• L'inquiétude d'être au monde

    "L'inquiétude d'être au monde" de Camille de Toledo
    Verdier

    Présentation de l'éditeur :

     L’inquiétude est le nom que nous donnons à ce siècle neuf,
    au mouvement de toute chose dans ce siècle.
    Paysages ! Villes ! Enfants !
    Voyez comme plus rien ne demeure.
    Tout bouge et flue.
    Paysages ! Villes ! Enfants !
    L’inquiétude est entrée dans le corps du père qui attend son fils,
    comme elle s’est glissée, un jour, dans le corps des choses.
    C’était hier. C’est aujourd’hui.
    Ce sera plus encore demain.
    L’inquiétude de l’espèce, des espèces,
    et de la Terre que l’on croyait si posée,
    qui ne cesse de se manifester à nous,
    sous un jour de colère, au point qu’on la croirait
    froissée ou en révolte. 

    Première page :

     "Je pense au père qui attend son enfant, le soir, et prie, en silence. Il ne croit pas en Dieu, le père, mais il prie quand même, parce qu'il ne sait plus vers qui se tourner. Il attend son enfant et l'inquiétude trace en lui des lignes vertigineuses, des phrases et des phrases qui racontent des histoires formidables d'enlèvements, d'accidents, de fugues et de disparitions. Des milliers d'histoires dont le père, s'il était écrivain, pourrait faire un recueil. Il appellerait ce recueil : Les Mille et Une Nuits... ou plus justement, Les Mille et une nuits où je t'ai attendu. Et il faut voir, à cet instant, le visage du père, le visage inquiet du père, les cernes sous ses yeux, le visage qui attend et prie ou espère ou simplement le père qui se replie autour de ses genoux en priant encore pour que l'enfant soit là, devant lui, sain et sauf.

     Je pense au visage d'Anna Magnani dans un film de Pasolini. Nous sommes près de Rome dans des terrains vagues. La mère observe son garçon assis sur un manège. Pendant les quelques secondes où elle ne le voit pas, Ettore se lève. Il descend du manège en marche. Puis... le manège tourne encore. Là où il était assis, il ne reste que l'effroyable vide de l'enfant disparu. Il s'est levé, il est parti, mais la mère n'en sait rien."

    Ce que j'en pense :

    Un texte "poéthique", philosophique et politique pour dénoncer la "réaction" en ce début de 21ème siècle en Europe. C'est un chant lyrique pour donner de la force à l'espoir, à une nouvelle langue. Livre à lire d'une seule traite.

       

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  • La fête au bouc

    "La fête au bouc" de Mario Vargas Llosa
    traduction Albert Bensoussan - Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    Que vient chercher à Saint-Domingue cette jeune avocate new-yorkaise après tant d'années d'absence ? Les questions qu'Urania Cabral doit poser à son père mourant nous projettent dans le labyrinthe de la dictature de Rafael Leonidas Trujillo, au moment charnière de l'attentat qui lui coûta la vie en 1961. Dans des pages inoubliables - et qui comptent parmi les plus justes que l'auteur nous ait offertes -, le roman met en scène le destin d'un peuple soumis à la terreur, et l'héroïsme de quatre jeunes conjurés qui tentent l'impossible : le tyrannicide. Leur geste, longuement mûri, prend peu à peu tout son sens à mesure que nous découvrons les coulisses du pouvoir : la vie quotidienne d'un homme hanté par un rêve obscur et dont l'ambition la plus profonde est de faire de son pays le miroir fidèle de sa folie. Jamais, depuis Conversation à " La Cathédrale ", Mario Vargas Llosa n'avait poussé si loin la radiographie d'une société de corruption et de turpitude. Son portrait de la dictature de Trujillo, gravé comme une eau-forte, apparaît, au-delà des contingences dominicaines, comme celui de toutes les tyrannies - ou, comme il aime à le dire, de toutes les " satrapies ". Exemplaire à plus d'un titre, passionnant de surcroît, La fête au Bouc est sans conteste l'une des œuvres maîtresses du grand romancier péruvien. Prix Roger Caillois 2002.

