• Le chapeau de Mitterrand

    "Le chapeau de Mitterrand" de Antoine Laurain
    Flammarion

    Présentation de l'éditeur :

    Un soir à Paris, Daniel Mercier, comptable, dîne en solitaire dans une brasserie, quand un illustre convive s'installe à la table voisine : François Mitterrand. Son repas achevé, le Président oublie son chapeau, que notre Français moyen décide de s'approprier en souvenir. Il ignore que son existence va en être bouleversée. Tel un talisman, ce célèbre feutre noir ne tarde pas à transformer le destin du petit employé au sein de son entreprise. Daniel aurait-il percé le mystère du pouvoir suprême ? Hélas, il perd à son tour le précieux objet qui poursuit sur d'autres têtes son voyage atypique au sein de la société française des années 1980. Cette fable pleine d'esprit et de malice possède comme le fameux chapeau un charme mystérieux - celui de ressusciter une époque et, surtout, de mettre au jour à travers une galerie de personnages notre rêve commun : voir s'accomplir par magie nos désirs les plus secrets.

    Première page :

    "Daniel Mercier monta les escaliers de la gare Saint-Lazare à rebours de la foule. Des hommes et des femmes descendaient autour de lui, attachés-cases à la main et même valises pour certains. Ils avaient le front soucieux et la démarche rapide. Dans la cohue, ils auraient pu le bousculer, mais il n'en fut rien, bien au contraire il lui sembla que tous s'écartaient sur son chemin. Arrivé en haut des marches, il traversa la salle des pas perdus et s'approcha des quais. Là aussi, la foule était dense à la sortie des trains, un flot humain ininterrompu ; il se fraya un passage jusqu'au panneau des arrivées. Le train était annoncé au quai 23. Il remonta quelques dizaines de mètres et se plaça près des composteurs.

     À 21 h 45, le train 78654 entra en gare dans un crissement et libéra les voyageurs. Daniel haussa le cou à la recherche de sa femme et de son fils. Il distingua d'abord Véronique, qui lui fit un signe avant de dessiner dans l'air un cercle approximatif autour de sa tête, concluant le geste par une moue étonnée."

    Ce que j'en pense :

    Histoire cocasse, teintée d'humour, avec un peu de nostalgie pour les années 80 (Cela fait parfois un peu "catalogue"). Fable légère qui pourrait nous faire croire aux "forces de l'esprit".

     

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  • L'accordeur de silences

    "L'accordeur de silences" de Mia Couto
    traduction Elisabeth Monteiro Rodrigues - éditions Métailié

    Présentation de l'éditeur :

    « La première fois que j’ai vu une femme j’avais onze ans et je me suis trouvé soudainement si désarmé que j’ai fondu en larmes. Je vivais dans un désert habité uniquement par cinq hommes. Mon père avait donné un nom à ce coin perdu : Jésusalem. C’était cette terre-là où Jésus devrait se décrucifier. Et point, final.

    Mon vieux, Silvestre Vitalício, nous avait expliqué que c’en était fini du monde et que nous étions les derniers survivants. Après l’horizon ne figuraient plus que des territoires sans vie qu’il appelait vaguement “l’Autre-Côté”. »
    Dans la réserve de chasse isolée, au cœur d’un Mozambique dévasté par les guerres, le monde de Mwanito, l’accordeur de silences, né pour se taire, va voler en éclats avec l’arrivée d’une femme inconnue qui mettra Silvestre, le maître de ce monde désolé, en face de sa culpabilité.
    Mia Couto, admirateur du Brésilien Guimarães Rosa, tire de la langue du Mozambique, belle, tragique, drôle, énigmatique, tout son pouvoir de création d’un univers littéraire plein d’invention, de poésie et d’ironie.

