• - Nouvelles

    La mort d'Edgar - Franz Bartelt
    Gallimard

    Présentation de l'éditeur :

    On retrouve dans ces neuf nouvelles la verve tour à tour truculente, sarcastique ou philosophique de Bartelt, son attention très fine aux êtres et à leurs misères. On y danse sur des musiques tristes La Samba des otaries ou le Quadrille des déménageurs trapus, on se suicide comme on plaisante, on rêve qu'on est ressuscité mais on meurt en se réveillant... Une fille parfaitement chaste a une réputation de lubricité qui enflamme tous les mâles du pays, un romancier se met à l'épreuve du réel en livrant sa femme à la débauche pour écrire un roman érotique (elle y prendra goût, hélas)... L'univers de Bartelt puise sa force dans un style remarquable d'inventivité roublarde, avec un sens exceptionnel de la formule et du dialogue comique.

    Première page :

    "Dans le canton, tout le monde avait reçu le même courrier bordé d’un liseré noir :
    « François Boadec a l’immense douleur de vous faire part du décès de son jeune frère, Edgar, à l’âge de vingt-deux ans. Lundi matin à la chapelle Saint-Antoine, une cérémonie d’adieu sera célébrée par le père Zoume. Le défunt sera inhumé dans le caveau de famille des Boadec, au cimetière de Neuville. »
    Suivaient quelques recommandations de l’âme du défunt à Dieu et l’adresse personnelle de François Boadec, au lieu-dit La Croix des Fiancés, une clairière au milieu de la forêt. C’était un homme qui ne se mêlait pas aux habitants de la petite ville. Il ne descendait à l’épicerie qu’une fois par semaine, le vendredi. Après quoi, il passait au bureau de tabac, achetait ce qu’il fallait pour enfumer l’hectare de terre sylvestre où il vivait.
    Comme le bar se trouvait sous le même toit que le bureau de tabac, il ne manquait pas de vider un verre de vin rouge, sans toutefois trop adresser la parole aux autres consommateurs. Il paraissait perdu dans une perpétuelle rêverie. Il avait l’air d’un poète. En beaucoup plus intelligent."

    Ce que j'en pense :

    L'art de la nouvelle chez Bartelt : l'ironie, l'humour noir, le comique de situation, les personnages, la chute... un vrai plaisir.

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  • - Nouvelles

    "Je ne sais pas parler" - Franz Bartelt
    Finitude

    Présentation de l'éditeur :

    " C'est parce que je devais parler que j'ai passé une semaine difficile. A cause de l'angoisse de parler. Je devais parler le dimanche suivant. A la radio. Peu importe de quoi. Je devais parler, c'est tout. Comment avais-je pu me laisser tomber dans ce piège ? Peut-être parce qu'il est plus simple de consentir. Il faut moins de mots pour un consentement que pour un refus. Refuser c'est parler. Je ne sais plus parler. " Franz Bartelt évoque avec tendresse un écrivain qui n'aime pas parler, un alter ego silencieux qui préfère l'écriture pour régler ses comptes avec le passé. Franz Bartelt est un auteur prolifique et discret. Il a publié une quinzaine de romans ou recueils de nouvelles, la plupart chez Gallimard, qu'il écrit dans une petite ville des Ardennes.

    Première page :

    "Je devais parler. Je ne sais plus parler. Un jour, j'ai vu un homme se suicider. Ou j'ai cru voir. J'en suis resté sans voix. Il paraît que ce sont des choses qui arrivent.

    C'est parce que je devais parler que j'ai passé une semaine difficile. À cause de l'angoisse de parler.

    Je devais parler le dimanche suivant. À la radio. Peu importe de quoi. Je devais parler, c'est tout.

    Comment avais-je pu me laisser tomber dans ce piège ?

    Peut-être parce qu'il est plus simple de consentir. Il faut moins de mots pour un consentement que pour un refus. Refuser c'est parler. Je ne sais plus parler.

    Je ne sais plus parler, c'est une phrase que j'ai lue chez Arthur Rimbaud. Je ne me souviens pas très bien. Dans la Saison. Sans doute dans la Saison. Il y a beaucoup de formules vraies dans cette Saison. Je rechercherai.

    Pour refuser, il faut beaucoup de mots. S'il suffisait de dire non, ce serait simple."

    Ce que j'en pense :

    C'est un roman qui est une réflexion (légère) sur l'autobiographie, l'écriture et la fiction, le tout enveloppé de cet humour particulier que Bartelt réussit admirablement. C'est un livre à partager à voix haute.