    Première page :

    "Urania. Drôle de cadeau de la part de ses parents ; son prénom évoquait une planète, un métal radioactif, n'importe quoi, sauf cette femme élancée, aux traits fins, hâlée et aux grands yeux sombres, un peu tristes, que lui renvoyait le miroir. Urania ! Quelle idée ! Heureusement plus personne ne l'appelait ainsi, mais Uri, Miss Cabrai, Mrs. Cabrai ou docteur Cabrai. Autant qu'elle s'en souvienne, depuis qu'elle avait quitté Saint-Domingue (« Ciudad Trujillo, plutôt », car au moment de son départ on n'avait pas encore rendu son nom à la capitale), personne, ni à Adrian, ni à Boston, ni à Washington D.C., ni à New York, ne l'avait plus appelée Urania, comme autrefois chez elle et au collège Santo Domingo, où les sisters et ses compagnes prononçaient avec la plus grande application le prénom extravagant dont on l'avait affublée à sa naissance. Qui en avait eu l'idée, elle ou lui ? Un peu tard pour le savoir, ma petite ; ta mère était au ciel et ton père mort vivant. Tu ne le sauras jamais. Urania ! Aussi absurde que d'affubler Saint-Domingue, l'antique Santo Domingo de Guzmán, du nom offensant de Ciudad Trujillo. Son père était-il responsable aussi de cette idée farfelue?"

    Ce que j'en pense :

     Récit qui mêle faits historiques et fiction et nous fait découvrir ce que peut vivre un pays sous la dictature. Les points de vue différents sont intéressants mais entrainent quelques répétitions. L'auteur s'est très bien documenté sur Saint Domingue mais ajoute trop d'informations (et de personnages) au détriment du récit.

     

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  • Et puis Paulette...

    "Et puis Paulette... " de Barbara Constantine
    calmann-lévy

    Présentation de l'éditeur :

    Ferdinand vit seul dans sa grande ferme vide. Et ça ne le rend pas franchement joyeux. Un jour, après un violent orage, il passe chez sa voisine avec ses petits-fils et découvre que son toit est sur le point de s’effondrer. À l’évidence, elle n’a nulle part où aller. Très naturellement, les Lulus (6 et 8 ans) lui suggèrent de l’inviter à la ferme. L’idée le fait sourire. Mais ce n’est pas si simple, certaines choses se font, d’autres pas… 

    Après une longue nuit de réflexion, il finit tout de même par aller la chercher. 
    De fil en aiguille, la ferme va se remplir, s’agiter, recommencer à fonctionner. Un ami d’enfance devenu veuf, deux très vieilles dames affolées, des étudiants un peu paumés, un amour naissant, des animaux. Et puis, Paulette…

    Première page :

    "Le ventre bien calé contre le volant et le nez sur le pare-brise, Ferdinand se concentre sur sa conduite. L'aiguille du compteur collée sur le cinquante. Vitesse idéale. Non seulement il économise de l'essence, mais ça lui laisse tout le temps de regarder défiler le paysage, d'admirer le panorama. Et surtout, de s'arrêter à la moindre alerte, sans risquer l'accident.

    Justement, un chien court, là, devant lui. Réflexe. Il écrase la pédale de frein. Crissement de pneus. Le gravier vole. Les amortisseurs couinent. La voiture tangue et finit par s'immobiliser au milieu de la route.

    Ferdinand se penche à la portière.

    — Où tu vas comme ça, mon gars ? Traîner la gueuse, j'parie ?"

    Ce que j'en pense :

    Fable sur la solidarité entre générations, à l'écriture simple et directe. Livre qui met de bonne humeur même s'il y a des invraisemblances, des clichés et un peu trop de bons sentiments.

      

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  • La petite fille de Menno

    "La petite fille de Menno" de Roy Parvin
    traduction Bruno Boudard - Libretto

    Présentation de l'éditeur :

    Lindsay a quarante ans. Sa vie s’est arrêtée le jour où Whit, son mari, brillant écrivain buveur et bagarreur aujourd’hui décédé, l’a quittée pour une autre. Sous prétexte d’aller rendre visite à ses parents dans l’Est, elle entame un périple en train qui la conduit du nord de la Californie à New York en passant par l’Idaho, le Montana et surtout le Wyoming, dernier endroit où vécu son ex mari et où réside la femme qui l’accompagna dans ses derniers jours. Cette « marelle ferroviaire » sera l’occasion pour Lindsay d’un autre voyage intérieur et d’une lente métamorphose.