    Première page :  

    "La première fois que j'ai vu une femme j'avais onze ans et je me suis trouvé soudainement si désarmé que j'ai fondu en larmes. Je vivais dans un désert habité uniquement par cinq hommes. Mon père avait donné un nom à ce coin perdu. Simplement nommé : “Jésusalem.” C'était cette terre-là où Jésus devrait se décrucifier. Et point, final.
    Mon vieux, Silvestre Vitalício, nous avait expliqué que c'en était fini du monde et que nous étions les derniers survivants. Après l'horizon ne figuraient plus que des territoires sans vie qu'il appelait vaguement “l'Autre-Côté”. En peu de mots, la planète entière se résumait ainsi : dépouillée d'humanité, de routes et d'empreintes animales. Les âmes en peine s'étaient elles aussi éteintes dans ces lointaines contrées.
    En contrepartie, il n'y avait que des vivants à Jésusalem. Ignorant la saudade ou l'espoir, mais des gens vivants. Là, nous existions si seuls que nous ne souffrions même pas de maladies, et moi, je nous croyais immortels. Seules les bêtes et les plantes mouraient autour de nous. Et dans les étiages, notre fleuve sans nom, un cours d'eau qui coulait à l'arrière du campement, décédait de mensonge.
    L'humanité c'était moi, mon père, mon frère Ntunzi, et Zacaria Kalash, notre domestique qui, comme vous le verrez, n'avait même pas de présence. Et personne d'autre. Ou presque. À vrai dire, j'ai oublié deux semi-habitants : l'ânesse Jezibela, tellement humaine qu'elle noyait les divagations sexuelles de mon vieux père. "

    Ce que j'en pense :

     Roman écrit par un poète et un conteur, qui aborde beaucoup de sujets (guerre, religion,colonialisme, folie, culpabilité...). C'est un livre à déguster tellement l'écriture (parfois peut être un peu trop "baroque") est "accordée" au sujet, au lieu, au personnage.

      

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  • La vague

    "La vague" texte de Hubert Mingarelli
    illustration Barthélémy Toguo - les éditions du Chemin de fer

    Présentation de l'éditeur :

    Un bateau fait escale à Haïti. Tous les marins s’apprêtent à profiter des plaisirs qu’offre la terre ferme. Tous, sauf le narrateur et son ami Tjaden, consignés à bord…

    Dans cette histoire d’amitié fragile, suspendue entre deux temps, Hubert Mingarelli excelle à faire parler les silences et les non-dits. 

    Barthélémy Toguo explore la face ombreuse du texte et ses dessins s’immiscent en deçà des mots, tracent avec vigueur l’esquisse d’une humanité tendue et oppressée.

    Première page :

    "La mer était grise et blanche. Le ciel tombait sur la mer. Le vent soufflait. Alors nous vîmes la vague qui devait nous emporter, Tjaden et moi, plus tard, le lendemain, au moment où peut-être elle touchait Cuba ou la Floride. Comment savoir où elle allait. Elle était haute. Grossman, notre lieutenant, se cala contre la table à carte. Le barreur leva les yeux du compas à peine une seconde, et écarta les jambes. C’était Tjaden. Comprenant que nous avions un mauvais angle, je saisis le pupitre de la radio à deux mains, courbai la tête et attendis.

    “Donne un peu à gauche”, demanda le lieutenant, se tournant rapidement vers Tjaden, lui murmurant à moitié son ordre d’une voix blanche, comme s’il avait été tout à coup plus timide que d’habitude, ou alors parce qu’à ce moment-là, nous étions comme en équilibre, qu’on ne voyait que le ciel et qu’il ne fallait rien faire de trop bruyant qui put rompre tout ça."

    Ce que j'en pense :

    On retrouve l'univers habituel de Mingarelli : l'amitié, la solitude, la marine... et cette faculté qu'il a de donner de la voix aux silences et aux non-dits.

      

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  • Les enfants du massacre

    "Les enfants du massacre" de Giorgio Scerbanenco
    traduction Gérard Lecas - Rivages/Noir

    Présentation de l'éditeur :

    Duca Lamberti, ancien médecin devenu détective privé, est chargé dans ce troisième volet de la tétralogie que Giorgio Scerbanenco lui a consacré d’une affaire criminelle sordide : une jeune enseignante a été torturée, violée puis assassinée dans sa salle de classe par ses propres élèves, une brochette de délinquants de treize à vingt ans inscrits à ses cours du soirs par l’assistance sociale. Duca doit donc se confronter avec non pas un suspect, mais onze, qui tous observent la même ligne de défense, aussi absurde qu’imparable : ils reconnaissent individuellement avoir été présents au moment des faits, mais chacun affirme qu’il n’a rien vu, que les autres l’avaient forcé à boire, qu’il était ivre, endormi ou trop terrorisé pour faire quoi que ce soit. Face à ce mur, d’autant plus exaspérant qu’à l’évidence tout est faux, Duca cherche un détail qui lui permette de comprendre qui a bien pu planifier tout ça. Car il n’est pas dupe : ce ne sont pas des gamins complètement déstructurés qui ont pu mettre au point si minutieusement une telle tactique…

    Première page :

     "« Elle est morte il y a cinq minutes », dit la sœur.

