• L'antagonie

    "L'antagonie - Serge Sautreau
    Gallimard

    Présentation de l'éditeur : 

    "Voici le journal testamentaire d'un homme à l'agonie, un poète qui n'a plus de souffle que dans les mots, plus de vie à brûler que par les mots, et qui leur cède tout. La force désespérée qui s'exprime ici est d'une beauté à couper le souffle. C'est un appel d'air dans l'incendie, qui déplace tout discours, le condense et le violente à bouche que veux-tu ; qui retire toutes ses chevilles à la langue, convoque tous les rythmes, mêle tous les styles, toutes les voix. Une "agonie d'encre... - mais oui en boucle". Nous sommes prévenus : ce n'est pas un poème, c'est un brûlot poétique, un cri, un hymne à la vie, la vraie, celle qui passe la mort. A côté de ce texte terrible et bouleversant, combien de romans peuvent se tenir debout, combien ?" Guy Goffette

    Extrait : 

     "Comme elle s’éloigne, la vie. Comme elle se voile. D’une pièce à l’autre, si distante. Où sont ses gants, ses courants d’air ? Si je tends le bras déjà c’est l’horizon. Même la fenêtre étouffe. De l’autre côté, il y a les luxuriances.

    Fourrures étonnées, sacres de mésanges, infinis hors la main. Mes aromates, vite. 

    Le cabot hystérique est aux commandes. Feux d’artifice ont force de loi. À genoux, gueux. 

    Mon foutu corps de gloire ne vole pas plus haut que le ciel.

    Heureusement, le vent."

    Ce que j'en pense : 

    Journal poétique intense, lucide et bouleversant.

    Un texte où se cotoient l'ironie, la révolte, la colère, le désespoir, la passion, la grâce.

       

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  • Fleurs amères

    "Fleurs amères" Gunnar Staalesen
    traduction Alex Fouillet - folio policier

    Présentation de l'éditeur : 

    Varg Veum trouve le corps d'un homme flottant dans la piscine d'une villa comme un poisson dans un aquarium. Une fillette de sept ans a disparu. Des militants écologistes assiègent une usine qui polluerait avec des déchets toxiques sournoise­ment évacués dans la nature. Une riche famille d'industriels respectée pour sa réussite sociale voit la façade de sa notoriété se lézarder et laisser devi­ner des secrets de famille insoutenables pour ceux qui les connaissent. Varg Veum, lui-même remis à l'eau minérale, se trouve de nouveau au cœur d'une enquête éclatée dont toutes les pistes convergent vers un drame irrésolu vieux de huit ans. Saura-t-il survivre aux démons d'un monde moderne à la vio­lence toujours plus diffuse?

    Première page : 

    Il était onze heures moins le quart quand je me garai près de l'allée menant à la maison inoccupée.

     Cent mètres plus loin, je vis deux autres véhicules. L'un rouge, l'autre gris. Vides, l'un comme l'autre. 

    Aucun de nous ne disait mot. 

    Nous descendîmes de voiture. Ses yeux avaient la même couleur que les zones les plus sombres dans le ciel du soir au-dessus de nous. L'air était lourd de parfums. 

    « Tu sais qu'ils ont une piscine intérieure ? demanda-t-elle avec un regard insondable. 

    — On aurait dû prendre nos maillots, tu veux dire ? » 

    Elle répondit par un sourire ambigu et haussa les épaules, comme pour dire : On en a besoin, peut-être ? 

    Je croisai son regard. Il était sans fond. 

    D'accord, ses mains avaient parcouru la majeure partie de mon corps. Mais c'était parce qu'elle exerçait en tant que kinésithérapeute à la clinique de Hjellestad, où j'avais passé les deux derniers mois ; le premier à plein temps, le second en ambulatoire.

    Ce que j'en pense : 

    Polar traditionnel, avec héros désabusé, où tout se "débloque" dans les dernières pages (à la manière d'Agatha Christie)... avec tellement de noms de lieux que l'on s'y perd parfois.