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  • - Nouvelles

    Un tueur à Munich, Josef Kalteis - de Andréa Maria Schenkel
    traduction Stéphanie Lux - Actes Sud

    Présentation de l'éditeur :

    Munich, années 1930, Kathie, jeune provinciale venue tenter sa chance à la ville envisage de trouver une place de bonne, mais la fréquentation de citadines plus libres la fait rapidement changer d'avis. Elle voudrait tant vivre comme Mitzi, une amie entretenue par un fiancé lointain et " protégée " par un compagnon. L'atmosphère est aux cafés populaires, aux fêtes foraines et aux amourettes. Kathie adore la ville et apprend à utiliser le mensonge. La vie est belle, mais le danger rôde. Des yeux indiscrets sont rivés sur les jambes des jeunes filles à bicyclette. Comme dans La Ferme du crime, Andrea Maria Schenkel, en se basant sur un fait divers réel, développe son récit sous différents angles, raconte Kathie et ses espoirs comme elle donne la parole aux proches des jeunes femmes disparues ou retrouvées mortes ou à Josef Kalteis lui-même, accusé en 1939 du meurtre de plusieurs jeunes femmes à Munich et dans les environs, dans les réponses au juge lors de son procès. Et si on peut encore le croire, au début, lorsqu'il affirme ne s'en être pris qu'à une seule jeune fille mais qu'il n'aurait pas tuée, plus le récit avance, plus on découvre l'ampleur de sa folie meurtrière. Le lecteur attend alors avec effroi le moment où la jeune Kathie va croiser le chemin de Kalteis. Car Kathie n'était que sa première victime.

    Première page :

    "Note relative à l'issue du procès de Josef Kalteis. Classée secret d'Etat.

    Le condamné ne saurait être gracié. La sentence sera exécutée sans délai à la prison de Stadelheim. On évitera toute annonce publique.

    Motif : de nombreux crimes de ce genre ont été enregistrés depuis le début des années 1930. Ils n'ont pu proliférer que sur le sol putride de la république de Weimar. La démocratie est une tumeur, un foyer d'éléments asociaux. Mais que ces crimes soient toujours aussi présents depuis l'accession au pouvoir, maintenant nos honnêtes Volksgenossen dans l'inquiétude et l'insécurité, voilà qui est inacceptable. Le peuple allemand est sain et doit le rester. Il s'agit donc d'éliminer les éléments nocifs comme celui-ci. Il est intolérable que cet élément asocial ait pu sévir pendant des années dans l'Ouest de Munich et qu'il souille cette ville qui est le berceau du mouvement, et qui est si chère au cœur de notre Führer bien-aimé."

    Ce que j'en pense :

    Même construction que son précédent livre (La ferme du crime) mais beaucoup moins bien réussi en particulier dans la description d'un milieu et d'une époque (les années 30 en Allemagne). Les personnages manquent de consistance et le livre perd de son intérêt au fil des pages.

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  • - Nouvelles

    "J'aimerais revoir Callaghan" - Dominique Fabre
    Fayard

    Présentation de l'éditeur :

    Jimmy Callaghan, c'était mon pote anglais à l'internat. Il fumait des Benson, mettait les bouts en passant par un trou dans le grillage et allait parfois rendre visite à son père alcoolique dans la banlieue de Londres.
    Je l'ai revu vingt ans plus tard. Il avait une grosse valise. De retour d'Australie, il était bronzé et SDF. Trop fort ! On est redevenus un peu amis. Puis il est parti en me laissant sa valise.
    C'est moi qui la lui ai rapportée. Dix ans étaient passés. Calla était gérant d'un pub et avait une sale vieille tronche d'Anglais. C'était triste. Quoique. Il y a aussi des femmes, des enfants, des amours, des voyages, des fugues, des bitures et des galères immobilières. Une vie. J'ai même appris comment ne pas se faire voler à l'étranger !
    On a tous en nous quelque chose de Callaghan.

    Première page :

    "Ça me prend encore de temps en temps. Je ne peux pas dire que je sois obsédé par cette idée, n'empêche, je dois l'avoir en tête depuis de nombreuses années. J'aimerais revoir Callaghan. Il était bien anglais comme son nom l'indique. Il était en classe avec nous. Je pense parfois à ce nous qui a cessé de m'intéresser. Les années, les dizaines d'années m'en ont un peu détaché, de ce nous. Mais pas de Callaghan ou de quelques autres. C'est une sorte de mystère, pour moi. Et alors même que rien ne me le prouve, je suis presque certain qu'il se souvient aussi de nous, où que nous soyons. Ça aide un peu, à l'occasion. Se sentir si proche d'un inconnu permet de croire qu'on ne parle pas seulement à soi-même, à voix basse, et que l'on va bientôt mourir ; un jour en tout cas. Pas tout à fait lointain comme il aurait dit. Il avait besoin de beaucoup de choses, mais il n'avait pas besoin de les dire, la plupart du temps. J'ai souvent parlé de lui à des types qui l'ont connu, auraient pu le connaître. Je ne pensais pas à des types qui auraient pu vraiment le connaître, par son nom, son adresse et son occupation actuelles, je parle de types dont la vie est hasardeuse, ces types que l'on rencontre dans des endroits qui ressemblent à nulle part et n'ouvrent jamais avant sept heures le soir."

    Ce que j'en pense :
    Il m'a été difficile "d'entrer" dans ce livre : l'écriture ne "coule" pas, certaines phrases ont besoin d'être relues ... et puis en avançant dans la lecture je me suis senti "accroché" par cette recherche d'une relation d'enfance, par cette petite musique intérieure qui nous parle du vieillissement (parfois avec humour mais jamais avec pathos).


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