    Sans dire un mot, Duca Lamberti regarda par-dessus l'épaule de la religieuse, vers le visage rude et tourmenté de Mascaranti.

    « Vous voulez la voir quand même ? » demanda la sœur. Elle savait que les policiers étaient venus interroger l'institutrice, mais interroger une morte lui semblait difficile.

    « Oui », dit Duca.

    On avait déjà repoussé les couvertures et elle gisait dans une combinaison jaune, démodée et pathétique, la peau à peine figée par la mort, le visage déformé par une grimace de souffrance et un hématome sous l'œil droit, l'harmonie du front abîmée elle aussi par la grosse touffe de cheveux qu'on lui avait bestialement arrachée, provoquant une calvitie tragi-comique autant qu'étrange, et tout le thorax gonflé, arrondi par le plâtre exécuté en hâte pour tenter de réparer sommairement toutes ces côtes brisées, et il y en avait beaucoup, peut-être toutes, le chirurgien n'avait même pas eu le temps d'en faire le décompte."

    Ce que j'en pense :

    Ce livre écrit il y a 40 ans n'est en rien daté (sauf peut être sur l'homosexualité). C'est un livre sombre, presque désespéré où le policier Duca Lamberti se pose (et nous pose) beaucoup de questions : a-t-on droit à une seconde chance ? Peut-on échapper à la reproduction des schémas familiaux? Y a-t-il d'autre choix que la violence pour ces enfants? ... Une écriture précise, tranchante (en particulier lors des interrogatoires), une intrigue minutieuse et implacable, font de ce roman un excellent polar italien.

       

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  • Dans les forêts de Sibérie

    "Dans les forêts de Sibérie" - Sylvain Tesson
    Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    «Assez tôt, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m'installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie. J'ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal. Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j'ai tâché d'être heureux. Je crois y être parvenu. Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie. Et si la liberté consistait à posséder le temps? Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures? Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu.»

    Écrivain, journaliste et grand voyageur, Sylvain Tesson est né en 1972. Après un tour du monde à vélo, il se passionne pour l’Asie centrale, qu’il parcourt inlassablement depuis 1997. Il s’est fait connaître en 2004 avec un remarquable récit de voyage, L’axe du loup (Robert Laffont). De lui, les Éditions Gallimard ont déjà publié Une vie à coucher dehors (collection blanche, 2009, Folio n° 5142) et, avec Thomas Goisque et Bertrand de Miollis, Haute tension (Hors série Connaissance, 2009).

    Première page :

    "Je m'étais promis avant mes quarante ans de vivre en ermite au fond des bois.

    Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal, à la pointe du cap des Cèdres du Nord. Un village à cent vingt kilomètres, pas de voisins, pas de routes d'accès, parfois, une visite. L'hiver, des températures de — 30 °C, l'été des ours sur les berges. Bref, le paradis.

    J'y ai emporté des livres, des cigares et de la vodka. Le reste — l'espace, le silence et la solitude — était déjà là.

    Dans ce désert, je me suis inventé une vie sobre et belle, j'ai vécu une existence resserrée autour de gestes simples. J'ai regardé les jours passer, face au lac et à la forêt. J'ai coupé du bois, péché mon dîner, beaucoup lu, marché dans les montagnes et bu de la vodka, à la fenêtre. La cabane était un poste d'observation idéal pour capter les tressaillements de la nature.

    J'ai connu l'hiver et le printemps, le bonheur, le désespoir et, finalement, la paix."

    Ce que j'en pense :

    Je trouve ce livre assez bien réussi. Ce n'est pas une exploration ou un reportage, ni un autoportrait. C'est une autre façon d'être dans le temps et dans l'espace. L'écriture de Sylvain Tesson sait nous faire partager, souvent avec humour, parfois en abusant de "sentences", cette solitude habitée.