    Première page :

    "L'année des quarante ans de Lindsay avait com­mencé sous la pluie, et puis le printemps s'était à son tour retrouvé arrosé par les intempéries. Les saisons n'avaient pas vraiment suivi leur cours normal, et voilà maintenant que l'automne était revenu, qu'octobre devenait novembre, que le crissement mélodieux des rainettes annonçait l'arrivée prochaine des pluies.

    Elle avait vécu dans l'Ouest la moitié de sa vie, tout au nord de la Californie, sous les hautes cimes des séquoias, dans une région entièrement différente de celle de la vallée de l'Hudson, où elle avait passé son enfance. Elle n'y était pas retournée depuis des années et en arrivait presque à croire que cette vallée n'était qu'un vague souvenir, glané dans un livre lu il y avait longtemps. "

    Ce que j'en pense :

    Court récit d'un voyage initiatique et d'une rencontre entre deux femmes. Beaux portraits, description magnifique de paysages enneigés, le tout avec une économie de moyens mais avec beaucoup de nuances et une grande force.

       

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  • Les solidarités mystérieuses

    "Les solidarités mystérieuses" de Pascal Quignard
    Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    En Bretagne, de nos jours, près de Dinard, une femme d’une quarantaine d’années retrouve parhasard le professeur de piano de son enfance. Cette femme âgée lui propose de venir habiter chez elle. Petit à petit, elle se réinstalle dans la petite ville où elle a vécu autrefois, retrouve son premier amour, se lie comme jamais elle ne l’avait fait avec son frère plus jeune, redécouvre les lieux, les chemins, les roches, se passionne pour la nature, le mer. Soudain, un jour, sa fille, qu’elle n’avait plus vue depuis des années, revient vers elle. De façon polyphonique, tous les personnages qui la côtoient (un prêtre, la bonne du professeur de piano, son frère Paul, un cultivateur, la factrice, un cousin qui vit près de là, la conductrice du car de ramassage scolaire, la masseuse de la thalassothérapie, sa fille Juliette) évoquent cette femme dont la destinée paraît de plus en plus étrange. Chacun a son interprétation. Chacun essaie de comprendre les rapports troublants, mystérieux, silencieux, sauvages que Claire se met à entretenir avec sa famille, l’amour, la falaise, le ciel, les oiseaux, l’origine.

     Première page :

    "Mireille Methuen se maria à Dinard le samedi 3 février 2007. Claire partit le vendredi. Paul refusa de l'accompagner. Il n'avait conservé aucun lien avec ce qui restait de la famille. Dès onze heures elle eut faim. Elle suivait l'Avre. Elle préféra passer Breux, Tillières, Verneuil. Après la sortie de Verneuil, Claire s'arrêta pour déjeuner sur une aire sableuse et vide. 

    C'est la forêt de L'Aigle. 

    Elle traverse le parking en direction d'une petite table en fer posée devant un chalet alpin. Un pot de forsythias jaunes a été placé au milieu de la petite table. Devant le pot de forsythias, il y a une ardoise où est noté à la craie le menu du jour. Elle examine le menu. 

    Un homme d'une cinquantaine d'années sort timidement de l'auberge. Il porte un tablier à grands carreaux rouges et blancs. 

    - Monsieur, on peut manger là, au soleil ? 

    Claire montre la petite table en fer à l'extérieur. 

    - Vous savez qu'il n'est pas midi ? "


    Ce que j'en pense :

    Roman d'une grande beauté, à la fois triste et profonde, qui sait nous montrer toutes ces "solidarités mystérieuses" entre les personnages : le frère, la soeur, l'amant (vivant ou mort), la vieille prof de piano, les habitants de ce pays de Bretagne des environs de Dinard. Merveilleuse écriture qui s'adapte à chaque personnage et à la vison qu'il a de l'héroïne de cette histoire.

       

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