     

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  • - Nouvelles

    "Notes de ma cabane de moine - Kamo no Chômei
    traduction R P Sauveur Cadau - Le bruit du temps

    Présentation de l'éditeur : 

    Kamo no Chômei, fils d'un prêtre shintoiste, relate les différentes calamités auxquelles il lui a été donné d’assister – ouragan, incendies, transfert de la capitale de Kyoto à Fukuhara, famine, tremblement de terre – autant de raisons de sentir avec intensité « l’impermanence de toutes choses en ce monde et la précarité de sa propre vie ». Les Notes de ma cabane de moine, rédigées en 1212, s’ouvrent par le constat de l’universelle précarité de la vie humaine.

    Première page : 

    "La même rivière coule sans arrêt, mais ce n'est jamais la même eau. De-ci, de-là, sur les surfaces tranquilles, des taches d'écume apparaissent, disparaissent, sans jamais s'attarder longtemps. Il en est de même des hommes ici-bas et de leurs habitations.

      Dans la belle capitale, les maisons des nobles et des pauvres se succèdent dans un alignement de tuiles; elles semblent durer des générations entières. En est-il vraiment ainsi ? Non ; de fait, il y en a bien peu qui soient encore ce quelles étaient autrefois. Ici, c'est une maison détruite l'an dernier et reconstruite cette année, là, une luxueuse demeure ruinée devenue une maisonnette. Il en va de même pour les gens qui les habitent. Les lieux ne changent pas ; il semble qu'il y ait toujours autant de monde ; mais en fait, sur les vingt ou trente personnes que j'y ai vues autrefois, à peine en trouverais-je une ou deux. Les uns meurent un matin, qui sont remplacés le soir par de nouvelles naissances. Exactement comme l'écume qui paraît et disparaît sur l'eau."

    Ce que j'en pense : 

    Notes autobiographiques assez brèves sur la vie au Japon au XII ème siècle, avec la relation de quelques malheurs qui ont frappé le pays à cette époque (dont un tremblement de terre) mais surtout une réflexion poétique sur le détachement.

      

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  • - Nouvelles

    "Un livre" de Hervé Tullet
    Bayard jeunesse

    Présentation de l'éditeur : 

    C'est un livre, tu fais comme il te dit et tu vas voir...

    Première page : 

    - Nouvelles

    Ce que j'en pense : 

    Rien de pédagogique, pas de message ni de "morale"... rien que du plaisir. C'est tout simple mais vraiment "génial"... et ça marche avec tous les âges (de 2 à 90 ans!). Ce livre a bien mérité le prix Sorcières 2011.

       

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  • - Nouvelles

    "Colère du présent" Jean Bernard Pouy
    Baleine

    Présentation de l'éditeur : 

    Tous les 1er Mai, la bonne ville d’Arras se remplit de tout qui est contre et anti. Contre l’horreur sociale et les manquements divers à une morale élémentaire, et anti travail obligatoire. Depuis le temps, ça aurait dû porter ses fruits vénéneux et semer une zizanie durable dans le train train hexagonal conduit par un pouvoir, qui, lui, fonce toujours, tête baissée, dans le mur de la honte.
    Alors, cette année-là, tous ceux qui fêtent, en ce jour, la solidarité avec les délaissés, les démunis, les punis, les esclaves, ont décidé de se rebeller et de grimper une marche supplémentaire sur l’escalier de la contestation. Ils vont bloquer la ville et se préparer à subir un siège, un vrai. Jusqu’au bout. En face, on prend tellement ça au sérieux qu’on envoie qui ? L’armée, bien sûr, bien connue pour son doigté.

    Première page : 

    "Une file ininterrompue de véhicules, un vrai anaconda métallique, s'étire sous un ciel gris et bas, le genre de plafond gazeux auquel les canaux se pendent sans ne rien regretter de cette putain de vie où la frite remplace Montaigne. 

    Voitures en surchauffe, en panne. 

    Camionnettes fumantes, en rideau. 

    Des chargements, installés à la va-vite sur les galeries, écroulés sur la route. 

    Un vide-grenier dément et improvisé. 

    La défaite permanente de la sangle et du sandow. 

    Des conducteurs, échevelés du tee-shirt de marque, s'engueulent avec un bel entrain. Certains, dans l'occasion, inventent même des mots inconnus."

