• - Nouvelles

    "Plus loin mais où" - Béatrix Beck
    Grasset

    Présentation de l'éditeur :

    " Je vais aux morts-bois, ça me plaît, les arbres sont pas bêtes, ils cherchent la lumière et qu'est-ce que je vois-t'y pas, un arbre qui marche à grandes enjambées dans la clairière.
    Beau comme un ange quoique j'y vois pus mais j'ai bon pied bon œil. Qui c'est qu'a vu un ange ? Des saintes quand elle étaient en manque d'homme. Grand jeune gars fauve, veste cuir, bottes cavalier, courroies croisées sur le dessus du pied, rupin. Tout bouclé à petits coups serrés, rouquin mais quand même. Se dirige droit sur moi. Suis pas craintive quoique. - Bonjour madame ! Méfiance. J'y grogne. - On se promène ? " Que se passe-t-il quand une vieille dame indigne rencontre un jeune étudiant ? Tout Béatrix Beck est là : un style cravaché, des phrases qui crépitent, une drôlerie désabusée, des dialogues comme sous la mitraille des mots.
    Un chef-d'œuvre d'humour noir.

    Première page :

    "On dit que je fais peur aux gens, tant mieux comme ça ils viennent pas. J'ai pus de dents, c'est pas gênant, pas besoin de dentier pour manger ma soupe, je vais pas faire des rentes au Mathieu Grattenoix, voleur et compagnie. Dans le temps c'était l'arracheur, aujourd'hui on s'écoute, on se chouchoute.

    Je me fais des bonnes petites crèmes, sans œufs, sans lait, sans rien. Des compotes à la maraude, vaut mieux manger le fruit du voisin que le sien. J'ai mon bol marqué Henri et mon gobelet de première communion, argent doré, imitation saint ciboire.

    Le matin je mange ma soupe du soir. À midi j'hache, je suis mange-viande mais pas celle au Francis Dousse, ya assez de bêtes par les champs, chats, hérissons, campagnols, vite fait hop dans le sac."

    Ce que j'en pense :

    Un livre vif, caustique et sensible. L'auteure joue avec les mots, avec l'oralité. Ses livres laissent trace. Béatrix Beck est une grande dame de la littérature qu'il faut (re)découvrir absolument.

       

     __________ 


    votre commentaire
  • - Nouvelles

    "The Blonde " - Duane Swierczynski
    traduction Sophie Aslanides - Rivages/noir

    Présentation de l'éditeur :

    Un soir au bar d'un aéroport, Jack Eisley discute avec une jolie blonde, bien innocemment... Enfin, jusqu'au moment où elle lui glisse : " j'ai mis du poison dans votre verre. " Jack la catalogue parmi les folles et s'en va. Une heure plus tard, conformément aux promesses de la blonde, il commence à se sentir mal. Il n'a plus le choix, il doit la retrouver ! Avec dans la tête cette angoissante question : mais enfin, qu'est-ce qu'elle me veut, celle-là ? Pendant ce temps, Kowalski, mystérieux agent secret un rien bizarre, est chargé de subtiliser à titre " d'échantillon " la tête d'un professeur récemment décédé, ce qui ne va pas sans difficultés logistiques - d'autant que la chance n'est pas de son côté. A la croisée des destins de jack et de Kowalski, une sombre machination scientificopolicière aussi délirante que futuriste. Folle nuit cartoonesque à travers philadelphie, the blonde est un roman échevelé plein de clins d'œil au film noir, d'humour décalé et de situations extravagantes qui rappellent furieusement Mort à l'arrivée, le grand classique de Rudolf Maté.

    Première page :

    "21 h 13 Liberties Bar, aéroport international de Philadelphie

    -  J'ai mis du poison dans votre verre.

    -   Pardon?

    -   Vous avez bien entendu.

        Heu, je n'en suis pas sûr.

    La blonde leva son Cosmopolitan.

    -  À la vôtre.

    Jack ne l'imita pas. Il garda la main posée sur son verre à bière, qui contenait les deux derniers doigts de boilermaker qu'il sirotait depuis un quart d'heure.

    -  Vous avez bien dit que vous m'aviez empoi­sonné ?

    -   Vous êtes de Philadelphie ?

    -   Avec quoi m'avez-vous empoisonné ?

    -   Soyez donc un peu plus courtois et répondez quand une jeune femme vous pose une question.

    Jack jeta un regard circulaire dans le bar de l'aéro­port, dont la décoration rappelait les pubs de l'époque coloniale, avec des publicités au néon pour la bière Coors Light en plus. Au lieu d'ajouter deux ou trois salles d'embarquement supplémentaires dans ce ter­minal, on avait installé un bar carré, entouré de petites tables serrées les unes contre les autres. "

    Ce que j'en pense :

    Un polar déjanté où il ne faut pas chercher la vraisemblance. L'intrigue va à 100 à l'heure et ne laisse pas une seconde de répit au lecteur.