      

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  • Marketing viral

    "Marketing viral " de Marin Ledun
    Au diable vauvert (livre de poche)

    Présentation de l'éditeur :

    A l'université de Grenoble, Nathan Seux travaille sur la sexualité. Ses recherches convergent vers un étrange laboratoire qui semble utiliser génétique et nanotechnologies dans des buts alarmants : marketing, manipulation, contrôle du corps et de l'esprit, " amélioration " de l'homme. Bientôt, ses étudiants sont assassinés les uns après les autres et toutes les pistes débouchent sur des bains de sang...

    Première page :

    "Vallée du Chassezac, Gravières, Ierjanvier 2008.

    Début janvier, l'air est doux. L'hiver tarde à s'aventurer sur les terres cévenoles. Une punaise noire avance sur le tapis d'aiguilles de pin en décomposition avec une pugnacité que seule explique sa mission génétique d'insecte. Elle escalade, descend à tâtons, griffe le sol comme si la gravité ne la préoccupait pas. Ses pattes dérapent sur les grains d'argile verte entre deux tas d'aiguilles. Elle recule de deux centimètres, perd l'équilibre puis le retrouve, poursuivant avec obstination. Ballet en apparence erratique, mais parfaitement déterminé. Des centaines de fourmis encadrent un long filet de vers blancs. Leur présence ne semble pas contrarier sa chorégraphie, ni celle de ses congénères.

    Millimètre par millimètre, le cheminement chaotique de chaque insecte fait sens dans la multitude. La punaise isolée ne vaut que par sa rencontre avec d'autres, la fusion de leurs errances et de leurs déterminations. Chacun à sa tâche et à son code génétique, mais tous au service d'une même cause : décomposition, alimentation, reproduction. ..."

    Ce que j'en pense :

    Intrigue intéressante, originale, mais parfois peu vraisemblable. Parties théoriques (génétique, philosophie, marketing...) parfois trop longue et complexe. Mais, belle écriture malgré tout pour un vrai thriller qui frôle le fantastique.

     

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  • Jean L'Anselme

    Ami de Dubuffet et de Chaissac et ancien international de Handball, L’Anselme, poète atypique, écrit une poésie «naïve» (bien que très souvent «par derrière») forte de ready made, de calembours, en prose ou en vers. Dans la tradition des grands humoristes Allais, Dac, Blanche, parfois proche de Prévert car « engagé » en faveur des petites gens contre les « gros », les cuistres. Milite contre la poésie intellectualiste jusqu’à revendiquer les poèmes cons (cf son dernier livre Le ris de veau, éditions Rougerie). Très lu en milieu scolaire. 

    A obtenu il y a très longtemps le très sérieux Prix Apollinaire (sa verve Prévert), dont il a été membre du jury.
    Il est décédé le 30 décembre 2011, la veille de son 92e anniversaire.

    Extrait du site du Printemps des poètes

    Et voilà un de ses poèmes :

    Tant qu'il y a de la vie

    Quand on meurt, c’est la tête qui part en dernier. Il l’avait entendu dire et aussi que, quand on est mort de partout, c’est par là qu’on meurt pour finir. On lit dans les livres d’église qu’il y en a même eu un que son âme s’est échappée du cercueil pour s’envoler comme un ballon !

    Il pensait dur dans sa tombe à égaler cet exploit, retenant son dernier souffle de toutes ses forces pour ne pas le lâcher avant le bon moment.
    Les fossoyeurs, eux, pelletaient ferme au-dessus pour sauver le vieux record du monde en bouchant tous les trous afin que même un soupçon d'âme ne puisse foutre le camp.

    C’est alors qu’il pensa à sa femme, allongée à ses côtés entre ses quatre planches, qu’il était venu rejoindre comme ils se l’étaient promis toujours. Elle l’attendait, patiemment. Il lui dit « bonsoir », comme d’habitude, et s’endormit, imprudemment.

    Pour l’éternité… Pour l’éternité…

    Les fossoyeurs, là-haut, s’essuyèrent le front.


    Poème publié dans l'anthologie Une salve d'avenir. L'espoir, anthologie poétique, parue chez Gallimard en Mars 2004


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