    Ce que j'en pense : 

    Roman agréable à lire, vite lu. Le sujet est intéressant; on retrouve l'humour et la satire mais cela aurait mérité un peu plus de profondeur. C'est du "Pouy" mais pas le meilleur. 

     

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  • - Nouvelles

    "Le siècle des nuages " de Philippe Forest
    Gallimard

    Présentation de l'éditeur : 

    " Ils descendaient depuis l'azur, laissant vers le bas grossir la forme de leur fuselage, traçant doucement leur trait au travers des nuages. Le vrombissement des quatre moteurs, juchés sur le sommet des ailes, enflait, vibrant dans le vide, résonnant jusqu'à terre. Leur ventre touchait enfin la surface de l'eau, projetant à droite et à gauche un panache puissant qui retombait en écume, bousculant tout avec des remous épais qui dérangeaient les barques amarrées et remontaient haut sur le bord des berges. C'était l'été sans doute. Les vacances étaient déjà commencées. Il avait couché son vélo dans l'herbe toute brûlée par la chaleur du soleil. Peut-être attendait-il allongé sur le sol ou bien se tenait-il assis sur un ponton, les jambes se balançant au-dessus du courant très lent. A perte de vue, le grand ciel bleu du beau temps recouvrait le monde. II regardait descendre vers lui le signe en forme de croix de la carlingue et des ailes. Lorsque l'avion heurtait l'eau, le choc le ralentissait net. Forant dans le fleuve une tranchée immatérielle, il creusait son sillage entre les rives, rebondissant formidablement d'avant en arrière, basculant sur l'un et puis l'autre de ses flancs, oscillant sur ses deux flotteurs jusqu'à ce qu'il s'arrête enfin : rond avec son ventre vaste comme celui d'une baleine, inexplicable parmi les péniches et les navires de plaisance, immobile comme un paquebot étrange mouillant au beau milieu des terres ".

     Depuis L'enfant éternel, prix Femina du premier roman 1997, et Sarinagara, prix Décembre 2004, Philippe Forest a publié plusieurs romans et essais aux Editions Gallimard, dont Le nouvel amour en 2007 et Araki enfin en 2008.
     
    Extrait : 

    "Lui, s'étant ainsi endormi en sueur, définitivement, comme si désormais il ne voulait pas en savoir davantage, ni sur l'issue de la guerre ni sur la suite de la vie, laissant aux autres le soin et l'embarras de son grand corps déjà rigide que des voisins, pour ne pas imposer cette tâche à la famille, avaient bien voulu prendre la peine de glisser comme ils l'avaient pu dans son plus beau costume avant qu'on ne l'installe dans le cercueil qu'il avait fallu, comme la loi l'exigeait, puisqu'il devait être convoyé jusque dans le cimetière de Vieu situé dans un autre département, entourer d'une doublure de zinc, elle-même scellée, sous les yeux des deux frères, avec la flamme bleue d'une lampe à souder. 

    Les laissant subitement seuls au monde, et ne leur laissant rien de lui, sinon une somme de souvenirs si infimes que ceux-ci disparaîtraient aussitôt s'ils tentaient de s'en saisir, comme du sable qui passe entre les doigts et se perd sur le sol. Si bien que de cet homme ils ne parleraient plus jamais à personne et qu'il n'en subsisterait que l'image la plus vague, celle d'un individu dont on ne pourrait guère évoquer que la conscience professionnelle, l'habileté manuelle, l'extrême gentillesse, cette qualité-là étant certainement la seule qui vaille vraiment chez quelqu'un mais, et pour cette raison même, la moins susceptible d'être racontée puisqu'on ne peut rigoureusement en dire quoi que ce soit. Ne leur léguant rien : aucune vérité, aucun précepte pour guider leur existence. Ou plutôt : leur léguant ce « rien » qui est la seule chose qu'un père puisse transmettre à ses fils."

    Ce que j'en pense : 

    Ce n'est pas un livre "facile". Plus de 550 pages d'un roman sur le père, sur l'aviation, sur l'histoire du vingtième siècle qui mêle l'intime et l'universel. Le style peut dérouter mais les répétitions, les phrases longues, l'usage fréquent du participe présent, le découpage du texte finissent par donner à ce livre une musique, une rumeur, un ronronnement que l'on garde longtemps après la lecture.

      

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