilement corrompus par la dictature de Franco, on ne parle guère et la police veille.

    Première page :

     "Willi Mohr fut arrêté le 7 octobre vers 2 heures de l'après-midi, au milieu de la sieste.

     Il vivait seul dans une maison de deux étages en mauvais état du Barrio Son Jofre, dans la partie sud de la ville, qui était aussi la plus ancienne et celle située le plus en hauteur.

     L'homme qui vint l'interpeller était un garde civil d'âge mûr au visage somnolent, aux traits marqués et à la moustache grise coupée court. Il portait sa carabine en bandoulière et était venu à pied du cantonnement, à une certaine distance de là. À son arrivée dans la petite ruelle pavée qui montait en serpentant vers le Barrio, il observa une pause pour reprendre son souffle. Il n'était pas pressé.

    Cinq minutes avant, Willi Mohr savait déjà que quelqu'un était en route vers son domicile. Il était couché sur le dos dans la pénombre, les mains jointes derrière la nuque, et regardait le plafond sans penser à quoi que ce soit en particulier. Il perçut un léger frottement et tourna la tête. Il vit alors le chat pénétrer par la chatière et pro­jeter une petite ombre oblique sur le losange de soleil qui éclairait le sol. Comme il passait directement de l'ombre au soleil, ses pupilles se dilatèrent au point de dévorer presque entièrement ses iris vert clair et de prendre une forme totalement circulaire. L'animal ne s'enfonça pas dans la pièce et s'arrêta près de la porte en jetant des regards prudents en direction de la ruelle. "

     Ce que j'en pense :

    Ce livre paru en 1962 décrit parfaitement la chape de plomb qui existait dans l'Espagne franquiste. Silences, non-dits, vengeance, culpabilité, réalisme social... et puis : chaleur, humidité, odeur de poisson... mais également : écriture, intrigue, personnages... tout cela fait de ce roman noir un très bon livre.

      

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  • Un renard à mains nues

    "Un renard à mains nues" de Emmanuelle Pagano
    P.O.L.

    Présentation de l'éditeur :

    Les personnages de ces nouvelles ne se trouvent pas au milieu du récit, ils marchent dans les marges, se tiennent au bord de leurs vies, de leur maison, de leur pays, au bord des routes, à côté de leurs familles, de leur mémoire, à la lisère de l''ordinaire et de la raison, comme il leur arrive de faire du stop : au cas où on s'arrêterait pour les prendre. Je les ai pris dans mon livre.

    Première page :

    "Je venais là, au lac, tous mes étés de petite fille. Je  vivais dans un arc de plage délimité par des barrières en  bois et une forêt si dense que nous n’y construisions pas  des cabanes, nous les creusions dans les fourrés. Dans ce  morceau de rive, mon oncle avait construit une maison,  puis une baraque pour les outils et le pédalo, des terrasses  bancales jusqu’aux vaguelettes. Il avait délimité, tout près  des roseaux, à deux pas de leurs chants froissés et de leurs  nids de passereaux, un pré où nous cherchions le soleil et  les jeux. En retrait de ces jeux, il avait fait naître un jardin,  ma tante y arrachait des carottes fraîches et crues pour  mes apéritifs de petite nièce choyée. Un soir de surprise,  mon oncle avait posé une échelle contre le plus grand arbre  pour y accrocher une balançoire, mais moi j’ai toujours  détesté me balancer, j’avais trop peur de la vitesse. Du lac  taciturne et froid je n’avais pas peur, j’étais pourtant frileuse, mais dans le lac non, je le traversais à la nage, je  faisais le tour en vélo, j’étais chez moi."

    Ce que j'en pense :

     Les personnages, les lieux, les paysages, de ces nouvelles se croisent, se répondent. C'est par exemple, assez troublant de retrouver un personnage rencontré dans une nouvelle devenir la narratrice dans une autre. Il se produit ainsi de douces collisions/collusions et le lecteur, grâce à l'écriture d'Emmanuelle Pagano, se retrouve lui aussi en bordure, en lisière, à la marge de toutes ces vies.

       

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