      

    __________ 


    votre commentaire
  • - Nouvelles

    "Le monde sans vous" - Sylvie Germain
    Albin Michel

    Présentation de l'éditeur :

    « Chacun recèle dans son imaginaire un atlas amoureux qu il compulse selon sa fantaisie. Un atlas amoureux est forcément extravagant, illustré de cartes et de planches qui ne respectent pas toujours la bonne échelle. C est un imprécis de géographie passionnelle. »

    Que le voyage soit dans l espace, la Sibérie en transsibérien jusqu à Vladivostok, ou dans le temps, le souvenir des êtres chers et disparus, Sylvie Germain, par la puissance et la beauté des images qu elle évoque, nous en fait partager l émotion, la force des sentiments, l aura des légendes qui le nimbe et la fragilité de toute existence.

     Première page :

    "La terre est muette. Muette du lever au coucher du jour, de la tombée du soir à la fin de la nuit. La terre est muette comme un désir frappé d'exil.

    La taïga fait silence derrière la vitre du train dont l'incessant marmonnement forme un glacis sonore.

    Le train va son chemin. Il tangue doucement en dévidant sa mélopée, égale, toujours égale dans son rythme et ses syncopes. Sa basse mélopée, exquise et obsédante.

    Il roule, calme et docile, obstinément. Il glisse, longue couleuvre de fer bleu olivâtre à rayures rouges ou blanches. Ses flancs sont ponctués de larges écailles transparentes voilées de buée, de crasse, parfois de givre ou de pluie, parfois éblouies par une flaque de soleil. Il ondule entre les talus, se faufile à travers broussailles et forêts, à travers brouillards, vents et averses, jour après jour, nuit après nuit. "

    Ce que j'en pense : 

    Textes écrits sur la mort de sa mère et de son père, comme une méditation avec images et poèmes, à partager avec le lecteur. Récits intimes et délicats d'une grande beauté.

       

    __________ 


    votre commentaire
  • - Nouvelles

    "Extrêmement fort et incroyablement près " - Jonathan Safran Foer
    traduction Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso - éditions de l'Olivier (Points)

    Présentation de l'éditeur :

    Oskar, 9 ans, est surdoué, ultrasensible, fou d'astrophysique, fan des Beatles et collectionneur de cactées miniatures. Son père est mort dans les attentats du World Trade Center en lui laissant une clé. Persuadé qu'elle expliquera cette disparition injuste, le jeune garçon recherche la serrure qui lui correspond. Sa quête désespérée l'entraîne aux quatre coins de la ville où règne le climat délétère de l'après 11-Septembre.

    Première page : 

    "Pourquoi pas une bouilloire ? Pourquoi le bec ne s'ou­vrirait et ne se fermerait-il pas au passage de la vapeur, devenant ainsi une bouche qui pourrait siffler de jolies mélodies, jouer Shakespeare, ou simplement se fendre la pêche avec moi ? Je pourrais inventer une bouilloire qui fait la lecture avec la voix de papa, comme ça je pourrais m'endormir, ou peut-être un ensemble de bouilloires qui chante le refrain de « Yellow Sub­marine », qui est une chanson des Beatles, groupe que j'adore parce que l'entomologie est une de mes raisons d'être*1, ça c'est une expression française que je connais. Une autre bonne chose pourrait être d'ap­prendre à parler à mon anus quand je pète. Si je voulais être extrêmement tordant, je lui apprendrais à dire, «C'est pas moi ! » chaque fois que je péterais d'une manière incroyablement ignoble. Et s'il m'arrivait un jour de péter d'une manière incroyablement ignoble dans la galerie des Glaces, qui est à Versailles, qui est non loin de Paris, qui est en France, alors évidemment mon anus dirait, « Ce n'étais pas moi* ! »."

    Ce que j'en pense :

    Un roman sur la mort, l'absence, sur l'incapacité (ou la difficulté) à communiquer ses sentiments aux personnes que l'on aime.Un très bon livre malgré une structure narrative et un style qui pourraient en dérouter quelques uns.

      

    __________ 


    votre commentaire
  • - Nouvelles

    "La décharge" de Béatrix Beck
    Grasset (Les Cahiers Rouges)

    Présentation de l'éditeur :

    Les Duchemin s'entassent dans une misérable baraque située entre le cimetière d'un village et La décharge publique, un amoncellement d'ordures en perpétuelle combustion que le père a mission de surveiller.
    Noémi Duchemin rédige ses souvenirs à la demande de son institutrice. C'est une adolescente sensible et surdouée qui use d'un style neuf et savoureux, capable de transformer en féerie une réalité sordide. Rien de plus difficile que de faire parler l'enfance et la misèreBéatrix Beck gagne ce double pari. Elle a l'espièglerie ravageuse de Queneau.

    Première page :

    "Jamais je n'aurais cru prendre la plume depuis mon départ de l'école. C'est Mlle Minnier, notre ancienne institutrice, qui veut : « Ce serait dommage que tout ça soit perdu, Noémi. » Tout ça, c'est surtout la décharge municipale à côté de laquelle on vivait, mes parents, mon frère, mes sœurs et moi-même. C'est par faveur de la commune que nous habitions là. Il n'y avait pas de ramassage des ordures, alors chacun venait jeter les siennes sur ce tas, presque un coteau. Les gens s'en débarrassaient entre chien et loup, comme si c'étaient des péchés. Les charognards charrient leurs charognes, disait Papa quand il n'était pas de bonne humeur.

    Le feu de la Décharge remontait à la nuit des temps, on ne savait pas qui l'avait allumé, sûrement celui-là était sous terre depuis longtemps. Tantôt il couvait sous les débris, tantôt, quand le vent soufflait, des flammes montaient et soi-disant le feu risquait de gagner le village."

    Ce que j'en pense :

    Dans ce livre il y a du comique et de l'horreur, du cocasse et du poétique, beaucoup de contraste entre le monde des nantis et celui des ratés. Grande justesse de l'écriture, épurée, réaliste, piquante et inventive. Je vais poursuivre la découverte de cette auteure.

        

    __________ 


    votre commentaire
  • - Nouvelles

    "Pfff"  de Hélène Sturm
    Editions Joëlle Losfeld

    Présentation de l'éditeur :

    Odile, une jeune femme, ni jolie ni vilaine, se réveille un matin, plus aimable que d'ordinaire. C'est le point de départ d'une drôle d'histoire où se croisent des taulières de bistrots, des tueurs à gages, un jeune homme timide et ses amis d'autrefois, sans compter les chiens, les chats et les poissons rouges. Les objets ont leur importance, particulièrement les livres qui rythment ta vie. Odile séduit quelques hommes, elle se fait des amies et des amis. Les ritournelles allant leur chemin, ta vie de chacun va changer : les uns et les autres vont se mêler, dans une histoire d'amitié, d'amour, mais aussi de travail. Hélène Sturm nous entraîne avec beaucoup de malice dans un roman frais et étonnant. Amoureuse des mots, elle en joue avec subtilité pour mettre en scène des personnages singuliers qui font sourire, souvent à leurs dépens. Et ça commence et se termine par un pfff comme le veut l'auteur.

    Première page :

    "Odile se fait la réflexion, en s'étirant devant le miroir, qu'elle a la chance de ne pas être hypolaxe et prognathe et trouve agréable la courbature tendre qui lui reste d'un rêve où un homme l'embrassait, un autre la caressait laissant au troisième l'introït nécessaire. Lui vient dans le même temps une envie de crevettes, de cachemire et de rouge à lèvres rouge. Elle, qui le plus souvent se trouve sinon laide du moins ordinaire, toujours trop grosse et mal habillée, a le sentiment aujourd'hui que la cause n'est peut-être pas perdue. Certains jours, pour que ça aille mieux, elle se raconte tout ce que Fred Astaire sait faire avec une canne.

    Elle marche dans la rue sans savoir encore dans quel café elle s'arrêtera, croise sa silhouette dans les vitrines et ne se reconnaît pas tout de suite. Pas assez grosse pour se faire traiter de grosse, pas assez jolie pour se faire siffler, pas assez laide pour se faire siffler, elle se sent invisible. Elle se dit qu'elle devrait porter du clair en haut et du sombre en bas, et elle a fait tout l'inverse. Alors que le jour où elle s'est acheté les habits qu'elle a mis ce matin, elle avait hésité à prendre un long pull noir avec des manches qui couvraient les mains et si doux qu'elle en aurait pleuré, et puis elle avait choisi ce truc beige qui ne lui va pas du tout, elle le sait très bien."

    Ce que j'en pense :

    Des personnages qui se croisent, s'ignorent, s'aiment, se séparent, changent de nom... Une écriture maitrisée, délicate, souvent "coquine". Ce livre peut être déroutant au départ car on passe d'un personnage à l'autre en donnant l'impression de passer du coq à l'âne mais ça vaut vraiment le coup de poursuivre la lecture. Une relecture (que je n'ai pas encore faite) permettrait de le savourer plus finement.

       

    __________ 


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires